Auteur de "Tous immortels" (Buchet-Chastel) : le cousin de Romain Gary raconte l'affaire Emile Ajar, à qui il avait prêté son visage à l'époque.
Retrouvez "L'invité de Sonia Devillers" sur
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00:00 Bonjour Paul Pavlovitch. Bonjour. Ce livre très gros, très beau, vous le présentez
00:07 comme l'effort de tenir à jour un service des disparus. Un service des disparus ? Oui,
00:16 oui. Si j'avais à préciser un nom, je dirais un service des gens qui se sont envolés,
00:24 c'est-à-dire des espèces de piétons de l'air qui, au lieu d'être enterrés, perdus ou noyés,
00:36 non, non, ils sont en l'air, ils sont à côté de la constellation d'Orion. Et je crois que c'est
00:47 effectivement leur place. Ce sont des gens dont les racines sont au ciel et ils les ont rejoints.
00:55 Et quoi dire de plus, au fur et à mesure que j'écrivais, je me suis rendu compte que c'était
01:10 mes ascendants en quelque sorte. J'ai d'abord compris les relations entre eux, entre Dina,
01:19 ma mère, et Romain, son cousin, entre toute la série de gens dont je parle qui, effectivement,
01:31 Piotr, mon frère aîné, Barbara, ma sœur, et puis ensuite tous les proches amis de Romain,
01:40 américains, français. Et tous ces gens m'ont semblé liés de façon, en quelque sorte,
01:50 c'est un récit de souvenirs de ce groupe de femmes et d'hommes que j'ai tous aimé. Et en même temps,
02:00 je les ai souvent détestés parce qu'ils étaient un peu impossibles à vivre. Mais en même temps,
02:09 j'ai connu Romain quand j'étais très jeune. Il avait été invité avec sa première femme,
02:18 Leslie Blanche, anglaise, écrivain elle aussi, qui d'ailleurs à l'époque avait plus de succès que
02:28 lui et ça l'énervait. Et je me souviens de cette journée invitée par mes parents. Ils étaient venus
02:41 déjeuner chez nous à Nice. Et les deux femmes, Dina et Leslie, s'étaient arrangées pour qu'il y ait
02:52 une ambiance de paix, en quelque sorte, parce que d'un côté il y avait mon père qui n'aimait pas
03:00 Romain et Romain qui n'aimait pas trop mon père non plus. Mon père était un bonhomme impossible
03:10 qui était pro-anglais et n'aimait pas de Gaulle. Or de Gaulle était la référence humaine de Romain.
03:20 - Romain Garry donc qui a fait la guerre du côté des résistants,
03:27 qui surtout terminera la guerre compagnon de la Libération aux côtés de De Gaulle en 45.
03:33 - Voilà. Romain a fait une guerre exemplaire. Il se gardait bien d'en parler. Il n'en tirait
03:44 aucun profit. Alors que c'était un homme qui, passant de personnage en personnage, aurait pu
03:52 exploiter sa propre histoire. Non, non. Pour lui c'était le temps de la fraternité.
04:01 - Je voudrais vous faire écouter Paul Pavlovitch, la voix de Romain Garry. Il était donc votre grand
04:09 cousin. - Oui. - Il était votre grand cousin. Écoutez-le parler de son identité parce que
04:17 ça raconte l'histoire de toute votre famille. - Je suis né en Russie jusqu'à l'âge de 7 ans.
04:23 J'ai vécu, je me souviens de la Révolution, après quoi j'ai vécu 7 ans en Pologne. Je parle et
04:29 j'écris couramment le polonais et le russe. Après quoi la France. Et il se trouve que je n'ai
04:35 absolument aucun problème d'identité. Je me sens un seul amant français. Je me souviens d'avoir
04:42 eu un jour une conversation à ce sujet avec le général de Gaulle. Et je lui avais raconté,
04:49 à propos de mes nationalités et de mes errances, l'histoire du caméléon qui devient rouge quand
04:55 on le met sur le rouge, bleu quand on le met sur le bleu. Puis on le met sur un tapis écossais et
05:01 le caméléon devient fou. Moi je ne suis pas devenu fou, je suis devenu écrivain. - Romain Garry,
05:07 votre grand cousin, il n'est pas devenu fou, il est devenu écrivain. Et pourtant, si souvent dans
05:14 votre livre, Paul Pavlovitch, quand vous faites revivre Romain Garry, vous dites à quel point il
05:21 a revécu encore et encore la tragédie de son peuple, à quel point il avait approché de trop
05:27 près l'indicible cruauté des frères humains, à quel point cette histoire le rattrapait ? - Oui,
05:33 oui. Il n'était pas question, il n'était pas possible pour lui d'échapper à son itinéraire,
05:42 d'échapper à cet arrière-plan absolument épouvantable. Mais il est quand même devenu
05:53 niçois, qui est vraiment sa patrie d'adultes. - Nice. - Et même un peu avant. Ce qui s'est
06:06 produit, c'est que malgré les prémonitions de sa mère qui le voulait diplomate et écrivain,
06:17 il a saisi l'occasion d'être écrivain, après avoir essayé d'être pianiste,
06:25 violoniste, comme tous les enfants prodigues juifs. Et là, il a trouvé sa voie parce que,
06:34 non seulement il écrivait des livres pour exister, mais en plus il avait compris quelque chose de
06:44 particulier chez lui, c'est-à-dire qu'il passait d'un personnage à l'autre. De livre en livre,
06:53 il se refaisait. Et moi j'ai compris assez vite ça parce que je l'ai rencontré très très jeune.
