Françoise Fressoz, Guillaume Roquette et Thomas Legrand étaient les invités du débat du 7/10 sur France Inter, lundi 28 avril, pour débattre du thème : Congrès de LR et du PS : des enjeux qui dépassent les partis ?
Retrouvez « Le débat du 7/10 » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-du-7-10
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00:00Débat ce matin sur les mouvements politiques de ces prochaines semaines.
00:04D'abord le parti Les Républicains, les sympathisants devront départager Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez.
00:12Les 17 et 18 mai, chez les socialistes, ce sont Olivier Faure, Nicolas Maillère, Rossignol et Boris Vallaud qui sont en lice.
00:20Ils seront départagés un peu plus tard, à la moitié du mois de juin.
00:24Quelle est l'importance de ces congrès dans le paysage politique actuel 2025 ?
00:29Sont-ils l'occasion pour les deux partis traditionnels de la Vème République de reprendre la main après la période macroniste ?
00:39On va parler aussi des ambitions individuelles des uns et des autres avec Françoise Fressos.
00:46Bonjour Françoise.
00:47Bonjour.
00:48Éditorialiste politique au Monde, Thomas Legrand.
00:51Bonjour Thomas.
00:52Bonjour Nicolas.
00:52Chroniqueur à Libération, producteur d'enquête de politique sur France Inter.
00:58Avec Guillaume Roquette.
00:59Bonjour Guillaume et directeur de la rédaction du Figaro Magazine.
01:04Question simple pour commencer, ces congrès peuvent-ils redonner un cap, une orientation au parti traditionnel ?
01:12Là je parle de la droite classique et du parti socialiste.
01:16Françoise Fressos, vous semblez en douter.
01:18Je vous cite, aucun des partis concernés n'est suffisamment fort pour régler en un seul rendez-vous
01:24toutes les questions qui se posent à lui.
01:26Donc ça va être quoi ?
01:27Alors, c'est vrai que d'ordinaire un congrès d'un parti politique c'est très important
01:31parce que ça vous permet d'avoir un leader, de fixer une ligne et de cette ligne ensuite
01:35découlent les alliances que vous pouvez conclure.
01:39Ces deux partis, LR et le PS, ont été dominants dans la vie de la Ve République pendant des décennies
01:45et aujourd'hui ils sont affaiblis en risque de marginalisation.
01:49Donc je pense qu'en un seul congrès, ils n'arriveront pas à régler toutes les questions qui se posent à eux.
01:54Le leadership reste très faible.
01:57La ligne, au fond, c'est trouver un espace entre le macronisme et l'extrême gauche pour la gauche,
02:03l'extrême droite pour la droite.
02:05Et les alliés, ce n'est pas résolu non plus parce qu'est-ce qu'il faut face à l'extrême droite avoir un candidat le plus unique possible
02:12ou est-ce qu'il faut y aller sur ses propres couleurs ?
02:15Donc c'est un début de processus et ensuite il va y avoir une accélération évidemment jusqu'à la présidence.
02:20Oui, on est dans un moment particulier, Emmanuel Macron ne peut pas se représenter, Marine Le Pen a été condamnée, elle fait appel.
02:28Guillaume Roquet, c'est une fenêtre d'opportunité, considérant ce que vient dire Françoise Fressoz également,
02:35c'est une fenêtre d'opportunité nouvelle qui s'ouvre là, pour la gauche comme pour la droite.
02:40Oui, disons que la situation est un tout petit peu moins catastrophique pour ces deux partis traditionnels qu'en 2022 par exemple.
02:47Et ceci pour au moins deux raisons, d'abord parce que l'élection présidentielle est dans deux ans.
02:52Et que donc, comme pour l'instant il n'y a aucun leader qui émerge, il n'y a aucun candidat naturel,
02:57il n'y a d'ailleurs pas forcément de différence très visible entre un Wauquiez par exemple et un Retailleau, au-delà de leur personnalité,
03:05il y a deux ans pour faire émerger une personne et un positionnement politique.
03:09Et puis l'autre raison c'est qu'il est probable que le macronisme s'éteigne avec le départ d'Emmanuel Macron.
03:16Vous en êtes sûr de ça ?
03:18Moi j'en suis assez persuadé, oui je pense que le en même temps a montré ses limites avec cette absence de majorité
03:26qui fait que le en même temps c'est une forme de paralysie parce que faute de choisir entre un cap et un autre,
03:34ce n'est pas un hasard si la droite et la gauche structurent la vie politique de tous les grands pays du monde.
03:38Alors je reformule ma question, je change ma chronisme et je remplace le mot par centre.
