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00:00 * Extrait de « The Book Club » de Nicolas Herbeau *
00:19 Après Jack London, Ernest Hemingway ou encore Edgar Allan Poe, un nouveau romancier américain
00:24 vient de faire son entrée hier, le 2 mars, dans la prestigieuse bibliothèque de la Playade.
00:29 Journaliste et écrivain engagé, John Steinbeck est aussi celui qui raconte le mieux la grande
00:36 dépression, cette crise économique au début des années 30.
00:39 Steinbeck raconte notamment la misère des migrants et le portrait qu'il fera des
00:43 fermiers californiens dans « Les raisons de la colère » lui vaudra même des autodafés
00:48 de son livre.
00:49 Il fait bien sûr partie des romans publiés dans la Playade, nous en parlons jusqu'à
00:53 13h30 avec celles qui ont travaillé sur cette édition mais aussi avec vous Pierre Croce,
00:58 bonjour !
00:59 - Bonjour Nicolas, bonjour à tous !
01:00 - De notre partenaire babelio.com et avec, vous en avez l'habitude, la communauté du
01:04 Book Club.
01:05 - Pour moi il faut lire Steinbeck.
01:06 - Ce récit simple m'a marqué à tout jamais et fut mon entrée en littérature.
01:11 - C'est un roman qui du coup est puissamment dramatique et réaliste.
01:14 - Il y a un équilibre, une force, une justesse dans son œuvre.
01:17 * Extrait de « The Book Club » de Nicolas Herbeau *
01:24 Avec les voix de Anna, Christophe et Sandrine qu'on retrouve évidemment pour nous parler
01:28 de l'œuvre de Steinbeck tout au long de cette émission.
01:31 Bonjour Marie-Christine Lemar de Léquincy.
01:33 - Bonjour tout le monde.
01:34 - Vous êtes l'autrice d'un essai consacré à John Steinbeck que vous avez publié aux
01:38 éditions Belin.
01:39 Vous aviez édité aussi il y a quelques années le plus célèbre de ses romans « Les
01:42 raisins de la colère » ainsi que « Des souris et des hommes ». C'était chez Gallimard
01:46 et aujourd'hui vous dirigez l'édition de la Playade donc de ses romans, édition
01:50 qui rassemble sa trilogie, « Trilogie du travail », les romans d'abord « En un
01:56 combat douteux », « Des souris et des hommes » et « Les raisins de la colère » et
01:59 tout cela vient de paraître donc hier ce jeudi de mars 2023.
02:03 Racontez-nous d'abord peut-être comment on travaille pour préparer l'entrée d'un
02:08 auteur dans la Playade.
02:09 J'imagine qu'il n'y a pas eu beaucoup de débats sur les textes qu'on allait choisir.
02:13 - Alors si, au contraire il y a eu un débat.
02:15 - Alors racontez-nous.
02:16 - Ça a été la première discussion que j'ai eue avec Hugues Pradié qui m'a demandé
02:22 de choisir et il a fallu faire un choix assez radical et c'est celui que j'ai fait,
02:30 c'est-à-dire de choisir les romans pour donner une sorte d'unité à ce volume sans
02:37 savoir s'il y en aura un autre bien sûr.
02:39 Mais je me suis dit si on ne lit qu'un seul volume qu'est-ce que je voudrais qu'on
02:43 retienne de Steinbeck et c'est ça qui m'a paru le meilleur choix.
02:47 Mais évidemment c'est un choix qui est subjectif.
02:49 - Alors il y a donc ces trois romans de la trilogie et puis le roman à l'est d'Éden
02:53 c'est celui qui lui tenait le plus à cœur disait-il.
02:56 - Oui c'est un livre qu'il a mûri contrairement aux autres qu'il a écrit dans une sorte
03:01 de fièvre assez rapidement.
03:03 Celui-là c'est un peu l'œuvre de sa vie puisqu'il se livrait très peu sur lui-même
03:09 et il a une grande dimension autobiographique et aussi un hommage à sa Californie natale
03:15 qu'il adorait.
03:16 Et c'est vrai que quand vous lisez à l'est d'Éden vous voyez les collines de Californie,
03:24 la baie de Montrey.
03:25 Enfin si vous avez un peu traîné vos guêtres par là vous reconnaissez tout.
03:29 - Alors c'est une édition qui se prépare évidemment avec une équipe.
03:32 Vous êtes entourée notamment de Nathalie Cauchoy, d'Alice Béja, de Marc Hanfreuil
03:38 et de Jakuta Alikavasovic qui est avec nous également.
03:41 Bonjour.
03:42 - Bonjour.
03:43 - Vous êtes écrivaine traductrice, vous avez publié régulièrement des chroniques
03:45 dans le journal Libération, des romans et des essais notamment en 2021, comme un ciel
03:49 en nous aux éditions Stock qui vous a valu le prix Médicis Essai.
03:52 Et donc dans cette pléiade des romans de John Steinbeck vous avez rédigé notamment
03:58 la notice du roman "Des souris et des hommes".
04:00 Avant de nous parler du roman, qu'est-ce que c'est ce travail ? Comment on rédige
04:04 la notice d'un roman d'un écrivain comme Steinbeck ?
04:07 - Excellente question.
04:10 Chacun y répond à sa façon.
04:14 Bien sûr, il y a des moments incontournables d'une notice de roman pour la bibliothèque
04:21 de la pléiade, la genèse, la réception de l'œuvre.
04:25 Mais au-delà de ça, ce qui m'a semblé le plus intéressant, le plus riche dans cet
04:30 exercice-là, c'est qu'au fond il s'agit de lire, d'une lecture active, qui soit à
04:36 la fois personnelle et collective, d'un livre en particulier.
