• l’année dernière
Avec Driss Ghali, essayiste et conférencier, auteur de « Une contre-histoire de ka colonisation Française » aux Editions Jean-Cyrille Godefroy

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##LE_FACE_A_FACE-2023-05-25##

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Transcription
00:00 Vous êtes bien sur Sud Radio dans le face à face d'André Bercoff et nous recevons aujourd'hui Dries Gally,
00:04 essayiste et conférencier, auteur de "Une contre-histoire de la colonisation française" aux éditions Jean-Cyril Godefroy.
00:10 Bonjour Dries Gally.
00:11 - Bonjour.
00:11 "Une contre-histoire de la colonisation française".
00:16 Dries Gally, eh bien Dries Gally, il a, je dirais, l'avantage, à part son talent,
00:22 d'appartenir à trois, je vais dire à trois civilisations, mais quelque part oui.
00:27 Il est franco-marocain, il est né au Maroc, je crois c'est bien cela, Dries Gally.
00:32 Vous partagez entre le Maroc, la France et le Brésil où vous travaillez.
00:37 Et je dirais vraiment, je le dis, je dis pas ça tout le temps, loin de là,
00:43 c'est un livre capital que vous avez écrit sur cette contre-histoire,
00:48 parce que, sans prendre au parti pour l'un ou pour l'autre, vous ne faites pas du manichéisme,
00:52 vous ne dites pas voilà, d'un côté les bons, d'un autre côté les méchants, d'un autre côté voilà,
00:56 vous ne dites pas cela, vous dites "écoutez, essayons de regarder l'histoire,
01:01 justement, sans être sans œillères, sans avoir une réalité préconçue,
01:08 sans avoir votre perception de la réalité et non pas le sens de la réalité".
01:12 Et vous le dites vous-même, vous voyez, je ne suis pas un expert autroproclamé,
01:15 je ne suis pas un militant ou un idéologue, je suis ce qu'on appelle un "non-héptôme"
01:19 au sens renaissance du terme, mais c'est pas mal, on en a besoin en ce moment.
01:25 Et vous revisitez, vous inventoriez, vous faites l'histoire, la vraie histoire de cette colonisation.
01:31 Alors, vous concentrez, évidemment, vous parlez au début de colonisation française
01:35 qui a atteint l'Amérique, qui a atteint les tropiques et partout,
01:39 mais vous concentrez sur l'Afrique, l'Afrique subsaharienne, l'Afrique du Nord et l'Afrique subsaharienne
01:44 et qui effectivement était au cœur de l'histoire, en tout cas depuis un peu plus d'un siècle.
01:49 Et vous le racontez très bien, vous racontez les traités gris, vous racontez la colonisation
01:54 et surtout, Dries Ghali, ce qui est vraiment intéressant, c'est que de part et d'autre, vous dites
01:59 "Attendez, on va arrêter le masochisme et la repentance permanente
02:05 et beaucoup de gens qui mettent l'huile sur le feu, et d'un autre côté la victimisation permanente
02:11 parce qu'on est autre chose que ça, que ce soit justement les Africains, etc."
02:16 J'ai interviewé un certain nombre de gens qu'on aime ou qu'on aime pas, mais qui sont effectivement
02:21 pour la revendication de l'indépendance et pas se rejeter sur la faute aux autres,
02:27 depuis 60 ans il s'est passé des choses.
02:29 Donc en fait, cette contre-histoire, c'est pour dire qu'il y a eu une histoire qui a été biaisée
02:35 de la colonisation française ?
02:37 - Biaisée et surtout extrêmement simpliste, simplificatrice.
02:45 La colonisation française a eu des aspects très drôles, même hilarants,
02:49 parce que le colonisé, l'indigène, s'est vengé.
02:53 - C'est-à-dire ? Expliquez, parce que c'est marrant, drôle, hilarant,
02:57 le colonisé qui se venge, on n'a pas l'habitude d'entendre ça.
03:00 - Vous avez eu des mariages mixtes en Indochine, ou même en Afrique,
03:05 vous avez eu la vengeance de la femme, parce que qu'est-ce que c'est coloniser, c'est dominer, repeupler.
03:10 Et dans la domination, il y a "je te prends tes femmes".
03:13 C'est vieux comme le monde, ce ne sont pas les Français qui ont inventé ça.
03:17 - Absolument, et bien avant l'Occident.
03:20 - Les femmes étant un butin de guerre dans l'imaginaire de nos pauvres mortels que nous sommes.
03:25 Et les femmes vietnamiennes se sont souvent vengées de leur mari français, naïf, cartésien.
03:32 Les enfants, souvent de ces mariages mixtes, étaient kidnappés par les familles indochinoises
03:38 pour être élevés à la vietnamienne, d'où des drames extraordinaires.
03:43 Vous avez eu des maladies vénériennes, la moitié des...
03:48 Ils ont des blessures, si vous voulez, des soldats français en Indochine,
03:51 entre 1860 et 1880, c'est-à-dire au moment de la conquête, la moitié c'était la syphilis.
03:56 - Ah c'est fou, oui.
03:57 - Vous avez des histoires d'homosexualité.
04:00 La vengeance du boy vietnamien, c'était l'amour homosexuel avec l'officier français.
04:08 Vous voyez ce que je veux dire ?
04:09 - Il y a eu ça en Afrique aussi ?
04:13 - Il y a eu la mousseau, comme le disait la femme africaine,
04:16 il y a eu André Gide, pardon, Albert Londres en parlait, du drame des enfants métis.
04:22 Rejetés entre deux mondes et tout ça.
04:25 - D'accord. Mais alors au-delà de ça, en fait, ces narratifs qu'on a entendus,
04:29 qu'on entend depuis très longtemps, d'un côté effectivement on disait "oui mais les Lumières,
04:34 on pensait apporter la civilisation et les Lumières, Jude Ferry, etc."
04:38 Et d'un autre côté on dit "voilà, l'Afrique, c'était un paradis absolument terrestre
04:45 avant que n'arrive ces horribles prédateurs colonisateurs occidentaux, blancs, etc."
04:51 Ce n'est vrai ni d'un côté ni d'un autre, Drizaly.
04:55 - Tout à fait.
04:56 Notre génération aujourd'hui est désespérée pour s'indigner.
05:00 On veut s'indigner.
05:02 - C'est une vocation.
05:04 - Vocation parce que nous sommes impuissants.
05:06 Le climat change malgré nous, l'Europe se fait malgré nous, Davos décide malgré nous,
05:10 on vote, on n'est pas représentés, on vote au référendum, on nous dit "le contraire sera fait".
05:15 Donc on a besoin de s'indigner parce que ça permet d'agir.
05:19 C'est l'arme du faible, l'indignation.
05:21 Donc on veut détester. Alors on déteste Lyotté, Colbert...
05:24 - C'est presque un fonds de commerce, c'est devenu un fonds de commerce.
05:26 - Un fonds de commerce, bien sûr, mais c'est populaire parce que les gens se sentent impuissants.
05:32 Et en réalité, on s'intoxique nous-mêmes.
05:36 Et on est aidés par certains grands intoxicateurs.
05:39 L'Afrique, l'Indochine, le Maghreb, avant l'arrivée des Français, c'était l'enfer.
05:45 - Carrément.
05:46 - Le Maghreb était un coup de gorge, c'est-à-dire qu'on ne pouvait pas faire 100 km sans se faire agresser par des pirates,
05:53 les Bédouins, enfin au Maroc, il fallait payer la route.
05:57 - Oui, carrément.
05:59 - Même le Sultan, dans un certain moment, il ne pouvait pas faire la route marrakech-fès.
06:04 Il fallait payer ou passer par un grand détour par Kénitra-Rabat.
06:08 D'ailleurs, vous avez toute une industrie du péage, qui était soit gérée par des seigneurs locaux,
06:14 soit par les shérifs de West-Zen, notamment.
06:16 - Aujourd'hui, c'est les grandes sociétés.
06:18 - Aujourd'hui, c'est Détat au Maroc.
06:20 - Détat, oui.
06:22 - Mais voilà, c'est le péage.
06:24 - Et le sort de la femme, etc.
