La journaliste Joëlle Stolz publie "Projet Wotan" (Seuil), où elle raconte la vie de Lutz Kayser, jadis empereur des fusées au XXème siècle. Elle est l'invitée de 9H10.
Retrouvez "L'invité de Sonia Devillers" sur
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-9h10
Retrouvez "L'invité de Sonia Devillers" sur
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-9h10
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Le 7 9 30 sur France Inter.
00:06 Et à 9h08 Sonia De Villers, votre invitée nous emmène dans l'espace.
00:10 Voilà, et l'affaire commence sur un atoll absolument perdu et paradisiaque.
00:15 Bonjour Joel Stoltz.
00:16 Bonjour.
00:17 Soyez le bienvenu, vous êtes journaliste, vous vivez entre la France et l'Autriche,
00:21 vous avez très très bien longtemps travaillé en Afrique, connaissez très bien l'Afrique.
00:25 Qui rencontrez-vous sur cet atoll ?
00:27 Alors, je rencontre les gens que j'avais en fait connus à Tripoli au milieu des années
00:33 90.
00:34 En Libye ?
00:35 Voilà, en Libye.
00:36 Lutz et Suzy Kaiser.
00:37 Suzy Kaiser était la troisième épouse de Lutz, je ne connais pas les deux précédentes,
00:42 mais j'ai bien connu celle-là.
00:44 Et donc je les ai revus là où ils s'étaient retirés pour la fin de leur vie et là où
00:49 il est mort d'ailleurs, donc sur un petit atoll minuscule des îles Marshall qui sont
00:56 donc au milieu du Pacifique.
00:57 Voilà, où il vivait quasiment nu.
00:59 Des gens qui ont connu toute la jet set, les gens les plus puissants, les plus argentés
01:04 du monde.
01:05 Ils ont eu une vie totalement dingue.
01:07 Ils vous l'ont raconté, ça a été un premier reportage pour vous avant de décider d'en
01:11 faire un livre qui s'appelle "Le projet Votan" et qui est paru au Seuil.
01:15 Lui, en quelques mots, Joel Stoltz, c'est une sorte d'Elon Musk avant l'heure.
01:22 Oui, je crois que ça a été sa tragédie, c'est-à-dire il avait la même idée au
01:26 fond qui était de faire baisser les coûts pour lancer des satellites, pas des missions
01:30 habitées bien sûr, parce que ça coûte beaucoup plus cher.
01:32 Et il avait l'habitude de dire "la NASA utilise des Rolls Royce pour transporter des
01:38 sacs de ciment et il faut faire beaucoup plus simple".
01:41 Donc c'était ça son idée, mais il n'a pas compris que…
01:44 Il faut faire beaucoup plus simple et il faut savoir recycler les matériaux de l'espace.
01:49 Oui, il faut savoir recycler et il faut aussi utiliser des choses qui sont produites industriellement,
01:55 donc qui coûtent beaucoup moins cher que ce qui est produit pour la NASA, bien sûr
01:58 les prototypes.
01:59 C'était ça son idée, mais il n'a pas compris que le contexte international ne s'y
02:04 prêtait pas du tout.
02:05 Allez, on se replonge dans la conquête spatiale et on va vous raconter ensemble l'histoire
02:10 complètement folle de cet ingénieur allemand assez allumé, qui se sera accoquiné avec
02:15 les pires dictateurs africains pour réaliser son rêve de l'espace.
02:21 Le président Kennedy en 1962.
02:24 Voilà qui a bercé la jeunesse allemande de Lutz Kaiser.
02:50 Oui, il y a eu une grande incompréhension de son père.
02:54 Il a pleuré quand Kennedy a été assassiné à Dallas.
02:57 Son père lui disait « mais comment tu peux pleurer pour un président américain ? »
03:01 Parce que pour les Allemands, bien sûr, les Américains, c'étaient les vainqueurs
03:04 de la Seconde Guerre mondiale, ceux qui les avaient occupés, ceux qui les avaient humiliés
03:08 d'une certaine manière.
03:10 Ils ont beaucoup moins violé que les soviétiques, je dois dire.