07:03 Et à la demande de ma mère, il m'avait reçu à Roquebrune-Cap-Martin où il avait acheté une
07:14 petite maison. Et là, il m'avait expliqué la vie, savoir que quand on est un gosse,
07:23 les gens ne vous voyaient pas. Et qu'il avait connu ça et que... - Il vous le dit d'ailleurs.
07:31 Tu es invisible. On ne te voit pas, tu es invisible. Il vous le dit. - Voilà. Et en fait,
07:36 lui était invisible à lui-même. Il fallait qu'il occupe un personnage dans le roman qu'il était
07:46 en train d'écrire. Et il a comme ça bondi d'un personnage à l'autre toute sa vie. Et à la fin,
07:57 quand il a renvoyé son personnage du roi Salomon, dernier livre d'Ajar, à Nice avec une ancienne
08:11 amoureuse, bon, c'était réglé. Le bonhomme retournait à Nice. On n'en parlerait plus,
08:18 malgré un petit fond de scepticisme. Et quand il a écrit surtout "Les cerfs-volants", qui était
08:30 le dernier livre de Romain Garry, et là aussi, il a lâché "Les cerfs-volants". Et là, il s'est
08:38 rendu compte qu'il n'avait plus rien à dire, c'est-à-dire plus rien pour vivre. Et à ce moment-là,
08:47 il s'est envolé à son tour. Et d'autres l'ont suivi. Je pense à mon frère qui était mon aîné
08:59 de quelques années, qui était un bonhomme absolument charmant. Certains trouvaient qu'il
09:06 était, comment on pourrait dire, excessif et qui ressemblait à Lovat, notre grand-père, oncle de
09:18 Romain. Et Romain l'aimait pour ça parce qu'il retrouvait chez Piotr son grand-père. Et voilà.
09:29 - De Romain Garry, vous faites un portrait extrêmement complexe, profond. C'est un personnage qui est
09:41 parfois attiré dans des abîmes de noirceur. Et en même temps, vous décrivez un ogre. Quand vous
09:47 parlez des lectures de Romain Garry, vous dites qu'il est vorace. Quand vous parlez de sa relation
09:54 aux femmes, vous dites qu'il est vorace. - Oui. Il a toujours été vorace. Je crois que c'est une
10:02 conséquence de sa petite enfance avec sa mère dans le théâtre aux armées de l'armée russe
10:08 durant la guerre de 1914. Et cette affaire-là a duré entre 1914, sa naissance, alors que son
10:18 propre père était engagé dans cette guerre, raflée par les Russes comme tous les adultes. Et
10:28 je ne sais pas comment dire ça. Il avait gardé la crainte de manquer de tout, ce qu'il avait vécu
10:40 avec sa mère jusqu'en 1920 ou 1921, 1922. Et quand ils sont rentrés d'abord en Lituanie,
10:50 puis ensuite passés en Pologne, ça ne s'est pas amélioré. Tous les pays n'aimaient pas recevoir
11:03 des Juifs. Et donc il a senti tout ça de très près. Et il a commencé à écrire. Et il a considéré
11:14 très vite que c'était la façon de se sauver, en quelque sorte. Et donc il a continué. Il a
11:25 continué toute sa vie, certain qu'il ne vivrait pas vieux. Et l'écriture était accompagnée d'une
11:34 montée en puissance du désir sexuel, racontez-vous. Voilà un personnage qui est à la fois profondément
11:40 ancré dans la vie, dans le désir, dans la libido, qui a besoin d'embarquer les autres dans ces
11:47 histoires, dans ces histoires de personnages, dans ces aventures. Et puis en même temps,
11:51 qui est, comment dire, gagné en permanence par l'autodestruction. Oui, oui, c'était incontestablement
11:59 un type vorace. En même temps, attention, il était aussi un homme extrêmement doux et
12:08 paradoxalement extrêmement fragile. Il craquait souvent, vous comprenez. Entre les livres,
12:16 quand c'était une période sang comme ça, non, ça n'allait plus. Très vite, écrire était une
12:24 médecine de survie. Et en même temps, il s'est inventé un futur immédiat. Il allait passer sur
12:33 un autre personnage, frère du livre précédent, et il allait le devenir. Et là, il était heureux,
12:43 et ça a continué plus de 50 ans. - Alors on va écouter Romain Garry justement parler de
