Chères lectrices, chers lecteurs,
Voici la captation de notre entretien avec Andreï Kourkov, auteur de Notre Guerre Quotidienne, soit la suite du journal tenu par l'écrivain depuis le début de l'agression russe en 2022, et paru en France aux éditions Noir sur Blanc (puis Libretto)
Discussion animée par Édouard Leroy.
Vous souhaitant de belles lectures,
L'écume
La Quatrième :
Notre guerre quotidienne est un texte exceptionnel : c’est la suite du Journal d’une invasion, la chronique de l’invasion russe tenue par l’écrivain ukrainien Andreï Kourkov. Entre août 2022 et février 2024, il raconte de l’intérieur le combat des Ukrainiens pour sauver leur pays.
Dix ans après l’annexion de la Crimée, deux ans après l’invasion de l’Ukraine, Kourkov montre les tentatives de la Russie, depuis plusieurs siècles déjà, pour détruire la culture ukrainienne, c’est-à-dire la culture d’un peuple résolument tourné vers l’Europe.
Qu’il parle du stress extrême des habitants face aux raids aériens, de la déportation des citoyens des régions occupées, de la corruption éhontée de certains membres du gouvernement ukrainien, du rôle de Zelensky, des crowdfundings pour soutenir l’armée ou des festivités de Halloween, Kourkov nous donne à voir le quotidien d’un peuple en guerre. Un quotidien parfois absurde, marqué par la résistance, la solidarité et une détermination sans faille.
Écrit sur un ton tour à tour mordant, tragique ou humoristique, toujours sincère, Notre guerre quotidienne nous permet de mieux comprendre les enjeux du conflit – mais aussi la manière dont il est vécu, au jour le jour, par la population.
#🇺🇦
Voici la captation de notre entretien avec Andreï Kourkov, auteur de Notre Guerre Quotidienne, soit la suite du journal tenu par l'écrivain depuis le début de l'agression russe en 2022, et paru en France aux éditions Noir sur Blanc (puis Libretto)
Discussion animée par Édouard Leroy.
Vous souhaitant de belles lectures,
L'écume
La Quatrième :
Notre guerre quotidienne est un texte exceptionnel : c’est la suite du Journal d’une invasion, la chronique de l’invasion russe tenue par l’écrivain ukrainien Andreï Kourkov. Entre août 2022 et février 2024, il raconte de l’intérieur le combat des Ukrainiens pour sauver leur pays.
Dix ans après l’annexion de la Crimée, deux ans après l’invasion de l’Ukraine, Kourkov montre les tentatives de la Russie, depuis plusieurs siècles déjà, pour détruire la culture ukrainienne, c’est-à-dire la culture d’un peuple résolument tourné vers l’Europe.
Qu’il parle du stress extrême des habitants face aux raids aériens, de la déportation des citoyens des régions occupées, de la corruption éhontée de certains membres du gouvernement ukrainien, du rôle de Zelensky, des crowdfundings pour soutenir l’armée ou des festivités de Halloween, Kourkov nous donne à voir le quotidien d’un peuple en guerre. Un quotidien parfois absurde, marqué par la résistance, la solidarité et une détermination sans faille.
Écrit sur un ton tour à tour mordant, tragique ou humoristique, toujours sincère, Notre guerre quotidienne nous permet de mieux comprendre les enjeux du conflit – mais aussi la manière dont il est vécu, au jour le jour, par la population.
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00:00Bonsoir à tous. Bonsoir. On va démarrer doucement pour laisser le temps aux retardataires d'arriver.
00:07Ce soir, André Courcov a fait le plaisir de venir parler de ses deux derniers livres. Pour les sujets
00:19qu'on va aborder, je demanderai à tous de faire preuve de civilité et au sujet de l'actualité de
00:25respecter les formes de savoir vivre les uns avec les autres qu'on puisse échanger de manière calme
00:32et posée. En tout cas, je suis très fier de vous avoir André Courcov ce soir. Merci mille fois. Je
00:41vais démarrer tranquillement avec une première question qui est celle-ci. Dans votre journal,
00:50vous commencez le 29 décembre 2021 et non pas le jour de l'agression russe. Qu'est-ce qui a motivé
00:58la décision de commencer à cette date? Bonsoir. D'abord, je dois dire que je ne pensais pas
01:05oublier le premier livre. Le deuxième, j'écris les journaux à partir de l'âge de 15 ans,
01:14parfois avec des arrêts, parfois chaque jour. Ça dépend des situations. En fait, la première
01:19fois, j'ai publié mon journal. C'est le journal de Maïdan 2014 et là, c'était une autre situation
01:30parce que avant, j'ai essayé à préparer un livre non fiction sur l'histoire et la réalité
01:37ukrainienne plutôt pour le public allemand, pour mon éditeur autrichien. C'était 2013 en automne
01:46et quand la fin de novembre, les protestations commençaient, j'ai compris que je ne pouvais plus
01:54écrire cette collection d'essais sur l'Ukraine. J'ai téléphoné à mon éditeur et je lui ai expliqué
02:05que je ne sais pas ce qui va passer maintenant. Après la révolution d'Orange, j'avais douté
02:10que c'était une autre vraie révolution parce qu'il y avait beaucoup d'intrigues dans l'administration
02:16du président Yanukovych et je pensais que c'était peut-être une manipulation. Mais en tout cas,
02:23j'ai dit que je vais écrire comme j'habite près de Maïdan, je vais y aller chaque jour,
02:31je vais parler aux gens, je vais suivre et écrire mon journal et après, on peut publier le journal
02:39et avec ça, les essais, les textes qui étaient écrits sur l'histoire d'Ukraine avant le Maïdan.
