Code de procédure pénale
Article 706-113 dans sa rédaction résultant de la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021
Article 706-150
Lien vers la décision :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2024/20241100QPC.htm
Article 706-113 dans sa rédaction résultant de la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021
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00:00Passons maintenant à la seconde question qui porte le numéro 2024-1100.
00:09Elle est relative à certaines dispositions de l'article 706-113 du code de procédure pénale et à l'article 706-150 du même code.
00:21Mme Lagriffière.
00:23Je remercie M. le Président.
00:25Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 mai 2024 par un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation.
00:32Une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Christophe Assou, portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des 4e et 5e alinéas de l'article 706-113 du code de procédure pénale et de l'article 706-150 du même code.
00:49Cette question relative à l'absence d'obligation légale d'aviser le curateur ou le tuteur d'un majeur protégé en cas de saisie spéciale immobilière
00:57a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le numéro 2024-1100 QPC.
01:04La société Boré, Salvé, de Brunetton et Maigret a produit des observations dans l'intérêt de la partie requérante le 24 juin 2024.
01:12Le Premier ministre a produit des observations le 10 juin 2024.
01:16Nous aurons entendu aujourd'hui l'avocat de la partie requérante et le représentant du Premier ministre.
01:20Merci Madame. Alors nous allons écouter d'abord Maître Maigret, qui est avocat au Conseil, qui représente M. Assou, partie requérante. Maître.
01:34Merci M. le Président. M. le Président, Mesdames, Messieurs les Conseillers, je serai bref.
01:39Car à chaque fois que vous avez eu à connaître de dispositions qui portaient atteinte aux droits de la défense d'un majeur protégé, c'est en faveur de ce dernier que vous avez tranché.
01:49Je me bornerai simplement à rappeler brièvement que vous avez ainsi jugé qu'étaient inconstitutionnelles les dispositions qui ne prévoyaient pas que le tuteur ou le curateur d'un majeur protégé soit informé de la garde à vue de ce dernier.
02:02Vous avez encore censuré l'absence d'obligation légale d'aviser le tuteur ou le curateur du majeur protégé d'une perquisition qui était menée à son domicile dans le cadre d'une enquête préliminaire.
02:15Très récemment, vous avez encore de nouveau marqué votre attachement à la protection du majeur vulnérable en censurant les dispositions relatives au déferment ne prévoyant pas, toujours pas, une obligation légale d'information du tuteur ou du curateur du majeur protégé.
02:32Comme vous l'avez retenu dans chacune de ces décisions, le majeur protégé peut être, je vous cite, dans l'incapacité d'exercer ses droits, faute de discernement suffisant ou de possibilité d'exprimer sa volonté en raison de l'altération de ses facultés mentales ou corporelles.
02:50Il est alors susceptible d'opérer des choix qui sont contraires à ses intérêts.
02:55L'information du tuteur ou du curateur est donc, selon votre jurisprudence, une composante des droits de la défense de ce dernier, qui doit être accompagnée tant lorsqu'il s'agit d'apprécier l'opportunité de l'exercice d'une voie de droit, de l'exercice d'un recours, que dans l'exercice même de ce droit.
03:17Votre jurisprudence rejoint en réalité celle de la Cour européenne des droits de l'homme puisque, vous le savez, en 2001, la France a été condamnée pour violation du droit à un procès équitable dans une procédure pénale qui visait un majeur protégé sans que son curateur ait été informé de cette procédure.
03:35Je ne vois donc pas, dans ces conditions, comment les dispositions contestées pourraient être échappées à l'abrogation. Car en dépit des censures successives que je viens d'évoquer, l'arsenal législatif n'est toujours pas parfait, il est toujours incomplet.
03:51Les dispositions qui sont aujourd'hui déférées à votre censure ne prévoient pas la notification au tuteur ou au curateur du majeur protégé de la mesure de saisie pénale immobilière dont il fait l'objet.
04:04Aucune disposition ne prévoit non plus que le curateur ou le tuteur soit informé de la date d'audience devant la chambre de l'instruction, devant laquelle, pourtant, va s'ouvrir le débat contradictoire.
04:17Il y a ici, comme vous l'avez jugé en matière de déferrement, comme vous l'avez jugé en matière de garde à vue, comme vous l'avez jugé en matière de perquisition, une atteinte aux droits de la défense du majeur vulnérable.