12:52 cette question du dédoublement du pseudo du personnage, parler de lui écrivain, écrivain
13:01 parfois méprisé, parfois conspué. - Pourquoi écrivez-vous parfois sous d'autres noms ? - Pour
13:09 me libérer. Parce qu'on m'a fabriqué une tête, un personnage de Romain Garry, la critique,
13:14 les gens, etc. dont on me tient prisonnier. Alors de temps en temps, pour échapper à cette façade
13:21 qui n'est pas la mienne, qui m'a été donnée par les autres, j'écris sous un pseudonyme. C'est
13:26 impossible, vous savez, totalement impossible d'imposer un pseudonyme à Paris, il est toujours
13:30 percé. - Alors ce qui est amusant, c'est qu'au moment où il donne cette interview à Jacques
13:35 Chancel, il a fabriqué le personnage d'Émile Ajar, il vous a embarqué dans cette histoire,
13:41 vous incarnez Émile Ajar, Émile Ajar vient de recevoir le prix Goncourt et à ce moment-là,
13:47 il dit "c'est impossible de fabriquer un pseudonyme à Paris". Le mystère est immédiatement percé,
13:53 mais à ce moment-là, personne n'a percé le mystère, personne ne sait que c'est Romain Garry,
13:56 l'auteur des livres d'Émile Ajar. Il faut que vous racontiez, Paul Pavlovitch, cet homme qui
14:03 a résisté à tout, à toutes les menaces, y compris de mort, à toutes les haines, il y a quelque chose
14:10 qu'il n'a jamais réglé là ? - Oui, je crois que c'était impossible, à la fois par peut-être
14:18 incompatibilité d'humeur entre les cultures, je ne sais pas, il a été immédiatement détesté,
14:28 il a été difficile de le croire maintenant, mais ces livres ne plaisaient pas aux experts,
14:38 aux critiques littéraires de l'époque et quand est apparu Ajar, ça n'a pas du tout été comme ça,
14:53 les livres ont trouvé à la fois leur public et il n'en revenait pas, il citait un tel,
15:04 nous avions un échange de messages incessant en me disant par exemple "voilà un guz qui me
15:13 déteste depuis 30 ans", etc. - Et maintenant que j'écris sous le pseudonyme d'Ajar, il aime le
15:19 livre. On a même inventé, Paul Pavlovitch, l'idée qu'Albert Camus, qu'il avait défendu envers et
15:26 contre tout, et il s'aimait énormément Albert Camus et Romain Garry, on a même inventé l'idée
15:31 que c'était Albert Camus qui écrivait les livres de Garry au début de sa carrière. - Ce qui d'ailleurs
15:37 signifiait que Albert Camus était nul, ils se sont détestés, Garry. - C'est ça, coup double.
15:46 - Coup double, tout à fait. Non, il a compris que c'était tout à fait... Enfin Romain était très
15:56 complexe, Romain tenait énormément à sa qualité dans la réalité d'être un consul et un consul
16:07 général. - Il a été consul général de France à Los Angeles. - Voilà, il y avait là un vêtement de
16:13 sortie qui convenait. C'était respectable et ce double-là lui permettait d'avoir, comment dirais-je,
16:25 une présence dans la réalité qui était convenable. Mais il y croyait vraiment. Et dans le même temps,
16:36 auteur très critiqué et il a été critiqué jusqu'après sa mort et encore maintenant, pour dire la
16:47 vérité, encore maintenant des gens le détestent mais qui se retiennent d'en parler puisque Romain,
16:55 50 ans après sa disparition, a trouvé un public qui est vraiment très fidèle. Moi, j'assistais à
17:07 tout ça et comme Romain n'était pas quelqu'un qui essayait de convaincre, je trouvais qu'il avait
17:17 raison de faire ce pari très risqué pour sa réputation dans la réalité en face d'une espèce
17:26 de réalisme magique qu'il considérait être la phase importante chez un romancier. Dans l'histoire
17:37 du roman, pour lui, c'était essentiel. C'est pour ça qu'il a beaucoup aimé certains écrivains
17:43 étrangers, leur envoyant des lettres lors de leur anniversaire de sortie du livre qu'il admirait.