04:42 Et quand Madame Lemaire de Léquin-Syme a proposé de travailler sur Steinbeck, et précisément
04:47 sur "Des souris et des hommes", elle m'a fait un immense cadeau, sans le savoir ou
04:50 en le sachant peut-être, parce que ce livre-là de Steinbeck, c'est un livre qui m'a hanté
04:58 toute ma vie, toute ma vie de lectrice, ma vie ensuite d'américaniste, et jusqu'à
05:05 présent, jusqu'au moment de me pencher sur cette notice, ça n'avait été que des rencontres
05:09 ratées avec "Des souris et des hommes", et j'ai enfin l'impression d'avoir pu rencontrer
05:15 ce livre qui est l'un des grands romans de Steinbeck.
05:19 Bref, certes, mais extrêmement important dans sa bibliographie.
05:23 On va y venir, évidemment.
05:24 1962, prix Nobel de littérature pour John Steinbeck, et vous dites dans votre introduction
05:30 "Marie-Christine de Mardedeck ainsi", que ce n'est pas, comment dire, il n'a pas le
05:37 succès, est-ce qu'on t'ait attendu en France, en tout cas, cet auteur, comment on l'explique ?
05:43 Alors il n'y a pas d'explication simple, il y a une explication, bon, ce que j'ai
05:48 mûri pendant la préparation de ce volume, justement, c'est d'essayer de comprendre
05:52 pourquoi il était si peu aimé, alors qu'il est très populaire, il est toujours sur la
05:58 liste des best-sellers partout.
05:59 Il y a plusieurs hypothèses, c'est que par exemple, il affichait une posture assez anti-intellectualiste,
06:09 il trouvait que les universitaires étaient des petits marquis en costume, en veste de
06:15 tweed, il les assimilait à des banquiers, il les méprisait assez, il les faisait savoir,
06:21 et donc les universitaires, au début, enfin, pas tous les universitaires, mais en tout
06:25 cas, sous la côte Est, lui ont renvoyé une image d'écrivain régionaliste, entre
06:30 parenthèses, de seconde zone, un peu.
06:32 C'est dû à son parcours, ça, peut-être, universitaire lui-même, on sait qu'il est
06:37 sorti d'abord sans diplôme de l'université, puis il a commencé une vie professionnelle
06:41 par des petits boulots précaires, en quelque sorte, il était proche de ses classes les
06:45 plus défavorisées, avant de devenir journaliste et ensuite écrivain, ça vient de là aussi,
06:51 peut-être ?
06:52 Je ne sais pas ce qui vient de quoi, mais en tout cas, il a fait un passage à l'université
06:57 très important, puisqu'il est quand même resté à peu près cinq ans, il a énormément
07:01 appris, il a surtout travaillé la littérature anglaise, il a appris à écrire, il avait
07:07 un professeur, Edith Mirallès, qui lui a appris à rédiger des nouvelles, et il lui
07:13 rend hommage à plusieurs reprises, mais en même temps, il ne s'intéressait pas vraiment
07:20 à la possession d'un diplôme ou à la reconnaissance sociale qui correspond au diplôme.
07:24 Ce qui l'intéressait, c'était d'écrire, il voulait être écrivain depuis tout petit,
07:28 et ça c'est assez phénoménal, je trouve, comme puissance, puisqu'à la fois il se
07:34 plaignait de ne pas être reconnu, et en même temps, il était sûr que c'était son destin
07:37 d'être écrivain, et ce n'était pas du tout évident dans son milieu familial, puisque
07:41 son père était comptable, sa mère avait été institutrice, donc peut-être qu'elle
07:45 lui a transmis une part d'envie de lecture, mais son père aussi d'ailleurs, mais ce
07:51 n'était pas du tout un milieu intellectuel, ni d'écrivain, c'était vraiment une passion
07:56 profonde chez lui qu'il ne s'est jamais démentiée.
07:58 Et d'ailleurs, il y a au début de sa carrière, si on peut dire, quelques romans qui passent
08:03 inaperçus, et puis évidemment, 1939, donc le roman le plus connu, le plus célèbre,
08:09 Les Raisins de la Colère, et c'est Anna, notre lectrice, qui nous en parle.
08:12 Ce qui me vient à l'esprit quand je veux parler des Raisins de la Colère de Steinbeck,
08:18 c'est que c'est un roman très actuel.
08:20 Cet exode rural et forcé de la famille Jode vers la Californie dans les années 30, raconte
08:27 en fait toute la panoplie de la détresse des migrants, des injustices qu'ils subissent,
08:32 des galères qu'ils vont devoir affronter.
08:34 Et c'est un roman qui du coup est puissamment dramatique et réaliste, on sent vraiment
08:39 tout l'attachement de l'auteur à retranscrire la réalité et à rendre compte de la vérité,
08:44 sans furiture, sans pathos, jamais.
08:47 Ce qui nous attache énormément au personnage.
08:50 Et c'est un roman social et très humaniste, qui en arrière-plan présente une vive critique
08:58 des méfaits du capitalisme et de la recherche du profit à tout prix, ce qui pour moi fait
09:04 que ce roman résonne très fortement aujourd'hui.
09:07 Le flot perpétuellement renouvelé des immigrants fit régner la panique dans l'Ouest.
09:14 Les propriétaires tremblaient pour leur bien.
09:17 Des hommes qui n'avaient jamais connu la fin la voyaient dans les yeux des autres.
