Rupture amoureuse : le livre comme thérapie

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Transcription
00:00 * Extrait de « Le Book Club » de Nicolas Herbeau *
00:19 Quand l'amour s'éteint, que reste-t-il ? C'est la question que le Book Club se pose ce midi.
00:24 La rupture amoureuse est un thème majeur de la littérature dont se saisissent nos deux
00:29 invités dans des récits personnels et intimes.
00:32 Après l'incompréhension, il faut couper les liens, se défaire en quelque sorte de
00:36 cette rencontre, faire face à la tristesse, parfois grâce à l'humour, faire son deuil,
00:41 sans tomber et éviter la reprise, sans pour autant oublier de reconstruire, de se reconstruire.
00:47 Empruntons ensemble ce chemin du chagrin d'amour, guidé par nos invités avec poésie, philosophie
00:53 et honnêteté, guidé aussi comme tous les vendredis par Pierre Croce.
00:56 Bonjour Pierre.
00:57 Bonjour Nicolas, bonjour à toutes et à tous.
00:58 Je suis le directeur de notre partenaire Babelio.com et accompagné, c'est le principe de cette
01:02 émission, par la communauté du Book Club.
01:04 Ce roman n'est pas du tout un roman de la plainte, mais un roman ouvert sur la recherche
01:10 d'une nouvelle position géographique et même cosmique.
01:14 Délivré tout au long des pages par la voix d'une femme forte, amoureuse, puissante,
01:19 réventée mais aussi sensible.
01:21 * Extrait de « My Dear Lorenzo » de Anne Hathaway *
01:51 Bonjour Linne Papin.
01:53 Bonjour.
01:54 Vous êtes romancière, vous avez publié votre premier roman en 2016 à l'âge de
02:01 21 ans intitulé « L'éveil » qui vous avait valu d'ailleurs le prix de la vocation.
02:06 Depuis, vous avez écrit différents romans et récits qui paraissent aux éditions Stock
02:09 et le dernier.
02:10 En date s'intitule « Après l'amour ». Vous présentez ce livre comme une thérapie
02:14 littéraire contre le chagrin d'amour, une thérapie personnelle j'imagine, et c'est
02:19 ce que j'ai vu évidemment en lisant, mais aussi une sorte de remède, d'accompagnement
02:24 que vous offrez aux lecteurs et aux lectrices.
02:25 Oui, c'est vrai que c'est un livre qui se déroule en fait sur une année environ,
02:32 qui commence l'hiver avec l'image de la banquise et qui va jusqu'à l'été avec
02:38 l'image du désert, du far west.
02:39 Et je l'ai vraiment conçu comme un peu une odyssée des jours après l'amour.
02:44 Voilà, donc de jour à jour, la traversée de cet après l'amour, de ce vide en fait,
02:51 de cet avenir qui est à réinventer, de ce présent qui est à réinventer.
02:54 Et donc c'est vrai que j'ai voulu publier ce livre parce que je me suis dit que durant
02:59 ces moments-là de rupture que l'on a déjà tous vécu une ou plusieurs fois dans nos
03:04 vies, ça pouvait être bien d'avoir un petit livre qu'on pouvait amener sur soi,
03:09 dans lequel on pouvait piocher des poèmes, des fragments et qui pouvait nous accompagner
03:14 pour justement aider à transformer ce chagrin, ce manque, cette solitude en quelque chose.
03:21 Enfin, je dis que j'ai fait de mon chagrin une création comme une sculpture, voilà,
03:26 donc en faire quelque chose en fait.
03:28 Une odyssée qui dure un an dans votre livre, ça veut dire qu'à un moment donné, ça
03:32 s'arrête.
03:33 C'est ça la bonne nouvelle peut-être ?
03:34 Le chagrin ?
03:35 Oui, le chagrin se transforme.
03:36 Et c'est vrai que je pense que c'est un livre qui dit surtout que comme Musset, après
03:43 avoir aimé, il faut sans cesse aimer.
03:44 Donc qu'est-ce qu'on fait de cet amour une fois qu'il s'arrête ?
03:46 Voilà, on le redistribue en fait.
03:49 On le redistribue et donc c'est un livre finalement qui part du chagrin mais qui va
03:54 vers la joie et qui va vers la lumière et vers les choses auxquelles on se raccroche.
03:58 Et c'est vrai qu'on a déjà tous vécu ça mais petit à petit, effectivement,
04:03 le chagrin s'estompe et laisse place.
04:05 En fait, on réinvestit le présent et finalement, on se rend compte qu'on fabrique un nouvel
04:13 avenir même avant de s'en être rendu compte.
04:15 Aliana Gloukova qui est notre seconde invitée.
04:18 Bonjour.
04:19 Vous dites oui de la tête au mot de Linne Papin parce que vous aussi, vous avez écrit
04:23 évidemment sur cette expérience du chagrin d'amour.
04:25 Vous êtes journaliste, traductrice, écrivaine donc et vous publiez votre troisième roman
04:29 que vous avez intitulé "Nos corps lumineux aux éditions verticales".
04:33 Au début donc de votre livre, un peu comme pour Linne Papin, il y a un événement autobiographique,
04:39 c'est la séparation d'avec votre mari Aliana Gloukova.
04:43 Votre mari a cessé de vous aimer, dites-vous, dès la première phrase de votre récit.
04:47 Oui, exactement.
04:48 C'est violent comme ouverture.
04:52 Ça pose quelque chose.
04:55 En fait, pour moi, c'était important de poser comme une sorte de point de repère
05:00 au début de la carte qu'on va dessiner et on ne sait pas du tout ce qui va arriver
05:06 ensuite.