17:50 - Et puis même, on va en parler évidemment, Paul Pavlovitch, de cette grande aventure,
17:54 de cette mystification de l'invention des mille-âges. Mais il y a un moment dans le livre
17:58 où vous dites qu'est-ce qui restera de tous ces broutilles, de tous ces enfantillages qui n'ont
18:02 pas été que des moments amusants, il y a eu des moments très douloureux. Mais vous dites,
18:07 il restera la vérité romanesque. - Oui, tout à fait. C'est probablement la seule chose qu'il
18:15 n'a pas trahie, si on peut employer un mot si lourd. Pour lui, la vérité romanesque, c'était très
18:22 important. Il écrivait des lettres à des auteurs qu'il ne connaissait pas. Quand, ayant lu le livre
18:29 de ces gens-là, il trouvait un frère, un frère d'armes en quelque sorte. C'est une vie très
18:37 complexe. Mais ce qu'il est important de dire, c'est que c'était un homme très faible. Vous
18:44 comprenez ? Vorace peut-être, mais en même temps très faible, très fragile, ne comprenant absolument
18:53 pas l'hostilité qu'il provoquait. Et comme il a dit dans cette citation de lui qu'on a entendu,
19:01 pourquoi les gens l'attaquaient ? Ça, c'était quelque chose qu'il ne pigeait pas. - Et vous,
19:08 Paul Pavlovitch, vous l'avez dit, Romain Garry était très proche de votre mère. Ils avaient
19:17 sensiblement le même âge. - Elle était légèrement son aîné. - Et vous, vous avez perdu votre père
19:25 très jeune. - Voilà. Ayant perdu mon père, à la maison, ça flottait sérieusement parce que ma mère
19:37 avait été très amoureuse de son mari, mon père. Et donc, quand il est mort, elle a été réellement
19:46 tuée. Et dans la maison, entre Piotr, Barbara, ma sœur et moi, on faisait à peu près ce qu'on
19:58 voulait. Pendant des années, ça a duré comme ça. Barbara assumait tout, comme les femmes savent le
20:05 faire. Et Piotr et moi, on vaquait. Et à ce moment-là, ma mère qui s'inquiétait un peu quand
20:15 même, je ne lui en reveux pas, c'était une femme amoureuse qui avait perdu son amour, donc ça ne se
20:23 juge pas, a demandé à Romain de me recevoir alors qu'il venait en vacances dans sa bicoque en ruine
20:33 à Roquebrune, Cap-Mortin. Roquebrune Village, en haut. Et Romain m'a reçu et il m'a dit tout ce
20:43 que vous notiez. On est invisible, mon vieux, quand on est jeune. Tout ce que tu as intérêt à faire,
20:50 c'est gagner du temps. Or, moi, le temps, je le perdais. Mais je ne voyais pas la différence entre
20:58 perdre du temps et le gagner. - Mais c'est incroyable quand même que l'homme qui va vous
21:03 faire jouer un personnage au mépris de la réalité, de qui vous êtes, Paul Pavlovitch, parce qu'il s'est
21:10 occupé de tout dans l'affaire Émile Ajard, sauf de vous, qu'est-ce que vous éprouviez, vous, à
21:14 incarner un écrivain qui n'existe pas. Et c'est cet homme-là qui, quand vous étiez enfant, vous a dit
21:20 "tu es invisible". Il y a quelque chose d'incroyable. Le premier job qu'il vous trouve, parce que pendant
21:28 longtemps, avec votre amoureuse Annie qui va devenir votre épouse et puis la mère de vos filles,
21:32 vous n'aviez pas un rond. Romain Garry vous trouve un boulot. Le boulot, à l'époque, vous dites, on
21:39 appelait ça "nègre d'édition". Donc vous êtes l'écrivain fantôme. - C'est vrai, ça a commencé
21:47 comme ça. Mais ne croyez pas qu'il m'ait imposé un rôle quelconque. Devant son invention, qui
21:58 donc marchait convenablement, du moins au début, il avait besoin d'un témoin. Et ce témoin, c'était
22:08 donc moi. J'étais un auditeur attentif. Je n'en revenais pas. Je trouvais qu'il prenait tous les
22:16 risques compte tenu de son état civil dans la réalité. Et alors ça, ça a emporté mon accord.
22:26 Qu'un type aussi installé avec toutes ses décorations et son aspect respectable,
22:39 ose tout risquer. Parce qu'effectivement, il risquait gros. Il risquait que ses éditeurs
22:48 se portent partie civile pour sauver leur propre réputation. - Il risquait le scandale. - Il risquait
22:55 un énorme scandale et ça, il le savait. Et donc, prenant tous les risques, il avait tout mon support,
23:04 tout mon accord. Je trouvais qu'il était gonflé. C'est vrai qu'il était courageux en même temps
23:13 que Trouillard. Et donc, après l'avoir écouté en auditeur très sympathisant, je suis devenu un
23:23 acteur improvisateur. Pas très bon d'ailleurs, pas très bon. Mais c'est très curieux comme les
23:32 gens vous regardent pour ce que vous paraissez. Et donc, très vite, j'ai compris qu'il n'était pas
23:39 question d'en profiter, d'exagérer, qu'ils allaient compléter comme ils l'entendaient. Et c'est ce
23:47 qui s'est passé. Mais jamais Robin m'a sollicité pour devenir son auteur fantôme. Et dans l'idée,
23:56 effectivement, je devais devenir un auteur fantôme et disparaître. Et je suis resté auteur fantôme
24:07 de toutes les œuvres d'Ajart, mais je n'ai pas disparu. Et c'est à partir de là que les choses
24:15 sont devenues plus difficiles entre lui et moi. Et quand il a écrit "Pseudo", qui est une variation
24:21 à la fois maniaque, mauvaise et drôle. - Vengeresse. - Voilà. Il s'est emprissé de me mettre un mot.
24:33 Tu vois, là, ils ont compris que je ne t'ai pas aidé et que c'est vraiment du Ajart brut de
24:41 décoffrage. - Parce que ce qu'il faut qu'on explique, Paul Pavlovitch, c'est que la révélation,
24:48 elle s'est faite en plusieurs étapes. Au départ, on a bien compris qu'il y avait un premier Camenoir,
24:53 c'est que Émile Ajart n'existait pas. Émile Ajart, c'était le neveu de Romain Garry. Et tout le monde
25:01 s'est contenté de cette révélation. Personne ne s'est imaginé qu'en fait le neveu de Romain Garry
25:06 n'avait pas écrit ses livres. C'était Romain Garry lui-même qui les écrivait. Mais enfin, il y a
25:10 une première révélation. Écoutez Paula Jacques, vous l'avez très bien connue, vous avez même été
25:14 son éditeur. Elle dit qu'elle a été amoureuse de vous. Les auditeurs de France Inter la connaissent
25:20 aussi parce qu'elle a été très longtemps une des grandes voix de France Inter. Écoutez-la.
