Alexandre Boucheix, phénomène de l'ultra trail, publie “On m’appelle Casquette verte” chez Flammarion. Il est ce matin l'invité de Marie Misset.
Retrouvez « Nouvelles têtes » présenté par Marie Misset sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes
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00:00En 9h52, les nouvelles têtes avec vous, Marie Missé, votre invité court trois heures par jour
00:06et vient d'écrire un livre, on m'appelle « Casquette verte ».
00:10« Cours Forest, cours vite ! Cours Forest, cours ! Cours Forest ! »
00:18« Vous ne le croirez pas si je vous le disais, mais je cours comme souffle le vent. »
00:25Bonjour Alexandre Bouchet, vous aussi, vous courez comme le vent.
00:29Et si je le cite Forest Gump, c'est parce que c'est à lui que vous devez cette fameuse casquette verte que vous portez en ce moment sur la tête.
00:36Parce que comme Forest Gump, vous vouliez avoir un signe distinctif.
00:41C'est devenu votre surnom cette casquette, c'est surtout une manière d'être vue et reconnue.
00:45Vous êtes aussi chef de projet informatique à JC Déco et donc champion d'Ultra Trail.
00:50Vous avez fini dans le top 10 d'une course complètement folle qui s'appelle la Diagonale des Fous, qui porte bien son nom.
00:57C'est à La Réunion, ça fait 175 kilomètres de long et il y a 10 000 kilomètres de dénivelé.
01:02Mais à la base, vous, vous êtes parisien en école de commerce qui fait beaucoup beaucoup la fête au BDE.
01:08Vous mangez a priori très mal et vous êtes essoufflé.
01:10Dès que vous courez pour attraper un Prus, est-ce que le portrait est juste ?
01:13Le portrait est parfait, c'est exactement ça.
01:17Ma vie ne se cantonne pas qu'à courir.
01:19Et justement, c'est ça l'idée, c'est que j'ai beau être devenu un champion d'Ultra Trail, comme on dit dans les médias sportifs,
01:25dans la réalité, moi, ce matin, j'ai pris le métro, après je vais aller au taf.
01:30Et par contre, ce soir, je vais rentrer chez moi au courant et je vais faire entre 25 et 30 kilomètres en passant par Montmartre.
01:35Parce que pourquoi pas ?
01:37Et c'est devenu un plaisir de, la semaine, être chef de projet et le week-end, d'être rockstar de l'Ultra Trail.
01:42D'ailleurs, vous n'êtes pas venu en courant.
01:44Oui, c'est une rockstar de l'Ultra Trail, exactement.
01:47Vous n'êtes pas venu en courant alors que vous auriez pu, mais vous avez un jeune bébé et ça coupe un peu dans le temps imparti pour les courses.
01:54Il y a des priorités.
01:55Avant de courir, donner un biberon, c'est quand même important.
01:58Vous vous êtes créé une image de coureur un peu punk.
02:00D'ailleurs, vous avez déjà bu de la chartreuse au milieu d'une course qui me paraît un minima dangereux.
02:06Et vous, vos couloirs d'entraînement, c'est les trottoirs parisiens.
02:09On peut vraiment s'entraîner pour des courses aussi intenses qu'un 175 kilomètres de suite sur les trottoirs parisiens ?
02:14Moi, j'étais convaincu que non.
02:15Et justement, j'ai voulu vérifier que c'était impossible.
02:19Et donc, pour vérifier que c'était impossible, je l'ai tenté.
02:21Et finalement, comme pas mal de trucs comme ça, c'était juste une pensée limitante que j'avais il y a une dizaine d'années.
02:26À quel moment, effectivement, le petit jeune qui courait après le 86, le bus à côté de chez moi,
02:30qui était essoufflé en le prenant, à quel moment derrière, il termine top 10 à la diagonale, top 20 à l'UTMB.
02:35Donc oui, c'est possible.