02:47Et comme ça, chaque nuit, j'ai envoyé le texte en russe où j'ai écrit les deux jours à mon
02:57traducteur à Berlin et après à mon traducteur aussi à Paris. Et à cause de ça, les premiers
03:04livres étaient parus en mai et juin 2014 sur les événements qui étaient vraiment très vivants
03:13encore. Et cette fois, on a resté encore un jour après le début de la guerre à grande échelle et
03:24l'heure 25, on est parti avec ma femme par voiture pour chercher nos enfants qui étaient pour des
03:30vacances courtes à Lviv, à l'ouest. Et bien sûr, c'est une histoire, je pense, évoquée dans le journal,
03:38mais quand nous étions dans le premier bouteillage, c'était un bouteillage court, seulement 10 kilomètres,
03:49mais on était arrêté le matin du 25 février 2022 sur la route vers Pologne, c'est la route de
04:04Gétomir, on dit, 7 kilomètres des bouches. Et on a entendu la canonnade, le feu, tout ça. Et c'était
04:15le moment quand j'ai reçu, dans le bouteillage, le premier coup de téléphone, d'abord des BBC,
04:22après des autres journalistes, et après c'était mon éditeur anglais, Christopher MacLehouse,
04:28qui a dit, tu écris déjà qu'est-ce qu'il passe. Je ne sais pas qu'est-ce qu'il passe, je comprends
04:37que c'est la vraie guerre qui a commencé, j'ai compris ça à 5 heures du matin le 24 février,
04:45après les premières trois explosions derrière le mètre à Kiev, mais je ne pouvais pas encore faire
04:53les commentaires, et bien sûr, tout le monde était choqué, presque paralysé, c'était impossible
04:59d'analyser la situation. Mais il a dit, tu dois écrire, on va faire le livre parce qu'il faut
05:08que le monde comprenne qu'est-ce qu'il passe. Et j'ai dit, oui, et le texte, en fait, je lui ai dit,
05:17je peux t'envoyer le texte du journal sur les événements, sur les discours publics et les
05:25situations à partir d'octobre 21, parce qu'à partir d'octobre, c'était chaque jour, la discussion
05:36publique, est-ce que la guerre va arriver ou non, et chaque soir, Zelensky a dit qu'il n'y aura pas
05:43la guerre, c'est blackmail, c'est le jeu de Poutine, c'est que nous avons peur, et tout ça,
05:51mais bien sûr, chaque jour était un peu différent, et la situation est devenue de plus en plus tendue,
06:00et bien sûr, c'était tout de suite après le Covid, c'est-à-dire que les gens pensaient encore
06:07à Covid, et Covid et la guerre, c'est pas quelque chose de compatible, mais en tout cas, l'éditeur a
06:19décidé d'utiliser dans le livre les textes que j'ai écrits à décembre 21, presque deux mois avant le début de la guerre, à grande échelle.
06:34Alors, tout de suite, vous relatez le conflit russo-ukrainien à partir de 2022, mais en vous lisant, je suis rapidement rendu compte
06:45qu'il prend ses racines dans un passé plus lointain, pourriez-vous nous retracer la chronologie du conflit depuis 2014 à peu près ?
06:56Oui, je dois d'abord évoquer que cette guerre a mené à trois niveaux, c'est-à-dire, en bas, c'est la guerre pour le territoire ukrainien,
07:08et le territoire ukrainien à la même taille que le territoire de France. C'est la guerre pour les ressources minéraux, et tout ça.
07:16Sur le deuxième niveau, c'est la guerre ancienne contre l'identité ukrainienne, contre la langue, contre la différence entre les Ukrainiens et les Russes,
07:28parce que c'est deux nations, deux mentalités différentes. La Russie avait toujours une monarchie, c'est les gens collectifs
07:36qui adorent le tsar, s'ils ne sont pas contents avec le tsar, ils le tuent et adorent le prochain.
07:43Mais c'est les gens avec qui c'est très facile à travailler pour le gouvernement, pour le tsar, pour le chef d'état,
07:53parce que c'est les gens habitués à un instrument ancien russe qui s'appelle le peur.
08:04C'est-à-dire que le peur est génétique là-bas, spécialement après Goulag, après l'époque de Staline.
08:11Et aujourd'hui, c'est le retour de Goulag, c'est le retour du peur. Il y a aussi à nouveau des monuments pour Staline,
08:21et c'est très intéressant parce que ce n'est pas l'état qui installe les monuments, c'est les monuments privés,
08:30plutôt placés par les communistes, par les partis communistes russes, avec l'autorisation du gouvernement local.
08:39Il y a beaucoup de choses très drôles, on peut écrire des livres surréalistes sur la Russie d'aujourd'hui, mais ce n'est pas mon goût.
08:48Mais l'Ukraine, bien sûr, il n'y avait jamais une démocratie en Russie.
08:59En Ukraine, quand l'Ukraine était un territoire libre au 17e siècle, c'était une autre situation,
09:08parce que les Ukrainiens n'avaient jamais une famille royale.
09:13Il s'est choisi l'eitmann, le chef du territoire, le chef d'armée, le mot vient du mot allemand Redman en anglais.
09:29Mais c'est quelqu'un qui a été choisi, qui a été élu, pas vraiment élu, mais c'était choisi par un grand groupe des Cosaques plus importants de l'aristocratie des Cosaques.
09:42Et l'Ukraine, au 17e siècle, le territoire sur les cartes était montré très souvent comme le territoire des royaumes polonais.
09:57Mais en fait, les Polonais étaient dans l'ouest et les Ukrainiens étaient toujours en guerre, en guerre contre les Polonais, contre les Russes,
10:07parfois avec des Tartars de la Crémé, mais parfois ils étaient trahis par les Tartars de la Crémé, comme à la bataille de Berestechko.
10:15Et, à un moment, l'Ukraine avait le service diplomatique, parce que dans les archives d'Istanbul, il y a beaucoup de correspondances entre les ottomans turcs et les ottomans ukrainiens.
