Lundi 28 avril 2025, retrouvez Pierre-Yves Dugua (Correspondant américain) dans SMART BOURSE, une émission présentée par Grégoire Favet.
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00:00Le dernier quart d'heure de Smartbourg chaque soir, c'est le quart d'heure thématique et comme chaque lundi, le thème c'est celui des Etats-Unis, des Etats-Unis sous Donald Trump après 100 jours de mandature et des sujets qui restent bien des équations compliquées, notamment la question budgétaire.
00:21Nous allons en parler avec Pierre-Yves Dugas, correspondant américain avec nous en visio depuis Washington. Bonjour Pierre-Yves, merci beaucoup d'être avec nous.
00:30Oui, je disais, bon, il y a l'aspect tarifaire, on y reviendra, mais il y a toujours quand même l'idée qu'il va falloir trouver un équilibre budgétaire aux Etats-Unis après des années où le déficit et la dette se sont envolées.
00:43Donald Trump refuse par exemple toute idée d'augmentation d'impôts pour les super-riches, pourtant une idée qui était soutenue par certains membres du parti républicain.
00:53On a pu y croire pendant quelques jours, la semaine dernière, parce que cette idée qui est une idée tabou pour les républicains, de tolérer une augmentation, un relèvement des tranches marginales d'imposition sur le revenu pour les plus riches,
01:09Cette idée tabou a été évoquée par des gens qui ont été très très proches de Donald Trump, Steve Bannon en particulier, qui maintenant est un agitateur, qui est un concurrent aussi,
01:24puisqu'il a lui aussi son podcast sur Apple. Steve Bannon qui a fait de la prison pour Donald Trump et qui maintenant est dans le monde des médias,
01:34et qui approche la question du relèvement éventuel du taux d'imposition marginale des Américains les plus riches, non pas sous l'angle tellement de la fiscalité et de la réduction du déficit,
01:48mais sous l'angle purement électoral, pour ne pas dire électoraliste. Et là, je pense que sa démarche est intéressante, même si elle a, in fine, été rapidement écartée par Donald Trump.
02:00Le raisonnement de Steve Bannon est le suivant. Si nous voulons vraiment transformer durablement le parti républicain et en faire non pas le parti des riches,
02:12mais le parti du peuple qui avait été laissé pour compte dans la mondialisation, nous allons couper l'herbe sous le pied à la gauche démocrate,
02:20en adoptant au moins une partie de leurs recommandations et en acceptant que les millionnaires payent davantage d'impôts.
02:30Ce serait un moyen de détruire cet argument qui est avancé par la gauche du Parti démocrate et même par le centre du Parti démocrate.
02:40Alors, de quoi parle-t-on ? On parle aujourd'hui d'une tranche maximum d'imposition sur le revenu qui est presque à 40%.
02:48Enfin, qui est à 37% et qui pourrait pratiquement remonter à 40%, de quoi rapporter au Trésor américain entre 20 et 40 milliards de dollars.
03:01Et Donald Trump, par an.
03:03Et Donald Trump dit non, il ne faut pas le faire parce que si nous faisons ça, nous allons perdre de l'argent.
03:09Son raisonnement n'est pas absurde parce que les expériences passées, lorsque la Californie ou lorsque l'État de New York ont procédé ainsi,
03:22on a vu un exode assez rapide des plus grandes fortunes dans des États moins taxés.
03:28Et la même chose pourrait se produire si quelques grands milliardaires aux États-Unis décidaient de quitter les États-Unis.
03:35Le Royaume-Uni a essayé et s'est aperçu aussi que le rendement de ces augmentations fortes de taux marginaux d'imposition des plus riches
03:43n'était pas du tout celui qui était escompté.
03:46Le problème, c'est que même si on obtient 20 milliards la première année, on risque d'en obtenir un peu moins l'année suivante
03:52parce qu'il y aura moins de millionnaires et de milliardaires à taxer.
03:56Et puis, il faut tout de même trouver malgré tout un moyen de financer ces extraordinaires promesses électorales
04:04qui ont été faites par Donald Trump, notamment l'élimination de la taxation des pensions de retraite Social Security,
04:12du régime général de retraite, l'élimination de la taxation sur les pourboires.
04:16Tout ça coûterait quelque chose sur 10 ans comme 2 000 milliards de dollars.
