François Ruffin, Député LFI de la Somme, auteur de « Le Temps d'apprendre à vivre, La bataille des retraites » aux Editions Les Liens qui libèrent
Regardez L'invité de RTL avec Amandine Bégot du 31 janvier 2023
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00:02 RTL Matin
00:06 Il est 7h43, excellente journée à vous tous qui nous écoutez. Amandine Bégaud, vous recevez ce matin François Ruffin, député France Insoumise de la Somme.
00:13 Deuxième jour donc de mobilisation contre cette réforme des retraites et le report de l'âge légal à 64 ans n'est plus
00:20 négociable. Ça c'est ce qu'a dit Elisabeth Borne ce week-end. Dans ces conditions, François Ruffin a à quoi bon descendre dans la rue ?
00:28 Pour inviter madame Borne et monsieur Macron à la responsabilité.
00:31 Quand il y a 1, 2, 3 millions de français qui disent non et qui vont redire non aujourd'hui. Quand
00:36 dans les sondages c'est 7 français sur 10 qui s'y disent opposés, quand c'est 9 salariés sur 10, quand tous les syndicats sont unis,
00:43 quand la CFTC vient dire avec les 44 ans sur les carrières longues "vous dépassez la ligne rouge", quand la CFDT vient dire
00:49 "vous auriez dû faire quelque chose sur travailler mieux avant de nous dire de travailler plus longtemps".
00:54 Quand on est après trois années, trois années où on a encaissé la crise Covid, où les deuxième ligne sont allées
01:01 remplir les rayons dans les supermarchés, sont allées s'occuper des personnes âgées, ont tenu l'hôpital, ont tenu tout ça et qu'à la derrière il n'y a
01:09 pas de récompense. Au contraire il y a une inflation qui vient rogner les petits salaires et que
01:13 on vient installer une double peine sur la tête des gens, je pense que c'est un comportement irresponsable.
01:18 C'est un comportement irresponsable et moi ce que je souhaite c'est qu'on ait un adoucissement du pouvoir.
01:23 On a besoin aujourd'hui, les français ont besoin de quoi ? Ils ont besoin de tendresse, ils ont besoin de douceur, ils ont besoin qu'on les
01:29 réconcilie avec quelque chose qui soit moins autoritaire.
01:31 On n'est pas dans un monde de bison-ours, s'il y a des déficits il faut les combler François Ruffin, c'est ce que dit le gouvernement
01:36 qui ajoute que le choix il a été fait
01:38 lors de la présidentielle.
01:41 D'abord un, ces déficits c'est un pur prétexte, il y a des tas d'autres méthodes pour combler ce petit déficit
01:46 à venir, qui n'est même pas présent, comme si on n'avait pas d'autres urgences aujourd'hui.
01:50 Je voulais dire quand même, mais quand François Béroud dit "on pourrait augmenter les cotisations patronales",
01:54 voilà un exemple. Quand le conseil d'analyse économique dit "il suffit de ne pas exonérer les hauts salaires de cotisation",
02:01 c'est un autre exemple.
02:04 - Sauf qu'on sort du cadre du système de retraite par répartition.
02:06 - Non, au contraire, là on est purement dans le cadre de retraite par répartition.
02:09 Et s'il s'agit de financer les 1200 euros pour ceux qui ont des carrières complètes ou de relever le minimum vieillesse, là on pourrait en effet,
02:17 cette union contributive, passer sur la dividende, ça c'est la première chose. Sur la démocratie, écoutez, franchement,
02:22 c'est pas parce qu'à un moment, dans une urne, vous faites plus de 50%
02:26 avec des gens qui veulent se rallier sur votre nom pour faire barrage à l'extrême droite, que vous devez en tirer
02:31 une vertu. Dans quel état il est le pays ? Dans quel état il est le pays quand aujourd'hui on a
02:37 des enseignants qui sont recrutés en job dating dans les écoles ?
02:40 Ça veut dire qu'ils n'ont plus de l'attirance pour leur métier. Ça veut dire que déjà, il y a une
02:45 interrogation à ce niveau-là. C'est un pilier de République qui affaibli. Normalement, la priorité du pays, ça devrait le reconstruire.
02:51 Le pilier de l'état social, c'est l'hôpital, où les gens passent 44 heures dans un couloir des urgences,
02:56 sont pas soignés, où ça va très très mal pour les soignants.
02:58 Normalement, on devrait se dire, la priorité du pays...
03:01 - Il faut régler tout ça avant de s'occuper des retraites, c'est ce que vous nous dites.
