Xavier Driencourt : "L' Algérie c'est à la fois, de la politique étrangère et intérieure"

  • l’année dernière
Avec Xavier Driencourt, diplomate ancien ambassadeur de France en Algérie auteur de “L’énigme algérienne” aux éditions l'observatoire et de “Evian face à l’étranger”

Retrouvez Bercoff dans tous ses états avec André Bercoff du lundi au vendredi de 12h30 à 14h sur #SudRadio.
---
Abonnez-vous pour plus de contenus : http://ow.ly/7FZy50G1rry

———————————————————————

▶️ Suivez le direct : https://www.dailymotion.com/video/x75yzts
Retrouvez nos podcasts et articles : https://www.sudradio.fr/

———————————————————————

Nous suivre sur les réseaux sociaux

▪️ Facebook : https://www.facebook.com/profile.php?id=100063607629498
▪️ Instagram : https://www.instagram.com/sudradioofficiel/
▪️ Twitter : https://twitter.com/SudRadio
▪️ TikTok : https://www.tiktok.com/@sudradio?lang=fr
———————————————————————

☀️ Et pour plus de vidéos de Bercoff dans tous ses états : https://www.youtube.com/playlist?list=PLaXVMKmPLMDQe5oKZlhHutOQlGCq7EVU4

##LE_FACE_A_FACE-2023-02-06##

Category

🗞
News
Transcript
00:00 Sud Radio Bercov dans tous ses états,
00:03 le face à face.
00:06 Vous êtes dans le face à face du lundi 6 février avec Xavier Driancourt,
00:10 diplomate, ancien ambassadeur de France en Algérie,
00:13 auteur de "L'énigme algérienne" aux éditions de l'Observatoire.
00:16 Bonjour Xavier Driancourt.
00:17 Bonjour.
00:18 Alors je dois dire quand même, et vraiment à votre mérite,
00:21 M. Driancourt, M. l'ambassadeur,
00:23 que c'est vrai que l'énigme algérienne,
00:25 elle reste très très très forte,
00:27 et c'est vrai qu'elle est difficile,
00:28 mais vous avez quand même aidé à éclaircir,
00:30 quand on lit ce livre que je vous recommande,
00:32 "Le liteur de Sud Radio",
00:34 vous éclaircissez pas mal de pans d'histoire,
00:39 et de pans de malentendus,
00:41 mais évidemment c'est toujours très très compliqué,
00:44 très compliqué le système.
00:46 On va parler du système justement.
00:48 Et je rappelle que vous avez été ambassadeur en Algérie
00:51 en deux périodes,
00:52 de 2008 à 2012,
00:54 et puis de 2017 à 2020.
00:56 Donc sept ans, vous avez fait votre septennat algérien,
00:59 c'est bien, pas comme président,
01:01 mais quand même comme haut...
01:03 Comme observateur.
01:04 Voilà, comme haut représentant de la République française,
01:07 il faut le dire.
01:08 Et d'ailleurs vos interlocuteurs le racontaient dans votre livre,
01:10 ils disaient "Ah oui mais c'est bien,
01:12 Xavier Driancourt, vous revenez,
01:13 vous avez une longueur d'avance sur les autres."
01:15 Alors, très franchement,
01:17 cette Algérie et cette France,
01:18 dont on ne finit jamais de parler,
01:21 on l'entend à l'historio,
01:23 on voit l'historio de Mohamed Mssensal,
01:24 ou de Kamel Daoud,
01:26 ou de ceci, ou de cela,
01:27 et puis ici, l'Algérie c'est la France,
01:30 l'Algérie française,
01:31 la France algérienne aujourd'hui,
01:32 certains qui dénoncent "Mais qu'est-ce que c'est,
01:34 on est en train de se faire coloniser par les immigrants,
01:37 les problèmes d'immigration, etc."
01:39 On dit tout et son contraire,
01:40 les extrêmes se touchent si elles ne nous touchent pas.
01:44 Alors, qu'est-ce qui se passe aujourd'hui,
01:46 60 ans après quand même,
01:47 plus de 60 ans après
01:49 les accords déviant l'indépendance de l'Algérie,
01:52 on a l'impression que
01:54 presque les braises sont toujours là,
01:56 rien n'est réglé, ou presque,
01:58 quel est le fond du problème,
02:01 Xavier Dréencourt ?
02:02 - C'est un peu le paradoxe que vous décrivez,
02:04 c'est-à-dire 60 ans après l'indépendance,
02:06 ce pays que nous avons colonisé,
02:09 132 ans,
02:11 en fait, nous le connaissons très mal,
02:13 d'où le titre "l'énigme algérienne",
02:16 alors que nous devrions être intimes
02:18 et avoir une connaissance très forte de l'Algérie.
02:20 Mais je crois que le fil conducteur
02:22 de ma réflexion et de mon livre,
02:24 "L'énigme algérienne",
02:26 c'est la difficulté de notre relation avec l'Algérie,
02:30 c'est que l'Algérie, c'est à la fois de la politique étrangère
02:33 et de la politique intérieure française.
02:35 Si le président de la République ou le gouvernement
02:39 parle des Ouïghours,
02:41 ou parle de la Turquie,
02:43 ou parle de l'Australie,
02:45 c'est de la politique étrangère, point.
02:47 Mais quand on parle de l'Algérie,
02:49 c'est à la fois de la politique étrangère,
02:52 mais aussi, pour des tas de raisons,
02:54 de la politique intérieure française.
02:56 C'est toute la difficulté.
02:58 - Alors, une de ces raisons n'est-elle pas le nombre,
03:01 et je ne critique pas du tout au contraire,
03:05 le nombre d'Algériens vivant en France,
03:07 ou d'origines algériennes qui vivent en France,
03:09 ils sont des millions. Est-ce que ça joue, ça ?
03:11 - Oui, ce sont des millions,
03:13 ce sont des millions d'électeurs également,
03:16 mais il n'y a pas seulement cela,
03:19 il y a l'histoire, la proximité géographique,
03:22 il y a les Pieds-Noirs,
03:24 il y a les Harkis,
03:26 il y a les immigrés, comme on dit,
03:28 de la première, de la deuxième, de la troisième génération,
03:30 - Quatrième même, maintenant !
03:32 - Il y a encore des militaires français,
03:34 1,5 millions, qui ont fait la guerre d'Algérie.
03:37 Donc, ça fait une masse de la population française,
03:40 à peu près 10% de la population française,
03:43 qui a un lien avec l'Algérie.
03:45 Il y a les Pieds-Noirs, il y a eu les Pieds-Rouges,
03:47 après tous les coopérants.
03:49 - Exact. En fait, c'est presque une feuille de température.
03:52 C'est très fiévreux, tout ça.