25:25 - Je me faisais de Garry une image qui était celle d'un vieil homme acariâtre, jaloux de son neveu,
25:32 plus beau, plus talentueux et qui n'avait qu'une idée en tête, c'était de démolir son neveu,
25:37 ainsi que Cédine en pseudo. Et je méditais beaucoup sur cette affaire, c'est-à-dire le génie
25:44 déclinant du vieil homme et puis l'espèce de soleil montant du neveu et je trouvais que c'était
25:49 une histoire merveilleuse. Et puis bien entendu, nous parlions beaucoup de Garry avec Pavlovitch
25:54 et moi j'avais pour Garry le plus grand mépris. Je l'avoue, je n'avais pas du tout envie de lire
25:58 ses livres. Je me disais, il n'y a absolument rien à en tirer. - Voilà comment probablement
26:04 l'amertume de Romain Garry petit à petit a grandi dans l'ombre. Et d'ailleurs, vous dites dans votre
26:11 témoignage, Paul Pavlovitch, que vous n'en aviez pas pris la mesure. - Oui, il est clair que lorsqu'il
26:23 rédige à toute vitesse le premier G de pseudo, il est parano. D'abord, il veut sauver
26:32 son innocence aux yeux des gens sur ses œuvres, il n'en veut pas. Et ensuite, il se grime en
26:44 "tonton Macoute", comme il dit, pour de façon apparemment cynique se moquer de son neveu. Mais
26:55 à l'époque, moi, je tapais à la machine son travail aussi. Et donc, je voyais surgir des trucs
27:01 épouvantables qui me cassaient parce que moi, ce que j'avais vis-à-vis de Romain, c'est un certain
27:09 amour. Et donc, à ce moment-là, on s'est pris à partie. - Méchamment disputé. - Oui, violemment,
27:20 violemment. Et puis, on s'est ensuite prudemment tenu à distance parce qu'il n'était pas question
27:29 que je trahisse quoi que ce soit, tandis que lui était... - Il avait peur, il avait peur que vous
27:35 le trahissiez, il avait peur que vous vous appropriiez des livres qu'il avait écrits dans
27:40 l'ombre. Il avait peur de ça, il avait peur que vous deveniez un voleur, un usurpateur. - Voilà.
27:46 Et c'est là où il manquait de lucidité. Il n'a jamais compris que ce serait jamais le cas. L'œuvre
27:58 d'Ajar, ce n'était pas la mienne. Et alors, pour moi, c'était très étonnant de sentir son soupçon.
28:06 Et donc, il a pris des précautions. Je devais signer des papiers blancs, des histoires. - Des avocats multiples.
28:15 D'ailleurs, Paul Pavlovitch, je vous interromps, vous dites des choses très drôles sur Maître Gisèle
28:22 Halimi, puisque ça a été la première avocate qu'il a embarquée dans cette histoire. Il y a eu
28:25 Kiezman, il y en a eu d'autres, des grands noms du barreau parisien. Et elle vous agaçait
28:31 prodigieusement, Gisèle Halimi. C'est bien la première fois que je lis quelque chose de cet
28:36 ordre-là sur la figure intouchable de Gisèle Halimi. - Oui. Elle était elle-même dans sa
28:42 grande aventure qui était le malheureux viol d'une jeune femme. Et c'était ça qui comptait pour elle.
28:55 Je ne veux pas dire de méchanceté, mais je crois que c'était aussi un tremplin, vous comprenez ?
29:02 Et Romain a commis l'erreur de s'adresser à elle. Je ne sais pas pourquoi, peut-être était-il
29:08 impressionné par cette étoile montante devant les tribunaux. - Probablement. Mais c'est drôle, parce que le jour où
29:16 Émile Hajard, donc cette création de Romain Garry, reçoit un prix Goncourt à la place de Romain Garry,
29:22 en fait, Halimi, elle lui saute dessus, elle l'engueule et elle le traite de salaud intégral et de dingue.
29:28 - Elle n'avait rien compris à l'enjeu que misait Romain dans cette histoire. Rien du tout. Donc il
29:38 était clair qu'il avait fait une erreur. Puis après, il y a eu, comment vous dites,
29:42 Kiechmann qui était aussi un spécimen très particulier. Kiechmann était un homme qui
29:49 défendait l'argent de ses clients. Et lui aussi, il se fichait royalement de cette histoire.
29:59 - Paul Pavlovitch, c'est vous qui avez révélé les dessous de cette histoire. Donc au cours d'une émission restée
30:08 célèbre dans l'histoire de la télévision française, c'était "Apostrophe", c'était en 1981, c'était après la mort de Romain Garry.