03:04 - Je pense qu'aujourd'hui, en effet, les retraites c'est pas la priorité, c'est pas la priorité à mettre en ce moment.
03:08 Regardez-le, le chaos qui est installé dans la société, avec une essence qui a plus de 2 euros,
03:13 avec des commerçants qui n'arrivent pas à payer leur facture d'électricité, parce qu'ils voient le cours bondir, parce que c'est lié aux cours internationaux.
03:19 Franchement, est-ce que c'est dans ce moment-là qu'on doit dire aux Français
03:23 "notre objectif c'est de vous faire travailler plus longtemps" ? Non, dans ce moment-là, les Français sont conscients des difficultés du pays.
03:29 - Vous parlez, François Ruffin, de chaos. Vous dites "le gouvernement est irresponsable". Gérald Darmanin, lui, vous accuse de "bordéliser le pays".
03:35 C'est son terme, un terme qui est assumé, puisqu'il l'a prononcé ce week-end, repris hier,
03:40 lors d'un déplacement à Marseille. Vous dites quoi ? C'est lui l'irresponsable ? C'est de la provocation ?
03:44 - Aujourd'hui, les millions de personnes qui vont descendre dehors, ce qu'elles souhaiteraient faire, c'est leur travail.
03:49 Être rémunéré correctement pour leur travail. Vous savez, je pense qu'on est dans un pays où les gens sont très conscients
03:54 des difficultés de la France. Et ce que souhaitent les Français, c'est simple.
03:58 Les Français doivent vivre de leur travail présent, c'est le salaire.
04:01 - Mais vous ne répondez pas à ma question.
04:03 - Oui, je vais y répondre. Rien que le ton que j'utilise pour vous répondre est une réponse à Gérald Darmanin.
04:08 Les millions de Français qui descendent dans la rue aujourd'hui, ils ne souhaitent pas bordéliser le pays.
04:12 Ils souhaitent pouvoir faire leur travail, c'est-à-dire faire circuler les trains, c'est-à-dire soigner, c'est-à-dire enseigner.
04:17 Ils n'ont aucun plaisir à perdre une journée de salaire aujourd'hui. Ils souhaitent simplement pouvoir vivre leur travail au présent,
04:23 c'est le salaire, et pouvoir vivre de leur travail au passé, c'est la retraite, la retraite méritée,
04:28 quand on a travaillé pendant 40, 42 années de sa vie. Voilà ce que souhaitent les Français.
04:32 Qu'est-ce qu'on souhaite, nous ? On souhaite, moi, je souhaite un apaisement dans le pays.
04:36 Je souhaite que là, on a un gouvernement qui est un gouvernement d'extrémistes. Les radicalisés, ce sont eux.
04:42 Quand on est radicalisé, quand on passe par-dessus le souhait de 9 salariés sur 10, par-dessus le souhait de 7
04:50 Français sur 10, et en se comportant de cette manière-là, on tend le pays.
04:54 On tend le pays inutilement dans un moment comme celui-ci. Voilà ce que fait M. Darmanin.
04:59 Je n'ai pas envie de tomber dans son piège. - C'est irresponsable ? - Mais c'est évidemment irresponsable.
05:03 Mais je veux dire, pour l'instant, je vois un trio d'irresponsables entre Darmanin, Born et Macron.
05:08 Ce sont des irresponsables. Je vous le redis, dans un moment qu'on traverse depuis maintenant 3 ans,
05:13 regardez l'essence qui est passée à plus de 2 euros. Et là, on ne se concentre pas là-dessus,
05:19 sur comment les Français vont pouvoir aller faire leur plein. - Il y a le chèque à carburant que les Français ne demandent pas, d'ailleurs.
05:24 - Parce que, vous savez, à un moment, simplement, est-ce que les Français ont envie de primes, d'aides et de subventions ?
05:32 C'est non. Ils veulent vivre de leur salaire. Et vous savez, si on règle la question des salaires,
05:36 je suis déjà venu vous le dire, l'indexation des salaires sur l'inflation, pour les auxiliaires de vie, pour tout le monde, pourquoi ?
05:41 Parce que ça leur permet de vivre au présent, mais on sait qu'un point de salaire supplémentaire,
05:46 c'est 6 milliards d'euros dans les caisses des cotisations de retraite. Donc, évidemment, poser la question du salaire, c'est poser quelle question ?
05:52 C'est poser la question du partage de la valeur ajoutée dans notre pays. On sait qu'il y a 10 points de valeur ajoutée
05:57 qui ont glissé du travail vers le capital. Que dans les années 80, on travaillait une semaine par an pour l'exemplaire.
06:02 – Et donc en augmentant le salaire, on réglerait ce problème de déficit ?