02:37Et allez le faire, allez le faire.
02:38Vous voudriez que tout le monde s'inscrive à la diagonale des fous.
02:41Vous pensez qu'on peut tous le faire.
02:42Vous pensez que Léa Salamé peut le faire.
02:44Léa et Nicolas peuvent le faire dès l'année prochaine.
02:46Déjà, je vous ai dit pendant Billy Healy, je vous ai dit, moi, mon problème, c'est que je cours.
02:51Au bout de une minute, je suis essoufflée.
02:53Et du coup, j'abandonne.
02:54Et vous m'avez dit, il faut passer les trois premières semaines, c'est ça ?
02:57C'est exactement ça.
02:57C'est comme l'arrêt de la clope.
02:58C'est comme l'arrêt de la clope pour moi.
03:00C'est-à-dire qu'il y a un moment difficile à passer.
03:01Au début, je détestais profondément courir.
03:03C'est ça, moi, je déteste.
03:05C'est très important de détester ça parce que vous allez vous faire retourner comme une crêpe par la course à pied.
03:10Et au bout, ça va venir au bout de deux ou trois semaines.
03:12Et à partir d'ailleurs, on va commencer à apprécier.
03:14C'est un très bon début de détester ça.
03:16Les ultra-trails, on ne l'a pas encore vraiment dit, mais c'est des courses qui font au minimum.
03:20Et quand je dis au minimum, c'est vraiment au minimum 24 heures avec des grands dénivelés.
03:23Et moi, ma grande énigme, c'est à quoi est-ce qu'on pense quand on court comme ça pendant aussi longtemps ?
03:28Qu'est-ce qui se passe dans le cerveau ?
03:29Comment on fait pour ne pas s'ennuyer ?
03:31En vrai, on s'ennuie.
03:31Et justement, c'est un peu ce qu'on vient chercher aussi.
03:34Parce que forcément, courir aussi longtemps sur des distances comme ça, on va chercher très très loin dans le physique.
03:39Donc ça, c'est intéressant.
03:40On vient jouer avec ses propres sensations.
03:42Mais le truc qui est le plus génial, c'est qu'en fait, on fait d'abord un espèce de voyage intérieur avant de voyager dans les décors.
03:48C'est-à-dire que moi, vous me faites courir dans une zone industrielle en région parisienne.
03:51Je vais prendre autant de plaisir que sur un sentier sur le bord du Mont-Blanc.
03:55Parce que mon premier voyage quand je cours là-dessus, c'est un voyage dans moi-même, un voyage avec moi-même.
04:00Et en 2025, clairement, on n'a plus le temps de passer du temps avec soi-même.
04:03Donc courir est une bonne occasion de le faire.
04:05Inokstag, le YouTuber qui a grimpé l'Everest, a dit cette phrase à cette antenne qui avait fait beaucoup parler au début de l'année.
04:11On peut échouer, mais on n'a pas le droit d'abandonner.
04:13L'échec et l'abandon, ce n'est pas pareil.
04:15L'ultra-trace, c'est typiquement une course.
04:18Ça nous fait apprendre.
04:19Excusez-moi, j'ai coupé Inokstag, ce n'est pas poli.
04:21L'ultra-trace, c'est typiquement un sport où 40% des coureurs abandonnent pendant la course.
04:25Vous en pensez quoi, vous, de ce que dit Inokstag ?
04:27Je pense qu'il a totalement raison.
04:29Et en fait, il me rappelle Brel Inokstag.
04:32Ça fait bizarre de dire ça, mais Brel, il disait que, grosso modo, ce n'est pas grave d'échouer.
04:35Ce n'est pas grave de se casser la gueule.
04:36Au pire, ça fait quoi ?
04:37Ça te fait juste de l'expérience pour la prochaine fois.
04:39Et je le vois réellement comme ça.
04:41L'échec, il est important parce qu'il est constructif.
