Candidats qui désertent, turn-over qui augmente… Le secteur public peine à attirer alors que la digitalisation augmente ses besoins humains. Mais la bataille n’est pas perdue selon une récente étude de l’EM Normandie, qui met en lumière quelques leviers pour réenchanter la fonction publique.
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00:12Bien dans son job pour parler de la crise d'attractivité dans le secteur public, sujet dont on a souvent parlé sur ce plateau en invitant notamment des collectivités publiques qui cherchaient des outils innovants pour recruter.
00:23Jean Pralon, merci d'avoir répondu à notre invitation. Psychologue, professeur RH à l'EM Normandie. Je le disais dans le lancement, vous-même surpris par le travail d'étude que vous avez mené sur la crise d'attractivité et sur le pourquoi ou pas d'ailleurs on pousse la porte du service public.
00:39Ce qui ressort c'est qu'avant on rentrait dans le service public pour une carrière entière, on était j'allais dire protégé. C'est plus le cas aujourd'hui.
00:45Alors on a découvert un peu par hasard en commençant l'étude que un tiers des agents du public étaient en fait des contractuels. Donc on a l'image du fonctionnaire avec un deal qui est emploi-vie pour simplifier, salaire un peu modeste mais des conditions de travail qui sont relativement homogènes.
01:02Donc il y avait un deal un peu historique qui est le fonctionnaire pas très bien payé mais avec en échange une forme de sécurité de l'emploi.
01:08Là vous dites dans l'étude c'est des contractuels. En fait ils sont considérés comme des emplois privés dans le public.
01:12C'est exactement ça. Sans qu'on s'en rende compte telle collectivité, telle agence a ouvert la porte à des contrats de droits privés.
01:19Donc c'est mise sans s'en rendre compte à concurrencer le privé sur des terres qui ne sont pas les siennes.
01:24Donc ça devient compliqué en effet d'intéresser des gens quand le deal n'est plus équitable et c'est ça qu'on voulait comprendre.
01:30Qu'est-ce qui attire des candidats dans la fonction publique ? Sur quels critères on peut jouer ? Sur quels leviers on peut jouer ?
01:36Et encore, pour le dire plus radicalement, qu'est-ce que la fonction publique a encore de particulier à raconter à des candidats aujourd'hui ?
01:42Que cherchent les candidats du service public ? Ce sont quelques chiffres extraits de votre étude.
01:4645,56 c'est l'équilibre vie pro-vie perso. 22,45-22,50 le contenu du travail et la mission.
01:54A 18% l'ambiance de travail. 4,73% la stabilité de l'emploi qui corrobore ce que vous nous dites.
02:00Et 3,55% les valeurs du service public. Alors on parlait des hussards noirs de la République, vous vous rappelez, sous la Troisième République.
02:083,55% le service public, ça ne les intéresse pas vraiment en fait.
02:12Alors je crois qu'à force de dire sur ce point-là, à force de dire que le service public a un peu vieilli, qu'il est un peu mort, qu'il s'est un peu délité,
02:20ça finit par alimenter cette idée-là auprès des candidats.
02:23Donc ça veut dire qu'un candidat va se dire que le service public ayant un peu disparu, c'est pas ça qu'on va aller chercher dans la fonction publique.
02:30Alors si je vais un peu plus loin dans l'étude, vous nous dites qu'ils sont frontalement en concurrence avec le privé qui a de meilleures offres à faire que dans le public,
02:38ça veut dire en creux que le public doit repenser son offre.
02:41Alors là il y a un vrai sujet, c'est d'introduire dans la fonction publique une RH un peu innovante, un peu innovante et un peu ambitieuse.
02:50Vous êtes très poli en disant ça, un peu innovante.
02:54C'est pas facile de faire de la RH dans la fonction publique parce qu'il y a des systèmes de règles, il y a des statuts différents, il y a les fonctionnaires,
03:01il y a les agents publics, il y a plein d'agents publics différents et puis il y a des systèmes un peu complexes.
03:05Donc c'est pas facile de faire de l'innovation RH quand on est dans un environnement aussi cadré.
03:09Donc il y a un sujet effectivement de réintroduire un peu d'innovation et un peu d'ambition dans ce secteur qui a aussi ses codes.
03:15Un mot quand même sur l'étude qui montre l'endogamie du recrutement public, ça je trouve ça assez intéressant.
03:20Un peu comme dans l'armée ou dans certaines grandes entreprises, on est chez Renault de père en fils.