05:07 Mais c'est aussi justement un point de rupture, mais c'est un point où cette rupture,
05:14 où cette ouverture, où cette perte, ça aiguise la perception.
05:20 Il y a une sorte d'acuité, lucidité qui apparaît à ce moment-là.
05:25 C'est pour ça que pour moi, c'était important de commencer dans ce point-là avec cette
05:29 acuité et puis avancer.
05:32 Vous avez dit le mot "carte".
05:34 C'est intéressant, évidemment.
05:35 Il y a plusieurs points sur cette carte dans votre récit, puisque quand votre mari vous
05:41 en a informé, c'était à distance.
05:43 C'était au mois de juillet 2019.
05:45 Votre narratrice raconte qu'elle est dans un café à Minsk, au Belarus, où vous êtes
05:49 née, tandis que lui est à Pau dans l'appartement.
05:53 Et vous vous souvenez de ce détail ? À ce moment-là, le serveur s'approche de vous
05:58 et vous demande de payer parce que le café ferme.
06:00 Vous vous poussez deux fois vers la sortie en quelques instants.
06:04 Je n'ai pas pensé ça.
06:06 Je ne l'ai pas envisagé ainsi.
06:08 Mais justement, pour moi, c'était important aussi de démontrer toute la banalité.
06:12 Le monde continue à tourner.
06:14 Il y a quelque chose qui, chez nous, il y a une rupture, une désorientation totale.
06:21 Il y a à la fois le monde qui continue à tourner.
06:24 Désorientation, puisque vous le rappelez, vous lui demandez.
06:27 Tu es sûre de ce que tu viens de me dire ? Il y a une forme d'incompréhension, quelque
06:32 chose qui ne pouvait pas être possible, qui s'abat sur vous à ce moment-là.
06:36 C'est impossible à comprendre, mais à la fois, justement, le moment de l'écriture,
06:42 ça m'a beaucoup amusée parce qu'il y a une sorte de fragilité ultime.
06:46 Mais à la fois, c'est très drôle à ce moment-là de poser la question à la personne
06:50 qui vient d'avouer son désamour.
06:52 Mais tu es sûre ? En sachant que la réponse sera peut-être pas du tout rassurante.
06:58 Et en même temps, c'est aussi lui redonner la responsabilité de cette rupture en quelque
07:03 sorte.
07:04 Et on comprend bien ce que vous vouliez dire.
07:06 Alors, c'est un point commun entre vos deux livres.
07:08 Chez vous, "Line Papin", "Après l'amour", on va aussi parler d'un récit intime.
07:14 Notre lectrice Solène l'a lu.
07:16 Voici ses impressions de lecture.
07:17 Et elle a aussi une question pour vous.
07:19 J'ai eu un véritable coup de cœur pour ce livre, pour sa douceur, sa révenge et
07:24 les émotions qui en ressortent.
07:25 J'ai surtout aimé le fait qu'il y ait une véritable diversité, une liberté de
07:30 ton délivrée tout au long des pages par la voix d'une femme forte, amoureuse, puissante,
07:36 révengtée, mais aussi sensible.
07:38 Et ce qui fait vraiment sa particularité à mes yeux, c'est que malgré ce côté autobiographique,
07:44 j'ai réussi assez facilement à me retrouver dans certains textes.
07:48 Et je pense qu'il y a une vraie facette d'identification dans ce livre, ce qui fait
07:54 que chacun peut facilement s'y identifier.
07:56 Et c'est ce qui fait sa force.
07:58 En plus du fait que, selon moi, "Line Papin" a vraiment atteint un paroxysme stylistique
08:07 dans ce livre, puisque sa plume vogue entre recherche stylistique, mais aussi volonté
08:13 de faire parler ses émotions et de faire parler son cœur.
08:16 Et c'est vraiment ça qui m'a touchée et qui fait que ça a été un véritable
08:20 coup de cœur.
08:21 Et j'ai d'ailleurs une question pour "Line Papin".
08:25 Qu'est-ce que l'écriture autobiographique vous apporte-t-elle en tant qu'autrice,
08:30 mais aussi en tant qu'individu ?
08:31 Réponse de "Line Papin".
08:34 Je suis très touchée.
08:36 Et réponse, je pense que j'ai écrit des romans.
08:40 J'ai écrit trois romans et puis j'ai écrit aussi des récits, effectivement, un peu plus
08:45 auto-fictionnels.
08:46 Et je pense que c'est le sujet qui impose ça.
08:49 Et c'est vrai que là, le sujet, c'était vraiment la rupture.
08:53 Et comme je pars d'une émotion forte qui est la mienne, je trouvais que de passer par
08:59 un roman et de mettre des masques, une narration, une histoire, des rebondissements, ça nous
09:04 éloignait complètement de la pureté et de la force des émotions.
09:09 Et donc, c'est ce que j'avais fait aussi dans "Une vie possible", comme c'était
09:13 un thème aussi très précis sur le droit des femmes, le corps des femmes.
09:17 En fait, je pense que le travail autobiographique, pour moi en tout cas, dans mon travail, se
09:22 justifie par le thème et le fait que j'ai envie dans ces moments-là de travailler avec
09:28 l'émotion comme matériau pur, sans passer par de l'artifice, en fait, des artifices.
09:35 C'est une autobiographie.
09:36 Vous ne citez pas le nom de votre ex-mari.
09:38 Pour quelle raison ? Pour le laisser sur le bord du chemin, justement ?
