Changement climatique : la France sait-elle s’adapter ?

  • il y a 4 mois

Category

🗞
News
Transcript
00:00 6h39, les matins de France Culture, Guillaume Erner.
00:06 Marguerite Caton, bonjour.
00:07 Bonjour Guillaume et bonjour à tous.
00:09 Ce matin, vous nous parlez d'adaptation au changement climatique.
00:12 Vous le savez, la réponse au changement climatique marche sur deux jambes.
00:16 D'une part, l'atténuation, c'est-à-dire la limitation des émissions de gaz à effet de serre
00:19 et donc de la hausse des températures.
00:21 D'autre part, l'adaptation.
00:23 Il s'agit de prendre acte de l'inéluctabilité du changement qui a déjà commencé et de s'y acclimater.
00:29 Bonjour Marine Brault.
00:30 Bonjour Marguerite Caton.
00:31 Vous venez de publier pour le groupe de réflexion Terra Nova un rapport sur la politique d'adaptation
00:36 au changement climatique de la France à la lumière des expériences étrangères.
00:39 Vous y proposez une véritable méthode en identifiant les grandes étapes pour mener à bien l'adaptation.
00:45 Commençons par la première, la définition d'une trajectoire climatique de référence.
00:49 4 degrés de plus d'ici la fin du siècle, dit Christophe Bessu.
00:52 D'où vient ce chiffre ? C'est le scénario le plus vraisemblable ?
00:54 Alors, peut-être pour commencer, l'adaptation, si on repart, c'est...
00:59 Les climatologues disent beaucoup...
01:02 Il faut d'abord éviter l'ingérable, puis gérer l'inévitable.
01:06 Éviter l'ingérable, c'est, vous l'avez dit, diminuer au maximum nos émissions de gaz à effet de serre
01:10 pour avoir le moins de réchauffement possible.
01:13 Et ensuite, gérer l'inévitable, c'est quoi qu'on fasse.
01:16 La planète est en train de se réchauffer.
01:18 On est déjà à +1,5 par rapport à l'air pré-industriel.
01:22 Et donc, il faut gérer ce changement climatique inéluctable.
01:26 Pour ça, les scientifiques font plusieurs scénarios
01:30 en fonction de à quel point est-ce que les pays s'emparent de la question,
01:33 mettent véritablement en œuvre des politiques qui vont limiter les émissions,
01:38 ou au contraire, à quel point est-ce qu'on laisse totalement exploser le changement climatique.
01:43 Le +4 degrés en France, il équivaut, peu ou prou, à un +2,8, +3 degrés au niveau mondial.
01:51 Pourquoi ? Parce que les continents se réchauffent plus vite que les océans,
01:54 donc la moyenne mondiale est plus basse.
01:56 Donc, le scénario sur lequel la France est en train de se positionner, c'est celui-ci.
02:01 Vous me demandez si c'est un scénario optimiste, spécimiste.
02:03 En fait, c'est un scénario assez réaliste.
02:05 C'est la trajectoire sur laquelle on est aujourd'hui.
02:08 Si tous les pays font ce qu'ils se sont engagés à faire d'ici 2030,
02:12 mais qu'il ne se passe rien d'autre,
02:13 et qu'on continue bien à mettre en œuvre ces politiques.
02:16 Donc, c'est-à-dire, non seulement ça ne s'améliore pas,
02:19 on n'en fait pas plus, il n'y a pas de rupture technologique,
02:21 mais il n'y a pas de recul non plus.
02:23 Est-ce que nos voisins européens ont fait le même choix ?
02:25 Alors, ce qui est intéressant dans le parangonage,
02:28 donc dans le benchmark des autres politiques,
02:30 c'est qu'en fait, les pays ont globalement surtout choisi de ne pas choisir
02:34 de trajectoire de réchauffement.
02:36 Je pense probablement parce qu'on est encore à un niveau assez frais
02:41 de l'adaptation au changement climatique.
02:44 On commence à sentir les effets.
02:46 L'Allemagne, la Belgique ont été très choquées par les inondations
02:49 qu'ils ont eues il y a quelques années.
