Pourquoi encore une loi sur l’immigration ?

  • l’année dernière
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00:00 La question du jour.
00:01 Mercredi dernier, les ministres du Travail et de l'Intérieur présentaient en Conseil
00:04 des ministres un nouveau projet de loi au sujet de l'immigration, le 29ème, depuis
00:07 1980.
00:08 Si le débat public se cristallise généralement autour des questions identitaires et sécuritaires,
00:13 ce projet de loi cherche à concilier les différents camps politiques, se voulant tout
00:17 à la fois plus humains et plus restrictifs.
00:20 En favorisant la régularisation des travailleurs sans-papiers sous certaines conditions, cette
00:24 loi devrait également renforcer les possibilités d'expulsion.
00:28 Pourquoi aujourd'hui cette nouvelle réforme ?
00:31 Bonjour Didier Leschi.
00:32 Bonjour.
00:33 Vous êtes directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
00:37 C'est un projet de loi qui s'ajoute à une longue liste de réformes en matière d'immigration
00:43 en France.
00:44 Peut-on dire qu'il s'agit là d'une rupture par rapport à ce qui a été fait auparavant ?
00:48 Une rupture, je ne crois pas.
00:51 En continuité, la France de ce point de vue-là, et comme beaucoup de pays d'Europe, en tout
00:57 cas de ceux qui accueillent beaucoup d'immigrants ces dernières années, je pense à l'Allemagne,
01:03 le Danemark, l'Italie, la Suède, qui toutes, tous ces pays sont en train de modifier leur
01:07 cadre législatif.
01:09 Juste pour fixer les idées, nous donner des ordres de grandeur, Didier Leschi, combien
01:14 d'immigrés la France accueille-t-elle chaque année ?
01:17 Alors la France accueille disons entre 200-220 000 nouvelles personnes avec des nouveaux
01:25 titres de séjour, c'est ça à peu près depuis longtemps, quel que soit du reste
01:30 les gouvernements, les majorités parlementaires, c'est un peu régulier.
01:34 La différence peut-être en 2022, c'est que le nombre d'étudiants ayant obtenu
01:39 un titre de séjour est supérieur à l'immigration familiale.
01:43 90 000 pour l'immigration familiale, 108 000 pour les étudiants, c'est la première
01:47 année où les étudiants dépassent l'immigration familiale.
01:50 Et puis l'autre nouvelle en 2022, c'est l'augmentation très importante des titres
01:57 de séjour délivrés pour le travail, plus de 52 000 titres de séjour.
02:00 Et je dois dire que s'il y a une nouveauté dans le texte de loi, c'est justement de
02:04 remettre la question du travail au centre du sujet de l'immigration.
02:08 Alors on va en parler dans quelques secondes, donc il y a des immigrés qui arrivent, il
02:11 y en a d'autres qui repartent ?
02:12 Il y en a d'autres qui repartent, oui bien sûr.
02:16 D'abord il y a une partie des étudiants qui repartent une fois les études terminées.
02:21 Et puis il y a des personnes qui sont en retour volontaire, comme on dit, c'est l'OFI
02:26 qui s'en occupe.
02:27 De l'ordre de combien de personnes ?
02:29 Ça dépend des années, mais entre 5, 6, on est monté jusqu'à 10 000 avant la pandémie.
02:33 Et puis les personnes qui sont contraintes au départ, 14 000 l'année dernière, c'est
02:41 ça l'ordre de grandeur.
02:42 En métropole ?
02:43 En métropole, oui.
02:44 Ça veut dire que le reste, car il y en a beaucoup aussi, qui repartent par exemple
02:51 depuis Mayotte ?
02:52 Oui, mais Mayotte c'est une situation tout à fait particulière et singulière, avec
02:56 même un droit qui est dérogatoire par rapport à la métropole.
03:00 Et là on est dans une toute autre problématique.
03:02 Aujourd'hui, l'une des nouveautés de ce projet de loi, c'est d'intégrer l'immigration
03:07 de travail avec ce qu'on appelle des métiers en tension.
03:10 Mais alors là, comment savoir ce qu'est un métier en tension, Didier Leschi ?
03:15 Alors la DARES, c'est-à-dire la Direction des études du ministère du Travail, a une
03:18 définition du métier en tension.
03:20 En gros, c'est quand il y a plus d'offres données par des employeurs que de personnes
03:26 inscrites à Pôle emploi et qui demandent à rentrer dans ce type de travail.
03:31 La difficulté des métiers en tension, c'est que ce sont souvent des métiers qualifiés
03:35 où le français en particulier est nécessaire pour pouvoir lire les consignes de sécurité.
03:41 Mais c'est des métiers techniques, couvreurs, pharmaciens, conducteurs d'autocar par exemple.
03:48 Voilà, des métiers en tension.
03:49 Et puis il y a un secteur particulier des métiers en tension qui est la restauration
03:54 et qui pose d'autres problèmes.
03:55 Donc ça veut dire que l'on va accorder des cartes de séjour pour les personnes qui
03:59 souhaitent travailler dans ces métiers en tension ?
04:01 Alors c'est l'idée aujourd'hui proposée par le gouvernement.