09:41 Ce n'est pas une autobiographie exactement, puisque ça part évidemment de ce qui est
09:47 réel, mais en fait, ce sont des fragments, ce sont des poèmes surtout.
09:50 Et donc, dans la poésie, ce qui m'intéresse, c'est d'aller vers l'universel.
09:54 Et comme le texte est aussi avec des fragments de prose et puis des sortes de quantiques,
10:02 d'élégies à l'être aimé, mais l'être aimé peut être n'importe qui.
10:06 Et c'est à ce moment-là que le lecteur entre dans le livre et l'investit.
10:10 Donc c'est vrai que ce n'est pas tellement une autobiographie en tant que telle, mais
10:13 plutôt vraiment un livre sur la rupture en tant que telle, pour le coup.
10:17 Vous dites que la séparation avec votre mari vous a laissé un amour de veuve, un amour
10:22 sans accuser de réception, sans numéro, sans nom.
10:25 C'est la fin de la communication.
10:27 Oui, je voulais vraiment décrire en fait ce phénomène où, quand on est ensemble
10:32 et qu'on s'aime, on forme une sorte d'hydre à deux têtes.
10:35 Et donc on est tout le temps, les corps sont présents, le dialogue est présent, même
10:41 en pensée.
10:42 Et c'est vrai que ce que je trouve violent dans une rupture, c'est qu'on est effectivement
10:46 face à une sorte de deuil puisqu'on fait le deuil de cette double créature.
10:53 Et on devient seul.
10:54 Et du coup, même les pensées…
10:56 Je voulais décrire du coup cette solitude.
10:59 Aljona Glukova, vous aussi dans votre livre, il y a l'ami de votre narratrice qui arrive
11:04 après ce coup de fil, une demi-heure après, et qui vous dit "la géométrie des histoires
11:08 amoureuses est désaccordée.
11:09 On coïncide, mais pour de brefs instants et on ne sait plus comment se rencontrer".
11:14 Et vous parlez d'un terme qui est très beau, qui fait aussi un peu peur parfois,
11:19 c'est de défaire la rencontre, de ce "desencontro" comme on dit en portugais, avec mon incroyable
11:25 accent.
11:26 C'est une idée de décalage, de désaccord.
11:27 Et ça, ça m'a beaucoup intéressé.
11:29 Oui, justement, le mot "desencontre", ça ne signifie pas exactement de la dérencontre.
11:35 Mais justement, je me suis posé la question sur toute la stratégie possible ou toutes
11:43 les actions à faire, le rituel à réaliser pour défaire les relations.
11:49 Parce que très souvent, on a beaucoup de rituels, beaucoup de façons d'accompagner
11:53 l'union amoureuse, mais on n'a pas du tout ce genre d'action, de rituel pour accompagner
12:02 la séparation.
12:03 Et je me suis dit, comment ça se passe, cet éloignement ? Est-ce qu'il est progressif ?
12:08 Est-ce qu'on change peu à peu le prénom de celui qu'on a aimé dans nos téléphones ?
12:12 Comment faire tout ça ?
12:15 Le téléphone, c'est intéressant.
12:17 On parlait de communication.
12:18 Il y a un instant, c'est un des liens aussi très importants entre deux êtres dans une
12:22 relation amoureuse.
12:23 Oui, bien sûr.
12:24 Et c'est vrai que ça me parle les rituels et tout, parce que moi, j'ai voulu aussi
12:28 mettre toute cette dimension un peu fantasmagorique dans le livre, un peu de tout ce qui est gris-gris,
12:33 porte-bonheur.
12:34 Et c'est vrai que le livre est illustré par Inès Longevial qui a mis en avant justement
12:39 tous ces baleines, ces chevaux.
12:42 C'est comme si en fait, l'imaginaire venait remplacer l'absence.
12:48 Je pense que dans nos deux livres, il y a cette chose commune de tout ce à quoi on
12:53 se raccroche à la fois dans la vie réelle, dans les petits détails du quotidien et à
12:57 la fois dans l'imaginaire pour faire ce chemin du désamour et de la rupture.
13:03 Il y a aussi beaucoup de métaphores dans votre livre, Aljona Gloukova, par exemple
13:08 celle de la rupture de l'unité dont on parle il y a un instant.
13:13 Cet élément hétérogène qui renvoie à un autre contexte que le contexte présent
13:17 comme le lit votre narratrice chez Blumenberg.
13:21 Et puis pour en revenir à ce téléphone, il y a cette scène où la narratrice lui
13:27 écrit un message "désembrasse-moi s'il te plaît".
13:31 Est-ce qu'elle lui envoie ?
13:32 - Elle ne l'envoie pas, je crois.
13:36 Mais c'est vraiment une sorte d'appel, le contraint d'appel "viens vers moi".
13:41 Est-ce qu'on peut refaire vraiment le même chemin mais à l'envers ?
13:47 - Alors il y a des métaphores, évidemment, des illustrations aussi.
13:52 Vous l'avez dit Pierre Croce et ça n'a pas échappé dans le livre de Linn-Papin au
13:56 lecteur de Babelio.
13:57 - Oui tout à fait, vous en avez un peu parlé des fragments.
13:59 Je vais vous citer une critique, un extrait d'une critique.
14:02 "En écrivant ce livre ponctué de poésie, de réflexion, de sensation et d'émotion
14:05 décuplées, Linn-Papin ose se dévoiler, il nous donne à voir le revers de l'amour,
14:09 le verso, l'envers du décor, l'autre côté, les coulisses, la vie d'après."