03:44Est-ce qu'un centre n'est pas né ?
03:45Alors je ne pense pas, enfin c'est difficile à dire parce que la politique n'est pas une science exacte,
03:52mais je pense que les forces qui sont à l'oeuvre dans la société sont des forces radicales.
03:59Et je ne dis pas ça, on ne va pas ce mot forcément dans un sens péjoratif.
04:03Il me semble que la trumpisation des sociétés occidentales est un phénomène majeur parce que nous sommes arrivés au bout d'un modèle,
04:13ce modèle de la gestion par des gens raisonnables qui pouvaient basculer entre une gauche centriste et une droite modérée.
04:21Tout ça, ça ne retrouve pas l'assentiment d'une majorité de Français et c'est d'ailleurs ce que prouve l'absence de majorité à l'Assemblée.
04:29Thomas Legrand ?
04:31Alors ces deux parties, d'abord merci de nous demander à nous trois d'essayer d'intéresser nos auditeurs au PS et à LR.
04:37En ce moment c'est compliqué mais on s'y attache et mes deux confrères ont bien commencé.
04:43Ces deux congrès sont des affaires d'appareil, ce n'est pas très passionnant.
04:47Ils doivent régler des choses dont on a envie qu'elles soient réglées et qu'on en parle après.
04:52C'est vrai qu'entre Rotaillot et Wauquiez c'est à peu près la même chose, il y en a un qui est sincère, l'autre qui a l'air un peu moins sincère,
04:58il y en a un qui a les mains dans le cambouis et qui se cogne à la réalité donc il est obligé de faire bon, et l'autre non.
05:04L'autre dirige la deuxième région française ?
05:06Oui, alors justement, ça c'est ça qui est intéressant, c'est que LRLPS, dont on se moque facilement,
05:14Vous venez de le faire ?
05:15Je l'ai fait, je me bats la coupe d'ailleurs, je n'aurais pas dû, parce que LRLPS, remarquez qu'il dirige toutes les mairies,
05:23il dirige tous les départements, il dirige toutes les régions et ceux qui animent le débat au niveau national,
05:29sur les chaînes info, et voilà, le débat qui fait du bruit, donc LFI, le RN et les macronistes n'ont pas réussi depuis 8 ans,
05:38si on prend toute la macronie, à conquérir une mairie, une grande mairie, à part Perpignan qui va d'ailleurs peut-être perdre,
05:46une grande mairie, une seule région, un seul département.
05:50C'est-à-dire que ces deux pays, ces deux parties raisonnables dont vous parliez, qui seraient un peu vieillissants et ringards dans le monde trumpisé,
06:03ce sont ceux qui s'occupent de nos proximités, de nos régions, de nos départements.
06:08Donc il faut quand même leur rendre ce petit hommage et espérer qu'ils ne meurent pas tout à fait,
06:12parce que moi je ne me résous pas à ce que les raisonnables de chaque côté, finalement...
06:16Il y a une différence de nature, Françoise Fresseau, entre la politique à échelle nationale et celle que vient d'écrire Thomas Legrand à l'instant ?
06:27Moi je pense que les deux parties dont on parle ont commis une erreur terrible en 2017,
06:33c'est de considérer que le macronisme était une parenthèse, un accident de l'histoire,
06:37qu'au fond Fillon aurait dû l'emporter naturellement si les juges ne lui avaient pas mis dans les pattes une affaire.
06:44Et donc ils ont été au fond paralysés dans leurs réflexions pendant cinq ans, en se disant ça va passer.
06:51Et puis 2022 les a en quelque sorte réveillés, en se disant ben non c'est peut-être pas aussi simple que ça.
06:57Et en même temps il y a tout un travail de fond qui n'a pas été fait,
07:02mais qui est dû aussi en partie que dans les deux côtés,
07:05ce sont quand même les extrêmes qui tirent le champ de discussion,
07:09c'est-à-dire qu'on voit bien que la droite républicaine est vraiment,
07:13en fait tout ce qu'elle fait actuellement sur la lutte contre l'islamisme radical, l'immigration,
07:19on voit bien qu'elle est sur les thèmes de l'extrême droite,
07:21avec aussi des frontières très sur l'état de droit,
07:24où on voit une partie de la droite républicaine contester l'état de droit.
07:27Et puis on voit bien que la gauche pendant cinq ans a été sous la coupe de LFI,
07:32et que le sujet aujourd'hui c'est de s'en détacher.