02:51 Nous, il y a eu la canicule de 2003,
02:53 il y a eu encore une canicule et une sécheresse très fortes en 2022,
02:57 qui marquent les esprits et qui commencent à faire avancer le sujet.
03:01 Si on regarde, en fait, il n'y a que le Royaume-Uni
03:03 qui annonce une trajectoire de réchauffement.
03:05 Eux annoncent s'adapter à plus de degrés,
03:08 mais un plus de degrés au niveau mondial.
03:10 Donc, il y a un peu plus élevé que juste 2 degrés au niveau du Royaume-Uni.
03:14 Et après, la plupart des pays ont des scénarios climatiques,
03:18 s'appuient sur des scénarios faits par les météorologues.
03:21 Mais ces scénarios, ils ne les utilisent pas comme un discours politique,
03:24 comme le fait aujourd'hui Christophe Béchut en France.
03:26 - Vous qui avez été conseillère écologie à l'Elysée à Matignon auprès d'Elisabeth Borne,
03:30 quelle interprétation politique vous faites de ce choix de Christophe Béchut ?
03:34 - Alors, l'interprétation de ce choix, déjà, c'est donner une vision.
03:38 L'intérêt de l'adaptation, c'est que tout le monde va devoir s'adapter.
03:42 Vous, moi, mais aussi les collectivités et l'État.
03:46 Et pour savoir ce qu'il faut qu'on fasse,
03:48 c'est très utile d'avoir une vision à long terme et de se dire,
03:51 voilà, globalement, c'est ça, a priori, le scénario le plus probable
03:55 et celui sur lequel il faut s'adapter.
03:57 Donc, c'est ça la position qu'a posée Christophe Béchut avec la France à +4 degrés.
04:01 Une position qui, d'ailleurs, avait été très, très saluée
04:04 par les militants écologistes au moment où Christophe Béchut était sorti sur ce chiffre.
04:08 Après, c'est aussi une vision qui dit qu'il n'y aura pas de recul
04:12 et qu'on a plutôt foi dans le fait qu'on fasse déjà ce qu'on s'est engagé à faire.
04:18 Je pense que quand on regarde les élections,
04:20 ce qui se passe au niveau des élections américaines,
04:22 même ce qui se passe au niveau des élections européennes,
04:25 on peut quand même avoir une forme de crainte sur la poursuite des politiques climatiques.
04:30 - C'est presque optimiste ?
04:32 - C'est presque optimiste, j'espère pas.
04:35 Mais en tout cas, il y a des scénarios plus pessimistes
04:38 et il y a probablement des infrastructures ou des services qui sont suffisamment essentiels
04:42 pour qu'on se dise qu'il faut se préparer au scénario du pire
04:45 et ce scénario du pire, il faut aussi l'évaluer.
04:47 - Vous le dites, l'objectif après, c'est de préparer les infrastructures et certains services essentiels.
04:52 C'est ça la seconde étape ?
04:53 La déclinaison ensuite à l'échelle territoriale de cette trajectoire
04:56 et l'identification des risques concrets ?
04:59 - Tout à fait. Si on est sérieux sur la façon de s'adapter,
05:02 on peut faire plein de petites mesures,
05:04 mais si on est véritablement sérieux et qu'on se dit
05:07 qu'on veut véritablement se préparer à une France à +4°C,
05:10 ça veut dire qu'il faut derrière décliner cette France à +4°C
05:14 territoire par territoire.
05:15 - Ça c'est Météo France ?
05:16 - C'est Météo France qui décline les aléas climatiques.
05:19 Donc Météo France va dire sur telle surface,
05:22 et c'est des petits carrés de quelques kilomètres de côté,
05:26 sur cette surface-là, il va y avoir tant de jours de précipitation extrêmement plus,
05:31 tant de vagues de chaleur en plus, tant de risques de sécheresse.
05:35 Météo France va donner ces grandes aléas climatiques.
05:38 Mais un aléa climatique, ça ne vous dit rien du risque
05:41 pour les populations et les infrastructures ?