09:21 Des hommes qui n'avaient jamais eu grand chose à désirer voyaient le désir brûler
09:26 dans les regards de la misère.
09:27 * Extrait de « Book Club Culture » de Steven Spielberg *
09:38 Y a évidemment un contexte à la publication et à l'écriture de ce roman.
09:43 C'est la grande crise, la grande dépression de 1929 aux Etats-Unis, Marie-Christine de
09:47 Marleau d'Aikincy.
09:48 C'est là où il y a la frontière qui est un petit peu ténue entre journaliste et écrivain,
09:53 romancier, pour Steinbeck ?
09:55 Oui, alors la frontière est ténue et en même temps ce sont les articles de journaux
10:01 qu'il a commencé à écrire qui lui ont permis d'aller vers le roman.
10:05 Et une des raisons pour lesquelles il ne s'est pas cantonné dans les articles de journaux,
10:09 c'est qu'il pensait que la fiction avait plus de pouvoir de transformation qu'un article
10:14 de journal.
10:15 Autrement dit que la puissance créatrice était beaucoup plus puissante que l'invective
10:24 ou la diatribe, disons, politique même.
10:26 Et écoute, Alicka Vazovic, en tant que romancière, qu'est-ce qui vous inspire ce que vient de
10:33 dire Marie-Christine de Marleau d'Aikincy ?
10:35 Mais alors ça c'est un point, je crois, central, surtout à un moment où on parle
10:40 beaucoup de littérature du réel et de romans du réel.
10:43 Là Steinbeck a vraiment son mot à dire "plus que jamais" d'une certaine façon.
10:48 Et c'est très étonnant de voir quand on lit ses reportages et les romans qui parlent
10:53 de la même chose, la façon dont les choix qu'il fait dans ses romans, ceux de sélectionner
10:59 certains types de personnages, de donner la parole à certains mais aussi à d'autres,
11:04 est conduite par une ambition romanesque.
11:09 Ce qui compte c'est l'effet que cela va produire sur le lecteur et l'effet que Steinbeck,
11:15 je crois, a en tête, c'est une prise de conscience quasiment poétique.
11:23 Une fois qu'on a compris la réalité qui est celle qu'il dépeint, la réalité de
11:28 ses personnages, on ne peut pas ne pas l'éprouver, on ne peut pas ne pas l'avoir et donc idéalement
11:34 on ne peut pas ne pas agir.
11:35 Marie-Christine de Marleau d'Aikincy, vous dites que c'est un écrivain à l'écoute
11:39 des événements de son temps, il préfère s'interroger sur comment les choses se déroulent,
11:47 comment les choses sont plutôt que pourquoi ?
11:49 C'est ça, il est très intéressé par l'observation, il a d'ailleurs suivi des cours, je ne l'ai
11:55 pas dit tout à l'heure, j'ai parlé de littérature mais il a aussi suivi des cours
11:58 de biologie, biologie marine principalement à l'université Stanford et il avait une
12:06 espèce de désir d'objectivité, ce qui évidemment n'est pas exactement ce qu'il fait finalement
12:12 dans ses romans mais il commence toujours par aller voir par lui-même.
12:16 C'est pour ça qu'il est allé rencontrer des migrants, alors on dit qu'il a vécu
12:22 comme eux, non ce n'est pas tout à fait vrai non plus mais quand même il s'est approché
12:25 de très près, il avait ce directeur de camp qui a inspiré le personnage du directeur
12:33 du camp qui était en réalité Tom Collins qui lui a rapporté des bribes de conversation
12:38 etc.
12:39 Ce qui fait que tout ce qu'il dit est vrai, il y a une sorte de vérité mais évidemment
12:46 c'est la mise en forme de cette vérité qui produit un effet et souvent il parlait de
12:51 littérature de participation, il attendait une participation de son lecteur ce qui est
12:55 assez moderne je trouve comme façon de voir la littérature.
12:58 On peut être objectif et engagé, c'est un écrivain engagé, il se disait même lui-même
13:04 engagé voire révolutionnaire, comment il est vu à l'époque, comment il est classé
13:09 dans les catégories politiques si on peut dire ?
13:11 Alors ça c'est toute une histoire un peu tragique j'allais dire parce qu'il a été
13:18 mal vu par tout le monde si vous voulez, c'est-à-dire que le parti communiste lui reprochait de
13:22 faire un portrait négatif et voire pour eux désastreux des militants syndicaux par exemple
13:28 dans Un combat douteux, les propriétaires fermiers lui ont voulu à mort et ont même
13:36 essayé de diffuser un contre-roman complètement grotesque mais qui essayait de montrer mais
13:42 non mais non la réalité c'est pas ça du tout, ce qui fait qu'il n'a jamais été
13:47 accepté et au fond c'est une mauvaise question, c'est pas ça qui l'intéresse, ce qui l'intéresse
13:51 c'est Life, Liberty and the pursuit of happiness, c'est-à-dire la déclaration d'indépendance
13:57 des Etats-Unis, c'est ça, tout son credo c'est ça et c'est en ça qu'il est révolutionnaire
14:01 mais au sens américain, pas au sens marxiste.
14:03 - Alors allons voir chez nos amis de babelio.com quelles sont les réactions à ce roman engagé
14:09 Pierre Croce.