04:31Et M. le Premier ministre, dans ses observations écrites, peine à nous convaincre du contraire.
04:39Il n'y a, nous dit-il, pas d'atteinte aux droits de la défense en l'absence de notification au curateur ou au majeur, car dans une telle hypothèse, le délai de recours ne courrait pas de sorte qu'il pourrait encore être exercé.
04:54Alors, outre que la Cour de cassation n'a jamais, en matière de saisie pénale, consacré une telle solution, faute précisément d'obligation légale de notification, on ne voit pas très bien en quoi cela purgerait d'une quelconque façon le vice d'inconstitutionnalité.
05:12L'atteinte aux droits de la défense est caractérisée dès lors que le texte conduit le majeur protégé à former un recours sans l'assistance de son tuteur ou de son curateur.
05:23Et c'est exactement ce qui s'est produit dans la présente affaire.
05:27C'est seul que M. Assou, que je représente, a apprécié l'opportunité de faire appel de l'ordonnance de saisie pénale.
05:35C'est encore sans l'assistance de son curateur qu'il s'est présenté devant la Chambre de l'instruction. L'atteinte aux droits de la défense est caractérisée.
05:43Alors M. le Premier ministre, sans doute conscient des limites de ce premier moyen de défense, prétend alors sauver le texte d'une censure en appelant la Chambre criminelle à redresser le texte de son inconstitutionnalité et à juger que la notification de l'ordonnance de saisie pénale devrait s'imposer.
06:04Le gouvernement confirme ainsi, si cela a été besoin, l'inconstitutionnalité du texte puisqu'il conviendrait de la redresser.
06:11Pour le reste, je ne crois pas utile d'insister sur votre jurisprudence, bien établie, selon laquelle le redressement juriscrédentiel d'un texte pour en rendre l'application conforme aux droits fondamentaux, notamment au regard de la Convention européenne des droits de l'homme, n'est pas de nature à écarter le grief d'inconstitutionnalité.
06:31Il vous revient donc de purger, vous-même, l'inconstitutionnalité dont le texte est entaché et il n'y a, dans ces conditions, je l'ai dit, aucune raison de priver le majeur vulnérable de l'assistance de son curateur car, une fois encore, et c'est là l'essentiel, cette assistance est une composante de ses droits de la défense, c'est une composante des droits de la défense du majeur vulnérable.
06:56Vous l'aurez compris, à mon sens, dans ces conditions, l'inconstitutionnalité n'est pas sérieusement contestable.
07:01Mais, au risque de vous surprendre, le sujet, l'enjeu du sujet, à mon avis, est ailleurs aujourd'hui, plus que d'inconstitutionnalité, c'est d'effectivité des droits fondamentaux garantis par notre Constitution dont il est aujourd'hui question.
07:17Car l'état de droit dont on entend beaucoup parler aujourd'hui ne peut pas demeurer un concept pour nos concitoyens, il doit être tangible, il doit être concret.
07:33Or, si vous vous bornez, comme vous avez pu le faire par le passé dans des hypothèses un peu similaires, à différer l'abrogation du texte litigieux, alors vous protégerez un état de droit désincarné.
07:47Car le majeur protégé que je représente, je l'ai dit, n'a pas été assisté par son curateur devant la chambre de l'instruction.
07:54Il doit donc pouvoir, dans le cadre du pourvoi en cassation qu'il a formé, et à l'occasion duquel il a pu soulever cette question prioritaire de constitutionnalité,
08:04il doit pouvoir, dans le cadre de ce pourvoi, obtenir l'annulation de cet arrêt de la chambre de l'instruction par voie de conséquence de l'abrogation immédiate que vous prononcerez.
08:15Sinon, ces droits de la défense seront certes réaffirmés, mais à aucun moment ils n'auront été protégés.
08:23Et contrairement à ce que prétend le Premier ministre, une telle abrogation n'emporterait, s'agissant de la question qui nous occupe aujourd'hui, aucune conséquence excessive.
08:35Si le gouvernement ne fournit aucun élément sur l'incidence d'une abrogation immédiate sur les procédures pénales qui sont actuellement en cours,
08:45elle sera, s'agissant de la question qui nous occupe, marginale.
08:50Rappelons que la saisie pénale est purement conservatoire, et surtout que l'appel formé devant la chambre de l'instruction n'a aucun effet suspensif.