03:54 - Oui, et un gouvernement, ou un candidat,
03:58 ou un politique doit tenir compte
04:00 de toutes ces sensibilités,
04:02 parce que la sensibilité d'un Pied-Noir
04:05 n'est pas la même que celle d'un Pied-Rouge,
04:07 ou d'un coopérant,
04:09 ou d'un immigré,
04:11 ou d'un franco-algérien.
04:13 Donc, il faut prendre en compte toutes ces sensibilités.
04:16 Donc, faire un coup à droite, un coup à gauche,
04:19 si je peux dire.
04:20 Et tous les présidents de la République l'ont fait.
04:22 - Oui, c'est vraiment la corde sensible, comme on dit.
04:26 - C'est la corde sensible.
04:28 Alors, on va à Alger, on dit des choses à Alger,
04:31 les choses en question sont entendues à Paris,
04:34 ou à Marseille,
04:36 et quand on revient à Paris,
04:38 on dit une chose différente,
04:40 qui n'est plus la même que celle qu'on disait à Alger.
04:43 - J'ai l'impression que vous pensez à quelqu'un, là.
04:45 - Il y a eu souvent ça.
04:47 Il y a eu souvent ça, non ?
04:48 Nicolas Sarkozy est venu en 2007 à Alger,
04:51 a fait un discours extrêmement fort sur la colonisation,
04:55 un discours à Constantine,
04:57 mais le lendemain, à Paris,
04:59 il a fait une déclaration contraire,
05:02 sur les Pieds-Noirs.
05:04 - Vérité en deçà de la Militerranée, erreur au-delà.
05:07 - Exactement, vous avez raison.
05:09 Vous avez parfaitement raison.
05:10 - Et dites-moi juste un mot,
05:12 de ce point de vue-là,
05:14 c'est intéressant,
05:16 parce que vous avez découvert l'Algérie,
05:18 donc 2008-2012, c'était votre découverte.
05:20 - Je le connaissais déjà, mais...
05:22 - Oui, mais en tant qu'ambassadeur.
05:26 - Oui.
05:28 - Est-ce qu'on peut dire,
05:30 est-ce qu'on peut paraphraser
05:32 un célèbre général qui disait,
05:34 vers l'oeil en compliqué,
05:36 "je m'envolais avec des idées simples",
05:38 est-ce qu'on peut avoir des idées simples sur l'Algérie ?
05:40 - Non, je suis parti en 2008,
05:42 sachant que c'est un pays très compliqué,
05:44 et qu'il fallait faire extrêmement attention,
05:48 justement parce qu'il y a cette contradiction
05:51 entre la politique étrangère
05:53 et la politique intérieure française.
05:55 Donc tout ce qu'un ambassadeur
05:57 dit à Alger,
05:59 c'est écouté, entendu à Paris,
06:01 analysé, critiqué, commenté,
06:04 et donc voilà, on est dans cette permanence
06:08 de politique étrangère et de politique intérieure.
06:11 - Oui, passionnant, on va en parler,
06:13 on va continuer à en parler.
06:15 - C'est pour ça que c'est un des postes les plus compliqués.
06:17 - C'est clair. Enfin, le fait que vous ayez été rappelé
06:19 prouve que vous ne vous êtes pas si mal débrouillé dans ce poste.
06:22 On va en parler tout de suite après,
06:25 très passionnant, l'énigme algérienne,
06:27 Xavier Driancourt, après cette petite pause.
06:29 - Et vous comptiez nous appeler au 0826 300 300,
06:33 vous avez la parole sur Sud Radio, à tout de suite.
06:35 - Sud Radio.
06:37 - Sud Radio.
06:39 - Ici Sud Radio.
06:41 Les Français parlent au français.
06:45 Je n'aime pas la blanquette de veau.
06:49 Je n'aime pas la blanquette de veau.
06:51 - Sud Radio Bercov, dans tous ses états.
06:54 - Oui, depuis que j'essaie de déchiffrer l'énigme algérienne
06:57 avec Xavier Driancourt, ce n'est pas simple, vraiment.
07:01 Parce que c'est vrai, ce qu'il a expliqué très bien
07:03 en début d'émission, au début de cet entretien,
07:06 c'est que l'Algérie, la France, c'est pas deux pays
07:08 comme ça, étrangers, ou même amis ou alliés.
07:11 Non, non, c'est autre chose.
07:12 Il y a toute une histoire, toute une extraordinaire
07:15 capitale mémorielle, et qui n'est pas simple à gérer.
07:20 C'est le moins que l'on puisse dire.
07:21 Xavier Driancourt, je me demandais,
07:23 quelles sont les différences, mais vraiment les différences,
07:25 vous avez senti les lignes de force,
07:27 entre votre premier séjour en tant qu'ambassadeur,
07:31 donc 2008-2012, et votre second séjour entre 2007 et 2020.
07:36 Qu'est-ce qui vous a frappé ?
07:38 C'était en fait deux pays complètement différents.
07:41 Par quelques années ?
07:42 Oui, parce que 2007-2012,
07:45 donc tout le quinquennat de Nicolas Sarkozy,
07:48 en gros, l'Algérie était riche et enrichie par le pétrole.
07:52 Bouteflika était tout puissant, et tenait le pays.
07:57 Il n'avait pas encore eu son AVC,
07:59 qu'il a rendu invalide pour la fin de son mandat.
08:02 Et mon deuxième mandat à Alger, à partir de 2017,
08:05 Bouteflika était invalide,
08:07 ne parlait et ne recevait quasiment plus personne.
08:11 Et le pays était dans le fond dirigé par son frère,
08:15 Saïd Bouteflika, aujourd'hui en prison,
08:18 et le chef d'état-major de l'armée, le général Gaïd Salah.
08:23 C'était une sorte de tête-à-tête entre ces deux hommes,
08:27 Le Diop-Virat, c'est ça.
08:28 Voilà, qui dirigeait le pays.
08:30 Donc deux séjours, deux périodes,
08:33 deux Algéries totalement différentes.
08:35 - Une Algérie beaucoup moins sûre d'elle-même,
08:38 par rapport à 2008-2012.
08:40 - Et surtout, j'ai assisté en 2017-2020
08:45 à ces manifestations extraordinaires qui ont duré un an,
08:50 qu'on a appelé le Hirak,
08:52 tous les mardis, tous les vendredis,
08:54 entre février 2019 et mars 2020,
08:58 et puis à la chute de Bouteflika.
09:01 Donc voilà, deux visions complètement différentes.
09:07 - Une chose que vous racontez aussi dans votre livre,
09:10 c'est assez frappant, Xavier Driancourt,
09:13 c'est que vous dites, la première année, bien sûr,
09:16 il y avait des demandes de visa, des demandes de séjour, etc.