06:26 - La femme n'existe pas, c'était une marchandise.
06:28 Les femmes mouraient en couche.
06:33 Qui a amené la gynécologie ? C'est la France.
06:35 En Afrique, vous aviez l'esclavage domestique.
06:37 Des Noirs par les Noirs.
06:39 Au Maroc, vous aviez des esclaves noirs.
06:41 Il y avait des marchés aux esclaves que les Français ont interdits
06:43 en rentrant à Fès et à Marrakech.
06:45 À Alger, à Tunis, c'est pareil.
06:47 En Indochine, vous aviez l'extermination,
06:49 plutôt le grand remplacement du peuple Khmer par les Vietnamiens.
06:53 Le Combodge a applaudi les Français.
06:55 Qu'est-ce que je veux dire par là ?
06:57 C'était une situation terrible.
06:59 Je ne justifie pas la colonisation,
07:01 mais elle n'a pas interrompu un processus
07:03 de civilisation qui était extraordinaire.
07:05 - Oui, et ça n'a pas été la régression que l'on dit.
07:11 - Non, au fait, pourquoi on a du mal à appréhender ça ?
07:15 Parce qu'il y a eu un coup de poing
07:17 et un coup de main.
07:19 Bien sûr, pour conquérir un pays, il faut tuer des gens.
07:21 Malheureusement, enfin je le regrette.
07:23 D'ailleurs, pour faire la Révolution française,
07:25 on a fait couler beaucoup de sang.
07:27 Et personne ne va reprocher maintenant à la Révolution française
07:29 ses crimes.
07:31 Le génocide des Vendéens, tout ça.
07:33 La décapitation des innocents.
07:35 Donc il y a eu un coup de poing, la guillotine,
07:37 et tout ça. Il y a eu un coup de poing et un coup de main.
07:39 C'est ce que disait Lyothée.
07:41 Après, c'est un...
07:43 Lyothée faisait aussi sa propagande.
07:45 Mais il disait "la conquête coloniale
07:47 est une guerre économique, économique en vie,
07:49 et une guerre qui construit".
07:51 Il disait "contrairement aux guerres d'Europe qui détruisent",
07:53 pensez à la Première Guerre mondiale,
07:55 "la conquête coloniale construit".
07:57 Parce que, je te soumets, et tout de suite,
07:59 on va construire ensemble un nouveau pays.
08:01 Le Maroc est le cas extrême
08:03 d'une co-construction, d'une colonisation du Maroc.
08:05 La conquête est un partenariat
08:07 franco-marocain.
08:09 Les gens qui ont conquis le Maroc, ils l'ont fait au nom du Sultan
08:11 et au nom de la France.
08:13 D'ailleurs, il y avait des soldats du Sultan dans les troupes de conquête.
08:15 En Algérie, c'est différent.
08:17 Et d'ailleurs, l'Afrique
08:19 a été conquise par les Africains.
08:21 On nous dit Feder,
08:23 Bougalini, tout ça, mais
08:25 l'élément blanc était minoritaire.
08:27 L'essentiel des soldats, c'était des gens,
08:29 des noirs.
08:31 Et qui se vengeaient de leurs anciens chefs.
08:33 - Il y avait des comptes à régler
08:35 entre tribus, entre...
08:37 - Entre peuples.
08:39 Les Dogons, les Mambaras,
08:41 les... Même au Vietnam,
08:43 vous avez des peuples,
08:45 des montagnes qui ont...
08:47 - En fait, il y a eu un narratif, d'ailleurs,
08:49 entretenu par pas mal d'Occidentaux
08:51 à la mémoire courte
08:53 ou à la conscience plus ou moins
08:55 fléchissante, qui ont dit
08:57 "Mais oui, mais c'est ça, nous on a été..."
08:59 Et on va reparler du crime contre l'humanité.
09:01 Mais, ce qui est
09:05 très intéressant dans votre livre,
09:07 c'est que vous remettez toutes ces pendules à l'heure, en montrant.
09:09 Vous ne prenez pas partie.
09:11 Vous montrez ce qui s'est passé, Idriss Ghali.
09:13 On va continuer à en parler,
09:15 cette contre-histoire de la colonisation française,
09:17 après cette petite pause.
09:19 - Et restez bien avec nous, on se retrouve tout de suite.
09:21 Restez bien avec nous pour se face à face avec Idriss Ghali,
09:23 essayiste et conférencier, auteur d'une contre-histoire
09:25 de la colonisation française.
09:27 Vous nous appelez au 0826 300 300
09:29 pour participer à l'émission.
09:31 A tout de suite sur Sud Radio.
09:33 [Musique]
09:35 - Les Français parlent au français.
09:37 Je n'aime pas
09:39 la blanquette de veau.
09:41 Je n'aime pas la blanquette de veau.
09:43 - Sud Radio Bercov
09:45 dans tous ses états.
09:47 - Je ne suis pas le seul, effectivement.
09:49 Vous l'êtes aussi au libraire de Sud Radio.
09:51 Idriss Ghali qui écrit la contre-histoire
09:53 de la colonisation française
09:55 pour remettre les pendules à l'heure.
09:57 Et c'est un livre passionnant.
09:59 Je vous le redis.
10:01 Idriss Ghali, on l'a parlé, effectivement, vous dites, oui,
10:03 l'Afrique, par exemple, et autres,
10:05 n'étaient pas le paradis terrestre
10:07 où tout le monde, hommes, femmes,
10:09 vivaient magnifiquement. Vous parlez de la misère,
10:11 vous parlez de la violence,
10:13 qui était aussi, évidemment, en France et ailleurs.
10:15 Enfin, je veux dire, il n'y avait pas, encore une fois,
10:17 ce mythe du paradis terrestre
10:19 détruit par les méchants, etc.
10:21 Mais alors, comment pourrait-on,
10:23 justement, et parlons-en
10:25 un peu, de cette colonisation,
10:27 et concentrons-nous peut-être sur l'Afrique du Nord
10:29 et sur l'Afrique subsaharienne, bien sûr,
10:31 où la France a eu,
10:33 il a eu ailleurs aussi,
10:35 l'Empire français, mais là, il a eu quand même
10:37 une présence très, très, très forte.
10:39 Et vous diriez que, d'un côté, vous avez parlé
10:41 de le poing et la main, vous diriez que
10:43 d'un côté, effectivement,
10:45 il y a eu,
10:47 oui, des crimes,
10:49 des atrocités, enfin,
10:51 des exactions, et Dieu sait.
10:53 Mais il y a eu aussi une construction.
10:55 Et comment ça se fait
10:57 que 60 ans après les indépendances,
10:59 plus de 60 ans aujourd'hui,
11:01 on soit encore à polémiquer,
11:03 mais à longueur de journée,
11:05 que sur le mal des uns,
11:07 le mal des autres, la société, etc.
11:09 Il faut rattraper,
11:11 il faut arrêter,
11:13 il faut se venger, et puis,
11:15 vous entendez, aujourd'hui, les gens disent "oui, vous nous avez colonisés,
11:17 ben, on va vous coloniser".
11:19 C'est quoi cette espèce d'extraordinaire,
11:21 et hystérique,
11:23 et délirant chape de plomb,
11:25 qui est toujours là ?
11:27 - Plusieurs facteurs, il y en a
11:29 deux ou trois qui sont très importants.
11:31 Le premier, c'est que
11:33 les indépendances ont été gâchées
11:35 par les anciennes colonies, par les pays du Sud.
11:37 Si l'Algérie était un pays riche, et elle est riche,
11:39 avec le pétrole qu'elle a, si l'Algérie était
11:41 devenue un Dubaï, vous n'auriez pas eu de
11:43 problèmes de repentance en France, ou de discours.
11:45 Pareil pour l'Afrique subsaharienne,
11:47 le Vietnam qui travaille,
11:49 il ne demande rien.
11:51 On n'est pas les vietnamiens défilés à Paris pour dire...
11:53 - Et Dieu sait s'ils ont été bombardés et nabalmisés,
11:55 par les français d'abord,
11:57 les américains ensuite. - Tout à fait.
11:59 Donc, il y a cet aspect-là.