14:10 - Oui alors ce qui revient souvent évidemment dans les critiques de ce roman qui n'est pas
14:13 le plus populaire mais on y reviendra, c'est la puissance de la voix, de l'engagement de
14:16 Steinbeck, une voix peut-être toujours actuelle, ça a été dit un peu par votre lectrice
14:20 et on le retrouve évidemment dans les critiques de Babelio, ce roman est la voix de la misère,
14:24 de la dignité, de l'injustice et il est incroyablement puissant, ce qui donne une telle force à
14:29 ce roman c'est que l'on sait inconsciemment dans ses tripes que cela pourrait se reproduire
14:33 tant les causes de cette misère sont toujours à l'oeuvre un peu partout dans le monde qui
14:36 est le nôtre, cela questionnera bien entendu notre époque et notre réaction face à l'immigration
14:41 et ce alors que Steinbeck a écrit ce livre en 1939.
14:43 Alors peut-être une question pour vous deux, il est toujours actuel Steinbeck, il dit encore
14:47 des choses de notre époque même s'il parle à l'époque de l'Amérique d'il y a quelques
14:52 années ?
14:53 - Et écoutez Alicka Masovitch, lancez-vous !
14:55 - Mais oui je pense et je pense qu'il y a une anecdote que j'ai découverte en travaillant
15:01 sur cet appareil critique sur la réception de Steinbeck, la réception au moment de
15:09 l'apparition des sourires des hommes mais la réception aussi dans le temps et donc
15:12 plus près de nous et figurez-vous que dans le Tennessee en 1989 on tente de censurer
15:21 des sourires des hommes, de limiter disons la diffusion au motif que l'auteur aurait
15:29 des attitudes je cite "anti-business" par exemple.
15:32 Donc voyez ça parle quand même à la fin des années 80, c'est suffisamment encore
15:37 sensible ce bref roman qui est souvent sur les programmes scolaires qu'on considère
15:43 presque comme une lecture d'école d'une certaine façon, ce qui à la fois lui rend
15:48 service et ne pas lui faire un cadeau, peut-être qu'on en reparlera.
15:52 Voilà donc si en 89 on peut encore à l'échelle d'un état dire "ouh là là une attitude
15:58 anti-business pareille pour un livre qui est publié à la fin des années 30, ça prouve
16:05 quand même la modernité, la contemporanéité du livre.
16:09 Et la puissance de la critique aussi puisque là vous parlez du business mais il y a toute
16:15 une critique aussi dans les Raisons de la colère sur la banque, Marie-Christine de
16:19 Merle-Edekindcy.
16:20 Oui la banque et justement sur ce que je trouve assez incroyable au moment où il a écrit
16:27 tous ses romans dans les années 30, c'est qu'il a une critique assez virulente du progrès.
16:34 Or ce qui est d'autant plus frappant c'est que lui-même s'intéressait beaucoup par
16:41 exemple à la mécanique.
16:42 Par exemple il adorait bricoler des moteurs, il aime les voitures, le camion des Jod il
16:49 le décrit de manière assez précise, comment on le répare etc.
16:52 Il s'intéressait beaucoup aux choses concrètes et en même temps il fait une critique virulente
16:57 de l'industrialisation à outrance.
17:01 Il y a ce fameux homme-machine qui arrive et qui mange un sandwich enveloppé dans du
17:09 soubisteur, enfin je ne sais plus comment on dit en français mais en tout cas dans
17:12 du plastique.
17:13 Et il soupçonne même que le sandwich lui-même est à moitié en plastique.
17:17 Et tout ça c'est d'une modernité incroyable parce qu'à son époque c'était quand même
17:22 pas courant les gens qui critiquaient le progrès.
17:24 Et ce qui nous ramène aussi à notre époque c'est ça aussi mais ce sont aussi des considérations
17:30 sur l'écologie.
17:32 La concentration des terres qui fait fuir les petits propriétaires ou les métiers.
17:38 On retrouve les mêmes sujets en ce moment, l'épuisement des terres et il y a des choses
17:44 très fortes sur l'écologie et le rapport à la nature.
17:49 - On en parlera dans un instant.
17:51 Je voulais vous amener sur la langue de cet écrivain.
17:55 Vous dites Marie-Christine de Marlodet-Quincy, c'est un parlé populaire et il choisit d'ailleurs
18:01 de donner la priorité dans ses dialogues, à ses dialogues d'ailleurs et à cette forme
18:07 de langage.
18:08 - Il donne beaucoup de place aux dialogues.
18:10 Il y a certains romans qui sont pratiquement faits que de dialogues et c'est pour ça que
18:14 c'est très vivant et qu'on se sent pris dans la situation.
18:18 Et comme je le disais tout à l'heure, il a retranscrit Desbries mais évidemment c'est
18:24 un travail colossal.
18:25 Vous savez très bien que si vous reproduisez une conversation, ça ne va rien donner du
18:29 tout.
18:30 Donc c'est un travail de construction d'une langue, d'un parler très imagé avec beaucoup
18:35 de jeux de mots.
18:37 Sur Rich, par exemple, il dit celui-là et en parlant de Hearst, le milliardaire, il
18:46 se sent si pauvre à l'intérieur qu'il a besoin de tous ses hectares pour être riche.
18:50 Ils font des jeux de mots assez fins sur le double sens des termes.
18:54 Et il reproduit aussi une espèce de prononciation avec des fautes de grammaire.
19:01 « He might have went ». En anglais, c'est assez hilarant parce que c'est comme un
19:06 anti-manuel d'anglais.
19:07 Mais en même temps, ça correspond.
19:10 Il n'y a aucune critique de sa part.
19:12 Il n'y a aucune vision péjorative.
19:16 C'est au contraire pour montrer que ces gens-là, ils ont une vision imagée du monde
19:20 et qui correspond à une réalité.
19:22 - Et écoute, Alicka Vazovic, vous avez relu la traduction en adaptant aussi certaines
19:29 expressions.