10:30Aussi pour moi, cette société était en fait l'inverse de l'anarchisme, parce que les Ukrainiens étaient habitués qu'ils pouvaient changer la politique, la politique du territoire, de l'état des Cosaques.
10:47Ils pouvaient remplacer un Oetman avec un autre, il y avait toujours beaucoup de désintrigues, et cette mentalité est revenue à partir de 1991.
11:01Peut-être qu'il y a deux preuves que vraiment c'est une société historiquement anarchique, parce que l'armée anarchiste la plus grande du monde était organisée près de Poltava en 1918 par Nestor Makhno,
11:21et cette armée anarchiste, d'abord en 1918, soutenait l'indépendance d'Ukraine, après ils ont décidé de soutenir les bolchéviques, et après les anarchistes ukrainiens étaient tués, détruits par les bolchéviques.
11:38Et aujourd'hui, comme le résultat de la mentalité individualiste et un peu anarchique, il y a plus de 400 partis politiques enregistrés dans le ministère de la justice en Ukraine.
11:52C'est-à-dire que chaque Ukrainien qui veut entrer dans la politique, tout de suite essaie de créer un autre parti politique, parce qu'il n'aime pas les partis existants, et comme ça on accumule les partis politiques, et il y a des partis qui officiellement encore existent mais ne fonctionnent jamais.
12:20Ça me fait penser, quand vous parlez des partis politiques, c'est en vous lisant, on voit qu'en Ukraine il n'y a pas de parti extrême, c'est un des rares pays où il n'y a pas l'extrême gauche, l'extrême droite, en vous lisant j'avais pu voir...
12:36Il y a une partie par exemple qui, une fois, a gagné 100% des votes et travaillait quatre ans dans le parlement, c'est la partie Svoboda, la liberté, mais elle n'était pas élue la prochaine fois parce que ces gens étaient parfois corrompus, parfois pas raisonnables.
13:04Et les Ukrainiens ne votent pas pour les personnages extrêmes, les partis extrêmes, soit gauche, soit droite, c'est la majorité des gens qui préfèrent les partis où les politiciens ont dit qu'ils ne sont pas radicaux.
13:27Je vais revenir sur le côté plus littéraire, vous êtes romancier à la base, vous avez choisi la forme littéraire du journal pour partager votre vérité, quelles sont les forces du médium journal, la matière d'écrire un journal, est-ce une matière d'être le plus proche possible de la réalité ?
13:54Oui, le journal c'est une collection de détails, des détails vrais, des choses ordinaires qui sont ordinaires pour ce moment, parce qu'en fait j'adorais quand j'étais adolescent à lire les journaux des écrivains, des politiciens anciens, un de mes journaux préférés était le journal de Franz Kafka,
14:22par exemple, c'était très intéressant, j'ai compris sur l'époque de Franz Kafka beaucoup plus de son journal, de sa vie quotidienne d'écrit là-bas, que des livres non-fiction.
14:36Et pour moi je pense qu'on peut trouver des statistiques dans les journaux, dans les magasins d'époque, mais vraiment la vie est plus facile à comprendre si on trouve l'information sur la vie quotidienne.
14:56En fait, j'ai commencé avant la guerre à écrire une série de polars historiques sur les événements à Kiev en 2019, et j'étais poussé à écrire ce livre par un cadeau des archives des services secrets bolchéviques de Tchétchéka que j'ai reçues d'une fille d'un ancien collaborateur de KGB.
15:26Et j'ai lu les documents écrits à la main par les gens de Tignou, où ils expliquaient pourquoi ils ne sont pas coupables, parce qu'ils étaient chez eux, ils faisaient ça et tout ça, et c'est des petits détails qui montraient que la vie en 1919 à Kiev était complètement différente qu'aujourd'hui, et personne ne se souvient pas, ne sait pas, en fait, cette vie, il y avait beaucoup de choses pareilles.
15:55Par exemple, en 1919, normalement, il n'y avait pas d'électricité à Kiev. L'électricité était créée avec bois, c'est-à-dire, je ne suis pas un mécanique, quelqu'un qui comprend la physique, la science comme ça, mais en fait, le bois pour le four, il était volé régulièrement.
16:24Plus souvent que l'or, l'argent. Et la station d'électricité, quand il n'y avait pas de bois pour créer l'électricité, ne fonctionnait pas. Et à cause de ça, le tramway ne fonctionnait pas. Il y avait beaucoup de choses comme ça.
16:42Et tu lis ces documents, tu comprends que oui, c'est comme aujourd'hui, un peu différent des autres choses. Ce n'est pas la bois, ce n'est pas les vols de bois, c'est les drones russes, les missiles coréens, tout ça, mais oui.
17:01Dans le livre, vous dites beaucoup que vous utilisez la bougie et que maintenant, les Ukrainiens utilisent la bougie pour s'éclairer et plus l'électricité à cause des pannes.
17:12Ça, vous le dites souvent dans le texte. Entre les deux journaux, Notre Guerre quotidienne et Journal d'une Invasion, j'ai remarqué que vous changez de ton.
17:23Vous êtes plus incisif, mais également avec des notes d'humour, on en parlait avant, l'histoire de la barbe de Tolik.
17:31Vous changez de ton et vous mettez plus d'humour, j'ai trouvé dans le deuxième. Est-ce que c'était une manière de donner de l'espoir pour vous ?
17:39En fait, ce n'était pas pour vous, c'était pour moi. C'était pour moi parce que pendant les derniers dix ans, j'ai perdu sens d'humour deux fois.
17:51Et c'était très triste. J'avais peur que je tombe dans une dépression et ce n'est pas normal pour moi parce que je suis un optimiste pathologique.
18:04Mon optimisme, c'est comme une maladie, mais c'est une maladie sans conséquences.
18:10Et ça me donne la possibilité de regarder les choses avec une petite distance et ne pas être trop touché par les choses tragiques.