30:15 Il s'était donné la mort, c'était après la mort de Romain Garry. Et le lendemain, il y a son fils Diego
30:21 qui réagit dans les médias et qui dit ceci.
30:27 - J'étais au courant dès le début de l'affaire Ajar que mon père m'en parlait très souvent, qu'il m'a souvent préparé à cette déclaration
30:33 qui était un moment très important pour lui. Il savait que je serais la seule personne responsable et probablement en mesure de le faire.
30:39 On a demandé à Pavlovitch d'intervenir pour asseoir le mythe d'Émile Ajar. Malheureusement, Pavlovitch devait être un fantôme.
30:48 Il a donné une véritable photo et une véritable biographie, ce qui a rendu mon père très malheureux parce que sa tentative de roman total,
30:56 parce que si on regarde l'affaire Ajar, Ajar lui-même, le personnage qui est présenté est un personnage de roman.
31:01 Toute l'histoire est complètement romanesque et c'est Pavlovitch qui a détruit le mythe.
31:05 - Vous avez le sentiment d'avoir été trahi ?
31:07 - Bien sûr et d'autre part, je suis également triste parce que nous partageons mon père et moi ce secret. C'est une complicité qui s'achève maintenant.
31:14 - Voilà. - C'est dur, hein ?
31:17 - Oui, c'est dur. - Oui, oui.
31:19 - Il était plus jeune que vous, Diego. - Oui, il était plus jeune que moi de quasiment 20 ans.
31:28 - Oui. - Romain l'a informé quand il avait 13-14 ans.
31:34 - De la vérité sur Émile Ajar. - De la vérité sur Émile Ajar.
31:39 Après la mort de Romain, j'ai été face à ce bataillon d'avocats défendant les ayants droit qui me rappelaient que je n'avais aucun droit et surtout pas celui de déclarer la vérité.
31:58 Moi, je leur avais dit que je le ferais, qu'étant donné le rôle que j'avais tenu, il n'était pas question que je ne le fasse pas.
32:07 Et ils ont attendu pour voir. Et j'ai écrit ce premier livre sur l'affaire Ajar. Et je l'ai présenté à Bernard Pivot, qui a compris que ça ferait le sujet d'une émission durant laquelle j'ai essayé de défendre Romain.
32:32 Parce qu'en face de moi, j'avais tout un éventail d'auteurs galimards qui formaient comme une espèce de tribunal muet, me regardant.
32:42 Quel est ce type qui s'est infiltré dans une histoire incroyable ? Bref, j'avais le sentiment d'être constamment jugé.
32:54 Et j'ai défendu Romain et j'ai essayé d'expliquer qu'il avait tenté quelque chose d'impossible à réaliser et que c'était unique.
33:03 Et l'émission s'est terminée comme ça. Et durant le moment off radio, dans la régie, on ouvre la petite fenêtre et on dit à Bernard Pivot que Diego Garry veut parler à Paul Pavlovitch.
33:31 Et ce soir-là, Diego m'a remercié d'avoir défendu son père et les choses qu'il avait osé faire. Et donc, par la suite, il a changé d'opinion.
33:46 Et malheureusement, tenu là, on n'a plus eu de rapport ni hostile ni favorable. C'est peut-être un des échecs de Romain, à savoir nous avoir joué l'un contre l'autre dans les fêtes.
34:10 Probablement pas volontairement. Mais je me souviens bien de ce coup de téléphone qui m'a ahuri, où Diego me remerciait d'avoir pris cette position d'essayer d'expliquer à tous ces écrivains galimards que c'était quelque chose d'innue et qu'ils tentaient,
34:32 c'est-à-dire inventer un auteur réellement nouveau. Et voilà. C'est marrant.
34:42 Dans ces Immortelles, Paul Pavlovitch, puisque c'est le titre que vous avez donné à ce livre qui paraît chez Bûcher-Chastel, il y a une immortelle, une immortelle magnifique, que vous avez aimée au-delà de tout.
34:55 C'est Ginzi Berg. Ginzi Berg qui a donc été l'épouse de Romain Garry, sa seconde épouse, qui était beaucoup plus jeune que lui. Donc elle avait pratiquement votre âge.
35:06 Et même après la séparation entre Romain Garry et elle, même après leur divorce, vous ne vous êtes plus quitté. Vous ne vous êtes plus quitté. On écoute sa voix. Là, elle est toute jeune, toute jeune. Écoutez, c'est en 65.
35:22 Voici votre côté américaine. Les Américaines sont des femmes de tête qui savent bien diriger leur existence.
35:27 Oh quelle horreur, une femme de tête. Je ne sais pas. Je ne crois pas que je suis une femme de tête du tout. Mais si je regarde cette façade, tant mieux.
35:37 Mais qu'y a-t-il derrière la façade, alors, puisque c'est une façade ?
35:40 Oh, mais une façade, c'est ce qu'on montre pour ne pas montrer ce qu'on est réellement.
35:45 Donc une sorte de masque que vous portez, un masque souriant, mais un masque tout de même.
35:48 Oui, oui, oui. Mais ça n'a pas changé avec les comédiens. Nous portons tous les masques tout le temps.