03:25Là c'est pareil, il y a 58,57%, c'est des candidats intéressés qui étaient déjà contractuels dans la fonction publique.
03:31C'est-à-dire qu'ils avaient goûté déjà, ils connaissaient.
03:33Alors ça veut dire que ceux qui sont intéressés par le public y sont déjà.
03:36Ce qui veut dire que ceux qui n'y ont pas goûté n'ont pas l'idée que ça pourrait être fait pour eux.
03:42Ce qui déjà est un problème.
03:43Ça veut dire que si on interroge un peu n'importe lequel des individus dans la rue, si on lui dit où est-ce que vous aimeriez travailler,
03:48le public n'est pas une option.
03:50Ou plutôt le public apparaît sous la forme d'une offre en particulier pour un poste et une collectivité et pas comme une raison d'être dans son ensemble.
03:57Le salaire, les enjeux financiers, on sait qu'aujourd'hui c'est un élément important.
04:00Il y a le cadre de vie, le bien-être au travail, mais le salaire compte.
04:03Il compte là dans le désappointement ou le recul que peuvent avoir les salariés ?
04:08C'est le même sujet que celui que vous évoquiez sur la question du service public.
04:11À force de dire qu'on est mal payé là-bas, à force de dire que le service public n'est plus un sujet en soi,
04:16à force de dire qu'on n'aurait pas de carrière intéressante, c'est pas ça que les gens vont aller y chercher.
04:20Ce qui est sûrement un peu faux parce que le service public il est quand même très hétérogène.
04:25Entre une collectivité territoriale qui a de l'argent, une fonction publique nationale qui en a un peu moins,
04:32et l'hôpital qui va très mal, il y a des situations évidemment très différentes.
04:35Juste un mot sur le management, c'est un sujet dont on parle ici dans Smart Job.
04:40Quand on entend des fonctionnaires ou des contractuels, ils vous disent qu'il y a un management un peu à l'ancienne.
04:45Est-ce que ça ressort aussi ? Est-ce que ça peut expliquer aussi le recul qu'ont certains salariés qui veulent plus d'horizontalité et moins de verticalité ?
04:53Il y a deux sujets là-dessus. Il y a effectivement des règles assez générales qu'il faut appliquer un peu partout.
04:58Il y a cette idée d'un service public uniforme, un peu comme si tous les profs de maths de collège faisaient le même cours à la même heure.
05:04C'est un peu le fantasme du ministre.
05:05Totalement impossible.
05:06Ça c'est le sujet un peu de l'homogénéité qu'on imagine du service public.
05:10Et après il y a aussi des gens talentueux dans différentes collectivités locales, dans différents services.
05:14Donc il y a des gens qui sont bons et qui vont savoir faire là où ils se trouvent.
05:17Mais c'est évidemment très hétérogène. On a appelé l'étude le patchwork public pour montrer justement cette hétérogénéité.
05:23Mais votre étude peut aussi donner envie aux différentes fonctions publiques, territoriales et autres,
05:28de peut-être mieux se montrer, mieux expliquer les métiers, parce qu'on ne le sait pas finalement pour conclure.
05:33Oui, je pense que les collectivités savent très mal faire parler d'elles-mêmes.
05:38Quand on parle du service public, c'est quand même pour parler souvent de l'hôpital et des lieux où ça ne va pas très bien.
05:43Donc c'est compliqué de donner l'image positive.
05:45Et pourtant il y a des motivations, des motivateurs disons intéressants pour attirer des candidats.
05:50Et il y a des services publics qui offrent des choses à dire.
05:53Et une palette de métiers très large.
05:55Il ne suffit pas uniquement derrière un guichet de recevoir du public.
05:57Il y a des dizaines de métiers possibles, notamment sur les métiers de l'écologie, de la transformation.
06:02Merci en tout cas Jean Pralon d'être venu nous rendre visite.
06:05Le patchwork public, l'attractivité de l'emploi public face à la fragmentation du rapport au travail.
06:10C'est le rapport que vous êtes venu nous présenter.
06:13Il a été porté par l'EM Lyon.
06:15Vous êtes professeur RH à l'EM Lyon.
06:17Merci EM Normandie évidemment.
06:19Merci de nous avoir rendu visite.
06:21On tourne une page, on s'intéresse justement au métier de la transition écologique.
06:25C'est une pépinière d'emplois possibles.
06:27C'est aujourd'hui, c'est en ce moment.
06:29Comment faire pour créer de l'attractivité et déployer ces emplois ?
06:33On en parle avec des experts.
06:35C'est le cercle RH, c'est le débat de Smart Job.