18:24Je suis touché. Il y avait des situations où je ne pouvais pas m'arrêter à pleurer. Au début de la guerre, à 5 heures du matin, le 24 février,
18:41j'étais paralysé, pas avec la peur, mais avec l'idée que je ne pouvais pas prévoir ce qu'il allait se passer maintenant. Et la vie aussi ma vie, la vie de ma famille, n'appartient pas à nous.
18:56C'est la guerre qui va décider ce qu'il va se passer avec le pays, les gens, les amis, les proches.
19:05Et quand j'ai compris que je pouvais sourire, c'était déjà peut-être deux semaines après le début de la guerre dans l'échelle, quand on se trouvait déjà sur la frontière avec Slovaquie, en Ukraine,
19:26au sud-ouest, avec une vieille dame que je n'ai jamais rencontrée, qui nous donnait les clés de son appartement. On s'est installé dans un petit appartement dans les meubles soviétiques avec une petite bibliothèque et même des livres qui sont jusqu'à aujourd'hui dans l'appartement de mes parents qui sont décédés.
19:51C'est la même génération. Et c'était triste, mais très agréable parce que les gens voulaient aider chacun. C'est-à-dire qu'il y avait beaucoup de problèmes, il n'y avait pas d'essence pour la voiture, il y avait d'autres choses, mais tout le monde était comme une famille.
20:14C'était une consolidation du peuple. La solidarité était totale. Et pour moi, j'étais complètement surpris parce que la société et les individualistes, par hasard, tout de suite, sont unis en ennemis par la situation.
20:44Et chacun ne pense pas sur ses problèmes parce qu'il regarde et il prend ses problèmes comme une partie des problèmes des gens autour de lui.
20:57Il y a des passages dans le livre comme ça où vous dites que des voisins emmènent en voiture pour ne pas laisser de place vide d'autres personnes. Il y a beaucoup de gestes comme ça, vous les racontez dans le livre.
21:11Pardon, je n'ai pas évoqué Tolik. C'est mon vieux voisin dans le village parce que nous avons une petite maison dans le village, 80 kilomètres de Kiev et on essaie de partager le temps parce que c'est plus facile de travailler dans le village.
21:30Autre chose maintenant, spécialement parce que dans les grandes villes, les Ukrainiens ne dorment jamais parce que chaque nuit, il y a 4, 5, 6 alertes. Il y a des explosions. Et chaque fois qu'on attend l'alerte, il faut voir la raison pour l'alerte.
21:50Si c'est les drones, les Shahens, comme on dit, on peut se cacher dans le couloir. Si c'est les missiles, il faut aller courir vers l'abri anti-terroriste. Si c'est encore quelque chose, il faut décider qu'est-ce qu'on fait.
22:11Et dans le village, c'est plus tranquille. Oui, il y a des drones, il y a des missiles, mais c'est toujours les missiles qui sont en route pour Kiev pour dormir, pour Khmelnytskyi. Et comme il n'y a pas d'alerte, on peut dormir.
22:32Comme ça, si je suis 3 jours à Kiev, je ne dors pas. Et après, je dors 4 nuits dans le village et je travaille. Et oui, Tolik, il a 78 ans. Au début de la guerre, il a dit qu'il n'allait pas couper sa barbe. Il n'avait pas la barbe au début, mais il a dit qu'il n'allait pas la couper.
23:00Avant la fin de la guerre. Oui, jusqu'à la victoire. Jusqu'à la victoire, oui. Et bien sûr, c'est 3 ans. Et à un moment, la barbe était un peu trop pour sa femme Nina. Et j'ai remarqué que chaque fois que je la vois, la barbe a une longueur différente.
23:24Et j'ai compris, en fait, que Nina m'a dit que quand il dorme, il coupe la barbe. Parce qu'il déteste.
23:35Alors, est-ce que vous pourriez nous parler de votre situation aujourd'hui? Allez-vous rentrer directement en Ukraine après votre voyage en France?
23:45Oui, en fait, j'ai quitté Kiev le 2 février pour aller en Inde. Mais comme il n'y a pas d'avion en Ukraine, chaque voyage à Paris ou à Berlin prend deux jours.
24:00Et pour Inde, pour Kerala, où j'étais rendu pour parler sur l'Ukraine, d'abord pendant un festival littéraire et après dans l'université d'autres villes. Oui, j'avais besoin de trois jours, presque trois jours.
24:20Parce que Kiev est 800 kilomètres de frontière avec Slovaquie et Hongrie et 600 kilomètres de la frontière avec la Pologne. C'est-à-dire qu'on apprend beaucoup à cause de la guerre et à cause des changements dans les voyages.
24:43C'est-à-dire que récemment, c'était pratiquement impossible d'acheter les billets pour aller à Pologne et prendre l'avion là-bas parce que Pologne a accepté 1,5 millions de réfugiés ukrainiens.
25:01Et c'est le trafic constant. Les réfugiés viennent chaque mois en Ukraine pour voir s'ils ont les maisons dans l'Ukraine centrale, l'Ukraine contrôlée par le gouvernement ukrainien. Ils vont pour prendre les choses, pour visiter les amis, tout ça.
25:27C'était la route bloquée pour nous. C'était impossible de voyager par Pologne. Au début de la guerre, j'ai traversé la frontière par voiture. Une fois, je suis allé par voiture jusqu'à Marseille.
25:45En été 2022, je fais 9000 kilomètres par voiture en Europe parce que c'était plus facile de voyager par voiture pour chercher les billets, les connexions, tout ça.
26:04Mais c'est déjà 2 ans que je voyage par tram à Slovaquie parce que ce n'est pas une route populaire. Il y a toujours des billets. Je prends le tram de nuit jusqu'à la frontière avec Slovaquie et Hongrie à Mukachevo.