09:19 Mais la seconde période, c'était tout à fait différent.
09:24 Racontez, parce que c'est quelque chose que...
09:26 - Oui, je crois que les visas en Algérie,
09:30 on a du mal à s'en rendre compte en France
09:33 de l'importance du rôle des visas en Algérie.
09:37 Et là, on voit que la France, c'est en Algérie,
09:40 de la politique intérieure algérienne.
09:42 C'est-à-dire, on critique la France...
09:44 - Mais on demande des visas.
09:46 - On demande des visas parce que chaque Algérien a un frère,
09:49 un oncle ou de la famille en France.
09:52 Et puis, parce que ça fait partie du mode de vie normal.
09:57 Pendant 132 ans, on circulait entre les deux pays.
10:01 Les visas n'ont pas existé jusqu'en 1986.
10:05 C'est Jacques Chirac, Premier ministre de France en 1986,
10:09 qui les a établis pour l'ensemble des pays du monde entier,
10:13 à la suite des attentats de Paris,
10:16 faits par le reste des Algériens à l'époque.
10:19 Et donc, le visa est quelque chose d'anormal
10:23 dans la population algérienne.
10:25 Et donc, il y a un droit à circuler,
10:28 un droit fondamental à circuler et à venir en France.
10:31 Donc, les Algériens n'admettent pas le rôle du visa,
10:35 alors que pour nous, c'est quelque chose de normal.
10:39 Si vous allez aux États-Unis,
10:41 vous devez aller aux consulats ou remplir des papiers.
10:45 - Ou faire son estat.
10:46 Mais vous allez plus loin, Xavier Drinckhoff.
10:48 Vous dites, et c'est très frappant cette image,
10:51 enfin cette image, c'est chiant,
10:52 vous dites au fond, il y a 45 millions d'Algériens
10:55 qui auraient envie de venir en France ou en Europe.
10:57 - C'est la réalité.
10:59 C'est la réalité.
11:00 Ou peut-être 42 millions sur 45,
11:03 parce qu'il y a des irréductibles.
11:06 Mais 42 millions d'Algériens qui veulent venir en France.
11:10 Alors, qui veulent venir en France parce qu'ils ont de la famille en France,
11:13 parce que beaucoup parlent français,
11:15 parce qu'on leur parle tellement de la France depuis leur enfance
11:20 qu'ils veulent connaître ou découvrir la France,
11:24 ou venir travailler, ou venir s'installer.
11:26 D'autres veulent aller au Canada.
11:28 Mais le vrai problème, c'est pourquoi tous ces gens veulent quitter leur pays.
11:31 - C'est ça. J'allais vous dire,
11:32 attendez, avec un pays très riche en pétrole, en minerais, en sous-sol, etc.
11:38 Et on se dit, mais qu'est-ce qui fait que 60 ans après,
11:42 l'Algérie en soit encore à ce que c'est, je dirais, la majorité de sa population,
11:47 il faut le dire, et a envie de partir.
11:49 Au lieu de développer leur pays.
11:52 - Ce pays, avec tout ce que vous avez décrit,
11:55 ce pays devrait être la Californie de l'Afrique.
11:59 Il a le climat, la Méditerranée, la mer, la montagne,
12:04 et en plus le pétrole et le gaz.
12:06 Et la proximité avec l'Europe, quoi.
12:08 Il a tout pour réussir.
12:10 - Donc la gouvernance depuis 1962, la gouvernance algérienne,
12:14 le rôle prépondérant de l'armée, mais qui n'est pas un rôle en première ligne,
12:18 ce n'est pas un régime militaire, ce n'est pas le maréchal Sisi en Égypte,
12:24 ce n'est pas les régimes militaires africains.
12:27 Le rôle, la place de l'armée dans le système algérien,
12:31 fait que voilà, beaucoup de gens en ont assez de cette gouvernance.
12:39 C'est-à-dire que cette armée, cette classe dirigeante,
12:42 n'a rien fait, enfin n'a pas fait grand-chose pour développer le pays,
12:46 je parle du peuple, qu'il ait accès à un certain nombre de choses.
12:49 On ne comprend pas de l'extérieur, on se dit "mais enfin,
12:52 comme vous dites, ça aurait dû être la Californie, et c'est ce que c'est".
12:55 - Oui, mais si vous regardez les 60 ans de l'histoire algérienne,
12:59 vous constatez qu'il y a eu 15 ans de socialisme soviétique bureaucratique,
13:06 appelons-le comme ça la période Boumediene-Chadli.
13:09 Après l'indépendance, le régime algérien, l'armée algérienne,
13:14 puisque Boumediene est déjà Bouteflika,
13:16 donc avait un peu copié le système soviétique.
13:20 Ensuite, il y a eu 15 ans, 12 ans de guerre civile,
13:24 qui a fait 250 000 morts, c'est pas rien.
13:28 Ensuite, 20 ans... - Entre les islamistes et les autres, le fils etc.
13:34 - 20 ans de Bouteflika.
13:37 - Mais qu'est-ce qui s'est passé pendant ces 20 ans de Bouteflika ? Rien ?
13:43 Ou la corruption ?
13:45 - Il y a eu un enrichissement du pays,
13:47 parce que les cours du pétrole ont considérablement augmenté.
13:51 Il y a eu le retour de l'Algérie sur la scène internationale,
13:55 après, regardez le rôle qu'ils ont joué à un moment entre les Etats-Unis et l'Iran.
14:02 Donc, voilà, l'Algérie est redevenue un pays respectable,
14:08 mais ceci s'est accompagné de corruption,
14:13 parce que voilà, l'argent du pétrole,
14:15 et donc le pays ne s'est pas enrichi.
14:20 - N'a pas été gouverné. - Voilà, c'est une question de gouvernance.
14:25 - Et alors justement, vous...
14:27 Alors, qu'est-ce qui a évolué aujourd'hui,
14:30 Xavier Drancourt, quand on...
14:32 Entre 2008 et 2020,
14:35 vous dites "ce n'est plus le même pays",
14:39 mais est-ce que nos rapports avec ce pays,
14:41 et vos rapports à vous en tant qu'ambassadeur,
14:44 c'était compliqué, c'était difficile ?
14:47 C'était comment, vos rapports, je dirais, humains ?
14:51 - C'est...
14:52 Il y a les rapports officiels en tant qu'ambassadeur,
14:56 et encore une fois, je disais tout à l'heure,
14:58 c'est sans doute un des postes diplomatiques les plus compliqués.
15:02 - J'imagine.
15:03 - Certes, la Russie, certes l'Ukraine,
15:06 certes les États-Unis sont des pays compliqués,
15:09 mais l'Algérie, pour les raisons que vous expliquez,
15:13 qu'on évoquait, c'est-à-dire de la politique étrangère
15:16 et de la politique intérieure française,
15:18 fait que l'ambassadeur est en permanence écouté,
15:22 observé, surveillé...