12:01 Et le deuxième aspect, c'est que
12:03 la France n'a pas été sérieuse
12:05 aux colonies. Je l'ai toujours dit dans ce livre,
12:07 la colonisation est une idée
12:09 impulsive, qui est née
12:11 dans des circonstances très
12:13 spéciales, la perte de l'Azaz-Lorraine,
12:15 la France est partie aux colonies sur une
12:17 impulsion, pour se consoler. C'était une thérapeutique.
12:19 - Alors, très important, parce que vous l'avez dit, ce n'est pas
12:21 pour s'enrichir, ce n'est pas pour des raisons d'abord écologiques.
12:23 - Non, la France était riche, déjà,
12:25 et surtout, elle était sous-peuplée.
12:27 Les anglais, ils ont colonisé le Botswana,
12:29 l'Afrique du Sud, et les Etats-Unis, parce qu'ils
12:31 avaient un excellent démographique énorme.
12:33 Plus de 20 millions ont été envoyés, de personnes,
12:35 à France. Et surtout, les paysans
12:37 français, ils avaient des terres, contrairement
12:39 aux paysans anglais. Donc, la
12:41 colonisation a été une affaire
12:43 d'élites, de certaines élites.
12:45 Ces élites-là, se sont
12:47 entre guillemets, amusées aux colonies.
12:49 Elles ont fait un mythe colonial,
12:51 d'ailleurs, Clémenceau parlait du rêve colonial,
12:53 c'est Clémenceau. - Il parlait
12:55 du bon temps des colonies. - Du bon temps des colonies.
12:57 Et ce rêve colonial,
12:59 on l'a changé,
13:01 on l'a abandonné pour le rêve
13:03 européen. Et personne n'a fait l'inventaire.
13:05 C'est-à-dire, en 1960-1962, la gauche
13:07 qui a voulu le rêve colonial...
13:09 - Oui, c'est la gauche qui a voulu le rêve colonial.
13:11 - La droite a suivi, par suivisme,
13:13 la droite ne voulait pas des colonies. Pourquoi la droite
13:15 ne voulait pas des colonies ? Parce que la droite voulait le retour
13:17 de la monarchie ou du bonapartisme
13:19 en France. Elle a dit "J'ai pas de temps
13:21 à perdre à envoyer les meilleurs soldats,
13:23 qui sont des monarchistes, aller se faire
13:25 casser la gueule à Tadhanarive,
13:27 qu'ils restent à Paris pour la revanche
13:29 contre la gauche". Et la gauche a dit "Non, on va envoyer".
13:31 Et la gauche a eu raison, parce qu'elle s'est
13:33 débarrassée des éléments révolutionnaires.
13:35 Des Lyottais, des Gallienis,
13:37 des grands soldats qui auraient pu...
13:39 - Fomenter quelques choses.
13:41 - En 1940, Vichy a eu lieu.
13:43 La gauche avait raison. Attention, la France,
13:45 c'est un pays de guerre civile.
13:47 Donc, la gauche a abandonné
13:49 les tropiques pour faire l'Europe.
13:51 C'est Guimaulet, Mitterrand,
13:53 l'amitié franco-allemande.
13:55 Et on a délaissé le cahier.
13:57 On a oublié. On n'a pas fait.
13:59 Donc, on est le troisième point.
14:01 Aujourd'hui, vous avez
14:03 une immigration qui est une politique
14:05 publique française.
14:07 - Qui est voulue, organisée.
14:09 - Applaudie, célébrée,
14:11 fomentée, tout ça.
14:13 Et ces gens-là qui organisent cette immigration,
14:15 ils ont besoin d'arguments. Et ils vont voir les colonies
14:17 pour dire "Attendez les mecs,
14:19 si les gens viennent nous envahir,
14:21 c'est parce que nous avons envahi leur pays et nous l'avons détruit".
14:23 Et moi, mon livre vient dire "Attention,
14:25 ces pays-là allaient mal, très mal
14:27 avant la colonisation. La colonisation a
14:29 fait du mal, mais elle a fait aussi
14:31 du bien. Et de toute façon, elle est finie
14:33 en 60, 60-62 pour l'Algérie.
14:35 Et le malheur du Maroc,
14:37 de l'Algérie, du Sénégal,
14:39 du je-sais-pas-quoi, de la Côte d'Ivoire,
14:41 est un malheur local. Ce n'est pas Paris
14:43 qui est responsable. C'est nous
14:45 qui avons des problèmes et qui nous dégoûtons
14:47 notre jeunesse au point où elle vient chez vous
14:49 par bateau, par radeau.
14:51 - Oui, c'est ça. Et en disant
14:53 "Allez, vous nous avez
14:55 colonisés, vous nous avez opprimés,
14:57 maintenant, c'est à notre tour
14:59 de nous ranger des opérateurs".
15:01 - Bien sûr. Et c'est aussi la nature
15:03 humaine qui est déprimante.
15:05 C'est très facile de faire le mal.
15:07 Moi, il me fait rire quand je vois
15:09 mes amis de gauche ou progressistes qui disent
15:11 la diversité, tout ça.
15:13 Mais l'altérité
15:15 incite à la domination.
15:17 Quand je vois quelqu'un qui est différent de moi,
15:19 malheureusement, en tant que mortel, en tant qu'être humain,
15:21 ma première réflexion,
15:23 c'est de dire "Est-ce qu'il va me dominer ou je vais le dominer ?"
15:25 - Ah oui, vous mettez
15:27 rapport de force. Vous êtes pessimiste,
15:29 chère Brice Galli. - Je suis hauptien.
15:31 Même si j'aime beaucoup Rousseau, mais je ne crois plus au mythe
15:33 du bon sauvage. - La lutte
15:35 de tous contre tous. - Oui, nous sommes comme ça.
15:37 Le moment de la coopération,
15:39 d'ailleurs, nous les musulmans, qu'est-ce qu'on dit ?
15:41 "Salamou aleykoum". Ça veut dire quoi ?
15:43 - Que la paix soit sur toi. - Et je montre ma main.
15:45 D'abord, je te dis,
15:47 c'est pas la rasouage, je vais pas t'attaquer. Ensuite,
15:49 je te montre la main. C'est ça. Parce que le premier
15:51 réflexe, c'est la méfiance.
15:53 C'est normal.
15:55 Nous venons de monts de Guédanguerre.
15:57 Le problème en France, pays pacifié
15:59 depuis l'ancien régime,
16:01 on a oublié que l'homme est un loup
16:03 pour l'homme. Mais nous, les Africains et les Maghrébins,
16:05 nous vivons d'un mont tribal
16:07 où l'homme est un loup pour l'homme.
16:09 Moi, vous savez, mon village,
16:11 jusqu'aux années 40, était fortifié.
16:13 - Ah oui, carrément. - Le soir,
16:15 on rentrait. Parce qu'on se faisait
16:17 rasier par nos voisins verts-verts.
16:19 Donc, c'est normal qu'on nous...
16:21 Pourquoi je fais tout ce développement-là ? Malheureusement,
16:23 il y a plusieurs
16:25 diasporas qui sont traversées par cette espèce
16:27 de pulsion, d'être patientrice,
16:29 de dire "maintenant, c'est à notre tour
16:31 de commettre le crime colonial".
16:33 Je lui dis "les gars, attendez, on peut pas reprocher aux Français
16:35 d'avoir colonisé et nous-mêmes
16:37 commettre le même crime colonial".
16:39 Parce que là, c'est
16:41 maturule. - C'est sans fin, en plus. - Et puis,
16:43 franchement, moi, je préfère servir mes intérêts,
16:45 ceux de ma famille, que
16:47 coloniser la France au nom du Maroc
16:49 ou de l'Algérie. Ça, c'est rien.
16:51 En plus, même les fruits
16:53 de la colonisation, s'il y en a, ils vont pas dans ma poche,
16:55 ils vont dans les poches de nos gouvernants. Ça m'intéresse pas.
16:57 - Oui, bien sûr. Et puis, comme vous le dites
16:59 dans votre livre, d'ailleurs, ça sert à
17:01 masquer les vrais gouvernants
17:03 qui sont aujourd'hui mondiaux, etc.