26:25Après, je change pour un petit tram qui va à Kosice. C'est une petite jolie ville d'empire autrichien-hongrois, pas du tout connue, mais il y a un petit aéroport là-bas. Il y a chaque jour des vols pour Vienne et le vol pour Londres.
26:51Et comme ça, les deux dernières années, je voyage par Vienne. C'est-à-dire Kosice-Vienne-Paris, Kosice-Vienne-Rome, Kosice-Vienne-Abu Dhabi et après Asie.
27:04C'est impressionnant.
27:10Je vais retourner la semaine prochaine à Kiev. Je reste ici encore quelques jours et après deux jours, je fais deux événements en Pologne, en Cracovie et dès Cracovie, je vais voyager directement à Kiev.
27:26On peut aborder vos journaux sans évoquer l'actualité du moment. J'ai été marqué par l'expression de la présidente de la Commission européenne qui a dit de faire la paix par la force pour l'Ukraine.
27:42Quel est votre regard sur ce que devrait faire l'Europe dans ces événements ?
27:49Oui, je pense que l'Europe se trouve dans une situation si tragique. D'abord, c'était l'Ukraine qui pensait qu'elle était abandonnée par le monde, par l'Europe, au début de la guerre par l'Allemagne.
28:03Parce que Scholz ne voulait pas envoyer les hommes militaires. C'était encore l'Angleterre au début, mais l'Allemagne a envoyé à l'Ukraine au début de la guerre 5000 casquettes.
28:21C'était tout pour quelques mois.
28:26Mais bien sûr, ce que je trouvais incroyable, c'est qu'en fait, Vance et Trump se comportaient vers l'Europe récemment, comme Poutine avec l'Ukraine.
28:46Aujourd'hui, pour moi, c'est une tragédie que deux machos, Poutine et Trump, vont décider le destin, pas seulement de l'Ukraine, mais aussi de l'Europe, de l'OTAN, de l'ONU, des organisations internationales.
29:05Bien sûr, ça signifie que soit l'Union européenne va développer une stratégie commune et rester ensemble et devenir vraiment comme une équipe dans la politique extérieure.
29:23Soit l'UE va être démontée parce qu'il y a déjà des pays comme Hongrie et Slovaquie qui sont sous influence russe, qui travaillent pour détruire l'UE.
29:50Il y a des politiciens en Grèce qui rêvent de faire la même chose qu'Angleterre. Dans cette situation, ce n'est pas clair quelle force internationale va dominer ou ne va pas dominer du tout.
30:12Si l'Ukraine perd la guerre, c'est le changement de la géopolitique complètement. C'est-à-dire que le monde de la démocratie va accepter que la domination dans certaines parties du monde, ce sont les pays avec des régimes autoritaires qui vont dominer.
30:38C'est la force physique brute. Si c'est acceptable que les frontières d'Ukraine soient changées, ça va venir en Europe aussi.
30:51On compare beaucoup aux événements de 1938 dans la manière dont c'est coupé. Tu disais que Dominique, bizarrement, l'histoire se répète.
31:03Aujourd'hui, c'est la situation très pareille avec l'Ukraine. Les demandes de Trump dont aux États-Unis, les ressources minéraux, les métaux rares qui sont aussi dans l'espace souterrain, sous les territoires contrôlés par le gouvernement ukrainien,
31:28mais aussi sous les territoires occupés par les Russes. Et sous les territoires occupés par les Russes, il y a déjà 10 compagnies chinoises qui se préparent pour travailler avec ces métaux.
31:40C'est-à-dire que l'Ukraine se trouve comme sur la table des deux chirurgiens qui coupent les ressources.
31:54— C'est glaçant. Pour revenir sur un plan plus littéraire, quand j'ai lu vos journaux, j'ai pensé à deux écrivains qui sont d'expression russe mais d'origine ukrainienne,
32:07Vasily Grossman et Ilya Erenburg. Est-ce que vous pensez que vos journaux peuvent s'inscrire dans leur trace, dans leur héritage de manière de raconter des conflits ?
32:20— J'adorais Ilya Erenburg. J'ai toujours respect pour Vasily Grossman. J'ai lu beaucoup de ses livres et des journaux, mais je ne me souviens pas comment ces journaux ont été écrits.
32:36Peut-être que c'est sous l'influence des journaux que j'ai lus quand j'étais plus jeune.
32:46— J'ai relu un texte écrit par Grossman et Ilya Erenburg où ils racontent comment ont été les Allemands en Ukraine et en Europe de l'Est.
33:00Ces livres ont servi au procès de Nuremberg pour les accuser. Peut-être que vos livres vont servir pour un éventuel procès de l'État russe ?
33:15— Je ne pense pas que mes livres peuvent être utilisés comme ça. Mais il y a des livres non-fiction sur les crimes de la guerre commis par l'armée russe.
33:28La majorité des écrivains actifs en Ukraine, avant 1922, ont arrêté d'écrire la fiction. Tout le monde a commencé à écrire les articles, les essais, chercher l'information sur les crimes.
33:45En fait, je pense qu'aujourd'hui, c'est le premier jour de vendre le livre de mon collègue et ami Victoria Emelianen qui est éduquée par l'Amnesty International.
33:59C'est le livre sur la fin de la guerre. Le livre n'était jamais fini à cause de sa mort. Le livre est paru en français et en anglais.
34:11Mais en français, c'est aujourd'hui. Mais il y a des livres comme ça écrits par Alexandre Michet, par exemple. C'est le plus jeune écrivain ukrainien qui est aussi un soldat.
34:25Un autre soldat écrivain, Artyom Chapaï. Il y a au minimum une dizaine de bons livres avec des informations utiles pour le cour de Nuremberg, pour le tribunal de Nuremberg.
34:42Pour servir de vérité. Dans le livre, vous parlez aussi beaucoup de la désinformation, des fake news, de tout ça. En le lisant, je me suis dit que comme eux, ça pourrait servir pour dire la vérité ou une vérité.