03:14 Mais c'était ça, c'étaient les ennemis d'une certaine manière, en tout cas des
03:18 rivaux, et nous sommes beaucoup plus raffinés que ces gens-là, ces mâcheurs de chewing-gum.
03:22 C'était quand même l'idée, beaucoup.
03:23 Voilà.
03:24 Alors le jeune Lutz Kaiser va se former auprès des pionniers de l'espace, de la recherche
03:31 spatiale.
03:32 Ce qu'il faut dire, parce que c'est quelque chose qui revient tout au long de votre enquête,
03:36 Joël Stoltz, et de votre livre qui se lit totalement comme un thriller assez déjanté,
03:41 c'est qu'en réalité, des anciens nazis, on les retrouve un peu partout dans l'aéronautique.
03:47 À cette période-là.
03:48 Oui.
03:49 Pourquoi ? Parce que quand les Américains ont découvert les laboratoires secrets des
03:54 nazis dans la banlieue de Braunschweig, ils étaient sidérés.
03:59 Ils ont dit "ces gens ont 25 ans d'avance sur nous".
04:01 Évidemment, ils pensaient déjà à la rivalité avec les soviétiques.
04:04 Et donc, le ministère de la Défense américain a eu le dessus, malgré toutes les objections
04:09 formulées par le département d'État ou bien par des gens publiquement comme Einstein
04:13 qui trouvaient immoral d'engager des gens qui avaient travaillé pour Hitler.
04:17 Donc, c'est relativement connu que les Américains en ont embauché 1600, y compris des gens
04:23 qui avaient mené des expériences sur des êtres humains.
04:26 Il y a un livre américain que je cite tout à fait à la fin du livre, qui s'appelle
04:32 "Operation Paperclip".
04:33 C'était le nom de cette opération.
04:35 C'est l'opération trombone.
04:36 Ce qui est beaucoup moins connu, alors les soviétiques ont emmené avec eux tous ceux
04:42 qui n'ont pas pu faire autrement.
04:44 Mais les Français, c'est beaucoup moins connu, sauf de quelques spécialistes en
04:48 ont recruté quelques 160 en les cachant un peu.
04:52 Et l'un d'entre eux, qui travaillait sur un prototype d'avion à réaction auquel
04:58 finalement les militaires français ont préféré le Mirage, Eugen Sanger, a été le professeur
05:04 de Lutz Kaiser à Stuttgart.
05:06 Et vous, vous avez intitulé votre livre "Le projet Wotan".
05:11 Mais Lutz Kaiser a voulu lui-même baptiser ses opérations "Projet Wotan" et puis il
05:18 s'est rétracté.
05:19 Pourquoi ?
05:20 Alors, ça c'est une supposition de ma part.
05:23 Je crois que les gens autour de lui lui ont dit "non, non, c'est pas une bonne idée".
05:26 Parce que tout le monde percevait évidemment le fait qu'il ait mis comme président du
05:31 conseil d'administration un type qui s'appelait Kurt Debus en qui il ne voulait voir qu'un
05:35 héros de l'espace.
05:36 Quelqu'un qui avait été pendant dix ans le directeur de Cap Kennedy, qui était la
05:40 base de lancement de la NASA à l'époque.
05:42 Donc il ne voulait voir que ça.
05:44 Mais quand on lit aujourd'hui la notice Wikipédia, c'est évidemment plus facile.
05:48 Et puis surtout quand on s'intéresse à ces choses, on voit qu'il a fait du militaire
05:52 les trois quarts de sa carrière.
05:53 Et bien sûr, d'abord pour Hitler.
05:54 Alors lui, il était un nazi convaincu.
05:56 Mais Lutz Kaiser ne voulait pas le voir.
05:59 Et donc, je pense que son entourage lui a dit "non, non, c'est peut-être pas une très
06:03 bonne idée".
06:04 Mais il trouvait que c'était une idée géniale.
06:05 Entre autres parce que les Américains utilisent des noms de dieux ou de déesses du panthéon
06:12 romain.
06:13 Et Wotan, qu'est-ce que c'est ?
06:14 Alors Wotan, c'est le nom du dieu de la victoire dans le panthéon germanique.
06:18 Et l'idée de Kaiser, c'était "mais pourquoi nous, on ne ferait pas pareil ?"