17:05 - Bien sûr, bah oui. Nous sommes aujourd'hui
17:07 tous égaux devant la colonisation.
17:09 Que l'on s'appelle Mortard, Mamadou,
17:11 Jean-Pierre, Sandrine, nous sommes
17:13 tous sujets d'une colonisation qui est
17:15 Médine-Bruxelles, c'est-à-dire Berlin,
17:17 parce que les Allemands, ils ont
17:19 mis à jour leur logiciel,
17:21 ils ont plus de Panzer-Division, ils passent par les
17:23 juristes de Bruxelles, la commission de Bruxelles.
17:25 Médine-Côte-Est-Américaine, l'État profond
17:27 américain. Médine-Davos,
17:29 Médine-China. - Oui, tout à fait.
17:31 - Médine-China. Médine...
17:33 J'aime beaucoup les Turcs, c'est un grand peuple, mais Médine-Lougrie
17:35 de Turquie, vous avez aujourd'hui
17:37 une souveraineté turque en France.
17:39 Vous avez
17:41 les frères musulmans,
17:43 je veux dire, nous sommes tous
17:45 victimes d'une colonisation. Donc moi,
17:47 je veux être libre et prendre des licences moi-même.
17:49 - Et qui est existante et en pleine activité.
17:51 - Et qui n'admet aucune contradiction.
17:53 - Et donc, c'est vrai
17:55 que de ce point de vue, votre livre, vous faites
17:57 oeuvre, je dirais, oeuvre encore
17:59 une fois de réinformation, au vrai sens
18:01 du terme, quoi. C'est-à-dire que c'est...
18:03 Vous dites "Attendez, voilà ce qui s'est passé", par exemple,
18:05 juste un mot, sur les traites négrières.
18:07 On ne parle que d'une seule traite négrière,
18:09 on l'église les deux autres. Moi, je veux bien,
18:11 évidemment que les occidentaux
18:13 et les blancs ont été victimes
18:15 d'agressions et d'atrocités. Mais
18:17 pourquoi deux poids, deux mesures ? Pourquoi ne pas parler du reste ?
18:19 - Parce que vous avez, pourquoi deux poids, deux mesures ?
18:21 Parce que vous avez un projet aussi, aujourd'hui,
18:23 immigrationniste, qui est un projet politique.
18:25 On n'amène pas les immigrés en Europe pour leur
18:27 beaux yeux. On amène ça pour affaiblir les peuples
18:29 européens, pour leur faire admettre la fin
18:31 des classes moyennes et la fin d'État-providence.
18:33 Parce que les peuples que vous amenez en France,
18:35 j'en reviens, nous n'avons jamais eu d'État-providence.
18:37 Nous, au Maroc, jusqu'à la colonisation,
18:39 l'État, on s'en est toujours méfié.
18:41 Parce qu'il nous a toujours enlevé ce qu'on avait.
18:43 On a toujours eu peur de payer l'impôt dans les
18:45 pays d'Afrique et du Maghreb. C'est la France
18:47 qui nous a appris à ce que l'État ouvre des dispensaires.
18:49 Il n'y avait pas d'hôpitaux au Maroc avant la France.
18:51 - Oui, et pas seulement au Maroc.
18:53 - Au Maroc, Algérie, Tunisie,
18:55 l'Afrique, l'Indochine, c'était un peu différent.
18:57 - C'était différent, oui.
18:59 - Voilà. Vous avez aujourd'hui
19:01 un... Pourquoi on ne parle pas des traites négrières
19:03 musulmanes ? Musulmanes, ça veut dire
19:05 arabes, berbères, maghrébines,
19:07 turcs. Parce qu'on ne veut pas,
19:09 on veut faire
19:11 la chasse à l'homme blanc. Parce que c'est lui
19:13 qu'il faut remplacer aujourd'hui, c'est lui qu'il faut déclasser.
19:15 Et ces
19:17 traites négrières musulmanes,
19:19 turcs et maghrébines
19:21 ont continué jusqu'aux années 1900-1920.
19:23 - Oui, bien sûr.
19:25 - Et très rapidement,
19:27 l'homme blanc,
19:29 il n'a pu se saisir... L'homme blanc
19:31 est parti en retard par rapport
19:33 aux maghrébins pour la
19:35 traite négrière. Parce que nous, les maghrébins,
19:37 nous passions par l'intérieur. Tomboucto, Gao,
19:39 tout ça, la Mauritanie, le Bougle du Niger,
19:41 le Fezan,
19:43 les Blancs n'avaient pas le droit d'accéder à l'Afrique.
19:45 Parce qu'ils étaient nazara,
19:47 nazariens, catholiques. Vous n'avez pas le droit d'être...
19:49 Vous vous êtes passé par la côte africaine de l'Ouest
19:51 qui est infestée
19:53 à ce jour. C'était le
19:55 pays des moustiques, le Liberia, tout ça.
19:57 Et donc, vous avez
19:59 commencé plus tard. Et
20:01 ce sont les Noirs qui vous ont livré leur frère.
20:03 Des peuples de la côte et tout ça.
20:05 - C'est une
20:07 traite africano-africaine.
20:09 Troisième traite négrière, enfin.
20:11 - Africano-africaine. - Bien sûr.
20:13 - C'est pour ça que je vous dis, j'ai essayé
20:15 de réinformer parce que
20:17 malheureusement,
20:19 il y a des lobbies, il y a des intérêts
20:21 qui partent, qui se servent des
20:23 bons principes. Enfin, tout le monde est contre l'esclavage.
20:25 - Bien sûr. Bien sûr.
20:27 - Mais il manipule l'opinion publique pour faire détester...
20:29 - Au nom des vertus,
20:31 il vissit.
20:33 - Il y a un point, je suis désolé de dire ça
20:35 à un horaire de grande écoute.
20:37 La traite négrière musulmane
20:39 a souvent castré les Noirs.
20:41 Parce que nous devrions être, nous au Maghreb
20:43 et en Turquie et en Iran, des pays
20:45 Noirs, vu l'afflux.
20:47 - Pour empêcher de se reproduire,
20:49 il y a eu des millions de castrations.
20:51 - Des castrations, notamment, oui, il y avait des
20:53 pôles de castrations dans le fameux désert du Sahel,
20:55 et tout ça aujourd'hui avec Daesh et tout ça.
20:57 Et nous avons gardé les femmes pour la reproduction
20:59 et les hommes ont été souvent castrés.
21:01 C'est l'histoire.
21:03 Et vous ne verrez, grâce à Dieu, aucun Marocain
21:05 ou Algérien ou Libien faire la repentance
21:07 pour ça.
21:09 Ça a eu lieu, ok, mais il faut le reconnaître.
21:11 - On va
21:13 continuer à parler de tout cela, et avec
21:15 les auditeurs de Sud Radio, après cette
21:17 petite pause, à tout de suite. - Restez bien avec
21:19 nous, on se retrouve tout de suite. Vous avez la parole
21:21 pour interpeller Driss Ghali sur son livre
21:23 "Une contre-histoire de la colonisation française".
21:25 C'est au 0826
21:27 300 300, on attend vos appels, 0826
21:29 300 300, à tout de suite sur Sud Radio.
21:31 Ici,
21:33 Sud Radio.
21:35 Les Français parlent au français.
21:39 Les carottes
21:41 sont cuites.
21:43 Les carottes sont cuites.
21:45 Sud Radio Bercov, dans tous
21:47 ses états. - Vous écrivez
21:49 Driss Ghali dans votre livre "La
21:51 contre-histoire de la colonisation française".
21:53 Vous dites
21:55 ceci, "L'histoire n'a pas
21:57 commencé avec la colonisation, et
21:59 ne s'est pas terminée avec la décolonisation.
22:01 Le mythe de
22:03 la virginité rompue est une foutaise,
22:05 tout comme la thèse de la persistance
22:07 d'un traumatisme colonial
22:09 après les indépendances."
