Clément Beaune, ministre délégué chargé des Transports, était lundi 20 mars l’invité du 8h30 franceinfo.
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00:00 Le gouvernement affronte donc cet après-midi deux motions de censure à l'Assemblée nationale.
00:03 Serez-vous encore ministre tout à l'heure ?
00:05 Écoutez, je l'espère. Vous savez que vous êtes ministre, il faut assumer une forme d'humilité.
00:11 Vous êtes préparé à tous les cas de figure, y compris celui-là ?
00:15 Mais mon sort personnel n'a pas grand intérêt. Je vais être très clair.
00:18 Moi, je pense que la motion de censure ne sera pas votée.
00:21 Je souhaite évidemment qu'elle ne soit pas votée.
00:23 Les motions de censure, pour être précis, même s'il y a une grande confusion
00:26 entre les partis qui s'y associent de manière peu claire et peu cohérente sur le plan politique,
00:30 c'est le moins qu'on puisse dire.
00:31 Et je pense et je souhaite que le gouvernement va continuer à travailler sous l'autorité d'Elisabeth Borne.
00:36 Vous êtes encore confiant quand vous entendez, malgré tout, ce matin, Aurélien Pradié, député Les Républicains,
00:41 dire qu'il la votera, cette motion de censure du groupe Libertés et Territoires ?
00:46 C'est-à-dire que votre avenir dépend de la droite et il y en a certains qui sont prêts à voter pour vous renverser ?
00:53 Nous sommes dans un Parlement où il y a une majorité relative.
00:55 Donc, moi, j'ai été ministre des Affaires européennes,
00:57 j'ai vu comment fonctionnaient beaucoup de démocraties parlementaires en Europe.
01:01 On devrait avoir collectivement cette maturité qui consiste à pouvoir travailler ensemble, texte par texte.
01:05 Malheureusement, on voit bien qu'on ne l'a pas tout à fait.
01:07 Je pense sincèrement que le gouvernement et la majorité gouvernementale ont fait beaucoup d'efforts pour avoir des accords.
01:13 Moi, ça ne me choque pas qu'il y ait des discussions, des négociations.
01:15 C'est ce que font tous les pays européens sur toutes les grandes réformes.
01:18 Ça n'est pas sale, ça n'est pas incohérent.
01:20 Je regrette en revanche que certains, je dis bien certains, dont Aurélien Pradié,
01:24 au sein du groupe Les Républicains, aient abandonné toute forme de cohérence.
01:28 Aurélien Pradié, il est finalement cohérent dans son incohérence.
01:32 Depuis le départ, il veut faire une forme de campagne de notoriété.
01:35 Il veut se mettre en avant. Il veut dire je veux telle ou telle mesure, je veux discuter.
01:40 Ça, pourquoi pas ? On peut discuter dans une démocratie, dans un Parlement.
01:43 Mais on ne sait pas ce qu'il voulait. Qu'est-ce qu'il voulait dans cette réforme ?
01:45 Il a fait beaucoup de demandes. Certaines ont été entendues par le gouvernement, soutenues par d'autres dans son groupe.
01:49 Il ne voulait pas plus de 33 ans pour personne, ce qui n'a pas été appris exactement dans la réforme.
01:54 Son groupe, à l'Assemblée nationale et au Sénat, je pense que c'est le même parti,
01:58 Les Républicains, était largement représenté dans la fameuse commission mixte paritaire,
02:03 a obtenu à sa demande de nouvelles avancées sur la question des carrières longues,
02:06 que je pense d'ailleurs très positives.
02:08 Et je ne l'ai pas entendu dire à la sortie de la CMP. C'est un scandale.
02:12 Bizarrement, trois jours après, en patriote, nous dit-il, il a dû entendre une voix.
02:18 Il nous dit "je vote la motion de censure, je ne soutiens pas le gouvernement".
02:21 Pardon, moi je ne viens pas des Républicains, je ne viens pas de la droite républicaine.
02:25 Mais je suis très inquiet quand je vois certains, je ne mets pas tout le monde dans le même sac,
02:29 au sein de cette droite qui a une tradition de gouvernement et de responsabilité,
02:34 juger uniquement sur des critères personnels ses décisions politiques.
02:38 Qu'est-ce qui se passera pour les députés, les Républicains, qui tout à l'heure vont voter la censure du gouvernement ?
02:43 Qu'est-ce que vous leur dites ? C'est un aller sans retour.
02:45 Vous serez dans l'opposition jusqu'à la fin du quinquennat.
02:48 Par exemple, on ne négociera pas avec vous pour les futurs textes,
02:51 par exemple pour la loi sur l'immigration qui va arriver dans quelques semaines.
02:54 Je ne suis pas leur chef, je ne suis pas leur responsable de parti.
02:56 Je leur dis simplement, comme quelqu'un qui ne vient pas de la droite,
02:59 comme un responsable politique qui essaye de chercher un peu de dignité et un peu de cohérence,
03:04 est-ce que vous voulez ajouter de la difficulté à la difficulté ?
03:08 Est-ce que vous voulez jouer l'instabilité ?
03:09 Ce n'est pas seulement un vote sur la réforme des retraites, le 49-3 dans notre pays.
03:15 C'est un processus démocratique, constitutionnel, où on pose une question de gravité.
03:19 C'est-à-dire l'argument c'est "c'est nous, alors le chaos".