06:21 Oui, c'est ça.
06:22 Parce qu'en fait, les nazis se sont abreuvés de cette mythologie-là.
06:25 Et donc ça fait mauvais effet.
06:27 On va vous faire écouter la voix de Lutz Kaiser.
06:29 Puis ensuite, vous allez nous raconter comment Lutz Kaiser est arrivé en Afrique.
06:33 Notre étude de marché montrait qu'il y a un besoin pour les petites fusées, par
06:40 exemple pour les applications des satellites de télécommunications pour les petits pays,
06:46 et les fusées moyens pour les applications des moyens satellites de télédétection,
06:53 observation, reconnaissance.
06:54 Et après, au milieu de la prochaine décade, des grandes fusées jusqu'à 10 ou 15 tonnes
07:00 dans l'orbite basse pour des grands satellites de télédétection, de recherche de ressources
07:08 minérales, etc.
07:09 Lutz Kaiser cherche de l'espace.
07:14 Oui, il a besoin d'espace.
07:17 Avant d'envoyer ses engins dans l'espace, avant de faire décoller une fusée, il a
07:21 besoin de territoires immenses et qui ne soient pas peuplés.
07:24 Il va s'installer au Zahir et c'est Mobutu qui va lui donner, le premier, les moyens
07:32 de réaliser son rêve.
07:33 Alors Mobutu était à l'époque certainement au sommet de son prestige international.
07:38 On le sait très peu aujourd'hui, mais avant, il avait quand même rendu visite à Mao,
07:43 il avait rendu visite à Kim Il-sung en Corée du Nord, etc.
07:47 Et donc, il était un peu au sommet.
07:49 Il était le seul chef d'état africain, je crois, invité au sommet de l'OPEP à
07:53 Alger.
07:54 Au sommet de son prestige.
07:55 Et il pensait encore avoir de l'argent.
07:57 Ça n'a pas été le cas après.
07:59 Et bien sûr, qui a introduit Kaiser au Zahir, qui avait effectivement des territoires immenses
08:06 et peu peuplés à proximité de l'équateur, ce qui est très important pour les gens qui
08:10 lancent des fusées, c'était bien sûr les gens qui avaient organisé le fameux match,
08:16 le match du siècle entre Mohamed Ali et Foreman.
08:20 Et donc, les gens qui avaient organisé ce match ont introduit Lutz Kaiser auprès de
08:28 Mobutu et Mobutu a donné son accord selon Kaiser en une demi-heure.
08:32 Enfin, il avait certainement autre chose à faire aussi, mais très rapidement.
08:36 Ça le séduisait, l'idée d'avoir deux satellites, un satellite d'observation
08:41 et un satellite de télécommunication.
08:43 Et ça marche ! Et ça marche ! Les premiers essais sont relativement conclus.
08:48 Évidemment, on passe par toutes les étapes possibles et imaginables, mais quand même,
08:54 on réussit à faire décoller quelque chose.
08:56 Alors oui, et c'est le moment…
08:59 Il y a quand même des proto-fusées qui sont parties d'Afrique.
09:02 Absolument.
09:03 C'était bien sûr des essais, parce qu'il faut faire plein d'essais avant de lancer
09:05 un satellite.
09:06 Et donc, le premier essai réussi, qui était au début 77, a inquiété un peu toutes les
09:11 grandes puissances.
09:12 Elles n'étaient pas très nombreuses à l'époque et elles avaient un quasi-monopole
09:16 sur le spatial.
09:17 Donc, ce qui a inquiété d'abord, alors ça a surtout inquiété les soviétiques
09:21 et leurs alliés, qui étaient très nombreux à l'époque en Afrique, surtout autour
09:25 du Zahir.
09:26 Et il faut se souvenir qu'il y avait le régime d'apartheid en Afrique du Sud.
09:30 Et donc, l'argument selon lequel cette base spatiale servirait peut-être un jour à lutter
09:37 contre un régime qui serait post-apartheid en Afrique du Sud, avait quelque chose d'assez
09:44 convaincant.
09:45 Alors, il a refusé toute sa vie de travailler pour les militaires.
09:48 Il n'empêche que c'est l'angoisse.
