Dans ce nouvel épisode d’« Entre elles », Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes discute avec Zoé Espitallier, étudiante en communication de leurs rapports au féminisme. Si une mince génération les sépare, les deux femmes se retrouvent sur le terrain de l’engagement, entre réseaux sociaux, actions sociales et devoir de mémoire.
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00:00 Grâce aux réseaux sociaux, les femmes sont connectées,
00:02 elles se voient, elles se regardent entre elles
00:04 et elles se reconnaissent les unes les autres.
00:05 Je suis Anne-Cécile Maïffert, j'ai 38 ans
00:07 et je suis présidente de la Fondation des Femmes.
00:09 Je m'appelle Zoë Sfitalier, j'ai 24 ans,
00:11 je suis étudiante au CELSA et en alternance chez L'Oréal
00:13 et en parallèle, je suis créatrice de Conflit Féministe.
00:15 Par rapport à mon engagement féministe,
00:26 j'ai un premier deux-clics qui me vient en tête.
00:28 Il arrive assez tôt, aux alentours de mes 14 ans,
00:31 quand je me rends compte qu'une petite fille
00:33 qui marche dans la rue, ce n'est pas la même chose
00:35 qu'un jeune garçon.
00:36 On est davantage sujette à des regards insistants,
00:39 des sifflements, peut-être seulement se faire suivre.
00:41 C'est une époque où je me dis,
00:43 tiens, pourquoi mon grand frère n'a pas aussi peur que moi ?
00:46 Alors moi, mon déclic, c'est quand j'étais au collège aussi,
00:49 c'est à peu près au même moment.
00:50 Et en cours de SVT, je ne sais plus,
00:52 on parlait de sexualité, de reproduction
00:55 et j'ai posé la question de la sexualité des femmes
00:57 et en particulier de la masturbation.
00:59 C'est déclenché du harcèlement à l'école et tout, hyper grave.
01:02 Et à ce moment-là, j'ai réalisé que ce n'était pas pareil,
01:05 la sexualité pour les filles et pour les garçons
01:07 n'avait pas le droit de dire les mêmes choses.
01:08 Et aussi que quand on était toutes seules
01:11 à défendre un point de vue féminin,
01:12 c'était quand même vachement dur.
01:14 Et que les prérequis pour la suite,
01:16 c'était que je le ferais plutôt en gang,
01:18 parce que s'il y en a plusieurs à défendre quelque chose,
01:22 on est quand même plus solides.
01:23 L'engagement féministe, pour moi,
01:25 c'est la même chose que pour nos aînés
01:27 et j'espère la même chose que pour les jeunes générations,
01:30 c'est juste considérer que les femmes
01:32 sont des humaines à part entière.
01:34 Être féministe, c'est non négociable.
01:35 Si tu ne l'es pas, c'est que tu es à contresens.
01:37 Moi, j'ai commencé à vouloir créer du contenu féministe
01:40 sur les réseaux sociaux, parce que je me suis rendue compte
01:42 que les personnes expertes sur les sujets
01:44 ne sont pas forcément celles qu'on entend le plus
01:46 dans les médias traditionnels.
01:47 Et j'ai aussi grandi avec les réseaux sociaux,
01:49 donc j'ai l'impression de connaître davantage les codes.
01:51 Quand j'ai commencé à m'engager dans mes premières actions,
01:54 j'ai rejoint entre autres l'association Rosel Féminisme,
01:57 mais c'était au tout début et c'était un groupe de jeunes femmes
02:00 et elles avaient ouvert la première page Facebook féministe en France.
02:05 Et je trouve ça hyper chouette de te rencontrer aujourd'hui
02:08 et de voir que les nouvelles générations
02:11 s'en emparent à 10 000 %.
02:12 Grâce aux réseaux sociaux, les femmes sont connectées,
02:15 elles se voient, elles se regardent entre elles
02:17 et elles se reconnaissent les unes les autres.
02:19 Et donc, elles reconnaissent aussi dans les autres femmes
02:22 des similitudes avec ce qu'elles vivent,
02:23 ce qu'on vit et surtout les choses les plus traumatiques.
02:26 Elles ne sont pas de notre seul ressort individuel
02:30 et elles ne sont pas à cause de nous individuellement en fait,
02:32 puisque toutes les autres femmes,
02:34 ou un nombre très important d'autres femmes le vivent aussi.
02:36 C'est donc que c'est quelque chose de sociétal qui nous dépasse
02:40 et sur lequel on peut aussi collectivement agir.
02:42 Par exemple, en termes de violence sexiste et sexuelle,
02:45 on pense au harcèlement de rue.
02:46 C'est 80 % des femmes qui sont victimes d'harcèlement de rue
02:50 et je me dis qu'on peut déjà se réjouir de certaines initiatives.
02:54 Moi, je pense forcément à Stand Up,
02:56 qui est une formation qui a été lancée par L'Oréal Paris,
02:59 l'ONG Ride to Be et la Fondation des femmes.
03:02 De voir qu'il y a ces trois entités qui coexistent
03:05 pour parler de ce sujet, je trouve ça très réjouissant.
03:07 Ça veut dire qu'on a vraiment gagné une grande partie de l'opinion publique.
03:11 On est arrivé à un point où la population
03:13 est suffisamment prête aussi à entendre ces messages-là
03:16 et prête aussi à aller un peu plus loin
03:18 grâce à tous ces émetteurs de messages,
03:20 que ce soit les médias ou les autres entreprises du secteur privé.
03:24 Marguerite Durand, qui à la fin du XIXe siècle,
03:30 a créé le premier journal féministe au monde,
03:33 qui s'appelait La Fronde.
03:34 Elle l'a fait à une époque où c'était inenvisageable
03:37 qu'il y ait des femmes qui fassent la même chose que les hommes.
03:39 En plus, c'était un journal politique très sérieux,
03:41 entièrement administré, animé et coordonné par des femmes.
03:46 Moi, quand je pense à ça, je pense là très concrètement
03:48 à des copines membres du MLF,
03:50 le Mouvement de Libération des Femmes,
03:52 parce que c'est nos héroïnes historiques,
03:53 comme Simone Yves, par exemple,
03:55 qui ont créé le Mouvement de Libération
03:58 pour la contraception et l'avortement,
04:00 qui a fait un travail spectaculaire
04:03 et nous a permis à nous d'avoir…
04:04 Moi, j'ai avorté, c'est grâce à elle.
04:06 Et en fait, elle m'a sauvé la vie.
04:07 Je pense qu'il faut qu'on soit plus aussi,
04:10 nous, les jeunes générations,
04:11 dans cette idée d'héritage.
04:14 C'est essentiel aujourd'hui qu'on archive,
04:17 on archive ses paroles,
04:18 on archive ses histoires de vie,
04:20 on archive le mouvement féministe
04:22 et qu'on l'inscrit dans une continuité.
04:24 Il faut que nous, les femmes,
04:25 on soit malines et qu'on se dise
04:28 en fait, j'ai plein de trucs à apprendre d'elles
04:30 et elles sont encore là,
04:31 donc tu as raison, il faut les faire parler,
04:33 il faut qu'elles nous disent, il faut qu'elles nous transmettent
04:35 et il faut qu'en plus, évidemment,
04:38 côté de la justice, qu'on leur rende hommage aussi,
04:41 mais qu'on apprenne d'elles.
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