07:34Donc je pense qu'il y a eu cinq années où ils ont gelé leur pensée en se disant
07:38mais non mais Macron c'est un accident de l'histoire,
07:40et qu'aujourd'hui ils essayent de se réveiller, et que c'est assez compliqué.
07:43Juste, je vais poser une question différente sur la gauche,
07:47il reste un espace pour la social-démocratie en France, Guillaume Roquet ?
07:53J'en suis pas certain, il reste un espace pour ce bloc central,
07:59c'est-à-dire cette gauche, on va dire, de gouvernement européenne,
08:08prenant en compte les préoccupations économiques.
08:11Mais je vois pas trop la différence fondamentalement entre cette gauche-là
08:16et un Gabriel Attal, voire un Édouard Philippe.
08:19Il me semble que sur les sujets sociétaux, ils sont progressistes,
08:24je mets toutes les guillemets qui s'imposent tous les deux.
08:27Pour le reste, même cette gauche-là commence à devenir un peu raisonnable en matière d'immigration.
08:32Donc je vois pas très bien en quoi est-ce qu'elle se singularise.
08:35La social-démocratie, c'est le contrat entre la société, le monde économique,
08:41c'est l'idée de faire un grand contrat.
08:43Et là, pour un projet de société, la social-démocratie de demain,
08:48elle devrait être à la fois sociale et écologique.
08:51Il y a quelque chose à inventer qui n'est pas du tout à la mode en ce moment,
08:54donc on a du mal à le voir.
08:55Mais quand vous dites, Guillaume Roquette, et là je suis d'accord avec vous,
08:59que le macronisme risque de disparaître avec Emmanuel Macron,
09:03c'était une proposition singulière et qui répondait à un sentiment d'impuissance publique,
09:11cette proposition n'a pas marché, il n'a rien changé dans la vie des Français, Emmanuel Macron.
09:15Donc on va peut-être revenir à une gauche et une droite modérées, ou en tout cas raisonnables.
09:21Et c'est étonnant de voir qu'à droite, on a l'impression que LR,
09:29le débat n'est fait que pour capter les électeurs qui sont partis au RN,
09:33et pas pour capter les électeurs, mais il y en a beaucoup qui sont partis chez les macronistes.
09:38Alors qu'à gauche, en ce moment, depuis quelques mois, on a l'impression qu'ils prennent en compte,
09:45il y a un moment, le PS faisait 20%, ils ne sont pas tous décédés les électeurs qui votaient PS il y a 10 ans.
09:51Ils sont partis chez Macron, c'est ceux-là qu'il faut récupérer.
09:53Et ceux de Mélenchon vont revenir de façon assez naturelle, je pense.
09:59Donc en tout cas, si le PS a un avenir, c'est cette voie-là.
10:02Et on a l'impression qu'à cause de la sociologie des militants LR,
10:08qui n'est pas la sociologie des électeurs de droite en général,
10:10il y a beaucoup de droite modérée, ça existe encore aussi la droite modérée,
10:13à cause de la sociologie des 100 000 militants LR,
10:16qui est beaucoup plus à droite, beaucoup plus âgée, beaucoup plus sudiste géographiquement,
10:20que l'ensemble des électeurs LR,
10:23il y a pendant cette période de congrès une surenchère, on le voit,
10:27entre Wauquiez et Rotaillot, une surenchère pour aller piquer les électeurs du RN,
10:32qui abîme, à mon avis, l'idée d'une droite modérée.
10:35Guillaume Roquette.
10:36Évidemment, c'est l'éléphant dans le couloir,
10:38c'est savoir comment est-ce que ces deux partis modérés doivent se positionner
10:41par rapport aux extrêmes.
10:44Moi, je pense que les idées du RN en matière d'immigration et de sécurité
10:51sont les idées historiques de la droite.
10:54Et je pense que l'erreur, c'est de les avoir laissées, ces idées-là.
10:59Et que, par exemple, la politique menée par des sociodémocrates danois
11:04en matière d'immigration n'est pas différente avec la politique que propose un Bruno Rotaillot.
11:09Et le piège...
11:12C'est le rapport à la justice, le rapport à l'état de droit qui est.
11:14Mais le droit, ça se change.
11:16Je crois que Jacques Chirac, quand il était président de la République,
11:19avait changé douze fois la Constitution.
11:21Il faut des majorités pour ça.
11:23Oui, vous avez raison.
11:24Et il faut aussi que les juges restent à leur place.
11:26Mais ça, c'est un autre sujet.
11:27C'est un autre sujet.
11:29Mais je pense que, d'ailleurs, vous le voyez bien, sur ces sujets régaliens,
11:33il y a une immense majorité, y compris d'ailleurs à gauche, qui est sur une ligne dure.