09:49 C'est-à-dire qu'on va envoyer des engins dans l'espace, on prétend qu'on va mettre
09:55 sur orbite des satellites.
09:56 Mais qu'est-ce que peuvent transporter ces engins ? Et pourquoi pas des armes ? Évidemment.
10:00 Oui, c'est un peu…
10:01 Quand on commence à voir Mobutu lancer des fusées depuis le Zahir, c'est quand même
10:06 une panique généralisée.
10:08 Alors, c'était une panique généralisée.
10:10 Tout le monde s'est demandé ce que c'était, ce qu'il fabriquait.
10:13 Et bien sûr, l'idée de Lutz Kaiser, qui avait une certaine naïveté, qui était
10:17 certainement un excellent ingénieur, c'était "Mais Mobutu, c'est un allié de l'Ouest,
10:22 donc il ne devrait pas y avoir de problème".
10:24 Et de fait, il n'y a pas eu de gros problèmes jusqu'au moment où il est allé, ayant
10:29 été mis dehors par Mobutu, sous pression de Giscard, après l'affaire de Colwesi.
10:34 Donc Giscard avait sauvé la tête de Mobutu en faisant sauter la Légion sur Colwesi.
10:40 Et du coup, Mobutu ne pouvait plus lui refuser.
10:44 Donc Valéry Giscard d'Estaing s'occupe de mettre fin à cette aventure spatiale africaine.
10:50 Et évidemment, les hommes de Mobutu récupèrent toutes les installations, tout est préempté,
10:57 tout leur est arrangé.
10:59 Ils ont perdu une fortune dans cette histoire.
11:02 Alors, c'est surtout quand ils sont allés en Libye.
11:05 On en parlera après de la Libye.
11:09 Au Zahir, ils ne pouvaient plus lancer de fusée.
11:12 Donc Mobutu et son ministre des Affaires, le type qui était le conseiller et qui l'avait
11:16 introduit auprès de Mobutu, Boulla, leur ont dit clairement "non, plus de fusée".
11:21 Mais le reste, vous pouvez continuer à faire des affaires.
11:24 Donc ils ont gardé une base assez longtemps dans cet endroit du Zahir qui est complètement
11:29 dingue.
11:30 Si on veut avoir une idée, il faut voir le film d'Oliver Schwemm que Arte a remis
11:34 en ligne et qui s'appelle "Fly, Rocket, Fly".
11:38 Je ne sais plus quel est le titre français.
11:40 Et donc Oliver est tombé sur les films qui avaient été tournés au Zahir.
11:48 Et donc c'est vrai que c'est un film assez irrésistible, surtout pour un homme d'image.
11:52 Dans des paysages absolument somptueux.
11:54 Avec Joël Stoltz, il est 9h20.
11:56 Vous écoutez France Inter.
11:58 On va vous raconter comment cette aventure s'est déplacée en Libye jusqu'à la rencontre
12:04 du colonel Kadhafi.
12:05 Parce que c'est l'histoire aussi d'un homme qui a été presque amoureux de Kadhafi.
12:09 - Ne rien vouloir, ne rien raconter, seulement écouter.
12:17 Dormir dans l'après-midi, être réveillé avant minuit et tisser des chansons avec toi
12:32 à ma côté.
12:33 Je pense que ce serait, je pense que ce serait, je pense que ce serait ma vie préférée.
12:44 Et parfois, chanter ton nom et si demain, nous se marierions.
13:00 Je pense que ce serait, je pense que ce serait, je pense que ce serait ma vie préférée.
13:25 - Je pense que ce serait, je pense que ce serait, je pense que ce serait ma vie préférée.
13:53 Et tisser des chansons avec toi à ma côté.
14:00 Doucement flotter, les rêves s'endormir.
14:03 Je pense que ce serait, je pense que ce serait ma vie préférée.
14:18 - Stéphane Escher, ma vie préférée.
14:24 France Inter, le 7 9 30, l'interview de Sonia De Villers.
14:31 - Cet homme est-il dangereux ? C'est la question des questions.
14:34 Charlatan pour les uns, génie pour d'autres, Kurt Kaiser est la figure la plus controversée
14:39 des lancements dans l'espace.