09:00Alors que craindre, dans ces conditions, de quelques annulations qui seraient prononcées par la Cour de cassation avec renvoi,
09:09et qui autoriseraient les chambres de l'instruction saisies sur renvoi tout simplement à notifier au curateur ou au tuteur une date d'audience ?
09:18A mon sens, une abrogation immédiate ne menacerait en rien la politique pénale du gouvernement,
09:24et elle est techniquement possible sans porter atteinte à l'équilibre législatif actuel.
09:30Vous pourriez parfaitement abroger les dispositions litigieuses uniquement en ce qu'elles ne prévoient pas
09:37que le magistrat qui ordonne la saisie pénale immobilière d'un bien en avise son tuteur ou son curateur,
09:43ni en ce qu'elles ne prévoient pas davantage qu'il soit informé de la date d'audience devant la chambre de l'instruction.
09:50Tout cela est techniquement faisable et concevable.
09:54En toute hypothèse, rien, absolument rien, ne pourrait justifier d'exclure M. Assou, que je représente, du bénéfice de l'inconstitutionnalité.
10:05Sinon, la protection accordée par la question prioritaire de constitutionnalité deviendrait ineffective.
10:11Je vous invite donc, quel que soit l'effet que votre décision doit produire à l'égard des tiers,
10:17à consacrer un effet utile de cette question prioritaire de constitutionnalité,
10:21et donc je vous invite à juger que M. Assou pourra en toute hypothèse se prévaloir de la déclaration d'inconstitutionnalité
10:29à l'appui du pourvoi qu'il a régulièrement formé contre l'arrêt de la chambre de l'instruction
10:34et qui est actuellement pendant devant la cour de cassation.
10:37Merci Maître. Alors, pour le Premier Ministre, M. Canguilhem.
10:43Merci M. le Président. Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
10:46vous avez effectivement de nouveau à connaître de la question de l'information du tuteur ou du curateur des mesures judiciaires le concernant.
10:54Et pour le respect des exigences de l'article 16 de la déclaration de 1789,
10:59votre jurisprudence impose que le tuteur ou le curateur soit mis en mesure d'assister effectivement le majeur protégé au cours de la procédure pénale.
11:09Au prix d'une jurisprudence qui a été déjà rappelée, vous avez censuré les dispositions du code de procédure pénale
11:14qui ne prévoyaient pas l'information du tuteur en matière de garde à vue, en matière de perquisition ou plus récemment encore en matière de déferlement.
11:24La question que vous vous êtes aujourd'hui saisie porte sur l'abstention du législateur à prévoir que le magistrat qui ordonne la saisie pénale immobilière
11:33sur le fondement de l'article 706-150 du code de procédure pénale d'un bien appartenant à un majeur protégé
11:39ait l'obligation d'aviser son tuteur ou son curateur de cette mesure ni qu'il soit informé de la date d'audience.
11:47La question prioritaire de constitutionnalité ne porte donc que sur les quatrièmes et cinquièmes alinéas de l'article 706-113 du code de procédure pénale.
11:56Quatrième alinéa qui dispose que le procureur de la République ou le juge d'instruction avise le curateur ou le tuteur des décisions de non-lieu de relax,
12:03d'acquittement, d'irresponsabilité pénale ou de condamnation dont la personne fait l'objet.
12:07Cinquième alinéa qui dispose que le curateur ou le tuteur est avisé de la date d'audience.
12:12Lorsqu'il est présent à l'audience, il est entendu par la juridiction en qualité de témoin.
12:16Votre jurispréhence précédemment évoquée en matière d'information du tuteur ou du curateur
12:22est fondée sur le fait que l'absence de l'information mettrait le majeur protégé dans l'incapacité d'exercer ses droits.
12:29Or, en l'espèce, la jurisprudence constante de la Cour de cassation permet au majeur protégé
12:35de toujours être en position de pouvoir exercer ses droits alors même qu'effectivement,
12:40la loi n'a pas expressément prévu l'obligation de notifier l'ordonnance de saisie pénale immobilière
12:46au tuteur ou au curateur du majeur protégé.
12:50En premier lieu, et contrairement à ce qui est soutenu, l'absence de notification au tuteur ou au curateur
12:57n'a pas pour conséquence de priver le majeur protégé de la possibilité d'exercer son droit d'appel contre la mesure de saisie.