11:38Et donc, le piège, c'est de dire qu'à chaque fois qu'on essaie de prendre des positions fortes
11:43sur ces sujets qui sont presque des sujets d'identité pour les Français,
11:48on dit « Ah, vous faites le jeu de l'extrême droite ! »
11:51Et bien, je ne sais pas si Saint-Pierre-Miquelon est intelligent.
11:55En tout cas, l'idée d'éloigner les OQTF pour favoriser leur expulsion,
12:02c'est exactement ce qu'essaye de faire Madame Mélanie avec la Tunisie.
12:05C'est ce que veulent faire les sociodémocrates danois.
12:08Et je pense que c'est moins ridicule que ce qu'on a essayé de dire
12:11parce que ça venait de Laurent Wauquiez.
12:13Françoise Fresseauze.
12:14Alors, il me semble que pour le débat de 2027, parce qu'en fait, il s'agit,
12:18est-ce que ces deux parties peuvent revenir au pouvoir et sous quelle forme ?
12:22Je pense que l'expérience Trumpiste va être très importante.
12:24C'est-à-dire, selon que Trump réussit ou pas,
12:28on verra jusqu'où on peut tordre la réalité,
12:32idéologiser les débats, radicaliser les débats,
12:35ou est-ce qu'au fond, ce n'est pas plutôt un bloc central raisonnable qui peut y arriver ?
12:39Deuxième élément, actuellement va s'ouvrir un débat sur la réforme du mode de scrutin.
12:45Est-ce qu'il faut faire de la proportionnelle plutôt que du scrutin majoritaire ?
12:49Et là, ça peut aussi contribuer ou non à structurer un bloc central
12:53ou l'idée d'un compromis entre des parties dits raisonnables.
12:59Donc, tout est extrêmement mouvant aujourd'hui
13:01et tout est aussi très en interdépendance avec les bouleversements du monde
13:06qui sont absolument faramineux
13:07et qui obligent aussi les parties, au fond, à revoir assez fondamentalement leur logiciel.
13:12Proportionnel, Thomas Legrand ?
13:14Moi, j'y suis favorable, je trouve que ça serait une bonne chose,
13:17tout simplement parce que, très rapidement, parce que la proportionnelle,
13:21finalement, quand vous vous présentez, quand les hommes politiques et les femmes politiques
13:23se présentent dans un scrutin proportionnel,
13:25ils savent qu'ils n'auront pas tout seul le pouvoir,
13:27donc ils sont dans un état d'esprit de compromis, eux-mêmes.
13:31Et les électeurs savent que le camp pour lequel ils votent n'aura pas tout le programme,
13:35tout le pouvoir.
13:37Ils votent pour que le camp qu'ils ont choisi soit le programme sur lequel se basera la future négociation.
13:45Ça change tout l'état d'esprit et on le voit en Allemagne.
13:48Alors, quelquefois, quand c'est très mal fait, on le voit en Israël,
13:51les tout petits partis extrémistes prennent en otage tout le monde.
13:55Mais quand c'est pas trop mal fait, et je crois que le gouvernement pense à un système,
13:59enfin, certains gouvernements pensent à un système pas trop idiot,
14:02c'est-à-dire une proportionnelle intégrale par région ou par département,
14:06qui permet d'avoir une assise locale,
14:08tout en mettant les partis politiques dans un état d'esprit de compromis.
14:15On ne peut pas gouverner tout seul.
14:16Si chacun des hommes politiques français se disaient
14:18« je ne pourrai jamais gouverner tout seul »,
14:20il serait dans un autre état d'esprit.
14:21Et je vous annonce que Guillaume Roquet aura le mot de la fin,
14:26rapide, sur la proportionnelle.
14:27Oui, moi, je suis prudent sur la proportionnelle, pour deux raisons.
14:32D'abord, une raison de mathématiques électorales.
14:35Il faut qu'il y ait des majorités claires pour pouvoir avoir un cap clair.
14:39Et l'impuissance du gouvernement actuel montre effectivement,
14:42pour l'instant, ça ne fonctionne pas.
14:44Et l'autre réticence, c'est que, vous le disiez,
14:46la proportionnelle favorise les alliances, les coalitions,
14:48et donc une espèce d'entre-deux.
14:50Et c'est le retour du centre mou ou du macronisme inefficace.
14:54Merci à tous les trois.
14:55Françoise Fressos, Thomas Legrand, Guillaume Roquet,
14:57toujours un plaisir de vous recevoir dans le débat du 7-10.