19:30 Comment est-ce que vous avez travaillé ?
19:31 - Absolument.
19:32 J'ai assisté l'éditrice, Sibyl Steinmuller, de ce volume.
19:40 C'est elle qui s'est beaucoup penchée sur la question.
19:43 J'étais là à titre consultatif presque.
19:46 Certaines choses ont été révisées.
19:49 Très peu finalement.
19:52 Et puis il y a des notes sur le texte qu'on n'a pas jugé nécessaires de garder puisque
20:00 maintenant les lecteurs, les lectrices connaissent bien mieux la réalité de la vie américaine.
20:06 Même celle qui est dépeinte dans un roman de cette époque-là, que c'était le cas
20:11 à sa première publication.
20:12 Mais pour revenir sur la question du langage, justement, c'est ça qui a été le plus intéressant
20:19 pour moi à relire.
20:21 Ces dialogues-là, très populaires, c'est quelque chose qu'on a beaucoup reproché
20:26 à Steinbeck, que ses contemporains lui ont beaucoup reproché, que la critique lui a
20:30 beaucoup reproché, qui a divisé la réception en deux camps.
20:34 Ceux qui disaient "c'est terrible, c'est d'une obscénité, mais qu'est-ce que c'est
20:39 que ça, ça ne se fait pas du tout, ça n'est pas possible".
20:42 Et puis ceux qui disaient "ah enfin, voilà, quelqu'un donne voix à toute une partie
20:48 de la population, des classes laborieuses, pourrait-on dire américaines, et qui leur
20:53 donne leur propre voix, qui ne la maquille pas, qui ne la camoufle pas".
20:59 Et puis il y a des critiques aussi qui ne savent pas sur quel pied danser.
21:03 Alors ils cherchent des façons de justifier les choix de Steinbeck, et il y en a un, c'est
21:09 une critique de 1937, donc vraiment le moment où paraît "Des souris et des âmes", que
21:14 j'ai trouvé très drôle, parce qu'il parle du bourgeois gentilhomme, le nôtre,
21:20 et il dit "voilà, bon, peut-être que l'agriculteur américain, comme le bourgeois gentilhomme,
21:28 qui s'étonne d'avoir toujours parlé en prose sans le savoir, et bien peut-être
21:32 que les nôtres, ils se rendront compte, depuis le début ils étaient poétiques".
21:36 Et donc pour une critique américaine en 1937, j'ai trouvé ça assez amusant.
21:42 - Autre réception, donc de lecteur, celle de Christophe, qui parle d'une claque littéraire
21:49 pour "Des souris et des hommes".
21:51 - J'ai lu "Des souris et des hommes" la première fois quand je n'aimais pas lire.
21:56 J'ai adoré ces personnages archétypaux, le malin, le rusteau, la belle, le nerveux.
22:01 J'ai été bouleversé par l'issue fatale.
22:04 J'ai recommandé depuis des dizaines de fois ce livre et tous les gens avaient la
22:08 même réception que moi, une claque littéraire.
22:11 Ce récit simple m'a marqué à tout jamais et fut mon entrée en littérature.
22:18 Je le relis aujourd'hui, trente ans plus tard, et je m'aperçois que ce texte n'a
22:23 pas pris une ride, bien au contraire.
22:25 Avais-je bien perçu la violence des rapports, l'extrême solitude et le désespoir des
22:30 personnages ? Ce livre que j'avais dû choisir pour sa brièveté, aujourd'hui,
22:36 j'en perçois la concision qui ne le rend que plus percutant.
22:40 - Et écoutez, Ali Kavazovic, c'est vrai que c'est un récit très court, très condensé
22:44 si on compare avec "Les raisins de la colère".
22:47 Pourtant, Steinbeck s'y est pris à plusieurs fois pour l'écrire.
22:51 C'était un vrai travail d'écriture, peut-être même pour épurer, justement.
22:55 - Il s'y est pris à plusieurs fois pour l'écrire.
22:58 Déjà, il envisage, au tout début, on trouve, son biographe rapporte, qu'on trouve des
23:05 traces d'un projet pour les enfants, dont il ne reste pas grand-chose finalement, si
23:11 ce n'est peut-être le public que ce livre a rencontré.
23:16 Quelque chose de l'enfant sans nous.
23:18 C'est-à-dire que même si on ne lit pas enfant, et je trouve que ce lecteur qu'on vient d'entendre
23:22 en parle très bien.
23:23 Parce que ce qu'on lit quand on n'aime pas lire, ça parle presque à une part d'enfance
23:28 en nous.
23:29 Et peu à peu, le projet évolue.
23:33 Et puis, c'est un projet sur lequel il veut faire quelque chose de très simple.
23:37 Il veut faire quelque chose qui soit lisible, idéalement, par les gens dont il parle.
23:41 C'est un roman, c'est aussi une forme expérimentale.
23:46 Il est à mi-chemin, ou il s'imagine à mi-chemin entre le roman et la forme théâtrale.
23:51 Ce n'est pas un hasard si « Des souris et des hommes » a été si bien adapté au
23:55 cinéma et au théâtre par la suite.
23:57 Parce qu'en fait, c'était la volonté de Steinbeck que ce roman puisse également
24:01 se jouer.
24:02 Voilà, c'est un premier point.
24:05 L'écriture est beaucoup plus mouvementée que la brièveté, la concision et la perfection
24:11 formelle du roman ne le laissent penser, puisqu'il a des hauts, il a des bas, il hésite sur
24:17 la qualité de ce qu'il est en train d'écrire.
24:20 Tout ça est bien normal.