13:04En effet, la Cour de cassation juge de manière constante que les délais de recours
13:10permettant à la personne majeure protégée de contester une décision ou un acte de procédure
13:16ne courent qu'à compter du moment où le tuteur ou le curateur en a été informé.
13:21En conséquence, le délai pour contester la décision de saisie pénale immobilière
13:25ne court qu'à compter de l'information effective du tuteur ou du curateur de l'existence de cette décision.
13:30L'absence de notification peut certes empêcher l'exercice immédiat de ce droit au recours,
13:39mais n'a pas pour effet de priver définitivement la personne concernée de ce droit.
13:45En second lieu, la Cour de cassation interprète les dispositions du dernier alinéa de l'article 706-113 du Code de procédure pénale,
13:54donc sur la notification de la date d'audience, comme imposant d'aviser le tuteur ou le curateur
13:58de toute date d'audience concernant le majeur protégé.
14:03Elle a ainsi eu l'occasion de juger en matière d'une espèce certes différente de la saisie pénale immobilière,
14:09nous ne le compterons pas.
14:11Elle a jugé en matière de contentieux de la détention provisoire devant la chambre de l'instruction
14:15que le tuteur ou le curateur doit être avisé de la date de toute audience concernant la personne protégée,
14:21donc au-delà de la seule lettre du dernier alinéa de l'article 706-113.
14:26Et de ce fait, cette jurisprudence nous paraît parfaitement transposable à tout contentieux porté devant la chambre de l'instruction.
14:35Donc au vu de cette interprétation juridique constante, les quatrièmes et cinquièmes alinéas de l'article 706-113 du Code de procédure pénale
14:43garantissent la notification au tuteur ou au curateur du majeur protégé d'une audience le concernant.
14:50Dès lors que le tuteur ou le curateur sera nécessairement informé de la tenue d'une audience,
14:55la personne majeure protégée qui aura contesté l'ordonnance de saisie immobilière,
15:00même si elle l'a contestée seule, comme c'est le cas effectivement en l'espèce,
15:05et sans, au moment où l'appel est exercé, que le tuteur ait été informé,
15:10si le tuteur ou le curateur est informé de la date d'audience,
15:12à l'audience, il pourra être au soutien du majeur protégé,
15:17qui ne sera donc pas en situation de ne pas pouvoir exercer ses droits de la défense.
15:23En ce qui concerne les effets d'une éventuelle déclaration d'inconstitutionnalité,
15:30il vous serait demandé, si vous deviez déclarer les dispositions contestées contraires à la Constitution,
15:35il vous serait demandé de reporter les effets de votre décision.
15:38Dès lors que, contrairement à ce qui vient d'être démontré,
15:42une abrogation immédiate de ces dispositions entraînerait des conséquences manifestement excessives.
15:47Nous vous avons rappelé la lettre des 4e et 5e alinéas de l'article 706-113 du Code de procédure pénale.
15:53Ces dispositions constituent des garanties pour les majeurs protégés,
15:58dans un certain nombre de cas que nous avons cités,
16:01d'information du tuteur ou du curateur,
16:04et de l'information d'une date d'audience en ce qui concerne le dernier alinéa.
16:08Donc une abrogation immédiate aurait pour effet de supprimer toutes ces obligations légales
16:15de notification au tuteur ou au curateur prévues par les 4e et 5e alinéas de l'article 706-113 du Code de procédure pénale,
16:23et porterait donc une atteinte manifestement excessive et extrêmement forte aux droits des majeurs protégés.
16:30Il y aurait ainsi lieu, s'il était décidé une censure des dispositions contestées,
16:34de reporter leur abrogation et d'accorder au législateur un délai qui lui soit suffisant
16:39pour permettre de remédier à l'inconstitutionnalité constatée.
16:43Merci M. Canguière.
16:46Alors, nous avons entendu deux points de vue opposés.
16:50Est-ce que les membres du Conseil sont éclairés qu'ils le sont ?
16:55Oui, tant mieux.
16:56Donc nous allons réfléchir à tout cela et rendrons notre décision, comme pour l'autre QPC, le 10 juillet prochain.
17:07Vous pouvez en prendre connaissance en vous connectant sur notre site internet.
17:12L'audience est levée. Bonne journée à toutes et à tous.
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