14:12 Je reviens sur la première partie de cette critique pour vous poser peut-être une question.
14:15 Pourquoi cette diversité de formes d'écriture pour rendre compte de la rupture ?
14:21 Est-ce qu'elle s'est imposée d'emblée ?
14:22 - Elle s'est imposée d'emblée dans le sens où j'ai commencé à écrire dans un
14:26 carnet un peu.
14:27 La forme fragmentaire était là dans mon carnet.
14:30 Et en fait je pense que les fragments, cette forme illustrait le fond du propos dans le
14:35 sens où après une rupture, tout est fragmenté.
14:38 Donc à la fois le cœur, puisque on dit ramasser la petite cuillère, c'est vrai que le cœur
14:41 est fragmenté, l'espace est fragmenté, il y a séparation, séparation des affaires,
14:46 des appartements, de tout ça.
14:48 Et puis l'avenir est fragmenté aussi parce que quand on est avec quelqu'un, l'avenir
14:51 est dessiné, rêvé et puis quand le couple s'arrête, on se retrouve avec cet avenir
14:57 qui est complètement fragmenté.
14:58 Et donc je pense que sans vraiment l'avoir fait exprès, cette forme s'est imposée
15:04 à moi.
15:05 Et j'ai voulu, les poèmes sont arrivés aussi très vite comme des sortes de chants
15:09 du signe en fait, de chants d'au revoir.
15:12 Et voilà.
15:14 - Vous parlez dans votre livre, Linne Papin, de notre époque.
15:19 Vous dites "notre époque a le visage du désamour, de ceux que plus personne n'aime".
15:24 Il y a aussi peut-être cette façon d'être pointé du doigt quand on subit cette rupture.
15:30 C'est-à-dire qu'on se sent coupable en quelque sorte.
15:33 On se dit que c'est notre faute et qu'en même temps on n'a pas le droit de se plaindre
15:37 parce qu'il se passe plein d'autres choses dans le monde, peut-être beaucoup plus grave
15:41 aussi.
15:42 Et ce sentiment-là, on est un peu désabusé face à ça.
15:45 - Oui et puis je pense qu'il y a aussi l'effet d'un coup d'être jeté au monde.
15:49 C'est-à-dire que quand on est en couple, on est quand même dans une bulle.
15:51 On est quand même protégé quelque part.
15:53 Et quand on se retrouve seul après une rupture, d'un coup c'est comme si on revenait dans
15:58 un film qu'on avait quitté.
15:59 On se dit "ah ok, donc c'est ça mon époque".
16:01 On trouve une nouvelle identité et on essaye d'être dans le monde avec cette nouvelle
16:08 identité.
16:09 Et donc c'est vrai que comme le livre se déroule sur un an, il y a aussi des fragments
16:12 sur notre époque pendant cette année.
16:14 Et c'est vrai que notre époque aujourd'hui est compliquée.
16:17 Donc j'ai voulu écrire un peu sur cette nouvelle identité dans notre époque.
16:25 - Vous parlez de la guerre, du réchauffement climatique, du prix de l'essence qui augmente,
16:29 du chômage, de la vie, comme on disait tout à l'heure, de la vie qui continue autour
16:32 de nous à Lyon-à-Gloukova.
16:34 Vous avez vous aussi ce sentiment de culpabilité quelque part, en tout cas cette première
16:40 phase peut-être, après la rupture, de se dire "peut-être c'est ma faute, qu'est-ce
16:46 que j'ai fait, comment est-ce que j'en suis arrivé là ?"
16:48 - Je ne suis pas sûre que c'est une sensation de culpabilité, mais j'aime bien cette image
16:53 d'être jetée, comme si on est jeté dans le lac.
16:56 Mais justement, étrangement ou d'une manière paradoxale, je me sentais beaucoup plus incluse
17:02 dans le monde et beaucoup plus ouverte pour que le monde me traverse qu'avant.
17:08 Du coup, le monde me concernait davantage.
17:12 - Et il y a dans votre livre d'ailleurs des références philosophiques.
17:16 On va écouter Aline qui a lu "Nos corps lumineux" d'Aliona Gloukova et voici ce
17:22 qu'elle en a retenu.
17:23 - J'ai été très touchée par le roman "Nos corps lumineux" parce que c'est un roman
17:31 qui parle de la fin d'une histoire d'amour de façon originale.
17:34 Souvent les auteurs mettent l'accent sur le temps, le temps de la douleur amoureuse,
17:43 le temps du deuil, de l'amour, le temps de la reconstruction.
17:46 Or, Aliona Gloukova nous parle beaucoup d'espace, elle parle de géographie, il y a pas mal
17:52 de vadrouilles si je puis dire dans ce roman.
17:55 La narratrice se déplace beaucoup, elle change d'appartement, de ville, mais aussi d'espace
18:01 au sens d'univers, d'espace céleste, comme une recherche de sa nouvelle position,
18:07 celle de femme désormais seule, un nouvel état qu'elle doit s'approprier.
18:12 Aussi, ce roman n'est pas du tout un roman de la plainte, mais un roman ouvert sur la
18:18 recherche d'une nouvelle position géographique et même cosmique.
18:22 J'ai une petite question pour l'autrice, est-ce que l'écriture est aussi une façon
18:28 de se fixer quelque part, de trouver des coordonnées spatiales dans la vie qui est parfois chaotique ?
18:36 Merci beaucoup Aline pour ce retour à cette question, c'est une très bonne question.
18:44 J'ai l'impression que l'écriture, acte d'écriture, ça permet de s'ancrer quelque part.