24:21 Et puis, à un moment, la tragédie frappe.
24:23 Son petit chiot mange le manuscrit.
24:29 C'est le seul exemplaire du manuscrit.
24:31 Et il mange la moitié des pages.
24:33 Il faut tout réécrire.
24:35 Et c'est là que le mythe Steinbeck entre en action, puisque Steinbeck a la réputation.
24:39 Et je crois que c'est vérifié puisque nous avons regardé avec Madame Le Mardelec-Quincy
24:44 et l'équipe, nous avons regardé les manuscrits.
24:46 C'est vrai que Steinbeck écrit, il fait très peu de ratures, il fait très peu d'annotations
24:51 dans les marges.
24:52 Et il y a cette légende, encore une fois rapportée et donc avérée par le biographe
24:58 de Steinbeck.
24:59 À un moment donné, Steinbeck perd le manuscrit d'un autre livre, le Poney Rouge.
25:05 Il le perd.
25:07 Très mystérieux.
25:08 Il doit le réécrire.
25:11 Et quand, à l'occasion d'un déménagement des années plus tard, il retrouve le manuscrit,
25:15 il s'aperçoit qu'il y a sept mots d'écart entre les deux versions.
25:20 Sept, seulement sept.
25:21 Qui pourrait en dire autant ? Certainement pas moi.
25:23 - C'est certain.
25:24 Moi non plus, je vous rassure.
25:27 Vous avez dit qu'il a des doutes lui-même sur ce qu'il écrit quand il écrit des souris
25:31 et des hommes.
25:32 Et pourtant, il y a un engouement très fort pour ce roman dès sa sortie en janvier 1937.
25:37 Et c'est, Pierre Croce, sur Babelio, peut-être le roman de Steinbeck le plus mis en avant.
25:43 - C'est le plus populaire.
25:44 C'est le plus apprécié aussi, je crois, des lecteurs.
25:45 Il y a 47 000 lecteurs du livre.
25:47 800 critiques publiées à ce jour.
25:48 Une moyenne de 4 sur 5.
25:50 Il y a quelques mauvaises critiques, mais vraiment très peu.
25:51 Il n'y avait pas grand-chose à faire avec les mauvaises critiques.
25:54 Il y a une certaine simplicité dans ce texte qui a été apprécié aussi.
25:57 Vous l'avez un peu dit.
25:59 Les très grands livres, tels les Souris des Hommes, offrent la beauté et la simplicité
26:02 d'un simple chemin de campagne ou d'une photo en noir et blanc au bord d'antelés.
26:06 Les très grands livres ne sont pas forcément les plus alambiqués, labyrinthiques ou interminables.
26:10 Et pour certains des lecteurs, c'est le meilleur livre de Steinbeck.
26:14 Un pur bijou qui concentre toute la poésie et le nectar du cœur de Steinbeck.
26:17 Un des meilleurs livres de Steinbeck.
26:19 Un des plus désespérants.
26:20 Est-ce que vous diriez aussi, peut-être, que c'est le roman qui représente au mieux son œuvre ?
26:24 Est-ce que c'est sa grande œuvre ?
26:26 - Je ne sais pas du tout.
26:27 Je n'irai pas du tout jusqu'à dire cela.
26:29 En revanche, je crois qu'il a une particularité qui le distingue un tout petit peu peut-être
26:36 des autres romans.
26:37 C'est que c'est un roman, peut-être en raison de sa jeunesse d'écriture, de ses
26:43 expérimentations du côté du théâtre, c'est un roman qui a la très grande générosité
26:49 de toujours se mettre à la hauteur de ses lecteurs.
26:52 Et quel que soit votre degré de culture, votre degré de lecture, de familiarité avec
27:00 ce dont il parle ou avec la simple notion d'un texte imprimé, ce livre est pour vous.
27:06 Et il vous suit.
27:07 Moi, c'est ce qui s'est passé.
27:08 Je parlais de Rencontres ratées.
27:10 Ratées, oui, parce que c'est un livre qu'on m'a obligée à lire à une époque où malheureusement
27:14 la cruauté envers les animaux ne passait pas du tout.
27:17 Et donc j'en ai été bouleversée.
27:19 Mais c'est un livre dont je constate que la lecture est toujours valide.
27:25 Quel que soit votre degré d'entendement, de maturité, de votre état affectif du moment,
27:30 ce livre vous parle.
27:31 Et je pense que c'est ça qui fait la différence auprès des très nombreux lecteurs de ce
27:35 roman.
27:36 Marie-Christine Lemar de Léquincy, on parlait tout à l'heure de la pensée écologique.
27:40 Les deux romans dont on vient de parler débutent par une description de la nature incroyable.
27:45 Alors la nature est plus qu'un paysage.
27:50 On ne peut pas réduire la nature à un paysage.
27:55 C'est toujours une espèce d'atmosphère qui est créée.
27:57 Et bien sûr, dans Les sourires des hommes, le paysage est le même pratiquement au début
28:03 à la fin.
28:04 À part la présence d'un animal qui en avale un autre, comme par hasard.
28:09 Il y a vraiment, ou par exemple dans le début de À l'est d'Éden, les deux côtés, le
28:17 côté sombre et le côté clair des montagnes, ça pose tout de suite le conflit moral qui
28:24 va se développer tout au long du roman.
28:26 Mais ce qui est pour moi très touchant, c'est que l'approche du paysage est aussi poétique.
28:36 Le mot peut paraître un peu fourre-tout, mais ça renvoie quand même à toute une
28:40 poésie américaine de Walt Whitman que Steinbeck aimait beaucoup.