04:43Moi, j'ai décidé de ne pas avoir de coach, de ne pas avoir de nutrition, de ne pas avoir tout ça, d'y aller de manière ultra-itérative.
04:51Pour se rendre compte tout seul qu'elle était chaude.
04:53Et j'ai appris comme ça.
04:54Et je trouve qu'Inokstag, dans son approche de l'échec et de l'abandon, il est là-dessus.
05:00Donc, oui, effectivement, il faut absolument, aussi important que de résister les trois premières semaines, c'est Léa.
05:05Il faut clairement échouer 4-5 fois avant de réussir.
05:12C'est important d'échouer avant de réussir.
05:13Vous ne les rendez pas fous, les autres coureurs d'ultra-trail qui ont des entraînements hyper précis,
05:18alors que vous vous dites, vous ne regardez pas, il y a plein de choses que vous ne faites pas, en fait.
05:22Au début, ils m'ont pris pour un fou.
05:23Après, ils m'ont discriminé en disant, non, il doit être différent, il a un talent et c'est inné.
05:29Moi, je ne crois pas au talent, je ne crois pas à l'inné.
05:31Et donc, au final, ce qui était cool aussi, c'était de les retourner dans leur propre croyance
05:35et de prouver juste en le faisant que c'était possible pour un petit Parisien.
05:39Et effectivement, le but, ce n'était pas de les chatouiller, mais le but a été de les faire rire plutôt, au final.
05:45Vous avez déjà été sorti d'une course en Afrique du Sud parce que vous vomissiez trop, c'est réel.
05:51Course que vous avez quand même, au final, terminée.
05:53Comme en bois de nuit, ça va arriver.
05:54Vous vous êtes retournée sous Chartreuse.
05:56Vous dites qu'à partir du 30e kilomètre, 30 kilomètres sur 175, on peut le rappeler par exemple,
06:01on a mal, on a mal tout le temps.
06:03Et vous dites même des trucs comme ça.
06:04En fait, vraiment, on est le sport du masochisme.
06:08On est là pour se faire mal et on a mal.
06:11Imaginez une plureur de peau sur les testicules et qu'il vous reste 50 kilomètres et 4000 mètres de dénivelé à passer.
06:15Imaginez-le !
06:16J'imagine mal, personnellement.
06:18Ça, c'était dans l'émission Objectif 80 médailles de la Fédération française de la Louse.
06:22Ma question qui aurait pu être la première, c'est pourquoi ?
06:26Pourquoi on fait ça ?
06:27Pourquoi on fait un truc où on se fait mal et où c'est vraiment le but, presque ?
06:31Je pense qu'en fait, fondamentalement, on s'ennuie quand même pas mal dans nos vies.
06:35Surtout, moi, je suis jeune cat, dynamique, parisien.
06:37Je prends le métro le matin et prendre le métro le soir, c'était un peu gnagnant.
06:41Et on a besoin de se sentir vivant parce qu'on a besoin d'un peu d'extrême.
06:45D'extrême avec de la sécurité.
06:46C'est-à-dire que ça paraît ultra fou de faire l'ultra trail.
06:48Dans la réalité, c'est assez calme.
06:49Il y a des ravitos tous les 15 bornes.
06:51Effectivement, on a quelques écorchures sur les parties intimes.
06:53Mais ce n'est pas terrible.
06:56On en survit.
06:57Et c'est justement ça qui est intéressant.
06:58C'est qu'on vit des moments ultra intenses, ultra condensés.
07:01Et derrière, le lundi matin, on est en réunion.
07:02C'est ça qui est génial.
07:03C'est cette différentielle.
07:04Merci beaucoup, Cascade Verte.
07:06Le nom de votre livre, c'est On m'appelle Cascade Verte.
07:09Et c'est aux éditions Flammarion.
07:11Je vous souhaite une excellente journée.
07:12J'espère que vous allez y aller en courant.