18:52 Dans mon cas, ça s'est passé d'une manière vraiment très concrète.
18:56 À un moment donné, je commençais à me réveiller à 4h du matin, puisque j'avais un état
19:00 un peu alerte, un peu trop lucide, trop ouverte.
19:05 C'est à ce moment-là que j'écrivais ce texte.
19:09 Tout le matin, je me réveillais à 3h, à 4h, à 5h, et je me mettais à écrire.
19:15 Je m'imaginais une personne qui serait moi, quelque part, peut-être un peu moins entamée.
19:26 Et à partir de la position de cette personne, je l'écrivais tous les jours.
19:31 Du coup, cette pratique quotidienne, malgré tous les déplacements, ça me permettait de s'ancrer.
19:38 - Votre narratrice, Ayuna Glukova, elle parle même d'une sorte de suspension du savoir.
19:44 Elle fait référence à quelque chose de très philosophique.
19:47 C'est la phénoménologie.
19:49 Je ne vais pas y réussir à le dire, je vous préviens tout de suite.
19:52 Je vais me concentrer un petit moment.
19:54 La phénoménologie, pardon.
19:57 - Phénoménologie.
19:58 - Nous y sommes.
19:59 Pourquoi se référer à cette notion-là ?
20:03 - Déjà, je me suis beaucoup amusée à me référer à pas mal de philosophes, mais
20:09 d'une façon pas du tout académique.
20:10 C'est presque utiliser les citations de philosophes comme si c'était des plantes médicales qu'on
20:15 met sur les plaies.
20:17 Et après, cette histoire de phénoménologie, c'est vraiment de regarder le monde tel qu'il
20:22 est, de regarder le phénomène tel qu'il est, en mettant derrière les parenthèses
20:27 tous les savoirs scientifiques.
20:29 Il y a une sorte de rapport au monde, vraiment peau à peau.
20:34 Je ne sais pas si c'est possible, mais c'est ça ce que j'ai cherché.
20:37 Et c'est ça ce qui m'est arrivé, vu mon état.
20:41 - Physique aussi, parce qu'il y a aussi évidemment des réactions physiques aussi.
20:48 La phénoménologie, c'est aussi la mère de votre narratrice qui lui explique ce que
20:55 ça permet d'observer notre conscience, puisque sa caractéristique principale, c'est d'être
21:01 toujours une conscience de quelque chose.
21:03 Et elle dit toute conscience, c'est conscience de quelque chose.
21:05 C'est ce que disent d'ailleurs les philosophes que vous citez, Husserl et Heidegger.
21:10 Est-ce que c'est possible, avec l'amour, d'utiliser ces références-là, cette notion
21:16 de conscience ? Est-ce qu'on y arrive face à l'amour ?
21:19 - Bonne question.
21:21 Je ne sais pas comment vous répondre, mais j'ai beaucoup aimé justement d'essayer
21:29 d'adopter cette posture de chercheuse.
21:31 Justement, étant le sujet très impacté par l'amour et par tout ce qui se passe autour,
21:40 mais essayer de chercher là-dedans, de se demander qu'est-ce que ça peut me donner,
21:45 expérimenter, expliquer.
21:47 Et c'est cette posture-là de recherche qui m'intéressait beaucoup.
21:51 - Vous citez aussi Emmanuel Lévinas, l'auteur de Totalité et Infini.
21:56 Lévinas qui dit aussi dans Énigmes et Phénomènes, cette fois-ci, que les grandes expériences
22:00 de notre vie n'ont jamais été à proprement parler vécues.
22:03 Et Linne Papin, il y a une phrase qui s'adresse, que vous prononcez dans le livre, c'est "tu
22:11 n'as pas vécu".
22:12 Alors justement, il y a aussi des choses un peu, comment dire, désincarnées en quelque
22:18 sorte dans votre récit.
22:21 Vous dites que votre histoire était en vérité terminée depuis des mois, même si vous entreteniez
22:26 une sorte de liaison post-mortem.
22:28 - Oui, je pense que justement c'est tout le chemin du deuil.
22:34 On parle d'étape du deuil, de passer par ces sentiments et ces émotions diverses.
22:40 C'est vrai que le livre navigue en quelque sorte entre des moments sur le manque, sur
22:47 l'obsession, sur la colère, sur la tristesse.
22:50 C'est un peu toutes les émotions par lesquelles on passe.
22:53 Mais moi je pense que l'amour qu'on a vécu, on l'a vécu justement.
23:00 Et que même s'il s'en va, on l'a vécu.
23:03 Et donc ça devient notre force et on garde au moins ces souvenirs.
23:08 Et c'est vrai que ce n'est pas un échec, c'est déjà une chance de l'avoir vécu.
23:13 - Et nous poursuivons notre discussion dans le Book Club sur les chagrins d'amour, les
23:25 ruptures avec Aljona Groukova qui publie nos cœurs lumineux aux éditions Verticale
23:29 et avec Linn Papin après l'amour chez Stock.
23:32 Je me tourne vers vous Pierre Croce puisque des livres de ruptures, évidemment, il y
23:35 en a eu avant et il y en a des très populaires sur babylio.com.
23:39 - Oui il y a heureusement ou malheureusement beaucoup de livres qui ont pour thème la
23:43 rupture.
23:44 J'aimerais revenir sur l'un d'entre eux qui a de nombreux lecteurs et de lectrices
23:46 sur Babylio.
23:47 Donc je pense à un livre très apprécié de Elena Ferrante, publié avant son Amie
23:51 prodigieuse qui l'a rendu mondialement célèbre, c'est "Les jours de mon abandon".