15:24 - Il est sous les feux des projecteurs.
15:25 - Il est sous les feux des projecteurs à Alger et à Paris.
15:29 J'ai été ambassadeur en Malaisie il y a 20 ans.
15:32 En Malaisie, je pouvais faire des déclarations
15:35 dans tel ou tel sens,
15:37 elles n'étaient pas commentées à Paris.
15:39 En Algérie, si vous faites des déclarations
15:43 sur tel ou tel sujet, ou si vous n'en faites pas,
15:45 ou si vous oubliez de commenter tel ou tel point,
15:48 c'est su immédiatement à Paris.
15:51 - Mais vous avez des groupes, des associations,
15:53 voire des partis politiques qui vous critiquent,
15:56 qui commentent, qui vous rappellent à l'ordre
15:58 des tweets aujourd'hui.
16:01 Donc vous êtes en permanence sous le feu de l'actualité.
16:04 C'est un des postes extrêmement difficiles
16:07 pour un diplomate.
16:09 - On va raconter un certain nombre de choses
16:11 que vous racontez dans votre livre,
16:12 qui vous sont arrivées,
16:14 mais c'est vraiment intéressant.
16:16 On va en parler juste après cette petite pause.
16:19 A tout de suite.
16:20 - Et ensuite, nous recevrons les auditeurs de Sud Radio,
16:23 bien sûr, avec vous.
16:24 - Oui, vous continuez de nous appeler au 0826 300 300.
16:27 On attend vos appels pour interpeller
16:29 Xavier Driancourt, diplomate,
16:30 ancien ambassadeur de France en Algérie.
16:32 A tout de suite.
16:33 - Ici Sud Radio.
16:36 Les Français parlent au français.
16:41 Les carottes sont cuites.
16:44 Les carottes sont cuites.
16:46 - Sud Radio Bercov dans tous ses états.
16:49 Xavier Driancourt,
16:51 l'énigme algérienne aux éditions de l'Observatoire.
16:54 Vraiment à lire si on veut déchiffrer.
16:56 C'est, je ne sais pas,
16:58 cousins ennemis, frères ennemis,
17:00 ou amis, etc.
17:02 C'est très très très compliqué, effectivement.
17:05 Quelque chose,
17:08 Xavier Driancourt,
17:10 vous parlez dans votre livre, vous dites,
17:12 l'immense solitude de l'ambassadeur.
17:14 Vous parlez de votre immense solitude.
17:17 Qu'est-ce que ça veut dire ?
17:18 Comment vous l'avez cru concrètement ?
17:20 - J'avais déjà ressenti cette solitude
17:23 dans mes postes précédents,
17:25 en Australie, en Malaisie,
17:27 mais en Algérie encore plus.
17:29 Et je crois que c'est inhérent à la fonction d'ambassadeur.
17:32 Les gens idéalisent le rôle d'un ambassadeur
17:36 en pensant qu'on est dans des réceptions,
17:38 dans des cocktails.
17:40 Mais ils oublient qu'on est seul dans un pays,
17:44 le représentant du chef de l'État, du gouvernement.
17:49 Donc tout ce qui se dit à Paris,
17:51 et dont vous n'êtes pas forcément responsable,
17:53 est analysé et commenté.
17:56 C'est vous qui en êtes localement le responsable.
17:59 Et puis vous êtes, encore une fois,
18:01 observé, surveillé en permanence.
18:03 Donc, c'est vrai, dans ce métier,
18:06 dans ce beau métier que j'ai aimé,
18:08 il y a une dimension de très grande solitude.
18:11 - Oui, mais quand même, vous partagez les décisions surprise de concert
18:14 avec le gouvernement, enfin votre ministre de l'Intérieur...
18:17 - Oui, mais le gouvernement, il a mille choses à traiter.
18:20 Donc la priorité n'est pas toujours le pays où vous êtes.
18:25 - Et alors, vous dites aussi, vous en parlez,
18:28 vous dites aussi en France, on oublie, on croit, oui, avec ça.
18:31 Mais vous dites au-delà de ça, aujourd'hui, les Algériens,
18:34 justement, et vous leur appelez,
18:36 au public français et aux responsables,
18:39 attention, c'est très bien l'émotion, les sentiments, la mémoire, etc.
18:43 Mais aujourd'hui, c'est le rapport des forces.
18:45 On est pragmatique, on regarde l'intérêt de l'Algérie,
18:49 est-ce que nous, nous regardons l'intérêt de la France ?
18:51 Vous posez la question, quand même.
18:53 - Oui, oui, je crois que c'est la réalité.
18:55 Ce qui compte, c'est le rapport de force.
18:58 L'affectif, c'est une chose,
19:00 mais il faut être à la fois affectif,
19:02 et puis ferme dans ses convictions.
19:05 Donc il faut, parce que ce sont des Algériens,
19:07 il faut être affectif, affectueux.
19:09 Mais ne pas être qu'affectif,
19:12 parce qu'à ce moment-là, on passera pour faible,
19:14 et ne pas être trop et uniquement ferme,
19:17 parce qu'à ce moment-là, nous, Français,
19:19 nous passons pour être arrogants.
19:21 Donc il faut avoir les deux.
19:24 - Mais vous dites aussi, quand même,
19:25 il faut rappeler que quand le chef de l'État,
19:27 ou le Premier ministre, ou etc.,
19:29 quitte l'Algérie, ou quitte Alger,
19:32 où t'es reçu, plus ou moins bien,
19:34 et d'ailleurs, je vais vous rappeler un détail,
19:36 j'aimerais avoir votre avis,
19:37 vous dites, bon, les responsables algériens,
19:40 ils disent, bon, ça va, maintenant,
19:41 passons aux choses sérieuses, ou presque.
19:43 - Oui, oui, je crois que c'est un peu comme ça qu'ils nous voient.
19:47 - Et alors, vous qui connaissez bien,
19:49 est-ce que c'était, évidemment voulu,
19:52 mais quelle interprétation, quand on a vu tous,
19:55 quand Macron, la dernière fois où Macron est allé,
19:57 il y avait, vous savez, sur les estrades,
20:00 où ils sont, en anglais, en arabe,
20:02 mais pas en français ?
20:03 - Je pense que c'est volontaire,
20:05 de la part du gouvernement algérien,
20:08 et c'est pas la première fois,
20:09 mais c'est une sorte de provocation,
20:14 parce que...
20:15 - Mais pour signifier quoi ?