22:11 Et vous ajoutez, il dit,
22:13 "Écrire cela, vous parlez de ce qui s'est
22:15 passé avec le fils, le GIA, les massacres
22:17 des années 90, 100 000 morts de
22:19 guerre civile en Algérie. Vous dites,
22:21 écrire cela revient-il à relativiser les
22:23 crimes de la France ? Oui, peut-être,
22:25 mais relativiser ne veut pas dire excuser.
22:27 Vous n'êtes pas en train
22:29 d'excuser la France et de la blanchir.
22:31 La France n'avait aucune excuse pour
22:33 coloniser. Relativiser veut dire
22:35 resituer les faits dans
22:37 une séquence historique, comme le ferait
22:39 un enquêteur, ni plus, ni moins. C'est très
22:41 important de rappeler ça, parce qu'il n'y a pas
22:43 assez d'enquêteurs, et il n'y a pas assez de gens qui le font.
22:45 Et puis, ce que vous dites aussi,
22:47 relativiser, c'est
22:49 enfin exiger de celui qui fait le procès
22:51 de la France de faire la même chose devant
22:53 un Erdogan pour les crimes odieux
22:55 de l'Empire Ottoman, puissance coloniale
22:57 d'Algérie en Tunisie et dans tant d'autres
22:59 pays arabes. Et c'est vrai qu'on ne voit pas quelqu'un,
23:01 y compris un, que ce soit de
23:03 l'Atlantico à la Méditerranée,
23:05 demander des comptes à Erdogan de ce point
23:07 de vue-là. Et puis,
23:09 vous dites, ça suffit,
23:11 ce n'est pas ma faute, c'est la faute à Gallieni, à
23:13 Bugeot, etc. Et juste, je voudrais citer,
23:15 avant d'aller plus loin, mais c'est très important,
23:17 ce que vous dites, c'est ceci.
23:19 Je vais être un peu
23:21 long, mais je crois que c'est très important,
23:23 c'est vers la fin de votre titre. Vous dites,
23:25 "Si quelqu'un vous dit que la colonisation a été
23:27 un crime contre l'humanité, répondez-lui
23:29 en citant les noms de quelques médecins
23:31 coloniaux, qui avec deux fois rien
23:33 ont sauvé l'Afrique. Parlez-leur d'Alexandre
23:35 Yersin, médecin colonial
23:37 qui a isolé le bassin de la peste,
23:39 de Paul-Louis Simon, qui a découvert le rôle
23:41 vecteur de la puce du rat, les médecins
23:43 militaires Girard et Robic,
23:45 qui mirent au point et restèrent sur eux-mêmes
23:47 et testèrent sur eux-mêmes,
23:49 pardon, le vaccin de la peste en
23:51 1932 à Madagascar. Parlez-leur
23:53 du médecin colonial
23:55 Légret, qui a inventé un vaccin contre la
23:57 fièvre jaune à Dakar en 1927.
23:59 Ou encore de Victor Lemoyal, dit
24:01 capitaine moustique, médecin colonial
24:03 qui a mené une lutte sans relâche contre les
24:05 vecteurs du paludisme en Guinée.
24:07 Racontez-leur l'épopée
24:09 des médecins Jammot et Dumas
24:11 à travers l'Afrique noire pour éradiquer la maladie
24:13 du sommeil. Il y aurait tant à dire
24:15 aussi au sujet du docteur
24:17 Marchoux, qui a réellement révolutionné
24:19 la prise en charge des malades de la lèpre en Afrique.
24:21 Et sans parler évidemment d'Albert Schweitzer,
24:23 évidemment au Gabon,
24:25 sur la dysenterie, la lèpre, etc.
24:27 Donc vous dites, attendez, justement,
24:29 tenez compte, en fait vous dites, on a deux bras
24:31 et deux jambes, tenez les deux bouts de la réalité.
24:33 - Tout à fait. - C'est ça, Adries Ghali ?
24:35 - Tout à fait, et pourquoi je dis ça ?
24:37 D'abord pour éviter les manipulations de droite
24:39 et de gauche et le climat
24:41 d'aujourd'hui qui est très pesant, on est toujours dans la recherche
24:43 d'un... - Le baptiste émissaire.
24:45 - Surtout si c'est pas moi. Personne
24:47 ne veut te remettre en cause, c'est la faute des autres.
24:49 - Moi je n'y suis pour rien, c'est lui.
24:51 - Mais je veux dire ça aussi parce que
24:53 il faut qu'on trouve un moyen
24:55 de se remonter
24:57 un peu le moral quand même, parce que tout nous
24:59 rabaisse, quoi. Vous avez des
25:01 grands Français,
25:03 hommes et femmes, parce qu'on aurait pu parler des sœurs catholiques et autres,
25:05 des institutrices,
25:07 qui ont
25:09 embrassé l'autre,
25:11 qui n'avaient rien à y gagner, parce que ces médecins
25:13 souvent ils ont ruiné leur carrière parce qu'ils ont
25:15 appliqué des techniques
25:17 d'hygiène ou de médical
25:19 tout à fait
25:21 hétérodoxe, mais qui l'ont fait quand même.
25:23 Donc moi je dis
25:25 aux jeunes Français d'aujourd'hui,
25:27 vous descendez de ces gens-là aussi.
25:29 Votre devoir est d'être comme ça.
25:31 De vous lever, parce que
25:33 c'est très facile de dire,
25:35 il y a une injustice, la colonisation, qu'est-ce que je fais ?
25:37 Je fais mes valises, je rentre à Paris. Eux ils ne sont pas rentrés à Paris.
25:39 Ils ont affronté
25:41 les éléments, ils ont sauvé, ils ont fait ce qu'ils ont pu.
25:43 - Les maladies, les moustiques,
25:45 la lèpre, tout.
25:47 - On va voir ce que c'était la maladie du sommeil
25:49 au Cameroun, le nombre de morts qu'elle a faites,
25:51 la peste, la lèpre,
25:53 - Les moustiques.
25:55 - Les moustiques, et puis le manque de moyens.
25:57 Ils n'étaient pas dans le CHU de Paris ou de Marseille.
25:59 Ils n'avaient pas de moyens, et on est dans les années
26:01 1920, 1930, 1940,
26:03 et surtout,
26:05 dans le racisme ambiant,
26:07 leur
26:09 abnégation est décuplée, parce que
26:11 personne n'attendait qu'ils fassent ça.
26:13 - Parce qu'on leur dit "pourquoi vous vous occupez de ces gens-là ?"
26:15 - Voilà, tout à fait.
26:17 - Et, oui, allez-y.
26:19 Driss Ghali,
26:21 de ce point de vue-là, comment, à votre avis,
26:23 faut-il apaiser les choses, ou au moins,
26:25 bon, la lucidité c'est très important,
26:27 dire les choses
26:29 c'est très important, comment un tout petit peu
26:31 apaiser les choses,
26:33 et sortir de ce climat totalement délétère,
26:35 et encore plus malsain,
26:37 du masochisme d'un côté,
26:39 ou de la repentance, et de l'autre côté,
26:41 de la rancœur et des
26:43 intégrismes ?
26:45 Est-ce qu'il y a une solution ?
26:47 - Il faut qu'il y ait une solution,
26:49 parce que sinon on va s'affaiblir tous. On va devenir comme
26:51 le Maroc en 1912, avant l'arrivée de la France,
26:53 ou l'Algérie en 1830,
26:55 ou le Vietnam en 1860, je sais plus,
26:57 enfin 60, 62, c'est-à-dire des pays
26:59 divisés, où chacun regarde son nombril.
27:01 Les Berbères regardent le nombril de Kabylie,
27:03 pourquoi le Maroc a été conquis aussi facilement ?
27:05 Parce que chacun regardait son nombril.
27:07 Les Fassies regardaient son nombril, ils détestaient les Berbères,
27:09 je connais très bien l'affaire, je suis de la région,
27:11 vous aviez les Kabyles qui détestaient le reste,
27:13 vous aviez les confréries
27:15 religieuses qui se détestaient les unes et les autres,
27:17 parmi les musulmans, en Afrique c'était pareil,
27:19 les Peuls considéraient que les Bambaras étaient des sous-hommes,
27:21 et ainsi de suite. On arrive là-dedans.