23:54 On entre dans la tête d'Olga, une italienne dont le mari vient de lui annoncer qu'il
23:58 la quitte.
23:59 C'est le seul qui se dérobe presque littéralement sous ses pieds, sous les pieds d'Olga qui
24:03 a deux doigts de sombrer dans la folie.
24:05 Je vais vous citer une critique d'un lecteur ou d'une lectrice.
24:08 "Olga analyse son couple, ses sentiments, remonte le fil, cherche à comprendre et finit
24:12 par réaliser qu'il n'y a rien à comprendre.
24:13 Que la vie suit son cours, que les gens qui s'aiment peuvent ne plus s'aimer, qu'elle
24:17 reste entière et finalement beaucoup plus libre et beaucoup plus forte que son mari
24:20 qui n'a pas eu à traverser ce long désert."
24:22 C'est une question que j'aurais un peu envie de vous poser à toutes les deux.
24:25 La position de l'être quittée, elle peut, à certains égards, être plus enviable que
24:30 celle de la personne qui quitte ?
24:32 Est-ce que c'est plus facile d'être quittée que de quitter, Linne Papin ?
24:36 - Au fond, les deux sont quittés et les deux se quittent surtout, je pense.
24:38 C'est vrai qu'on peut toujours dire "ah non, c'est toi qui m'as..."
24:42 Mais en fait, au final, l'amour, c'est...
24:44 Enfin, j'ai un fragment d'ailleurs dans le livre à ce sujet, mais c'est comme un astre,
24:49 c'est comme quelque chose de biologique, d'organique et il naît avant qu'on ne le veuille ou
24:54 malgré nous et il meurt aussi malgré nous, en quelque sorte.
24:57 Donc je pense pas que...
24:58 En tout cas, le vrai grand amour, je pense qu'on se quitte à deux et qu'on se...
25:03 Je pense pas qu'il y en ait un qui est plus quitté que l'autre.
25:06 - Aliéna Gloukova, vous pensez la même chose ?
25:08 - Oui, je suis bien d'accord avec ça.
25:10 C'est sûr qu'on est tous les deux quittés et on quitte tous les deux et puis qu'à
25:16 la fois, l'amour ne cesse pas parce qu'il avance quelque part, mais en dehors de cette
25:21 relation.
25:22 - On parlait des livres de rupture il y a un instant.
25:28 À l'inverse, Linne Papin, votre narratrice, elle a envie de lire un très grand roman
25:32 d'amour, un des plus grands romans du XXe siècle, la Modification de Michel Buthorz
25:36 et peu à peu, elle dit qu'elle ne veut pas subir cette rupture, qu'elle veut la maîtriser
25:42 et la vivre.
25:43 C'est le moment où on se relève ?
25:45 - En tout cas, c'est, on va dire, traverser le chagrin les yeux grands ouverts.
25:51 C'est vrai que c'est l'idée de ne pas subir la chose, mais le fait d'écrire déjà,
25:56 je pense, ça nous donne une certaine conscience de toutes les micro-sensations, de toutes
26:02 les petites choses qui se passent à ce moment-là.
26:04 C'est vrai que moi, je me suis dit, en fait, cette étape de rupture est intéressante
26:10 parce que déjà, le mot rupture, les ruptures dans l'existence, il y en a plein et de
26:14 mille manières.
26:15 Et donc là, c'est une rupture d'amour, mais je me suis dit, c'est intéressant, donc
26:20 écrivons pour un peu analyser ça, un peu comprendre ça.
26:26 Il y avait un très beau livre d'ailleurs de Claire Marin qui s'appelle "Rupture" qui
26:29 m'a beaucoup parlé.
26:31 Et c'est vrai que, en fait, je me suis dit, pourquoi en faire un temps mort ? Pourquoi
26:35 ne pas en faire un temps de vie au final ?
26:36 - La fin de quelque chose et le début de quelque chose d'autre, du coup, Aljona Glukova,
26:41 c'est la reprise, par exemple, le titre d'un célèbre livre de Kierkegaard, qui est aussi
26:46 au programme de votre livre, quand votre mère explique à votre narratrice que l'auteur
26:53 a écrit la reprise après s'être séparé de Régine.
26:55 Donc, après l'amour, là aussi.
26:57 - Oui, j'aime bien justement cette histoire de la rupture qui n'est pas une parenthèse
27:04 de la vie, mais qui reste la vie.
27:08 Parce qu'il y a cette rupture, il y a cette ouverture par laquelle la vie passe.
27:12 Et oui, cette histoire de la reprise, c'était un des rituels possibles.
27:21 Ce livre m'a permis, ou permet à la narratrice, des rituels possibles pour retrouver le sens
27:27 dans la répétition de certaines choses quotidiennes.
27:30 - Ce n'est pas la reprise de l'amour, en tout cas, pas la reprise de la relation qui
27:34 vient de s'interrompre.
27:35 - Non.
27:36 C'est plus la reprise de soi, ou la reprise du sens, la reprise de l'être.
27:41 Parce que chez Kief Heegaars, ce qui est très intéressant, il dit que le nouveau peut
27:46 arriver dans la répétition du même.
27:48 Et j'ai trouvé cette idée vraiment très...
27:52 - Très intéressante.
27:54 Et ça me fait me tourner vers Linne Papin, puisque le nouveau, c'est la répétition
27:59 du même.
28:00 Votre narratrice se retourne vers l'un de ses amants de ses 18 ans, justement, qui
28:05 refait surface à ce moment où il y a justement quelque chose de nouveau qui crée et qui
28:12 redémarre, c'est ça ?