20:16 - Pour signifier que le français
20:19 est une langue de deuxième zone,
20:21 bien que ça soit la langue de l'ancien colonisateur,
20:25 et parce que c'est la langue de l'ancien colonisateur,
20:28 la langue officielle, c'est l'arabe,
20:31 et la langue mondiale, c'est l'anglais,
20:33 donc le français, voilà.
20:36 On parlera en français,
20:37 je pense que le président de la République,
20:39 les deux présidents ont parlé en français,
20:41 mais, voilà, c'est ce que vous rappelez,
20:44 c'est aussi une provocation
20:45 pour nous montrer à nous, français,
20:48 que nous sommes un pays parmi d'autres.
20:51 - Oui, il ne manque pas de le rappeler.
20:54 Mais alors, justement, une des choses,
20:56 on va parler de beaucoup de choses,
20:57 d'ailleurs vous rappelez une chose intéressante,
20:59 n'oubliez jamais qu'on est à 800 km de l'Algérie,
21:01 Marseille est à 800 km,
21:03 donc voilà, Paris-Marseille, c'est aussi 800-900 km, voilà.
21:07 Et donc, il ne faut pas oublier qu'on est voisins.
21:09 - On est voisins,
21:10 il n'y a que la Méditerranée qui nous sépare.
21:12 - Qui nous sépare,
21:13 ce qui n'est pas rien,
21:14 mais ce qui n'est pas grand chose aujourd'hui.
21:16 Alors, vous avez fait un article au Figaro,
21:19 monsieur Driancourt, Xavier Driancourt,
21:22 qui a fait beaucoup de bruit,
21:23 et vous avez dit "l'Algérisme",
21:27 c'était en tout cas le titre de la chronique,
21:29 de l'interview,
21:31 "L'Algérie s'effondre, entraînera-t-elle la France dans sa chute ?"
21:35 - Oui.
21:36 - Rude, rude de l'échauffage, ça.
21:39 - C'est rude, oui, tout à fait, c'est rude, mais...
21:42 - Alors, justement, c'est pas pour commenter émotionnellement,
21:47 mais vous pensez que l'Algérie, vraiment, s'effondre en ce moment ?
21:51 - J'ai assisté à cette période, donc, du Hirak,
21:54 et aujourd'hui, tous les gens...
21:56 - Qu'est-ce que c'est que le Hirak, juste pour nos éditeurs ?
21:58 - Le Hirak, c'est cette série de manifestations qui ont duré un an,
22:02 donc entre février 2019 et mars 2020,
22:07 année pendant laquelle des millions,
22:13 je dis bien des millions,
22:15 puisque le président Teboun m'avait parlé de 13 millions de manifestants.
22:19 - Oui, vous étiez ambassadeur à l'époque, d'ailleurs.
22:21 - Oui, 13 millions de manifestants.
22:23 Nous, quand on aura demain, peut-être, 40 000 ou 60 000 ou 80 000
22:29 personnes qui manifesteront dans Paris,
22:32 Paris sera sans dessus dessous.
22:34 Mais 13 millions de manifestants, vous imaginez ce que ça peut vouloir dire.
22:38 Et donc, tous ces gens qui ont cru à un chouïa, si je peux dire,
22:44 de démocratie pour l'Algérie,
22:46 aujourd'hui, ils voient qu'il n'y a plus de liberté de presse,
22:50 que les militaires ont repris la main...
22:52 - Vous dites que tous les journaux, enfin ou presque,
22:54 ou même les blogs sont pris en main.
22:58 - Oui, les journaux sont contrôlés.
23:00 Le journal El Ouattane, les deux grands journaux francophones El Ouattane
23:04 est sous contrôle.
23:06 Et le journal Liberté a été fermé.
23:10 - Donc, effectivement, vous dites que ça fait des signes,
23:14 il y a un peu de...
23:16 - Et donc, voilà, il y a une chape d'octon,
23:18 une forme de répression qui s'est abattue sur l'Algérie,
23:21 après, encore une fois, cet espoir du Hirak.
23:24 - Hirak, oui.
23:25 - Et donc, voilà, vous imposez une chape de plomb à des millions de personnes,
23:31 et donc, voilà, l'Algérie, le terme s'effondre,
23:35 est peut-être excessif, un peu fort,
23:38 mais l'Algérie, les gens en ont assez de ce système.
23:42 Et donc, compte tenu des liens avec la France,
23:45 les gens cherchent à venir en France.
23:48 - Et de ce point de vue, ça peut entraîner, effectivement,
23:51 beaucoup de désordre. - Et voilà, ce sont des vases communicants.
23:53 C'est de la politique intérieure française, l'Algérie.
23:56 - Oui, c'est bien de le rappeler.
23:58 En fait, l'Algérie, c'est une dimension de la politique intérieure française.
24:01 - Mais oui. - Vous le dites, oui.
24:02 C'est le seul pays, d'ailleurs, à ma connaissance,
24:05 enfin, à notre connaissance. - C'est le seul pays.
24:07 - Oui, c'est fou. - La Chine, même l'Allemagne,
24:10 avec laquelle nous avons des...
24:12 où nous voulons avoir des liens extrêmement forts,
24:14 il n'y a pas cette dimension de politique intérieure française.
24:17 - C'est clair. Et puis, enfin, le couple, aujourd'hui,
24:20 ne se présente pas sous les meilleurs auspices.
24:22 - Mais le couple franco-algérien... - Oui, non plus.
24:25 - Et puis, c'est un couple à trois avec le Maroc.
24:27 - Nous avons de grands problèmes conjugaux,
24:29 M. l'ambassadeur, en ce moment.
24:31 Est-ce que nous avons des auditeurs, encore, jusqu'ici ?
24:33 - Nous avons beaucoup d'auditeurs, et vous continuez
24:35 de nous appeler au 0826-300-300,
24:38 et on a le plaisir d'accueillir Charles de Paris.
24:41 Bonjour, Charles. - Bonjour, Charles.
24:43 - Oui, bonjour, messieurs. Bonjour, entrez, Bercoff.
24:46 - Bonjour. - Voilà, je voulais intervenir,
24:49 juste pour poser une question.
24:51 Moi, je suis un peu... je ne suis pas de la génération
24:54 de l'Algérie. Pour moi, l'Algérie, c'est un pays
24:57 comme un autre. Enfin, c'est le Maroc, l'Algérie,
25:00 la Libye, voilà, c'est la Fénézie, c'est le Maghreb.
25:03 Mais en 2017, François...
25:06 J'aimerais que vous fassiez un petit peu de politique-fiction,
25:08 deux minutes, pour parler des accords des viants.
25:11 En 2017, François Fillon, dans son programme, avait prévu
25:14 la suppression des accords des viants,
25:17 ou l'abrogation des accords des viants.
25:20 Donc, il aurait pu passer, il n'est pas passé.
25:23 À votre avis, quelles auraient été les conséquences ?