27:23 Parce qu'aujourd'hui, on a des communautés en France qui se détestent,
27:25 et qui disent "voilà, toi tu es fils
27:27 de pétainistes, de génocidaires,
27:29 voilà. Il y a une fixation
27:31 aujourd'hui chez mes amis français sur l'islam, dès que vous dites
27:33 "l'islam", on a l'impression qu'on a
27:35 dit un gros mot de nazisme. - Comme s'il n'y avait
27:37 pas des islams et des communautés.
27:39 - Et des musulmans ! - Et des musulmans, bien sûr.
27:41 - Je me fais battre sur Twitter par
27:43 des amis de droite, j'ai envie de dire "mais les gars,
27:45 on se calme, je n'ai pas
27:47 l'épée à la main".
27:49 Pourquoi ? Pour comment ?
27:51 Il faut absolument conjurer ça.
27:53 Dans l'histoire de la colonisation,
27:55 il y a au moins deux choses qu'on
27:57 puisse puiser. La première, c'est que
27:59 on a parlé des grands médecins,
28:01 mais on aurait pu parler des grands algériens,
28:03 des grands musulmans, des grands vietnamiens
28:05 qui ont tendu la main à la France.
28:07 - Bien sûr. - Parce que eux, ils ont vu, mon grand-père,
28:09 il a vu les médecins français sauver les marocains. Qu'est-ce qu'il a fait ?
28:11 Il s'est engagé en 1940 contre le nazisme.
28:13 Ils étaient 500 000
28:15 entre goumiers d'armée française, maghrébins
28:17 et tirailleurs sénégalais,
28:19 enfin, noirs, parce qu'on disait "sénégalais", mais c'était des noirs
28:21 du Sahel,
28:23 et les indo-chinois aussi.
28:25 Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que nous avons pu,
28:27 si nous avons pu, nous, les noirs, les arabes,
28:29 les jaunes, comme on disait à l'époque, collaborer
28:31 avec les français pendant la colonisation,
28:33 alors que nous étions en bas
28:35 de l'échelle sociale. Pourquoi aujourd'hui,
28:37 alors que nous sommes égaux, nous sommes tous français,
28:39 pourquoi on ne peut pas collaborer ?
28:41 Quel mérite
28:43 avons-nous de plus
28:45 que les algériens qui ont pris les armes pour aller
28:47 casser la gueule à Hitler, qui n'étaient pas leur ennemi ?
28:49 Franchement, ils auraient pu,
28:51 ils auraient dû, entre guillemets,
28:53 se retourner contre la France, c'était le meilleur moyen.
28:55 - Oui, contre les colonisateurs.
28:57 - Bien sûr, attendez, l'ennemi de mon ennemi.
28:59 Et vous avez aussi autre chose,
29:01 dans les grands résistants
29:03 à la conquête française,
29:05 il y a des figures extraordinaires. Il y a l'émir Abdelkader,
29:07 un homme d'État,
29:09 mais
29:11 c'est du lord,
29:13 c'est du nasser. Là aussi,
29:15 avec deux fois rien. Il a fait
29:17 un État algérien, il a fait une monnaie, il a fait une capitale,
29:19 il a inventé une manière de faire la guerre,
29:21 il a unifié l'Algérie pour la première fois.
29:23 - Grand Algérien, grand homme.
29:25 - Un grand musulman, grand sunnite,
29:27 grand religieux,
29:29 et il a, très dur,
29:31 parce que la guerre est brutale, c'est pas un militant,
29:33 - Pas un dîner de gala,
29:35 comme disait Mao. - Pas un dîner de gala, mais quand il a perdu
29:37 la guerre, voilà la noblesse,
29:39 c'est ça qu'il faut comprendre. - Oui, il a dit,
29:41 il a dit une phrase, dites-le,
29:43 en parlant de Louis Napoléon.
29:45 - Oui, il a dit une phrase, il a dit,
29:47 - Louis Napoléon ne...
29:49 - Oui, la France m'a vaincu,
29:51 en fait, je n'ai pas perdu
29:53 la guerre contre la France, j'ai perdu la guerre
29:55 contre Louis Napoléon. - C'est ça.
29:57 - Et les Allemands,
29:59 nos amis allemands dans l'Europe, bien sûr,
30:01 les Allemands
30:03 ont envoyé une missive à Abdelkader
30:05 qui était exilé en Syrie. Ils lui ont dit,
30:07 écoute, nous on va attaquer la France en 70-71,
30:09 toi tu dois avoir
30:11 des problèmes avec la France, puisqu'ils t'ont chassé d'Algérie,
30:13 travaille avec nous.
30:15 Il leur a dit, je préfère que mes chevaux
30:17 perdent leur crinière
30:19 que de trahir la France.
30:21 Alors que le mec,
30:23 il a perdu son pays, tout ça.
30:25 Quand il y a eu des guerres,
30:27 il y a eu des problèmes de...
30:29 Déjà à l'époque à Damas,
30:31 des émeutes entre musulmans
30:33 et chrétiens à Damas,
30:35 Abdelkader a ouvert
30:37 sa maison aux chrétiens de Damas.
30:39 Lui qui était aujourd'hui, on dirait qu'il est un islamiste,
30:41 parce qu'il était effectivement...
30:43 - Un homme de guerre, un grand guerrier.
30:45 - Et puis à l'époque il n'y avait pas de communisme, il n'y avait pas de socialisme.
30:47 La seule idéologie disponible
30:49 pour lutter contre les chrétiens, c'était l'islam.
30:51 Eh bien il a...
30:53 Je dis moi aux jeunes des banlieues, tout ça,
30:55 regardez vers Abdelkader au lieu de regarder
30:57 vers un joueur de foot ou un rappeur.
30:59 Abdelkader, c'est...
31:01 Parce que c'est l'appel de notre sang.
31:03 Nous avons une noblesse d'âme qui n'est pas la même
31:05 que le féodal de Dalbi ou de Montauban.
31:07 J'admets. Mais c'est ça qu'il faut retrouver.
31:09 - Il y a eu des noblesses d'âme des deux côtés,
31:11 il faut que les nobles d'âme des deux côtés se retrouvent.
31:13 - Tout à fait.
31:15 Le roi Mohamed V, on ne peut pas le traiter de traître.
31:17 Mohamed V a fait une lettre à Liotté,
31:19 il lui a dit "je suis reconnaissant".
31:21 Et il a chassé les français plus tard.
31:23 Mais ce qui me tue aujourd'hui
31:25 dans notre époque, c'est que nous sommes...
31:27 Nous avons fabriqué des hommes tellement faibles
31:29 qu'ils sont blancs ou noirs.
31:31 Mohamed V, il a su chasser les français
31:33 et les remercier de notre part.
31:35 - Et tout ce que vous dites, ce que vous décrivez,
31:37 c'est aussi des hommes faibles.
31:39 Et c'est ça qui fait que...
31:41 Lucien, nous avons des auditeurs, je crois que nous avons Pierre Alain.
31:43 - Nous avons beaucoup d'auditeurs qui nous appellent au 0826-300-300.
31:46 On a Pierre Alain dans Guinlé-Bain.
31:48 Bonjour Pierre Alain.
31:50 - Bonjour Pierre Alain.
31:52 - Bonjour André, bonjour Dritt.
31:54 Merci de donner la parole à Dritt, c'est formidable.
31:57 Je voulais simplement...
31:59 - Dites-nous.
32:01 - ... dire que...
32:03 - On vous entend mal, c'est que c'est haché.
32:05 - Non, on vous entend bien.
32:07 - On va mieux là ?
32:09 - Oui, allez-y.
32:11 - Pour une fois, on peut vraiment dire que
32:13 un immigré est une vraie chance pour la France
32:15 quand on entend Dritt.
32:17 Et ça fait plaisir de voir que cette maxime
32:19 qui est souvent galvaudée
32:21 est totalement justifiée en l'occurrence
32:23 et que vous avez le courage de lui donner la parole.
32:26 Donc bravo, merci à vous.
32:28 Et continuez.
32:30 Ma question était simplement à Dritt.