28:46 Et son ami Ed Ricketts, qui était pourtant scientifique, citait tout le temps Walt Whitman.
28:51 Ça faisait partie de leur vocabulaire quotidien.
28:53 Je pense qu'il y a dans l'approche de la nature de Steinbeck quelque chose de très
29:02 personnel.
29:03 Je crois que c'est ses souvenirs d'enfance.
29:05 Il était très libre.
29:07 Il vivait pourtant dans une ville, mais on le laissait un peu gambader.
29:10 Il avait un poney à lui.
29:12 Ses parents étaient assez ouverts pour le laisser libre de circuler.
29:18 Et il y a aussi cette idée, toujours un peu très américaine, qu'il y a une espèce
29:24 d'ouverture et à la fin qu'il n'y a pas une très grosse différence entre les humains
29:29 et les animaux.
29:30 C'est un peu réduit de le dire comme ça, un peu rapide, mais c'est quand même ça.
29:33 - Sandrine, notre lectrice, nous lit un extrait dans "Un combat douteux".
29:38 Ce récit d'une grève dans le milieu des ouvriers agricoles de Californie.
29:42 C'est le premier volet de cette fameuse trilogie du travail.
29:44 - La fureur tomba aussi vite qu'elle s'était déchaînée.
29:51 Ils s'écartèrent de leurs victimes.
29:53 Ils respiraient à grands coups.
29:55 Jim considérait sans émoi les hommes étendus sur le sol, le visage meurtri et ensanglanté
30:01 par les coups de pied.
30:02 Ici, une lèvre déchirée découvrait les dents et les gencives.
30:05 Là, un homme pleurait comme un enfant, le bras fracturé au coude.
30:09 Maintenant que leur fureur s'était apaisée, les grévistes éprouvaient une sorte de nausée,
30:14 comme si leur propre colère les avait intoxiqués.
30:16 Ils se sentaient affaiblis et mous.
30:19 Un homme tenait sa tête dans ses mains, ainsi qu'il lui fait s'il avait eu très mal.
30:23 Steinbeck reste pour moi vraiment un incontournable.
30:27 Si vous voulez connaître l'Amérique, ses injustices, son humanité, pour moi, il faut
30:33 lire Steinbeck.
30:34 Il y a un équilibre, une force, une justesse dans son œuvre.
30:38 Il dénonce, il raconte, il est proche de l'humain, il s'en soucie.
30:43 Il est sensible à sa misère et à sa condition.
30:45 C'est un écrivain complet qui peut faire rire comme vraiment pleurer, comme dans « Des
30:51 souris et des hommes ».
30:52 Pour moi, Steinbeck aussi, c'est l'amitié.
30:55 On le voit très bien dans « Tortilla Flat ».
30:59 C'est une grande histoire d'amitié avec tous ces personnages très colorés.
31:04 J'ai adoré « Tortilla Flat ».
31:05 - Pour résumer, évidemment, en quelques mots, grâce à Sandrine, l'œuvre de Steinbeck.
31:11 Pour terminer, Ali Kavazovic, qu'est-ce qu'on retient de ce grand romancier qu'est
31:17 John Steinbeck ?
31:18 S'il y a une chose à retenir dans toute son œuvre ?
31:22 Peut-être, je vous aide un peu, la primauté de l'individu, par exemple, qui est quelque
31:25 chose qui revient à chaque fois dans chacun de ses romans.
31:28 - Je dirais, moi, son grand souci de l'individu, mais dans toutes ses facettes.
31:35 Dans ce qu'il a de plus contradictoire, dans ce qu'il a de plus existentiel, de plus
31:44 universellement humain d'un côté, mais aussi dans ce qu'il a de façonné profondément
31:49 par le milieu dans lequel il évolue.
31:51 Et ça, la façon dont Steinbeck réussit à articuler ces deux dimensions de l'expérience
31:56 humaine et de la personnalité humaine, je trouve, en fond, vraiment, profondément,
32:03 l'un des grands auteurs indépassables des États-Unis.
32:05 - Marie-Christine Le Marle d'Eckhans, pour terminer.
32:07 C'est pas facile !
32:09 - Ce que j'admire chez Steinbeck, ce que j'aime surtout, c'est qu'il s'intéresse
32:17 aux détails.
32:18 Il est capable de faire une grande fresque, au point que tout le monde croit que la Grande
32:23 Dépression, c'est lui qui l'a inventée, presque, pratiquement.
32:25 Mais ce que j'aime dans ses romans, ce sont les petits détails, les moments où la mère
32:30 prépare du porc, fait cuire du porc sur le feu.
32:34 On voit les enfants, on voit un détail des objets qu'ils sont obligés de laisser, etc.
32:39 Ou les listes de voitures abandonnées dans une décharge.
32:45 Il y a des bribes comme ça, très concrètes, qui sont à côté.
32:51 Et justement, je dis à côté parce que c'est pas forcément relié.
32:54 C'est ça que j'aime bien, c'est qu'il a le don de la disjonction.
32:58 Il supporte de ne pas relier tout.
33:00 - Et si vous ne vous êtes jamais plongé dans ses romans, c'est l'occasion, la sortie
33:06 de cette édition de La Pléiade.
33:08 Merci beaucoup Marie-Christine Le Mardodec, ainsi vous avez dirigé cette édition des
33:12 romans de John Steinbeck.
33:13 Édition qui vient de paraître et qui rassemble le roman à l'Est d'Éden et sa trilogie
33:19 du travail, En un combat douteux, les raisins de la colère et des souris et des hommes.
33:23 Des souris et des hommes sur lesquels vous avez travaillé.