05:43 Parce qu'à partir du moment où on a cette carte des aléas climatiques,
05:46 il faut aussi voir comment sont installées les populations,
05:49 où sont les infrastructures,
05:50 et c'est là qu'on commence à déterminer quel est le risque qu'on a derrière.
05:54 Une canicule qui arrive en plein milieu d'une zone extrêmement rurale,
05:59 avec beaucoup de végétation qui va absorber un peu le surplus
06:03 et dégager de la fraîcheur,
06:05 aura moins d'impact qu'une canicule en plein cœur de Paris
06:08 avec le phénomène des îlots de chaleur.
06:09 Et donc cette bascule de l'aléa au risque,
06:11 est-ce qu'on l'a faite ? Est-ce qu'on est en train de le faire ?
06:14 C'est là où tous les pays sont encore un petit peu timides
06:20 sur la véritable caractérisation du risque.
06:23 C'est-à-dire que tous les pays vont avoir des politiques
06:26 en faveur de l'agriculture, des bâtiments, des grands secteurs,
06:31 mais en fait très peu vont véritablement faire un stress test un peu global
06:36 de comment réagissent nos infrastructures,
06:39 lesquelles on considère les plus essentielles,
06:41 parce que typiquement, je ne sais pas si on se parle des hôpitaux.
06:45 Un hôpital pendant une vague de chaleur,
06:47 potentiellement peut ne plus fonctionner
06:49 parce que les chambres sont trop chaudes pour avoir des malades.
06:52 Si on se dit cette vague de chaleur à horizon à +4°C,
06:56 elle arrive tous les 2-3 ans.
06:58 Est-ce qu'on se dit qu'on peut se passer de cet hôpital
07:01 pendant 5-10 jours dans l'année, tous les 2-3 ans ?
07:04 Probablement pas.
07:05 Par contre, dans le scénario du pire,
07:08 si on se dit que ça arrive tous les ans,
07:10 est-ce qu'on peut se passer de notre hôpital tous les ans ?
07:13 Encore moins.
07:14 Donc, est-ce qu'il ne faut pas protéger notre hôpital
07:16 à un plus haut niveau de risque ?
07:19 Et donc, tout ce niveau cartographique est encore aujourd'hui très peu fait,
07:23 que ce soit en France ou dans le monde.
07:26 - Alors, une dernière question, Marine Brault.
07:28 Qu'est-ce qu'on trouve dans les deux plans nationaux d'adaptation au changement climatique ?
07:31 Et dans le troisième, en cours d'élaboration,
07:33 si on ne trouve pas ces stress-test pour les infrastructures et les activités ?
07:36 - Alors, il y a beaucoup de mesures qui vont dans le bon sens.
07:39 Je pense que jusqu'à présent, on a beaucoup pris l'adaptation
07:41 comme une politique où, déjà, si on fait ça, c'est pas mal.
07:45 Mais, déjà, si on fait ça, c'est pas mal,
07:47 on ne sait pas si on est au bon niveau par rapport au réchauffement qu'on anticipe,
07:50 surtout maintenant, avec la véritable vision d'une trajectoire de réchauffement.
07:55 Je vais vous prendre un seul exemple.
07:57 Ce qu'il y avait dans le précédent PNAC,
08:00 le Plan National d'Adaptation au Changement Climatique,
08:02 il y avait l'évolution de toutes les normes et référentielles techniques
08:05 pour se dire que toutes les habitations, par exemple, qu'on va construire,
08:08 toutes les routes qu'on va construire, sont adaptées
08:11 et vont pouvoir durer dans la durée,
08:14 vont pouvoir résister au changement climatique qui va arriver.
08:17 Et bien, en fait, ce référencement de toutes les normes et de celles qu'il fallait adapter,
08:23 il n'a pas encore eu lieu.
08:25 Donc, typiquement, ça fait partie des choses qui devront être dans le prochain et mises en œuvre.
08:29 - Merci beaucoup Marine Brault.
08:30 On mesure l'ampleur du chantier et on retrouve le lien vers votre rapport sur la page de l'émission.
08:36 Merci.

Recommandée