04:20Et même en augmentant un petit peu les impôts sur les riches, vous voyez qu'avec un rendement maximal escompté
04:27de 40 milliards par an, on n'arrive pas même sur 10 ans à boucher ce trou.
04:32Bon, effectivement, mais un petit effet l'affaire.
04:34Effectivement, il a quand même quelques notions de rationalité économique
04:39quand il s'agit de ne pas augmenter les impôts des super-riches, Pierre-Yves.
04:43Oui, alors, il faut bien voir que le Parti républicain, surtout maintenant qu'il est magaïsé,
04:50qu'il est trumpisé, n'est plus le Parti républicain libéral, libre-échangiste, ouvert à l'immigration qu'il était.
04:57Quels sont les grands thèmes qui soudent l'électorat républicain ?
05:02C'est le moins d'impôts possible, le moins d'immigration possible,
05:07la plus grande sévérité possible à l'égard des criminels.
05:10Et si on touche à un de ces piliers, on risque de faire éclater la coalition.
05:16J'ai oublié un quatrième pilier qui est important, c'est la lutte contre le wokisme.
05:21Mais de tous ces thèmes très forts qui soudent l'électorat républicain,
05:25celui de ne pas toucher à la fiscalité des plus riches,
05:28parce que ça ne sert à rien et que c'est de la pure démagogie, en fait,
05:32il n'y a pas de trésor caché, pas plus aux Etats-Unis qu'en Europe, suivez mon regard.
05:39On l'a bien suivi, Pierre-Yves.
05:41Sur l'aspect tarifaire, toute la question étant de savoir quand est-ce que les barrières douanières,
05:46notamment vis-à-vis de la Chine, vont mordre l'économie américaine
05:50et donc le consommateur américain, on n'y est pas encore, vous dites, Pierre-Yves.
05:55– Alors, c'est assez incroyable, c'est un paradoxe ou c'est simplement un effet calendrier ?
06:02C'est peut-être un peu les deux, mais le New York Times et le Washington Post
06:06nous expliquent depuis le 1er janvier que l'économie américaine est en chute libre,
06:11que ça va être une catastrophe terrible, que le consommateur est terrorisé, etc.
06:15Pour l'instant, la consommation a tenu.
06:19Alors, elle va peut-être décrocher au mois de mai,
06:21mais les derniers chiffres qu'on a et qui ont été collectés par les systèmes de paiement
06:27gérés par Chase et Bank of America, par exemple,
06:32montrent que les dépenses de consommation des Américains dans la première quinzaine d'avril
06:36ont encore progressé de 3,5 et que la part discrétionnaire de ces dépenses de consommation
06:42a progressé davantage. Alors, c'est peut-être un effet de dépenses avancées
06:47en anticipation des hausses de prix liées aux droits de douane,
06:54parce qu'on note que les achats d'automobiles, les achats de téléphones portables,
07:00tous ces renouvellements d'équipements qui vont intervenir sur des équipements
07:05dont les prix vont augmenter probablement assez sensiblement à partir de mai, juin, juillet.
07:09Les consommateurs américains, semble-t-il, ont pris les devants
07:15et ça aura soutenu la croissance.
07:17Le problème, c'est que la croissance au premier trimestre va probablement être faible
07:23parce que les importations vont avoir un effet négatif sur cette performance de croissance.
07:30Importations, là aussi, de précaution de la part de toutes sortes d'entreprises américaines
07:34qui voulaient anticiper les hausses de tarifs.
07:37Donc, on est dans une situation d'anticipation et d'effet calendrier.
07:42L'effet calendrier, je voudrais le préciser un petit peu parce qu'il est très facile de s'y perdre
07:47puisque Donald Trump nous annonce tout et son contraire 15 heures plus tard.
07:52Les surtaxes sur le Mexique et sur la Chine et sur le Canada,
07:57elles ont commencé à entrer en vigueur début mars.
08:01Donc, c'est trop tard pour que ça soit pris en compte dans les données
08:04que l'on aura pour le premier trimestre, évidemment.
08:07Les surtaxes sur l'acier et sur l'aluminium,
08:09le calendrier a commencé mi-mars.
08:12La surtaxe universelle de 10% et les autres surtaxes qui peuvent aller jusqu'à 145% pour la Chine,
08:20c'est début avril que les choses ont commencé.