14:40 Le fait que les ogives des fusées de Kurt Kaiser puissent aussi renfermer autre chose
14:45 que des satellites de télécommunications, des bombes ou des charges nucléaires par
14:49 exemple, angoissent pourtant tous ceux qui s'interrogent sur le mariage paradoxal entre
14:54 un ingénieur allemand obsédé par l'idée de prouver qu'il a raison et un Kadhafi imprévisible.
14:59 C'est peut-être parce qu'ils savent qu'un scientifique est souvent prêt à s'allier
15:03 avec le diable pour appliquer et vérifier ses théories.
15:06 - Et oui, c'est un pacte avec le diable que raconte le projet Votan qui est votre livre
15:12 Joël Stolz et ça vient de sortir au Seuil.
15:15 On s'est dit que c'était la semaine du lancement de la fusée Ariane qui va décoller
15:21 vendredi, en tout cas on l'espère, et que c'était le bon moment pour raconter cette
15:25 odyssée spatiale totalement allumée et pourtant bien réelle, mal connue mais bien réelle.
15:30 Nous voici au tout début des années 80, les Kaiser se font expulser du Zaire, en tout
15:38 cas ils ne peuvent plus y pratiquer leurs expériences spatiales et ils vont chercher
15:43 un autre espace.
15:44 Alors ils ont pensé à l'Argentine, ils ont pensé au Maroc, le Sahara leur semble
15:49 un bon endroit pour lancer des fusées et les voilà qui atterrissent en Libye.
15:53 Il faut raconter d'abord l'histoire humaine qui lie Lutz Kaiser et son épouse à Kadhafi.
16:01 - Oui, alors lui était le premier parce qu'il ne la connaissait pas encore quand il est
16:05 allé la première fois en Libye mais il a été complètement charmé par Kadhafi qui
16:09 était tout à fait capable d'être un grand charmeur et qui lui a raconté exactement
16:13 ce qu'il voulait entendre.
16:14 Oh c'est passionnant la recherche spatiale, probablement Kadhafi ne s'intéressait pas
16:19 plus que ça au spatial mais il était beaucoup moins franc que n'allait plus tard Saddam
16:24 Hussein avec qui Lutz Kaiser a aussi eu une entrevue qui a carrément dit "est-ce que
16:29 vous pouvez envoyer des charges nucléaires sur Téhéran ?"
16:31 - Non merci monsieur, dans ces cas-là nous ne ferons pas affaire.
16:35 - Oui, alors moi c'est ma conviction personnelle.
16:38 Certains, il y a des gens de l'autre acte, c'était l'entreprise fondée par Lutz Kaiser,
16:43 qui pensent qu'il n'y avait que le fric qui l'intéressait et que donc il a accepté
16:47 de travailler pour les militaires libyens.
16:49 Moi je n'en suis pas aussi sûr parce que je l'ai connu, je l'ai connu en Libye et
16:53 revu au Marshall et je crois qu'il avait connu personnellement des gens qui avaient
16:57 eu affaire au Mossad, des gens qui ont travaillé pour Nasser au début des années 60 et qui
17:04 ont reçu des lettres piégées parce que le directeur du Mossad à l'époque, il a commencé
17:08 par lancer des avertissements et puis quand ces avertissements n'ont pas été compris,
17:12 il a lancé des lettres piégées.
17:13 Donc comme il avait connu personnellement ces gens et qu'en plus le Mossad n'hésitait
17:17 pas à éliminer des gens qui leur paraissaient présenter un danger, je crois qu'il avait
17:25 peur de ça et il était surtout obsédé par l'idée d'avoir raison.
17:29 Donc quand Gaddafi a été assez malin pour lui dire "voilà c'est formidable etc.
17:35 et il y a une base dont on a un grand désert", ce qui était vrai, on le met à votre disposition,
17:44 donc il y a un endroit idéal qui est dans une ferme abandonnée par les Italiens, en
17:49 fait quand les Italiens ont été foutus dehors par la Libye.
17:52 Et c'est pour vous.
17:55 Alors évidemment il a trouvé que c'était idéal, il ne s'est pas posé de questions
17:59 sur les conséquences et en fait tout le monde à ce moment-là s'est inquiété, en premier
18:04 lieu bien sûr les Américains.