25:27 - De la suppression des accords des viants ?
25:29 - Voilà, si François Fillon était passé...
25:32 - Oui, et que signifierait la suppression des accords des viants,
25:35 en tout cas, si quelqu'un d'autre voudrait reprendre
25:38 la suggestion de Fillon. Xavier Triantour.
25:41 - Bonjour monsieur. La suppression des accords des viants,
25:45 en fait, c'est surtout symbolique.
25:47 Ça n'aurait pas eu de conséquences considérables.
25:49 Ce qui aurait des conséquences importantes,
25:52 c'est la suppression des accords franco-algériens
25:56 sur l'immigration. Des accords du 27 décembre 1968
26:01 qui complètent les accords des viants,
26:04 et qui permettent aux Algériens de venir en France
26:07 pour s'installer à des conditions dérogatoires
26:10 du droit commun Schengen.
26:12 - Ah, c'est décembre 1968, ça ?
26:14 - Ce sont des accords franco-algériens,
26:16 donc sur la circulation des personnes,
26:19 qui ont été passées à une période où la France
26:22 avait besoin de main-d'oeuvre pour son industrie,
26:25 de main-d'oeuvre francophone,
26:27 et donc la main-d'oeuvre francophone, elle était en Algérie.
26:29 Et comme les accords des viants prévoyaient un régime
26:32 de liberté de circulation au profit des Français
26:36 qui resteraient en Algérie,
26:38 parce qu'on avait, à l'époque, on pensait que les Français
26:41 resteraient en Algérie, il fallait qu'ils puissent venir en France,
26:44 donc il y avait un régime de circulation facilité...
26:48 - Qui continue aujourd'hui ?
26:50 - Qui continue aujourd'hui, puisque ces accords sont toujours en oeuvre.
26:54 - Qui stipulent quoi ?
26:56 - Ils donnent des avantages aux Algériens
26:59 pour venir en France, pour s'installer en France.
27:03 Par exemple, les visas étudiants peuvent être transformés
27:06 en visas de commerçants,
27:08 et donc vous êtes étudiant, vous créez un truc d'auto-entrepreneur,
27:11 et vous avez une carte de séjour automatiquement.
27:14 Donc il y a toute une série de dérogations
27:17 sur le regroupement familial,
27:19 sur les titres de séjour,
27:21 sur le retrait des titres de séjour,
27:24 que vous ne trouvez avec aucun autre pays,
27:26 ni les Marocains, ni les Tunisiens.
27:28 Donc c'est une exception algérienne
27:30 qui est consubstantielle aux accords déviants.
27:34 - Il est bon de le rappeler, parce que je suis sûr que les trois quarts
27:36 de nos auditeurs et des Français ne le savent pas.
27:40 - Et dans son interview au Figaro,
27:42 qu'il a fait huit jours avant la mienne,
27:44 le président Teboun a dit "nous tenons aux accords déviants,
27:47 et nous tenons aux accords du 27 décembre 68".
27:50 - Un autre, merci !
27:52 - On va tourner une rapide page de pub,
27:54 et on retrouve à tous nos auditeurs après la pub,
27:56 au 0826 300 300, à tout de suite sur Sud Radio.
28:00 - Sud Radio Bercov, dans tous ses états,
28:02 appelez maintenant pour réagir 0826 300 300.
28:06 - Ici Sud Radio,
28:10 les Français parlent au français.
28:15 Je n'aime pas la blanquette de veau.
28:18 Je n'aime pas la blanquette de veau.
28:21 - Sud Radio Bercov, dans tous ses états.
28:24 - 13h43 sur Sud Radio,
28:26 vous avez la parole au 0826 300 300.
28:29 On attend vos appels pour interpeller Xavier Driancourt,
28:32 ancien ambassadeur de France en Algérie,
28:34 et avoir vos avis sur cette relation entre la France et l'Algérie.
28:37 Et on accueille tout de suite Guy de Paris. Bonjour Guy !
28:40 - Bonjour Monsieur, bonjour Monsieur l'ambassadeur.
28:43 Oui, j'ai 72 ans, je suis né en Afrique du Nord, j'y ai vécu.
28:47 Mon père était capitaine pendant la guerre d'Algérie,
28:50 donc je suis très sensibilisé à ce problème.
28:53 Donc à chaque fois que je parle, et c'est très souvent à des Algériens,
28:57 je dis la chose suivante.
28:59 Au moment où la France est partie,
29:02 elle a laissé des infrastructures, qui étaient en parfaite étape,
29:05 et tous les gouvernements algériens qui se sont succédés les uns après les autres
29:09 n'ont payé aucun entretien, n'ont créé aucune industrie,
29:12 pas même une construction d'un hôpital.
29:15 Donc ces gouvernements algériens se sont reposés
29:18 sur les conséquences de l'occupation française
29:21 pour masquer leurs incompétences.
29:24 Je me permets de dire comme ça à des familles algériennes,
29:27 parce que je dis, nous de notre côté, nous avons eu la même chose.
29:30 Depuis 50 ans, nous avons des gouvernements
29:33 qui se sont tournés vers le mondialisme de service,
29:36 et non pas de fabrication, bilan, nous avons 3 000 milliards d'euros d'endettement.
29:40 Donc en faisant cette comparaison, les Algériens acceptent.
29:46 De temps en temps, je vais à République,
29:48 là vous avez des associations algériennes qui se battent
29:51 contre ces gouvernements algériens depuis des années.
29:54 Et ça passe très bien.
29:56 Je vais même beaucoup plus loin, je dis,
29:59 est-ce que nous, nous faisons encore des reproches
30:02 aux Maghreb, aux Mors, qui ont occupé le sud-ouest de la France
30:06 pendant 800 ans,
30:08 la bataille de Charles Martin en 1732,
30:11 est-ce qu'on fait des reproches encore aux pays du Maghreb
30:14 pour l'occupation de la Méditerranée, bataille de l'Epente...
30:17 - C'est-à-dire arrêtons l'aéroportance...
30:19 - On arrête tout.
30:21 On vit maintenant, on peut travailler ensemble,
30:24 on peut faire des choses ensemble, parce que nous sommes dans la même situation.
30:27 Voilà, c'est comme ça que je le fais.
30:30 - Écoutez, analyse intéressante,
30:32 je pense que Xavier Drancourt va vous répondre.
30:35 - Oui, bonjour monsieur.
30:37 Je disais tout à l'heure que l'Algérie, c'est de la politique intérieure française,
30:41 mais la France, c'est de la politique intérieure algérienne.
30:44 Et donc c'est bien commode, bien pratique
30:47 pour les dirigeants algériens
30:50 de trouver un bouc émissaire.