32:32 Comment sait-il que ce langage
32:35 qu'il arrive à tenir avec vous, devant vous
32:38 et devant les auditeurs sur radio,
32:40 est-ce qu'il va pouvoir s'exprimer aussi
32:43 dans d'autres radios, vers d'autres publics ?
32:46 Et sinon, qu'est-ce qu'il en pense ?
32:48 Et pourquoi ce ne serait pas possible
32:50 que cette parole, à la fois de justice
32:53 et d'intelligence,
32:55 puisque le monde n'est pas blanc ou noir,
32:57 et c'est ce qu'il nous explique.
32:59 On a marre d'être pris pour des gens
33:01 qui sont des traducteurs on/off,
33:03 blanc/noir, méchant/gentil.
33:05 Et je pense que son message, il est d'abord celui-là.
33:08 Et je voudrais savoir s'il espère pouvoir le porter
33:11 sur d'autres ondes,
33:13 et qu'on puisse avoir le plaisir de l'entendre.
33:15 - Driss Ghali. - Merci.
33:17 - Je vous remercie, Pierre Alain.
33:19 Moi, je suis à disposition,
33:21 même pour aller me faire battre.
33:23 L'appel est lancé au service public,
33:26 payé par nos impôts, vos impôts.
33:29 - Vous êtes déjà passé, d'ailleurs ?
33:31 Ou en général, vous êtes déjà passé ?
33:33 - Non, les médias font un blackout.
33:37 Mais je crierai "Nique la France",
33:40 je serai invité partout,
33:41 je serai peut-être même subventionné
33:43 ou même reçu à l'Elysée.
33:44 - Et si vous chantez "Pendez les Blancs", alors là ?
33:47 - Je serai au Festival de Cannes.
33:50 Mais j'irai au Festival de Cannes,
33:52 peut-être au Burger King, parce que j'ai pas les moyens.
33:54 Mais j'irai au Festival de Cannes.
33:55 Non, mais qu'est-ce que je veux dire par là ?
33:57 Ça a toujours été difficile de dire une vérité.
34:03 Et c'est tellement facile de servir un système qui co-opte.
34:09 Donc je ne le renveux pas.
34:11 Moi, je veux juste dire qu'il faut qu'on soit tous utiles à notre pays.
34:14 Et utile à ce pays, c'est dire la vérité sans être à quatre pattes.
34:19 Souvent, certains amis immigrés me disent "Ouais, tu veux plaire aux Français".
34:22 Mais si je voulais plaire aux Français, je crierais "Nique la France".
34:24 - Bien sûr.
34:25 - Ça serait beaucoup plus facile.
34:27 - Je serais beaucoup plus facile, je serais partout.
34:29 Mais on ne fait pas ça pour plaire.
34:31 On fait ça pour garder le bon Dieu le jour du jugement dernier.
34:34 Et surtout pour loyauter envers nos amis.
34:37 - Et oui. Et la vraie loyauté, c'est celle-là.
34:39 C'est pas celle de s'accroupir et de ramper.
34:41 - Et vous n'avez pas besoin de "Baisemain", de "Béni-oui-oui" comme on dit chez moi.
34:45 - C'est pas ça.
34:46 - Restez bien avec nous.
34:47 On se retrouve tout de suite avec Driss Ghali pour son livre
34:50 "Une contre-histoire de la colonisation française".
34:52 Vous nous appelez au 0826 300 300.
34:55 A tout de suite sur Sud Radio.
34:56 On se retrouve bien sur Sud Radio dans le face-à-face d'André Bercoff avec Driss Ghali pour son livre
35:00 "Une contre-histoire de la colonisation française" aux éditions Jean-Céleste Gautrefois.
35:04 Et vous avez la parole au 0826 300 300.
35:06 On accueille Sylvie de Bordeaux.
35:08 Bonjour Sylvie.
35:09 - Bonjour Céline.
35:10 - Oui, bonjour André Bercoff.
35:12 Merci pour votre émission, pour vos émissions.
35:15 Et merci à Driss Ghali pour son livre que je vais m'empresser d'acheter.
35:19 Donc moi, je suis une pied-noire.
35:21 J'ai vécu 20 ans à Casablanca.
35:23 Je suis issue de parents pied-noirs d'Algérie.
35:25 Et j'ai trouvé, bien sûr, Casablanca était une ville merveilleuse
35:30 avec plein d'infrastructures, comme le Maroc en général.
35:34 Et j'ai toujours regretté qu'on fasse ce mea culpa.
35:37 Parce que je ne voyais pas en quoi nous, les Français, nous étions responsables.
35:40 Je trouvais que nous vivions en harmonie.
35:43 Et dans un beau pays que les Français ont contribué à construire.
35:49 Et donc je suis ravie de ses propos et de ses vérités que j'étais impatiente d'entendre.
35:54 Merci en tout cas de les avoir tenues.
35:57 - Merci à vous.
35:59 Vous avez une question à poser à Driss Ghali et à Sylvie ?
36:02 - Pas vraiment. Je suis vraiment d'accord avec tout ce que j'ai entendu.
36:05 Et je vais l'être davantage après avoir lu l'ouvrage, j'en suis sûre.
36:10 - Ah, lisez-le, ça c'est clair. Il faut le lire.
36:12 - Merci bien. Merci à tous les deux.
36:14 - Driss Ghali, merci à vous.
36:16 Merci à vous, Sylvie, de nous suivre.
36:19 Driss Ghali, est-ce que, par ailleurs, est-ce qu'on peut dire aujourd'hui,
36:23 justement vous en parlez, il y a plusieurs passages dans le livre,
36:27 vous voudrez passer quelques heures à le citer, mais encore une fois lisez-le.
36:31 Vous dites, quelque part, il y a eu surtout les deux, je parle de la partie 5 et 6,
36:38 on a parlé du que faire, mais il y a deux, je voudrais vous en dire.
36:43 En fait, est-ce que la décolonisation, la manière dont ça s'est fait,
36:49 a ouvert la voie à ce qui se passe aujourd'hui ?
36:51 Est-ce que, en fait, on pourrait pas avoir une suggestion,
36:56 les choses se passent comme elles se passent,
36:58 et surtout, est-ce que c'est ça qui a fait que l'Empire contre-attaque,
37:01 comme on dit, voilà, Maghreb et en Afrique ?
37:04 Est-ce que la décolonisation, est-ce qu'aujourd'hui, puisqu'on en parle encore,
37:08 enfin, c'est facile à dire, ça aurait pu être géré autrement, mais quand même.
37:11 - Je peux revenir sur le message de Sylvie ? - Oui, bien sûr, bien sûr.
37:14 - Casablanca était la ville du Maroc la plus occidentalisée, avec Tangier.
37:18 Tangier, c'est un cas à part, c'est une ville internationale
37:20 où il y avait plusieurs puissances coloniales,
37:23 et à Casablanca, je m'excuse Sylvie, mais elle le prendra très bien,
37:27 il y avait une zone de la prostitution, ça s'appelait le Bousbire,
37:31 ça venait de M. Prosper, qui était le maître des lieux, qui a été exproprié.
37:35 - Ah, Prosper, you play boom, c'est les chansons, oui.
37:38 - Le Bousbire est un quartier de la prostitution à la française,
37:42 avec le cartésien, le dispensaire, la gendarmerie, la banque,
37:46 enfermés pour ne pas choquer les musulmans.
37:48 - Ah d'accord. - On ne voyait pas des filles, il fallait rentrer dedans.
37:50 - Clos de mur, quoi. - Clos de mur, un ghetto.
37:52 La mairie de Saigon, si ma mémoire est bonne, dans les années 30,
37:57 a envoyé une équipe, une délégation, pour observer la gestion...
38:01 - Ah oui, à Casablanca ? - À Casablanca, parce qu'ils ont dit
38:04 "vous êtes le modèle", parce que nous, à Saigon, nous n'arrivons pas
38:06 à contrôler les filles et le scandale public.
38:10 Bon, ça n'a pas pu être appliqué, parce que le milieu vietnamien
38:14 n'a pas permis. - N'a pas permis.
38:16 - Voilà, c'est ça, je vous dis, la contre-histoire, c'est aussi ça.
38:18 Il y a plein d'histoires comme ça.