35:03Mais pour rester dans la littérature, selon vous, aujourd'hui, que peuvent la littérature et la poésie dans cette période aussi troublée, du moins en Ukraine ou dans le reste de l'Europe ?
35:16La poésie a joué un rôle très important au début de la guerre. Il y avait des dizaines de poètes ukrainiens qui visitaient la frontière, les régions de la guerre pour réciter des poèmes pour les soldats.
35:33Et les poèmes, je me souviens parce que j'ai voyagé en 2015 avec Sergei Jadon, c'est le poète le plus connu d'Ukraine. Et on a pratiquement traversé la Donbass jusqu'à la frontière avec la Russie en organisant les débats, mais aussi les soirées de poésie pour les soldats.
35:58Et les soldats, vraiment, étaient si touchés parce que les poèmes, c'est comme une énergie courte. C'est très facile à réagir, à trouver quelque chose dans le poème qui est proche de ta vie.
36:20Et j'ai vu aussi beaucoup de vidéos des rencontres des poètes ukrainiens avec des soldats près de l'île de front, spécialement dans les premiers deux ans de la guerre, où les soldats étaient vraiment motivés et se sentaient beaucoup mieux après les rencontres avec la poésie.
36:44Pendant la guerre, on ne lit pas les romans. On n'écrit pas aussi les romans parce que pour écrire un roman, il faut avoir une possibilité de se concentrer, d'être détaché des réalités.
37:00Et les gens qui lisent, ils ne peuvent pas vraiment rester concentrés longtemps sur le livre parce que chacun veut voir ce qu'il passe. C'est-à-dire que chacun est dans le portable, dans l'Internet, en disant ce qu'il passe à Donbass, à Zaporizhzhia, sur les explosions, tout ça.
37:22Et moi, oui, je passe beaucoup de temps en lisant des nouvelles. Et c'est encore plus difficile à écrire un roman pendant la guerre qu'à lire un roman. Mais les poèmes, c'est plus facile à lire.
37:39Plus facile, je crois, peut-être pas plus facile, mais il y a suffisamment d'énergie émotionnelle chez le poète pour écrire beaucoup de poèmes. Parce qu'avec des événements, avec beaucoup de tragédies, des histoires, on trouve beaucoup de vraies histoires, beaucoup de temps pour les poèmes.
38:07Alors j'ai une dernière question avant de vous proposer à chacun d'entre vous de poser une question à André. Qu'est-ce que vous voudriez que votre témoignage à Paris laisse comme trace ?
38:21Non, je veux que les lecteurs français lisent plus sur l'histoire d'Ukraine ou les auteurs ukrainiens. Parce que, oui, l'Ukraine n'est plus connue encore que de la guerre, à nouveau.
38:39Il n'y a plus de gens qui s'intéressent à l'histoire ukrainienne pour comprendre la raison pour la guerre, les relations avec la Russie. Je n'ai pas évoqué en fait que la guerre culturelle de Russie contre l'Ukraine a commencé en 1720.
38:581720, c'est Pierre Le Grand qui a signé la première loi interdisant la publication des textes religieux en Ukraine. C'était 11 ans après la bataille de Poltava où l'armée de Pierre Le Grand a gagné la guerre contre l'armée ukrainienne d'Eichmann Mazepa et l'armée suédoise de Christian II.
39:27Et à partir de ça, c'était toujours soit l'Union soviétique soit l'Empire russe qui essayaient à écraser et passer la langue ukrainienne, la culture ukrainienne et ukraïne à fond.
39:40Catherine Le Grand a interdit l'éducation en langue ukrainienne dans les universités ukrainiennes, c'est-à-dire qu'il y avait plus de 40 lois qui limitaient ou interdisaient la vie culturelle ukrainienne.
39:57Et comme ça, aujourd'hui c'est à nouveau parce que sur le territoire occupé, il n'y a pas d'éducation en ukrainien. Les livres en ukrainien sont détruits, il y a des millions de livres ramenés de Russie.
40:10La littérature classique russe, on la trouve dans chaque bibliothèque sur le territoire occupé. C'est-à-dire que c'est la guerre culturelle et pour la Russie, oui, comme le chef d'Hermitage, professeur Petrovski, il a dit qu'il faut faire la même opération spéciale culturelle que l'opération militaire.
40:36En lisant votre livre, vous avez donné une liste quelque peu courte, mais en tout cas des ouvrages très importants sur l'histoire de l'Ukraine. Il y a Famine rouge, si je ne me trompe pas, il y a l'histoire de l'Ukraine et la Porte de l'Europe.
40:55Le Porte de l'Europe, c'est par Sérgey Blokhi. Mais il y a des livres magnifiques, non-fiction, qui racontent des histoires séparées. C'est comme Philippe Sainz, par exemple, Le retour à Limberg, c'est un de mes livres préférés sur deux avocats de Galicie ukrainienne.
41:16Un de ces gens a créé le terme génocide, Raphaël Lemkin, et l'autre a créé le terme juridique, les crimes contre l'humanité. C'est la vie en Ukraine entre la première et la deuxième guerre mondiale, pendant la deuxième guerre mondiale et après.
41:38C'est le destin de ces deux avocats qui se sont retrouvés en migration après la guerre. Il y a des livres par l'historien autrichien Martin Pollak, qui est décédé il y a quelques jours. Il a écrit des livres non-fiction magnifiques aussi sur l'Ukraine de l'ouest, des temps des royaumes autrichiens.
42:04Ce n'est pas un livre sur les chemins de fer des régions, mais un livre beaucoup plus important sur la vraie histoire des migrations des Galicies vers les Etats-Unis et le Canada. C'est un livre incroyable.