30:53 Pour nous, c'est la Banque mondiale ou l'Union européenne,
30:56 mais pour l'Algérie, c'est l'ancien colonisateur
31:01 qui n'a pas fait ce qu'il fallait,
31:03 qui a fait une mauvaise colonisation,
31:05 qui ne s'est pas excusé après la décolonisation,
31:09 qui est parti avec les plans de ceux-ci,
31:12 avec les archives de ceux-là.
31:14 Donc c'est bien commode d'expliquer les échecs et les difficultés du pays
31:19 par l'ancien colonisateur.
31:21 - Ce pelé, ce galop de Louviatou-Laval.
31:23 - Et dans les livres d'histoire des jeunes Algériens,
31:28 on leur explique que c'est la France qui est responsable des malheurs du pays.
31:32 - Donc vous voulez dire que jusqu'à présent, jusqu'à aujourd'hui,
31:35 nous sommes en 2023,
31:37 dans l'opinion publique, je ne dis pas tout le monde,
31:40 mais vous savez, si ça ne va pas en Algérie, c'est à cause de ces...
31:43 - C'est très commode de dire ça.
31:46 C'est très commode de dire ça.
31:48 Alors ça marche ou ça ne marche pas, de rappeler cela,
31:50 mais enfin quand vous avez des militaires ou des ministres algériens
31:54 qui disent publiquement il y a quelques mois
31:56 "la France c'est l'ennemi éternel",
31:58 voilà, ça veut dire ce que ça veut dire.
32:01 - Oui, c'est assez parlant.
32:05 - Nous avons la France.
32:06 - Oui, pardon ?
32:07 Vous disiez ?
32:08 - Si on laisse parler ces gens-là, moi je suis capable de leur répondre, d'accord.
32:12 Si c'est l'ennemi éternel, et bien écoutez, on va renvoyer en Algérie,
32:16 tous les Algériens, nous avons 4 millions d'Algériens en France à peu près.
32:19 En plus, 90% des immigrés du Maghreb sont en France.
32:25 90% des pays du Maghreb,
32:28 - Ah oui, c'est les pays francophones, oui.
32:29 - Algérie, Maroc, 90% des immigrés ne sont pas français.
32:33 - Mais vous les renvoyez comment ?
32:35 - Non, je ne les renvoie pas.
32:36 Mais je réponds à ces ministres, ces militaires, s'il faut leur parler,
32:40 c'est ce que je leur réponds, je dis "on va les renvoyer en France".
32:44 On supprime la carte vitale, on supprime la carte de chômage, etc.
32:49 - Déjà supprimons les fausses cartes vitales,
32:52 - Les fausses cartes vitales, déjà, tout à fait.
32:54 - Et les personnes de 125 ans qui sont encore en vie,
32:57 et qui touchent à leur retraite.
32:59 - Tout à fait, oui, M. Arnaud Berkher, il y a du travail à faire de ce côté-là aussi.
33:03 - Merci en tout cas.
33:04 - Lucien, vous continuez de nous appeler au 0826-300-300,
33:08 on attend vos appels pour interpeller Xavier Driancourt,
33:11 l'ancien ambassadeur de France en Algérie.
33:13 - Alors, moi j'avais une question à poser justement à Xavier Driancourt,
33:17 on a beaucoup beaucoup de choses à nous dire de ce point de vue-là.
33:21 Comment vous expliquez quand même que, alors là, pour revenir aux responsables français,
33:27 c'est que, alors, vous savez, d'un côté on l'entendait,
33:30 l'Afrique n'est pas encore rentrée dans l'histoire,
33:32 c'était pas l'Algérie mais c'était l'Afrique.
33:34 D'un autre côté, quand même, un candidat à la présidence en 2017,
33:37 quand vous étiez ambassadeur, qu'est-ce que vous a fait ?
33:40 Ça m'intéresse personnellement, quand vous avez entendu Emmanuel Macron,
33:44 candidat à la présidentielle, venir dire sans orbage,
33:48 la colonisation c'est un crime contre l'humanité.
33:51 - Ces propos ont été, vous l'imaginez, applaudis à Alger.
33:56 - J'imagine.
33:57 - Pour deux raisons.
33:58 D'abord parce que c'était la première fois qu'un président de la République
34:02 transgressait, dépassait tout ce qui avait été dit prudemment
34:07 par Jacques Chirac, par François Mitterrand, par François Hollande,
34:11 par Nicolas Sarkozy, qui chacun trouvait à sa manière
34:16 une façon d'expliquer la colonisation et l'histoire.
34:20 Là, tout d'un coup, en une phrase, Emmanuel Macron candidat
34:26 à Assen une vérité qui plaît beaucoup aux Algériens.
34:29 Mais ça illustre parfaitement les ambiguïtés, les difficultés
34:33 de notre relation avec l'Algérie, parce qu'il a été énormément
34:37 critiqué à Paris, et le lendemain, il a dû rectifier le tir.
34:42 - C'est ça, c'est-à-dire qu'au fond, quoi que vous dites,
34:46 il ne qu'allait pas.
34:47 - C'est interprété des deux côtés de la Méditerranée.
34:51 Et du reste, il n'a jamais répété cette phrase.
34:53 - Non, ça c'est vrai. Mais enfin, elle est restée.
34:55 - Elle est restée.
34:56 - Et dites-moi, vous, ambassadeur, alors justement,
34:58 chaque fois qu'il y avait, mettons à Paris ou ailleurs,
35:01 des déclarations, etc., mettons, de responsables français,
35:04 qu'ils soient de gauche, de droite, d'opposition,
35:06 de gouvernement, est-ce qu'on voulait reprocher ?
35:08 On vous disait "Est-ce qu'on voulait enlever, M. l'ambassadeur ?
35:10 Comment on a dit ça ?"
35:12 - Mon prédécesseur, Bernard Bajolet, qui était à l'époque
35:16 à la DGSE, ou après la DGSE, a publié ses mémoires,
35:21 et un chapitre de ses mémoires consacré à Bouteflika,
35:25 en termes assez durs.
35:27 J'ai été convoqué au ministère algérien des Affaires étrangères,
35:32 et j'ai dû dire que c'était mon prédécesseur
35:35 et que ce n'était pas la voie de la France.
35:37 Et je pense que là, mon successeur à Alger a dû sans doute dire
35:41 "Dryancourt, il écrit à titre personnel."
35:45 Mais c'est vrai que quand il y a des politiques
35:49 qui font une déclaration sur l'Algérie,
35:52 immédiatement on se tourne vers l'ambassadeur.
35:55 Parce que, est-ce qualité, l'ambassadeur et le représentant
35:59 des dirigeants français ?
36:01 - Oui, vous avez la parole au 0826-300-300.
36:04 On accueille Philippe de Normandie. Bonjour Philippe.