06:05 – Très largement. Vous savez, le déficit principal dans notre pays, c'est quoi ? C'est le déficit commercial.
06:11 Le déficit commercial, le gouvernement Macron bat tous les records, on est à 120 milliards d'euros, c'est du jamais vu.
06:16 Et moi, ça pose la question que posait François Lenglet juste avant. C'est comment on règle le fait qu'on importe, on importe, on importe, on importe, on importe ?
06:24 Et là-dessus, il n'y a pas de réponse. Le déficit des retraites prévus, c'est 12 milliards d'euros.
06:28 Le déficit commercial présent, aujourd'hui, c'est 120 milliards d'euros. Et M. Macron vient installer une bagarre
06:34 avec 9 salariés sur 10 dans le pays sur les retraites, alors qu'il ne nous dit rien du déficit commercial dont il est largement responsable.
06:40 – On se trompe, il se trompe de priorité. C'est ce que vous nous dites ce matin.
06:44 On est à 2 jours de mobilisation en 10 jours. Est-ce qu'il n'y a pas un moment, et c'est la question qui va se poser sans doute
06:50 dès ce soir lors de l'intersyndicale, est-ce qu'il n'y a pas un moment où il va falloir durcir le ton, passer, j'allais dire, frapper plus fort,
06:57 des grèves reconductibles ? C'est comme ça qu'en 1995, le gouvernement avait renoncé, parce que ça avait duré des semaines et des semaines.
07:03 – Écoutez, vous n'avez pas un leader syndical en face de vous.
07:07 Maintenant, c'est au travailleur de décider quelles sont les modalités.
07:11 – Il ne faut pas durcir le ton en soirée fin ?
07:13 – Sans doute. En tout cas, c'est le gouvernement qui ne cesse de durcir le ton à l'égard des gens.
07:17 Le gouvernement est très dur, il durcit le ton, il dit que c'est une réforme qu'on ne peut pas mener,
07:23 que les gens sont des irresponsables, qu'il s'agit de bordéliser. Le gouvernement durcit le ton, comment on peut parler ?
07:29 Un moment, c'est, est-ce qu'on prend au sérieux le mot démocratie ?
07:32 Dans démocratie, il y a "demos", ça veut dire "peuple", "pouvoir au peuple".
07:35 Est-ce qu'à un moment, on prend au sérieux ce mot-là ou pas ?
07:38 Le gouvernement ne le prend pas au sérieux, il fait tout, sans les Français, contre les Français.
07:43 Sur quoi il compte ? Sur quoi il compte pour passer sa réforme ?
07:46 Il ne compte pas convaincre, il sait que la bataille de l'opinion est perdue.
07:49 Il compte juste vaincre, et vaincre par quoi ? Il compte vaincre par la lassitude.
07:53 Il compte vaincre par la résignation. Il compte vaincre par l'usure.
07:56 Et les Français semblent résigner, 65% sont opposés, certes, à la réforme, c'est plus, 4 points de plus que le 19 janvier,
08:02 mais les trois quarts estiment que le texte sera malgré tout adopté. Vous leur dites quoi ?
08:05 Je suis là pour venir réveiller ça, et pour venir dire que c'est très très grave.
08:09 C'est très très grave quand dans la République, on compte simplement sur l'émouignement des citoyens de la chose publique pour passer en force.
08:16 Mais très sincèrement, vous pensez que la rue peut faire plier le gouvernement quand on entend ?
08:20 Ça s'est vu sur le contrat premier.
08:23 On entend cette fermeté, vous savez, moi quand je vois Elisabeth Borne, je vois Alain Juppé,
08:27 elle est droite dans ses bottes, mais ils sont droits dans leurs bottes jusqu'à temps qu'il y ait 2, 3, 4 millions de personnes,
08:32 et que ça tremble dans les guibolles. Déjà ça tremble un peu dans les guibolles, il faut qu'on continue.
08:36 Et maintenant je vous le redis, c'est très grave quand dans un pays comme le nôtre,
08:40 des gouvernements, le président de la République, compte juste sur l'usure pour non pas convaincre, mais vaincre par la résignation.
08:47 Merci beaucoup François Ruffin, et je rappelle cet ouvrage sur les retraites qui est sorti fin novembre,
08:52 "Le temps d'apprendre à vivre", vous parlez aussi de votre rapport et du rapport des Français au travail.
08:56 Il faudra en parler avec le sourire des retraites, puisque les retraites c'est s'occuper de ses petits-enfants,
09:01 faire des gâteaux au chocolat et des tas de belles choses comme ça.
09:05 !