08:23Et les surtaxes sur l'automobile également.
08:25Donc, ne cherchons pas encore en avril des indications concrètes.
08:30Attendons mai ou juin et on devrait commencer par les voir.
08:33Vous savez, ça me rappelle l'histoire du type qui saute du plus haut étage
08:38de l'Empire State Building et on le voit passer à la fenêtre.
08:41So far, so good. So far, so good.
08:43On va finir par avoir la catastrophe.
08:45Il y a un chiffre intéressant qui a été relevé par un économiste d'UBS.
08:49C'est le taux de rotation des stocks des entreprises américaines.
08:52Puisque, évidemment, les entreprises vont d'abord utiliser leurs stocks disponibles
08:57pour fournir la demande avant d'être obligées de renouveler ce stock.
09:02Et donc, le renouvellement du stock se fera à des prix sans doute différents.
09:05En moyenne, c'est trois mois pour l'ensemble de l'économie américaine.
09:09Le taux de rotation des stocks.
09:10Mais évidemment, c'est très, très variable d'une industrie à l'autre,
09:14d'un secteur à l'autre, d'une entreprise à l'autre.
09:17Sachant qu'il faut quand même quelques semaines pour que des produits partent de Shanghai
09:23pour arriver ensuite à Los Angeles.
09:26Et oui, et il y a des sociétés qui n'ont pas le stock
09:29et qui commencent à observer un ralentissement de la demande.
09:35C'est les compagnies aériennes, un secteur qui est quand même assez sensible
09:38aux aléas de la conjoncture, United, American, Delta aussi.
09:46On commençait à noter qu'en avril, la demande avait baissé.
09:51Moi, je viens de faire des trois aéroports de Washington.
09:53Je peux vous dire que les parkings sont bondés
09:55et je n'ai pas du tout eu l'impression que les Américains faisaient des économies,
10:00en tout cas dans la région de Washington.
10:01Mais bon, sondage n'est pas scientifique.
10:04Bon, en tout cas, c'est intéressant de se dire qu'on n'aura pas les effets tout de suite de ces tarifs.
10:08Mais peut-être d'ici l'été, c'est à peu près l'horizon que donnent aussi
10:10certains membres de la Réserve fédérale américaine, Pierre-Yves.
10:15Est-ce qu'on verra d'abord une dégradation du marché du travail
10:17et puis des effets inflationnistes ensuite ?
10:20Est-ce que ce sera l'inverse ? Est-ce que ce sera tout en même temps ?
10:22En tout cas, il n'y aura rien de très clair d'ici cet été.
10:25Certains membres même estiment qu'on n'aura peut-être pas encore au mois de juin
10:28une vision très claire de l'impact de ces tarifs.
10:31Si vous lisez le Washington Post,
10:34les fonctionnaires américains sont dans la rue et font la queue pour la soupe populaire.
10:39Elon Musk avait promis de réduire, mais dans des proportions, j'avais noté,
10:43de réduire de 240 000 postes le total d'employés de la fonction publique fédérale.
10:55Pour l'instant, son donge en a fait péniblement 10 000.
11:00Et encore dans ces 10 000, il y en a beaucoup qui ne sont pas encore dans les statistiques
11:04et qui ne sont pas inscrits au chômage parce qu'ils vont être payés jusqu'au mois de septembre.
11:08Donc méfions-nous des effets d'annonce et du catastrophisme.
11:12Tôt ou tard, les choses vont commencer par filtrer dans les statistiques américaines.
11:16Mais pour le moment, il y a un espèce de paradoxe qui prolonge l'embellie.
11:21Bon, à suivre cette semaine, des chiffres importants.
11:24La première estimation de la croissance du PIB américain qui sera publiée ce mercredi.
11:28Et puis tout au long de la semaine jusqu'à vendredi,
11:30différentes données autour du marché du travail et de l'emploi aux Etats-Unis.
11:34Merci beaucoup Pierre-Yves.
11:35Pierre-Yves Dugas, correspondant américain de Be Smart for Change avec nous chaque lundi
11:39dans le dernier quart d'heure de Smart Bourse à retrouver sur vos écrans à la télévision
11:45mais également en replay sur BeSmart.fr
11:47ou encore en podcast sur l'ensemble de vos plateformes préférées.
11:50Sous-titrage Société Radio-Canada
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