38:20 Au fait, ce qui s'est passé dans les décolonisations,
38:24 il y a eu en germe... enfin, il y a eu deux choses.
38:27 Il y a des choses qui sont du fait de la France, des erreurs de la France,
38:30 on va dire, et des erreurs des pays du Sud.
38:32 La France a souvent abandonné l'économie,
38:36 et a abandonné ses amis.
38:38 En Algérie, évidemment, les Harkis, les Harkis du Vietnam,
38:42 mais souvent, elle a abandonné aussi ses amis au Maroc, en Tunisie,
38:44 les gens qui ont collaboré à Wauquiez.
38:46 - Et les abandonnants, dans des circonstances pas toujours glorieuses,
38:50 c'est le moins qu'on puisse dire. - Glorieuses.
38:52 Elle a même abandonné les Pieds-Noirs, parce qu'il y a eu des massacres au Maroc,
38:55 après l'indépendance, à Meknes, en 56.
38:58 Est-ce que c'est les changements de régime ?
39:01 La police n'est plus la française, mais bon.
39:03 Alors que dans un Meknes, qui est une ville où il y avait la plus grande base de France,
39:08 hors de France, ils n'ont pas bougé.
39:11 Ou ils ont bougé en retard.
39:13 Voilà, donc, on a appris la lâcheté administrative à la décolonisation.
39:18 Parce que c'est le pas de vague.
39:20 - Oui, c'est ça. - On a aussi fait preuve de naïveté.
39:25 Notamment avec les Algériens.
39:27 J'aime beaucoup l'Algérie, ils ont inventé le rail,
39:29 ma mère est de l'Est du Maroc, moi j'ai aucun problème.
39:32 Mais avec l'Algérie, la France, de De Gaulle, c'est pas Macron,
39:36 on a été des bisounours.
39:40 On a accepté tout de suite une grande immigration algérienne,
39:42 la France a avancé à l'argent.
39:44 - Qui tient encore la loi de 68. - Bien sûr.
39:48 On n'a pas demandé aux Algériens de retrouver les Français enlevés,
39:53 après l'indépendance algérienne.
39:55 Enlevés, on ne sait pas où ils sont.
39:57 C'est une ignominie, et c'est De Gaulle,
39:59 c'est pas les gens qui nous gouvernent maintenant,
40:01 ça nous attendrait pas si ça venait de Macron.
40:03 Là ça vient de De Gaulle.
40:05 Donc dedans il y a les germes d'une médiocrité française,
40:08 qui n'est pas à la hauteur de la France.
40:11 Du côté du Sud, le pouvoir a été donné aux élites qui étaient là.
40:15 Ces élites-là ont essayé de faire ce qu'ils ont pu.
40:19 Même en Algérie, même le FLN qu'on peut critiquer,
40:21 mais ils n'ont pas pu.
40:23 Les Noirs, les Africains, ils ont fait le parti unique,
40:25 qui était une très bonne idée, pour éviter les guerres ethniques.
40:27 Où faut être bonni !
40:29 - Oui, parce qu'il y avait des guerres tribales,
40:31 et ils ont trouvé l'État quand même.
40:33 - Ils ont trouvé l'État, voilà.
40:35 Dès qu'on a fait la Bôle et tout ça,
40:37 dès qu'on a démocratisé l'Afrique,
40:39 on a un retour des horreurs ethniques et des problèmes ethniques.
40:41 Vous avez aujourd'hui, comme le dit Lugand,
40:43 la politique est ethnique en Afrique.
40:45 Au Maghreb tout ça, Hassan II, tout ça,
40:47 ils ont essayé de faire ce qu'ils ont pu.
40:49 Bourguiba, parti unique, ils ont essayé de faire ce qu'ils ont pu.
40:51 Le problème, et c'est la thèse de mon livre,
40:53 c'est que la civilisation a retrouvé son dernier mot.
40:55 Parce que la France partie,
40:57 la modernité partie,
40:59 est revenue de la civilisation tribale,
41:01 africaine et arabe,
41:03 avec sa beauté.
41:05 Vous êtes reçu au Maroc et des Méchouis,
41:07 - C'est sûr, sa beauté,
41:09 mais ses gouffres, ses afframes.
41:11 - La corruption, le goût de l'injustice.
41:13 Nous n'aimons pas l'égalité en Afrique.
41:15 Nous n'aimons pas l'égalité.
41:17 Donc nous n'avons pas beaucoup d'empathie
41:19 hors du milieu tribal.
41:21 Ce qui a donné la catastrophe algérienne,
41:23 dans une certaine façon,
41:25 le sous-développement du Maroc aujourd'hui,
41:27 de la Tunisie.
41:29 Le Maroc, mon pays, comme ça,
41:31 mes amis algériens vont être contents.
41:33 On n'arrête pas de mettre de l'argent.
41:35 Le TGV, les barrages,
41:37 c'est très bien, je ne suis pas contre.
41:39 Les trottoirs de la ville de Rabat sont
41:41 10 000 fois plus propres que les trottoirs de Mme Hidalgo.
41:43 Mais le pays ne bouge pas.
41:45 Parce que la civilisation marocaine ne veut pas bouger.
41:47 Nous ne voulons pas changer.
41:49 - Vous voulez dire qu'elle est restée, quelque part,
41:51 tribale, quand même ? Elle est monarchiste.
41:53 - Bien sûr.
41:55 Heureusement, la monarchie correspond à notre inconscient collectif.
41:57 Ce n'est pas le problème.
41:59 - Comment vous expliquez, pardon, on va parler un peu d'Algérie,
42:01 comment vous expliquez quand même
42:03 l'accaparement du pouvoir des généraux
42:05 et cette corruption hallucinante de l'Algérie,
42:07 le pays le plus riche d'Afrique.
42:09 En tout cas d'Afrique du Nord, etc.
42:11 Alors, comment vous expliquez ?
42:13 Oui, on n'explique pas la nature humaine.
42:15 Mais enfin, comment ça se fait
42:17 que c'est resté comme ça depuis
42:19 maintenant des décennies et que ça continue ?
42:21 - C'est une histoire formidable.
42:23 Il y a deux niveaux d'explication.
42:27 Il y a le niveau d'explication qui est de dire
42:29 que l'EFLN est un parti de gauche magnifique.
42:31 Ce sont des jacobins,
42:33 des sans-culottes, des tueurs.
42:35 Vous voyez ce qu'ils ont fait aux pieds noirs
42:37 et aux soldats français pendant la seconde guerre mondiale,
42:39 pendant la guerre de libération.
42:41 Aux pieds noirs surtout, parce que c'était des civils innocents.
42:43 Donc ce parti de tueurs, avec des exceptions magnifiques
42:45 comme Boudiaf, pour lequel je vois un culte,
42:47 c'est pas le problème.
42:49 Il se comporte comme une mafia. Donc il a mis l'Algérie en coubre-églée.
42:51 Et puis, il a besoin de la France
42:53 comme l'ennemi pour pouvoir dire
42:55 "C'est pas moi, même si moi je vole,
42:57 j'ai la confiture qui me tombe de la bouche,
42:59 c'est pas ma faute, c'est celle des Français."
43:01 Mais surtout, au fin fond du problème algérien,
43:03 et là la France est un peu responsable,
43:05 il y a eu la destruction
43:07 des élites traditionnelles algériennes.
43:09 La France,
43:11 quand elle a conquis l'Algérie,
43:13 elle a tué ou neutralisé les vieux
43:15 caïds, les vieux sheikhs,
43:17 la noblesse algérienne. Au Maroc et en Tunisie,
43:19 grâce à Lyotai notamment, elle a gardé.
43:21 Donc nous avons pu garder
43:23 des courroies de transmission.
43:25 - Merci Idriss Ghali,
43:27 on pourrait en parler pendant des heures.
43:29 Et encore une fois, je vous recommande ce livre.
43:31 Vraiment, si vous voulez comprendre
43:33 encore mieux, vous informer sur ce qui s'est
43:35 passé depuis
43:37 ces deux siècles,
43:39 la contre-histoire de la colonisation française
43:41 a vraiment à ne pas rater.

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