28:13 - Oui, ça c'est vrai que...
28:16 Au final, ce qui est assez extraordinaire, je trouve, dans la vie, c'est que parfois
28:20 on a l'impression que la vie est linéaire et qu'on avance comme ça.
28:23 Alors qu'en fait, il est possible qu'elle soit cyclique aussi.
28:26 Et parfois, ce qu'on pensait avoir laissé derrière revient.
28:30 Ce que j'ai voulu illustrer en inventant ce passage, c'est que finalement...
28:35 Enfin, je reviens sur une rupture précédente.
28:39 Est-ce que le résidu d'une rupture ne réapparaît pas dans une autre rupture ?
28:46 C'est les ruptures en poupée russe.
28:48 - En poupée russe et en cycle.
28:50 On a bien compris.
28:51 Alors dans vos récits, il y a aussi le confinement, notamment chez vous, à Lyonnais-Gloukova,
28:57 période du premier confinement qui a fait beaucoup de dégâts dans les couples.
29:01 C'est pour ça d'ailleurs que votre narratrice enregistre tout ce qu'elle pense sur son
29:07 téléphone qui est devenu, pendant le confinement et même peut-être plus généralement, le
29:11 compagnon de chacun.
29:12 - Oui, c'est une sorte de journal sonore.
29:17 Justement, en fait, comme je parlais de ce point de cessation de l'amour comme le point
29:23 de départ, ces petites notes faites avec la voix, ce sont un petit peu les notes de
29:30 repère où je suis en fait.
29:32 C'est quoi le point.
29:33 Et chaque fois, parfois c'est une citation, parfois c'est une idée partagée par un ami,
29:40 parfois c'est une autre chose.
29:41 On prend tout ce qu'on a sous la main, un oiseau qui passe, et on fait avec ça un point
29:46 de repère.
29:47 - Il y a beaucoup de voyages dans votre récit aussi.
29:51 On passe de Minsk à Pau, Bayonne, Paris, Saint-Denis-la-Savoie d'ailleurs où la narratrice
29:57 est confinée et elle dit avoir besoin d'une ligne de démarcation.
30:01 Ça veut dire quoi ?
30:02 Ça veut dire qu'il faut changer ses habitudes, mettre des barrières, créer des nouveaux
30:08 repères.
30:09 C'est ça l'idée ?
30:10 - C'était ça, mais aussi, la narratrice a besoin de quelque chose.
30:13 Parce qu'en fait, justement, quand il y a une rupture, séparation, il n'y a pas,
30:17 étrangement, le point de la fin où tout se termine.
30:22 Du coup, c'est presque à l'intérieur de nous de chercher où est-ce que ça continue,
30:27 d'où je pars.
30:28 Parfois, on a envie des marqueurs.
30:31 Comme on n'a pas des rituels qui auraient pu accompagner ça, il faut réinventer ces
30:38 lignes de rupture où ce point où on se dit à partir de là, il y a peut-être quelque
30:43 chose, une bifurcation, un cycle.
30:45 - Pierre Croce, "Nos corps lumineux" a aussi été lu par les lecteurs de Babelio.
30:51 - Oui, j'aimerais partager une critique.
30:53 Aliona enchante le lecteur, l'aménant à réfléchir sur la fragilité des identités,
30:57 une instabilité paradoxalement féconde, avant de nous inviter à retrouver notre forêt
31:01 et si nous n'étions les uns pour les autres que des corps lumineux de passage.
31:04 Je reviens, Aliona, sur cette instabilité féconde.
31:07 Vous trouvez-vous, en tant que femme et autrice, de l'inspiration, de la créativité, dans
31:12 ces moments d'instabilité, de rupture, que chacun peut vivre ?
31:15 - Oui, je trouve que, comme j'en ai parlé un petit peu au début, ça se fait un état
31:22 d'acuité vraiment assez particulier, de lucidité assez particulière.
31:26 C'est aussi le moment où on cherche davantage le sens partout.
31:29 Et j'ai l'impression que c'est aussi, on cherche les liens et le monde nous répond
31:34 davantage.
31:35 C'est pour ça que je trouve que ces états d'ouverture, de rupture, peuvent être vraiment
31:42 très riches, étrangement.
31:44 - Votre narratrice dit étudier son corps en déséquilibre, pousser ses limites.
31:49 Je veux sentir jusqu'où je pourrais aller.
31:51 Il y a aussi quelque chose de très physique, on l'a un peu dit tout à l'heure, chez vous
31:56 aussi, Lynn Papam, parce qu'il y a sans cesse ce questionnement de la chute, de chuter.
32:00 Comment est-ce qu'on s'empêche de chuter, de retrouver une forme d'équilibre ?
32:05 - Oui, c'est vrai qu'il y a cette dimension physique.
32:10 Je pense d'ailleurs qu'on m'avait dit qu'il y avait un mot japonais pour décrire justement
32:17 le fait que la rupture faisait des cicatrices, mais physiques en fait, sur le cœur.
32:24 Et c'est vrai qu'il y a toute cette dimension.
32:26 D'ailleurs, on se bloque le genou, on se bloque le dos.
32:29 Il y a quand même toute une dimension qui est presque de l'ordre de la maladie physique.
32:33 Donc j'ai voulu illustrer aussi dans le texte toute cette dimension-là.
32:40 Et c'est vrai que c'est un équilibre, je parlais d'odyssée, de bateau, de naufrage,
32:46 mais un peu ce truc de rester debout malgré la tempête.