36:06 - Bonjour Philippe.
36:08 - Oui, bonjour André, et bonjour monsieur l'ambassadeur.
36:11 - Bonjour. - Alors, monsieur l'ambassadeur,
36:14 juste un point de vue local, quand vous étiez en poste,
36:18 qu'est-ce que pensait la population lors d'un match,
36:21 par exemple France-Algérie, et le fait de s'y faire à Marseille ?
36:25 Ça serait intéressant de savoir, directement dans le pays,
36:29 ce qu'ils en pensaient.
36:31 Moi, je voulais vous interroger aussi sur la présence des Chinois.
36:37 Je pense qu'il y a, j'avais entendu quelques informations,
36:42 comme quoi les Chinois étaient très présents en Algérie,
36:46 et avaient tout simplement substitué les industriels,
36:52 notamment français, sur des infrastructures notables.
37:00 Donc, quelle est l'influence chinoise actuellement,
37:03 au niveau de l'Algérie ?
37:06 Ça, ce serait intéressant de savoir votre point de vue.
37:10 - L'influence chinoise, notamment économique, est considérable.
37:15 C'est le premier, aujourd'hui, c'est le premier fournisseur de l'Algérie.
37:19 Il y a à peu près 100 000 Chinois, dit-on, si on peut les compter,
37:23 qui sont installés en Algérie, et certains installés durablement.
37:27 Et effectivement, ils sont très présents dans le BTP,
37:30 dans les ouvrages d'art, dans les constructions d'autoroutes,
37:35 dans les constructions d'hôpitaux,
37:37 et nous ont totalement écartés ou éliminés.
37:41 Donc, dans mon premier séjour en Algérie, du reste,
37:44 nous étions encore le premier fournisseur de l'Algérie.
37:47 Dans mon deuxième séjour, nous étions dépassés par les Chinois,
37:51 et aujourd'hui, nous sommes en voie d'être dépassés par les Chinois,
37:55 les Turcs, les Coréens.
37:58 Ça va très vite, ça va très vite.
38:00 - Juste un mot là-dessus, M. Dracau,
38:03 au sujet des matchs France-Algérie...
38:06 - Alors, je n'ai pas été témoin de matchs France-Algérie,
38:12 j'ai été témoin de la Coupe d'Afrique de football,
38:18 et l'équipe algérienne était composée de beaucoup de joueurs en France.
38:24 - Oui, c'est ça, qui jouent en France.
38:25 - Donc, il y avait une relation très compliquée.
38:28 Il y a une vidéo assez célèbre,
38:32 où on voit un joueur de foot de l'équipe d'Algérie
38:35 qui est interrogé en arabe par un journaliste algérien,
38:39 et lui dit "parlez-moi en français parce que je ne comprends pas l'arabe".
38:43 - Les paradoxes, les paradoxes.
38:45 - Les paradoxes.
38:46 - Lucien, nous avons, je crois, un dernier auditeur.
38:49 - Oui, on a le temps de recevoir Mohamed de Perpignan.
38:51 Bonjour Mohamed.
38:52 - Oui, bonjour Mohamed.
38:53 - Oui, bonjour à vous, bonjour aux auditeurs, à votre invité.
38:57 - Je voudrais que monsieur l'ambassadeur me réponde sur les deux auditeurs qu'il y a eu avant moi.
39:03 Déjà, ce qu'il en pense de cette progression chinoise en Algérie,
39:10 et puis l'auditeur qu'il y a eu avant, il veut dire qu'il y a 4 millions d'Algériens en France,
39:15 je crois que certains sont des Algériens de cœur,
39:18 certains sont des Algériens de papier qui sont nés en France.
39:20 Est-ce qu'on ne pourrait pas justement utiliser cette force,
39:24 cette puissance d'Algériens en France pour une meilleure coopération,
39:28 et peut-être en verser la vapeur au lieu de voir des Chinois s'installer en Algérie,
39:32 pourquoi ne pas utiliser au niveau industriel et autre,
39:36 une vraie coopération au lieu de se critiquer les uns aux autres ?
39:41 - Oui, bonjour monsieur.
39:43 Il y a quelques Franco-Algériens ou Algériens qui résident en France,
39:48 ou Français tout court mais qui ont des liens avec l'Algérie,
39:52 qui jouent un rôle effectivement dans les relations économiques Franco-Algériennes,
39:58 mais ça reste très marginal, très localisé, très spécialisé sur certains dossiers économiques.
40:07 Le fond du problème c'est que quand même les autorités algériennes
40:13 ne souhaitent pas trop récupérer ces Franco-Algériens
40:18 qui reviennent en Algérie avec leur mode de vie, leur mode de pensée...
40:24 - Ça ne leur plaît pas tellement.
40:25 - Ça ne leur plaît pas tellement, ils préfèrent avoir des Chinois et des Turcs
40:28 à qui ils imposent leurs conditions.
40:31 - Et en même temps, nous arrivons à la fin de cette émission,
40:34 mais c'était passionnant vraiment, et encore une fois je renvoie au livre,
40:37 il faut lire cette énigme algérienne aux éditions de l'Observatoire
40:41 pour bien comprendre ce qui se passe, encore une fois c'est notre voisin,
40:44 il est à 800 km de chez nous, et c'est très important de comprendre.
40:48 Vous dites évidemment que personne ne peut lire l'avenir,
40:51 nous ne sommes pas des voyantes, mais vous êtes plutôt...
40:55 L'avenir est ouvert dans le bon sens comme dans le pire des sens,
41:00 on ne peut pas savoir sur ces relations Franco-Algériennes.
41:03 - Je ne suis pas très optimiste,
41:07 parce que les relations Franco-Algériennes c'est un peu le CAC 40,
41:11 des périodes haussières, des périodes baissières,
41:14 mais elles n'ont jamais été à peu près normalisées depuis 1962.
41:18 Donc là on est dans une période d'euphorie,
41:21 après avoir été dans une période difficile,
41:24 puisque rappelez-vous les déclarations du Président de la République
41:27 sur la rente mémorielle, sur le système militaire, etc.
41:31 - Tout à fait, oui.
41:32 - On a eu la visite du Président de la République à Alger,
41:35 on va avoir la visite du Président Tebboune en France,
41:38 après on repassera sans doute une nouvelle crise,
41:41 parce qu'il faudra se rapprocher du Maroc.
41:44 - Voilà, n'oublie pas que les montagnes russes existent aussi en Méditerranée.
41:48 - Exactement.
41:49 C'était le Face à Face du lundi 6 février,
41:52 avec Xavier Derré en cours, ancien ambassadeur de France en Algérie,
41:55 auteur de l'énigme algérienne, place à l'émission de Brigelais.
41:59 A tout de suite sur Sud Radio.

Recommandée