18:05 Il faut se souvenir que…
18:07 De toute façon il ne s'est posé très peu de questions, c'est-à-dire que plus il
18:12 enchevêtre son projet avec le destin de Gaddafi et plus la Libye tombe sous le coup de la
18:18 terreur exercée par Gaddafi et ses hommes, moins les Kaysers veulent voir la réalité
18:23 du régime.
18:24 Oui, alors il faut dire que le régime cachait beaucoup cette réalité.
18:28 Beaucoup de Libyens savaient très bien à quoi s'en tenir, ils ne parlaient pas volontiers,
18:33 ils faisaient très attention à ce qu'ils disaient, aux possibilités de microphones
18:37 ou d'espions etc.
18:38 Mais ils sont les contemporains des premiers massacres monstrueux dans les prisons libyennes,
18:43 des règlements de comptes, des arrestations arbitraires, ils sont les contemporains de
18:46 tout ça les Kaysers.
18:47 Oui, ils sont les contemporains mais ils ne veulent pas le voir.
18:50 Et alors elle, elle a eu, on peut dire, une histoire d'amour avec Gaddafi.
18:56 Et donc c'est vrai que ça humanise un peu le personnage qu'on a connu comme un monstrue
19:02 à la fin de sa vie, je veux dire, celui dont le fils a dit « il y aura des rivières
19:08 de sang etc.
19:09 Vous osez vous me rebeller contre moi qui suis la révolution etc. ».
19:14 Mais Gaddafi a été amoureux de Madame Kayser.
19:17 Alors, je ne sais pas si lui a été amoureux.
19:19 Elle, elle a été amoureuse de lui et ils ont eu une histoire.
19:22 Voilà, alors je pense qu'ils ont eu une histoire.
19:25 Il lui a offert, moi je le savais d'une certaine manière, et elle était réticente
19:30 pour le dire, ce qui finalement ajoute à la crédibilité, aussi parce qu'elle voulait
19:36 épargner la mémoire de son mari.
19:38 Mais de fait, il y a eu pendant, j'imagine, quelques mois, pas plus, une sorte de couple
19:43 à trois.
19:44 Et Gaddafi a toujours protégé, d'une certaine manière, Sousi Kayser, notamment quand les
19:50 Kaysers ont eu de sérieux démêlés avec les militaires libyens.
19:52 C'est ça, puisque ça se termine où tout est préempté.
19:56 Ils vont tout perdre, ils vont tout perdre et ils vont attendre désespérément pendant
20:01 des années de récupérer leur argent, de récupérer leur fonds, d'être remboursés,
20:05 d'être dédommagés.
20:06 L'argent ne viendra, l'argent ne viendra jamais.
20:08 Donc tout ça finira en pot de chagrin, en réalité.
20:12 Ils finiront leur vie dans cet atoll à l'autre bout du monde.
20:16 Mais tous ces projets sont partis en fumée.
20:17 Il n'en est rien resté, Joel Stoltz, de leurs inventions.
20:21 C'est vrai.
20:22 Alors, ils ont quitté la Libye seulement à l'automne 2004.
20:25 Donc je pense qu'ils ont à ce moment-là jeté l'éponge, ils avaient un petit peu
20:29 d'argent, mais ils n'avaient évidemment pas récupéré les fonds parce que la spatiale,
20:33 ça coûte très cher.
20:34 Et en plus, ils pensaient que les militaires libyens leur devaient beaucoup d'argent pour
20:39 des casernes, des divers travaux qu'ils avaient réalisés, qu'une entreprise qu'elle,
20:44 elle dirigeait, avait réalisé.
20:46 Donc quand ils ont vu qu'ils ne récupéraient pas cet argent, ils sont partis.
20:50 Mais ils s'étaient grillés, évidemment.
20:52 Ils ont essayé de partir avant, mais ils s'étaient grillés auprès d'un certain
20:57 nombre de gouvernements alliés des États-Unis.
21:00 Évidemment.
21:01 Merci beaucoup, Joel Stoltz.
21:03 Le projet Votan paraît au seuil et c'est donc l'histoire folle de ces fusées africaines
21:08 qui ne sont jamais quand même vraiment montées très haut.