04:04 J'ajoute qu'il y a régulièrement un processus de régularisation des personnes
04:09 qui sont en situation de travail dans ce qu'on appelle la circulaire dite valse de l'ancien
04:14 premier ministre.
04:15 Et l'idée c'est de continuer cela avec, et ça c'est une nouveauté peut-être par
04:20 rapport aux lois précédentes, remettre la question du travail au centre du sujet de
04:25 l'immigration.
04:26 Et c'est important parce qu'il est important de montrer quelle est l'utilité sociale
04:29 de ceux qui arrivent et qui peuvent être là et qui participent à la production de
04:33 richesses du pays.
04:34 Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que l'on obtiendrait par exemple une carte de séjour
04:38 pour un type de métier ? Alors si on quitte ce métier, qu'est-ce qui se passe ?
04:41 Alors l'idée c'est qu'on serait habilité à demander un titre de séjour parce qu'on
04:48 a déjà travaillé dans ce métier qui est un métier en tension.
04:52 Et l'autorisation de travail resterait même si par exemple vous changez d'employeur.
04:57 Une fois que vous avez de toute façon le titre de séjour pour un an, et bien il continue.
05:02 Et puis ce que dit le texte du gouvernement c'est qu'au bout d'un an la question
05:06 peut être réexaminée.
05:08 On considère, alors là c'est extrêmement compliqué à chiffrer, mais alors on entend
05:14 dire que cela pourrait concerner 100 000 personnes cette régularisation.
05:19 Je vous vois froncer les sourcils.
05:20 Alors pour l'instant le ministre du travail n'a pas donné d'estimation précise.
05:26 Bien évidemment, il faudrait voir.
05:29 Mais il faut faire attention parce que comme je l'ai dit, beaucoup de métiers en tension
05:33 sont des métiers de haute qualification.
05:35 Il n'est pas sûr que ceux qui sont ici, en particulier en situation irrégulière,
05:41 aient les capacités d'ores et déjà de travailler dans ces métiers.
05:44 J'ajoute qu'on a l'expérience des demandeurs d'asile qui ont obtenu un titre de séjour
05:48 au titre de l'asile.
05:49 Et l'expérience de l'Office c'est qu'au bout d'un an, la majorité d'entre eux
05:54 n'est toujours pas en situation de travail parce qu'il y a comme barrière en particulier
05:59 le français.
06:00 Alors ça c'est la première situation.
06:02 La deuxième situation ce serait cette fois-ci les expulsions.
06:06 Et là, il s'agirait de les rendre plus faciles Didier Leschi ?
06:09 Alors il s'agit de reprendre les préconisations et du Conseil d'État et de la Commission
06:15 des lois du Sénat qui visent un peu à rationaliser les procédures contentieuses.
06:20 Vous savez que la moitié du contentieux des cour d'appel administratif concerne le
06:27 contentieux des étrangers.
06:28 C'est à peu près la même chose pour les tribunaux administratifs avec une accumulation
06:31 de procédures qui ne sont pas claires je dirais à la fois pour les administrations
06:36 comme du reste pour les personnes.
06:38 Mais le problème de fond bien sûr c'est de savoir s'il est légitime ou pas de renvoyer
06:42 ceux qui n'ont pas été admis au séjour.
06:46 Et c'est un problème complexe que connaît en particulier l'Union Européenne qui est
06:51 le continent envié de tous ceux qui fuient des conditions économiques parfois difficiles.
06:58 Problème notamment complexe parce qu'écrit Le Monde, le gouvernement entend faire sauter
07:03 je cite des protections à l'éloignement en particulier celles applicables aux étrangers
07:08 arrivés en France avant l'âge de 13 ans.
07:10 Ça veut dire qu'on risque d'expulser des mineurs par exemple ?
07:13 Alors le texte dit avant l'âge de 13 ans mais pour les personnes qui ont été condamnées
07:18 de manière définitive à 10 ans de prison.
07:20 C'est à dire des personnes qui ont créé un trouble majeur à l'ordre public.
07:25 10 ans de prison c'est pas rien, c'est à dire ce sont des crimes.
07:27 Et là le texte de loi, le ministre de l'Intérieur propose que les personnes soient quand même
07:33 renvoyées dans leur pays d'origine.
07:35 C'est un problème je dirais complexe mais qui renvoie...
07:39 On parle du rétablissement de la double peine également ?
07:41 Pareil pour les personnes qui ont été condamnées définitive pour des peines extrêmement lourdes.
07:46 C'est un problème je dirais à la fois d'opinion publique et moral comme vous le dites.
07:53 Et la prochaine étape Didier Leschi, quelle est-elle pour ce texte ?
07:56 Alors la prochaine étape c'est de savoir comment le Sénat, la majorité sénatoriale
08:02 va travailler ce texte puisqu'aujourd'hui on n'a qu'un projet et on ne sait pas exactement
08:06 dans le cadre de la discussion parlementaire ce qu'il en sera au final puisqu'aujourd'hui
08:11 il y a des oppositions sur ce texte à la fois à droite et à gauche.
08:15 Merci beaucoup Didier Leschi, je vous rappelle que vous êtes directeur général de l'Office
08:18 français de l'immigration et de l'intégration.

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