35:54 Ça me prend une heure tous les matins à 6h pour mettre mon masque, alors. C'est tout.
35:59 Paul Pavlovitch, vous écrivez "De pareilles amies vous manquent, elles vous tiennent par la main pour l'éternité".
36:07 Oui, tout à fait. Je crois que c'est William Styrone, un des copains américains de Romain, qui disait "She's a country girl".
36:21 Une fille de la campagne ?
36:23 Oui, c'est une fille de la campagne. Effectivement, quand elle venait à ma campagne, elle était tout à fait de niveau.
36:32 Elle comprenait qu'on était dans le rustique.
36:34 Parce que vous et votre épouse Annie, tout jeune, vous avez habité dans les chambres de Bonne, au-dessus de l'appartement de Romain Garry et de Ginzi Berg.
36:45 Vous étiez le jeune couple hébergé. Et puis ensuite, quand vous avez eu quelques sous, vous avez acheté une maison qui vous tient immensément à cœur,
36:55 qui est perdue, accrochée à un cosse. Et là, c'est Romain Garry et Ginzi Berg qui sont venus à vous.
37:02 Oui. C'est là où je me suis dit que, lorsque j'ai écrit ce livre, je me suis dit que j'avais raison.
37:09 À côté de notre maison, il y avait une autre petite baraque en ruine et Romain a décidé de l'acheter en me demandant si on pouvait cultiver,
37:23 je ne sais plus quelle plante, j'ai oublié, devant chez lui, comme à Vélinas. Et j'ai dit bien entendu.
37:32 Et on est parti pour construire la maison, reconstruire cette baraque de la même manière qu'il faisait reconstruire et qu'il avait fait reconstruire Rocquebrune.
37:44 Et il y avait cette grande grange et Romain a immédiatement proposé, alors qu'ils étaient séparés mais encore extrêmement amis,
37:54 lui, il était soulagé. Il considérait maintenant Ginzi comme sa fille. C'était une position tranquille.
38:03 Et il a proposé à la grange à Ginzi, qui est venue, qui a visité, qui a dit d'accord. Et tout d'un coup, on se retrouvait groupés à la campagne.
38:14 Ma mère était morte et ils ont croisé Piotr, mon frère, que j'avais ramené par là aussi de Nice, puisqu'il ne restait plus qu'un cimetière à Nice.
38:28 Mais c'est vrai qu'elle était réellement ravie du côté campagnard de notre réunion.
38:38 Et c'est là où Romain a commencé à parler de tribu au sens de hippie, je dirais, du terme, qui se regroupe comme ça dans un mot et crée un camp de base qui n'empêchait personne de partir et de revenir.
38:57 Alors nous, on a l'image de l'actrice devenue star de Ginzi Berg au moment d'un bout de souffle.
39:07 Et puis, c'est les débuts de leur couple. Et puis, c'est le moment où Romain Garry publie Les Racines du ciel.
39:14 Donc, ils sont adulés, adulés par la presse, poursuivis par les photographes, harcelés par les paparazzis.
39:22 Mais vous racontez les débuts de cette jeune Américaine au cinéma et vous racontez ses premiers tournages.
39:29 Elle est très, très jeune avec Otto Preminger.
39:33 Et vous racontez des moments de souffrance et de harcèlement moral.
39:38 Elle a joué la Jeanne d'Arc d'Otto Preminger.
39:41 C'est inouï ce que vous racontez, ce qu'elle a subi sur ce tournage.
39:44 Tout à fait. Elle a été une star à 17 ans.
39:50 Elle n'avait pas encore fait ses preuves.
39:55 Un peu plus tard, quand elle va jouer dans A bout de souffle, elle a gardé une reconnaissance éternelle pour Jean-Paul Belmondo,
40:03 qui lui fait cinq ou six ans de conservatoire et qui lui a toujours facilité la réplique.
40:11 Mais là, elle commence avec Otto Preminger, qui était réellement horrible sur chaque tournage.
40:20 Pas proprement réservé à Jean, mais il a laissé cette réputation et il l'a brisé.
40:28 Il l'a brisé littéralement, croyant que quand on mettait au pas un acteur, il allait être meilleur.
40:36 Or, elle, elle a perdu toute espèce de direction là-dedans.
40:40 Et d'ailleurs, vous dites, Paul Pavlovitch, que Maria Schneider, qui était donc l'héroïne féminine du dernier tango avec Marlon Brando
40:48 et dont on sait aujourd'hui qu'elle a été quasiment violée sur le tournage.
40:54 Et Romy Schneider également.
40:56 Jean Seberg, vous dites, voilà une génération de jeunes femmes qui ont été littéralement broyées par le cinéma.
41:03 Tout à fait, tout à fait.
41:05 C'est des femmes exemplaires qui avaient d'énormes qualités, toutes les trois, chacune différente.
41:14 Et cependant, là, les circonstances des types dégonflés ou ignobles ont abusé d'elle.
41:21 Et quand Jean est sortie de chez Otto Preminger, elle n'avait plus aucune confiance dans son talent éventuel d'actrice.
41:30 Elle rencontre Romain et elle se dit, voilà un type connu du monde entier.