42:21En tout cas, les deux livres, Journal d'invasion et Notre guerre quotidienne, sont incroyables. Ils m'ont beaucoup remué. De vous entendre en parler aussi, c'est vraiment incroyable. J'imagine que pour les gens ici aussi, c'est pareil. Si jamais vous avez des questions, dans le public, c'est toujours la première, la plus difficile.
42:45Monsieur Groukoff, vous parlez un français formidable et j'ai vu que votre dernier livre était traduit de l'anglais en français. Est-ce que vous n'écrivez plus en russe? Qu'est-ce qui se passe?
43:01En fait, j'écris en trois langues. J'écris la fiction normalement en russe, non-fiction en russe, ukrainienne et anglais et les livres pour les enfants en ukrainien. Ma langue maternelle, c'est russe, bien sûr, mais être russophone en Ukraine ne signifie pas être prorusse ou être engagé dans la culture russe.
43:25Parce qu'avec la langue russe, la même histoire s'est passée comme avec la langue française, c'est-à-dire la francophonie et la russophonie. La Russie, Poutine, le Kremlin, essaient toujours d'utiliser ce phénomène de russophonie et avec succès parce qu'il y a beaucoup de russophones aux États-Unis et en Allemagne qui sont pro-Poutine, pro-Russe.
43:50En Ukraine, c'est un peu différent. Il y avait une vingtaine de personnes, des gens de Donbass qui étaient vraiment pro-russes. La majorité étaient indifférentes, mais les russophones d'Ukraine n'étaient jamais intéressés par la culture russe, c'est-à-dire les livres de littérature moderne russe n'étaient pas lus en Ukraine dans les dernières vingt ans.
44:13Peut-être sauf deux ou trois auteurs comme Boris Akounin ou... j'ai oublié un autre.
44:28Dans ma famille, l'anglais est parlé beaucoup. Ma femme est anglaise d'origine d'Écosse et d'Irlande. Les enfants parlent entre eux maintenant en anglais. Avant, ils parlaient entre eux en russe, mais après le début de la guerre, ils changeaient.
44:50Oui, c'est comme ça. C'est une situation spécifique linguistique chez nous. En plus, je suis né près de Leningrad. Je suis vécu à Kiev à l'époque quand Kiev était russophone. J'ai appris l'ukrainienne à l'âge de 14 ans.
45:09Après les études, j'ai travaillé dans la maison d'édition d'État. J'ai rédigé les traductions des romans étrangers en ukrainien. C'est-à-dire, j'ai écrit aussi comme adolescent, j'ai écrit de la poésie en russe, ukrainienne et anglais. J'ai arrêté à l'heure, à l'âge de 24 ans.
45:34Oui, c'est comme ça. Bien sûr, ma connaissance de la langue russe est beaucoup plus forte que des autres langues, parce que toutes les autres langues, j'ai appris pratiquement comme une langue étrangère.
45:50Et le français, alors ?
45:52Le français était la deuxième langue étrangère dans l'ensemble de langues étrangères où j'ai appris l'anglais. Mais c'était très mal enseigné. Je ne pouvais pas parler le français après les études. C'était seulement à partir de la parution du pangouan en France que j'ai été invité. Et j'ai commencé à pratiquer un peu la langue anglaise.
46:13Bravo.
46:15Merci.
46:17Oui ?
46:22J'aimerais savoir votre opinion sur la figure historique de Stéphane Bandera.
46:30Stéphane Bandera, le citoyen de Pologne, le terroriste polonais très connu, qui rêvait d'une Ukraine indépendante, c'est vrai, parce qu'une partie des territoires ethniques ukrainiens étaient pour longtemps, pour beaucoup des années, les territoires polonais.
46:53Oui. Il a organisé beaucoup d'actions terroristes contre l'État polonais. Il a envoyé les étudiants à tuer le ministre des polices, tout ça. Il est devenu un héros en combattant pour l'indépendance d'Ukraine, pour une partie des populations ukrainiennes, pour une partie très active.
47:19Il y a des débats entre deux groupes d'historiens ukrainiens qui détestent l'un l'autre.
47:30Ils détestent l'un l'autre.
47:32Oui. C'est des historiens patriotiques et des historiens objectifs. Et c'est l'Ukraine.
47:41Pour moi, personnellement, il n'est pas un héros. Il y avait d'autres personnages qui sont oubliés, qui sont plus propres que les héros d'État.
47:53Parce que, bien sûr, la personnalité d'Eppenderre fait beaucoup de problèmes dans les relations ukrainiennes-polonaises. Vous comprenez ça, bien sûr.
48:05Spécialement si on parle des événements à Volyn en 1943, quand les Ukrainiens tuaient les Polonais, les paysans polonais, les Polonais tuaient les Ukrainiens.
48:17Jusqu'à aujourd'hui, cette histoire n'est pas vraiment finie à être utilisée dans la politique.
48:28Pensez-vous que le régime actuel, avec sa promotion de figure d'Eppenderre, va se virer vers...
48:38Ce n'est pas le régime actuel qui fait la promotion d'Eppenderre.
48:44Le régime, il n'y a pas de régime, c'est le gouvernement ukrainien, les politiciens ukrainiens ont peur des thèmes...
48:52...polémiques. Et à cause de ça, il y a beaucoup de choses où le gouvernement ne commente pas, ne fait pas des commentaires.
49:07Il y a des partis politiques qui font la promotion d'Eppenderre, il y a des enthousiastes.
49:17Oui, pour les nationalistes ukrainiens, c'est un héros.
49:22Mais bien sûr, il faut aussi comprendre que c'était les idéologues soviétiques qui créaient l'image d'Eppenderre comme l'ennemi numéro un de l'Union soviétique.
49:35Et c'était accepté comme la vérité par les Ukrainiens qui détestaient l'Union soviétique.
49:42Et comme ça, il est devenu le symbole.