33:26 Yakuta Alikavazovic, merci beaucoup d'être venu également nous en parler.
33:30 Merci à toutes les deux.
33:31 Merci à Pierre Creuse de notre partenaire babelio.com qui nous a accompagné comme toutes
33:34 les semaines.
33:35 * Extrait de « La Pléiade » de Yakuta Alikavazovic *
33:39 Dans un instant, nous écouterons ensemble l'épilogue de ce boucle mes avant 13h25 sur
33:43 France Culture.
33:44 On accueille Mathias Senard pour ses inquipites qui nous parlent toujours de mémoire cette
33:47 semaine.
33:48 - Poursuivons l'enquête sur les mémoires que nous avons commencé la semaine dernière
33:51 avec Saint-Simon et sautons dans le temps de quelques décades jusqu'au dernier quart
33:56 du XVIIIe siècle, très exactement entre 1789 et 1798, année pendant lesquelle l'immense
34:03 Jacques de Casanova, Giacomo Casanova, s'emploie à rédiger ses mémoires, en français, avant
34:09 sa mort au château de Dux en Bohême où il travaillait comme bibliothécaire depuis
34:13 1785.
34:14 Casanova est sans doute avec Diderot le plus grand écrivain du XVIIIe siècle et ses mémoires
34:21 intitulées « L'histoire de ma vie », un des livres les plus divertissants et instructifs
34:26 de tous les temps.
34:27 Un chef-d'œuvre qui possède certes un aspect érotique qui n'est peut-être pas
34:31 aussi important que le scandale l'a imposé à sa postérité.
34:35 Voici comment s'ouvre la préface de « L'histoire de ma vie » de Giacomo Girolamo Casanova,
34:42 chevalier de Saint-Gal.
34:45 « Je commence par déclarer à mon lecteur que, dans tout ce que j'ai fait de bon ou
34:50 de mauvais durant tout le cours de ma vie, je suis sûr d'avoir mérité ou démérité
34:57 et que, par conséquent, je dois me croire libre.
35:00 »
35:01 Casanova est bien le fils de son siècle, ses lumières dont la philosophie éclaire
35:05 les mémoires.
35:06 Libre, Jacques Casanova le fut, reconnaissons-le, jusqu'à la démesure.
35:11 « L'histoire de ma vie » est avant tout un grand roman de voyage et d'aventure
35:16 crapuleuse, politique, c'est sentimental.
35:18 Après un premier tour de l'Europe et de nombreuses mésaventures, il fut expulsé
35:23 du séminaire où il se destinait à la prêtrise après qu'une de ses aventures féminines
35:27 ait découvert.
35:28 Puis, à l'âge de 20 ans, il est de nouveau chassé, cette fois-ci du service du cardinal
35:33 Acquaviva, ambassadeur d'Espagne à Rome, parce qu'il avait dissimulé une toute jeune
35:37 femme dans le palais du cardinal Susdi.
35:39 Il tombe ensuite amoureux, en voyage, d'un eunuque, chanteur, un castrat, à la voix
35:45 délicieuse appelé Bellino, persuadé que celui-ci était en réalité une femme, ce
35:50 qui se révélera effectivement être le cas.
35:52 Il se passionne par la suite pour les sciences occultes, la maçonnerie, la cabale, connaissances
35:56 dont il se sert pour extorquer de l'argent à de nombreux crédules.
36:00 Sciences occultes qui lui vaudront la prison à Venise en 1755.
36:05 Arrêté par l'inquisition vénitienne, il est emprisonné sous les plombs, c'est-à-dire
36:10 dans les pires geôles de la République, dont il réussira à s'évader au bout d'un
36:14 an.
36:15 Il passa ses 18 ans d'exil à parcourir l'Europe, commençant par Paris où il fréquenta
36:19 la cour et les occultistes comme Cagliostro et le comte de Saint-Germain.
36:24 Casanova explique être l'inventeur de la loterie royale et avoir assisté, entre deux
36:29 galanteries et en place de grève, à l'atroce écartèlement du régicide d'Amiens.
36:35 Casanova rencontra Goethe, Mozart et son librettiste d'Apontée, visite à la cour
36:40 de Frédéric II de Prusse à Berlin et Catherine la Grande à Pétersbourg.
36:44 Il se bâtit en duel, fut sur le point de devenir l'amant de sa fille et j'en passe.
36:50 3500 pages qui prouvent que oui, définitivement oui, Jacques Casanova de Saint-Galles a raison
36:57 de se croire un homme libre.
36:59 Oui, oui, Mathias Henart, vos inquiétudes sont à ré-écouter sur franceculture.fr et
37:04 sur l'appli Radio France.
37:05 Il est l'heure de dire un grand merci à toute l'équipe du Book Club, Oriane Delacroix,
37:09 Zora Vignes, Jeanne Agrappard, Didier Pinault et Alexandra Lale-Bégovitch.
37:12 Colin Gruel réalise cette émission et la prise de son ce midi.
37:16 Dali, yaaah ! On se retrouve évidemment tout le week-end sur le compte Instagram du Book Club.
37:20 Et on termine avec l'épilogue du jour.
37:22 Figurez-vous que dans le Tennessee en 1989, son petit chiot mange le manuscrit.
37:30 Ça pose tout de suite le conflit moral qui va se développer tout au long du roman.
37:35 C'est terrible, c'est d'une obscénité.
37:37 Mais qu'est-ce que c'est que ça ? Ça ne se fait pas du tout, ça n'est pas possible.
37:40 C'est en ça qu'il est révolutionnaire, mais au sens américain, pas au sens marxiste.