32:51 Et puis parfois il y a des éclaircies aussi.
32:53 C'est vrai que c'est un chemin qui est long.
32:55 Et il y a des jours où le soleil se lève et on se dit "ça y est, je respire, tout
33:00 va bien".
33:01 Et puis en fait, on n'est pas à l'abri une semaine plus tard de replonger dans une
33:04 tristesse.
33:05 Et donc c'est vraiment un chemin à traverser, il me semble.
33:08 Et on imagine que ces deux livres, ceux que vous avez écrits, chacune vous ont aidé
33:14 à traverser évidemment ce moment et que peut-être il y a eu une forme de libération aussi
33:19 au point final que vous avez noté dans ce livre "L'Invapin après l'amour" qui
33:25 paraît aux éditions Stock.
33:26 Merci beaucoup d'être venu dans le Book Club et d'échanger avec Aljona Glukova.
33:30 Merci d'être venu nos corps lumineux publiés aux éditions Vertical.
33:34 Merci Pierre Croce de nous avoir accompagné comme tous les vendredis de notre partenaire
33:39 Babelio.com
33:40 *Générique*
33:51 Tout le monde conviendra facilement que Gabriel Garcia Marquez, prix Nobel de littérature
33:56 en 1982, est l'un des auteurs les plus importants du XXe siècle et pas exclusivement pour la
34:01 Colombie, l'Amérique latine ou la langue espagnole.
34:03 Il y a dans l'immense succès des livres de Gabriel Garcia Marquez un phénomène
34:08 universel et absolument passionnant.
34:11 Son roman le plus célèbre et célébré "Cent ans de solitude" débute ainsi par
34:17 un des inquipites les plus fameux de tous les temps traduit pour les éditions du Seuil
34:21 en 1968 par Claude et Carmen Durand.
34:24 Bien des années plus tard, face au peloton d'exécution, le colonel Aureliano Buendia
34:30 devait se rappeler ce lointain après-midi au cours duquel son père l'emmena faire
34:35 connaissance avec la glace.
34:37 Le roman s'ouvre par un habile retour en arrière alors qu'Aureliano Buendia est
34:43 sur le point d'être exécuté.
34:44 Le lecteur ignore bien sûr encore qu'Aureliano Buendia a participé à 32 guerres civiles
34:50 et enfanté 17 petits Aurelianos avec 17 femmes différentes, des femmes qui viennent à lui
34:56 pour perpétuer la race des guerriers.
34:58 Le lecteur va comprendre petit à petit que ce si fameux inquipite ne ment pas et même
35:04 qu'il donne les clés du roman comme quelqu'un vous tend le mode d'emploi d'une machine
35:09 complexe pour que vous sachiez vous en servir.
35:12 Il est question d'un centant de solitude, de temps, de guerres civiles et de peintes
35:18 glaces.
35:19 Le temps y est presque circulaire, biblique, prophétique.
35:23 Les guerres reviennent comme les fruits dans les arbres, cycliquement.
35:27 Les prodiges et les prénoms aussi.
35:29 Les prodiges, ce sont les gitans qui les apportent.
35:33 La longue vue et le miroir, les peintes glaces, chaque année au printemps, avec fifres et
35:38 trompettes.
35:39 Les gitans s'installent à la lisière du village de Macondo.
35:42 Macondo est une contrée magique sur laquelle l'histoire ne semble pas vraiment avoir
35:49 de prise et qui reflète pourtant, d'une façon bien particulière, l'histoire de
35:53 la Colombie.
35:54 C'est ce coup de génie qu'on a appelé réalisme magique.
35:58 Dans Cent ans de solitude, les éléments fantastiques ne plongent pas les personnages
36:03 dans l'imperplexité.
36:04 Bien au contraire, ceux-ci les acceptent tout naturellement.
36:07 Comme si c'était nous, les lecteurs, qui étions d'incrédules créatures du futur
36:12 qui avaient perdu tout sens du merveilleux.
36:14 Dès le début du roman, dans les temps des origines des origines, pourrait-on dire, où
36:20 le géant Melquiades, prophète de séparage, n'était pas encore mort de fièvre dans
36:25 les hauts fonds de Singapour, avant que la maladie de l'oubli ne fasse des ravages et
36:30 n'oblige Melquiades lui-même à revenir pour ainsi dire de chez les morts afin d'en
36:34 sauver le village ? A peine le récit de Cent ans de solitude mis en route, donc, dans
36:40 les familles Buendia.
36:41 Dès le début du roman, les prodiges s'accumulent sous les yeux ébaubis des lecteurs et continuent
36:48 à le faire pendant six ou sept générations d'habitants.
36:51 Mathias Senar et ses inquipitards à écouter sur franceculture.fr et sur l'application
36:56 Radio France.
36:57 Un grand merci à toute l'équipe du Book Club, émission préparée par Oriane Delacroix,
37:00 Zora Vignier, Jeanna Grappard, Didier Pinault et Alexandra Labegovitch.
37:04 Merci à toute l'équipe.
37:05 Donc Sam Backyast réalise cette émission ce midi et à la prise de son, c'est Jordan
37:11 Fuentes.
37:12 On termine comme tous les jours cette émission avec l'épilogue.
37:15 L'amour qu'on a vécu, on l'a vécu justement.
37:17 Un méta derrière les parenthèses tous les savoirs scientifiques.
37:21 Il y a des fragments de prose et puis des sortes de quantiques, des légis.
37:24 Après une rupture, tout est fragmenté, traversé le chagrin, les yeux grand ouverts.
37:29 Le monde continue à tourner.

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