49:45Il y avait un autre personnage pour moi beaucoup plus intéressant, Roman Shukhevich, c'était un vrai combattant.
49:52C'était quelqu'un qui dirigeait la guerre de partisans en Ukraine de l'Ouest contre l'armée soviétique après la guerre de la deuxième guerre mondiale.
50:04La guerre de partisans nationalistes durait jusqu'à 1961, quand j'étais né.
50:12Et c'était le combattant vrai qui, vraiment, il n'y avait pas d'espoir de changer la situation.
50:22Bien sûr, il y avait mille et mille des gens déportés de près de l'Ouest.
50:30Il y avait 40 000 des combattants nationalistes qui étaient soit tués, soit envoyés pour 25 ans en Sibérie.
50:41C'est une histoire beaucoup plus riche que l'image d'Eppenderre.
50:48Parce qu'il y avait un mouvement de groupes différents contre l'Union soviétique en Ukraine.
50:56Il y avait des petits groupes aussi à Donbass, des nationalistes ukrainiens à Donbass, à Zaporizhzhia, partout.
51:03Et cette histoire, complètement, n'est pas encore créée, parce qu'il y a des mémoires des participants.
51:11Mais les gens ukrainiens d'aujourd'hui ne s'intéressent pas dans les recherches historiques sur ce sujet.
51:25On va voir, parce que parfois, il suffit d'avoir une petite histoire,
51:33de faire une grande histoire par les médias ou par les réseaux sociaux.
51:39Et tout de suite, on a l'intérêt, on fait des films documentaires.
51:45Pour répondre à monsieur, dans les ouvrages que monsieur Gorkov a cités,
51:50il y a une réponse à notre question sur les figures qui sont réutilisées.
51:54Et ils mettent, le gouvernement, beaucoup plus l'accent sur Taras Shevchenko
51:58ou ce genre d'éléments fédérateurs, plus que d'éléments polémiques qui divisent justement les Ukrainiens.
52:05Et quand vous lisez les histoires de l'Ukraine ou ce que cite monsieur André Gorkov,
52:10vous aurez beaucoup d'éléments de réponse sur le sujet.
52:13Mais aussi, les Ukrainiens sont divisés par l'individualisme des Ukrainiens.
52:18Ils adorent, comment on dit, pas les bagarres, mais les discussions, avec beaucoup d'émotions.
52:26Est-ce qu'il y a d'autres questions ?
52:31Aujourd'hui, est-ce que le président ukrainien est soutenu par le peuple véritablement ?
52:41Parce que nous, ce qu'on entend en Occident, évidemment, c'est par le biais de journalistes ou de chroniqueurs,
52:50soit qui sont ici et qui ont entendu parler, ou soit qui ont des idées très arrêtées.
53:02Donc, sur le terrain, est-ce qu'il y a une presse, par exemple, qui commente des affaires ou des choses ?
53:13Est-ce que le régime politique et le peuple ukrainien se rangent vraiment derrière ?
53:23Aujourd'hui, c'est 50% des gens qui soutiennent Zelensky. C'est pas 75, 73, c'est 50%, c'est beaucoup.
53:32Et on a fait des sondages en cas des élections.
53:39C'est-à-dire qu'il y a une personnalité qui peut gagner contre Zelensky, mais qui n'a pas d'ambition politique.
53:48C'est le général Zalouzhny qui était le chef d'armée au début de la guerre, qui a libéré la région de Kharkiv en 1922.
53:56Aujourd'hui, il est l'ambassadeur d'Ukraine en Grande-Bretagne, au Royaume-Uni.
54:04Tous les autres, le président, avant Zelensky, Poroshenko, il peut recevoir 20% peut-être.
54:18Pendant les élections de 2019, Poroshenko a reçu 25% et Zelensky a reçu 73,7%.
54:34Et Poroshenko reste, comme le chef d'opposition, quelqu'un qui ne peut pas gagner les élections, mais qui peut recevoir plus que les autres.
54:47Les autres, il y a encore 3, 4 candidats potentiels qui peuvent recevoir entre 3 et 100%.
55:03Quelles sont les reproches principaux qui peuvent être formulés par les intellectuels vis-à-vis de la manière dont la guerre est conduite ?
55:15Est-ce qu'il y a des... On se demande comment il aurait pu faire mieux, si vous voulez, mais vu l'Ukraine...
55:23Je ne sais pas, parmi les intellectuels ukrainiens, les spécialistes militaires.
55:32Et je suis très content qu'il n'y ait pas de conseils des côtés des intellectuels, des écrivains, des artistes, au généraux Zelensky comment c'est mieux à faire cette guerre.
55:50Il y a des spécialistes, des généraux qui participaient dans la guerre, qui étaient immobilisés, qui étaient détenus, qui font la critique de Zelensky ou expliquent pourquoi il y a des opérations qui sont mal menées.
56:14Parfois, j'essaie de comprendre les interviews comme ça, c'est difficile pour moi parce que je n'ai pas d'expérience militaire. Je fais mon service militaire comme gardien de la prison à Odessa, c'est une chose complètement différente.
56:35En tout cas, j'aimerais qu'on remercie tous Andrei Kourkov d'être venu ce soir et d'avoir pu parler. C'était pour moi, et j'imagine pour vous, un moment assez important. J'aimerais qu'on l'applaudisse, s'il vous plaît.
56:49S'il vous plaît, lisez la littérature ukrainienne. En ukrainien ou en français, il y a pas mal de livres, aussi des livres édités par Noa Shulgank.
57:07C'est les romans de Yuri Androuhovitch, un petit roman en fait de Sophie Androuhovitch qui a écrit sur la vie dans l'empire autrichien anglois. C'est un thème très populaire en Ukraine.
57:26Si vous voulez, on va installer une dame pour qu'Andrei Kourkov puisse signer vos livres. Les livres sont à la caisse. Merci à tous.