41:38 Il doit être solide. Je veux un enfant de lui.
41:43 Et en même temps, sa tracée, sa ligne professionnelle, il allait continuer de faire des grands livres et elle allait continuer et essayer de faire de bons films.
41:56 Et tout ça a tenu une dizaine d'années. Et à cette époque-là, nous étions dans ces chambres de Bolles.
42:04 Moi, j'étais étudiant. Annie commençait à travailler à Paris et on était donc voisins.
42:12 Et on a appris à... Enfin, moi, j'ai appris à beaucoup aimer Jean parce qu'elle était vraiment...
42:22 Enfin, elle était formidable. Elle était formidable. C'est mon souvenir.
42:26 Dans "Ces Immortels", quand même, vous allez peu à peu vers la mort. Paul Pavlovich, la mort de vos personnages.
42:34 Et vraiment, c'est aussi un livre sur la lente, longue et inéluctable dépression dans laquelle tombe Ginzi Berg.
42:45 La longue, lente et inéluctable dépression dans laquelle va tomber Romain Garry.
42:51 Alors, la vérité, Ginzi, à cette époque-là, tombe dans une grave dépression qui resurgissait chaque année à la mort de son dernier enfant, une fille, Nina.
43:07 - Elle a perdu un bébé. - Elle a perdu un bébé.
43:10 - Elle s'en est jamais remise. - Elle a vécu deux jours.
43:14 Et elle n'a jamais pu s'en remettre. Et elle était déjà harcelée par le FBI, qui, dirigé par ce lascar épouvantable dont j'oublie le nom, tant mieux pour lui...
43:29 - Hoover, non ? - Hoover.
43:32 Opérait une opération de... Fabriquait une opération de destruction en la faisant suivre de façon apparente.
43:42 - Et pourquoi elle ? Parce que depuis son plus jeune âge, elle s'est engagée en faveur de l'égalité des droits civiques aux États-Unis.
43:49 Elle a toujours pris parti pour la défense des minorités noires aux États-Unis, jusqu'à se rapprocher des Black Panthers.
43:57 - Voilà. Et ça, Hoover trouvait ça impardonnable. Et donc l'a harcelée, littéralement, pendant des années.
44:07 Et puis très vite, elle a abandonné l'idée d'expliquer ça à ses amis. Ses parents ne pouvaient pas y croire.
44:15 Jamais le FBI n'aurait pu s'attaquer à une Américaine qui était innocente. Ils ne pouvaient pas croire que...
44:24 - Mais même Romain Garry, après le suicide de Gene Seberg, quand il a donné cette conférence de presse chez Gallimard,
44:30 en disant "voilà la vérité de ce qu'elle a vécu", harcelée par le FBI, même Romain Garry, personne ne l'a cru.
44:36 - Tout à fait. Personne ne l'a cru. Heureusement, Hoover meurt. Et le successeur, en 1979, annonce la couleur.
44:47 C'était vrai. C'était pas une conspiration. C'était vraiment... C'est pas un délire. C'était la réalité.
44:54 Ils l'ont tuée parce qu'elle était faible, qu'elle était fragile. Tout ça... Par exemple, le père de Gene,
45:04 qui était un républicain, un honnête patriote, etc., a compris très tard. Et il est mort quelques années plus tard,
45:15 refusant, dès qu'il a entendu la vérité, refusant de lever le drapeau chaque matin. Alors que c'était une de ses règles de vie.
45:26 On lève les couleurs et on les baisse chaque soir. Il embêtait d'ailleurs le frère de Gene, dans ce cas-là,
45:33 parce qu'il fallait que ce soit impeccable. Non, Gene a eu une lente descente, comme vous dites, de 1970 à 1979-1980.
45:45 Et Romain, lui, a espéré que l'invention Ajar serait un renouveau. Or, c'est devenu un cauchemar. Voilà.
45:58 Paul Pavlovitch, on ne peut pas tout dire. C'est même Romain Garry qui vous a appris ça. Il ne faut pas tout dire.
46:05 Oui. Il ne faut pas tout dire. Vous ne pouvez pas porter tort à vos héros, vous comprenez. Sinon, vous écrivez des saloperies.
46:16 C'est pas possible. Et puis, il y a des choses qui, dans le fond, sont si banales que c'est pas la peine d'en parler.
46:25 C'est pas la peine d'en parler. On n'est pas là pour souiller ces figures de proue. Non. C'est plus... Enfin, moi, je ne voulais pas.
46:37 Les mots n'ont aucune fidélité. Dites-vous dans le très beau prologue du livre, les mots n'ont aucune fidélité.
46:43 Il rallie le dernier qui parle. Malheureusement, oui. Malheureusement, il rallie le dernier qui parle.
46:50 Alors, j'espère que le dernier mot, c'est moi qui l'ai eu, mais je ne sais pas.
46:58 Merci beaucoup, Paul Pavlovitch. Je vous en prie. Le dernier mot, c'est 480 pages, tous immortels,
47:06 qui paraît aux éditions Bûcher-Chastel et qui sera en librairie à partir de demain. Merci beaucoup.
47:13 Merci. Au revoir.