03:22 Non, ce n'est pas "nous, alors le chaos", parce qu'on est neuf mois après le début de la législature.
03:26 Il y aura effectivement beaucoup de textes à discuter, tout le monde pourra s'exprimer.
03:29 Moi, je dis aussi, par exemple, à la gauche modérée de gouvernement,
03:32 travaillons ensemble à l'avenir sur un certain nombre de textes.
03:35 Mais le choix qui doit être fait cet après-midi,
03:38 ce n'est pas seulement un choix sur la réforme des retraites.
03:40 Aurélien Pradié a toujours dit qu'il n'aimait pas beaucoup cette réforme des retraites.
03:44 Pourquoi alors s'est-il lancé dans des négociations ?
03:46 Vous lui poserez la question.
03:47 Mais le choix qui doit être fait cet après-midi, c'est "est-ce qu'on veut renverser un gouvernement ?
03:52 Est-ce qu'on veut aller à des élections ou à une période d'instabilité ?"
03:56 Les élections, ce n'est pas une obligation.
03:57 C'est Emmanuel Macron qui a dit "si le 49-3 est adopté, je dissous".
04:02 Mais il peut très bien reconduire les avancées.
04:03 C'est-à-dire que c'est vous qui avez le choix ou pas de convoquer à nouveau les électeurs.
04:07 Une motion de censure, ce n'est pas rien.
04:09 Vous avez raison, il n'y a aucune automaticité dans notre constitution.
04:11 On en a connu des gouvernements, deux, trois, quatre, avec le même premier ministre.
04:14 Le 49-3, c'est arrivé qu'une fois sous la 5e République.
04:16 Donc ce n'est pas quelque chose d'anodin.
04:18 Moi, j'avais compris que quand on était issu des Républicains,
04:21 on pouvait avoir des désaccords avec un gouvernement qui n'est pas de droite,
04:24 qui n'est pas des Républicains.
04:25 Mais on avait, dans les moments de gravité, le 49-3, c'est ça au fond, c'est un choix fort,
04:31 le sens de la stabilité et de la responsabilité.
04:34 C'est ça la question qui est en jeu cet après-midi.
04:36 Et je trouve ça dommage que certains préfèrent être des francs-tireurs
04:39 que des responsables politiques au sens plein du terme.
04:42 Concrètement, pour ceux qui nous écoutent,
04:44 si les motions de censure n'aboutissent pas cet après-midi,
04:46 vous faites passer la réforme des retraites via le 49-3,
04:50 malgré ce qui se passe dans la rue, et c'est terminé ?
04:52 Alors ça, c'est la question politique de fond.
04:54 Non, ce n'est pas circuler, il n'y a rien à voir.
04:56 Il y a des procédures.
04:58 Il va se passer quoi après ?
04:59 Si le 49-3, qui est encore une fois un outil de notre constitution,
05:02 permet l'adoption du texte des retraites conformément à notre loi fondamentale,
05:07 nous aurons cette réforme qui s'appliquera.
05:09 Je crois profondément qu'il faut évidemment entendre les mobilisations.
05:12 Moi, j'ai mené dans le secteur des transports publics
05:14 un dialogue social quotidien sur des sujets comme les conditions de travail,
05:18 comme des congés de fin d'activité, comme les déroulements de carrière
05:21 dans le secteur des routiers, des transports terrestres, etc.
05:23 Je pense que ça nous oblige à en effet avoir un agenda social,
05:27 à travailler sur la future loi emploi et travail du ministre du Travail
05:32 pour que l'emploi des seniors soit revalorisé,
05:34 pour que les inégalités femmes-hommes soient mieux traitées dans l'entreprise.
05:37 Vous pensez que les syndicats vont revenir demain matin ?
05:38 Je n'hésite pas que c'est facile.
05:39 Laurent Berger, ce matin, dans Libération, dit "il y aura un avant et un après".
05:43 Ça va laisser des traces.
05:44 Je suis d'accord qu'il y aura un avant et un après.
05:46 Je suis lucide sur le fait qu'après des mobilisations,
05:48 il y a un moment difficile et il y a un moment en quelque sorte où il faut recoudre.
05:52 Mais est-ce qu'on se regarde les bras croisés en disant "c'est fini, c'est foutu" ?
05:55 Pas du tout, je pense.
05:57 Mais on recoue avec les mêmes.
05:58 Mais on recoue.
05:59 Moi, j'ai rendu hommage, et je le fais encore ce matin, à Laurent Berger en particulier.
06:04 Je ne parlais pas côté syndicat, je parlais côté gouvernement.
06:06 Non mais pardon, côté syndicat, c'est très important.
06:08 Je pense qu'on doit reprendre l'angle, discuter, il y a un désaccord.
06:12 Ça laisse forcément des traces.
06:13 Quand il y a des semaines de mobilisation, on ne va pas être naïf.
06:15 Mais est-ce qu'on a envie de travailler sur le partage de la valeur ?
06:18 Ou les partenaires sociaux ont obtenu un accord très bon,
06:20 y compris pour la période de négociation des retraites.
06:22 - Mais là, vous parlez des textes qui arrivent.
06:23 - Pas que des textes, ce sont des choix fondamentaux.
06:25 Mais il y aura un après, évidemment.
06:27 - Mais avec qui on reconstruit, effectivement ?
06:29 Est-ce qu'il faut garder le même gouvernement ?
06:31 Est-ce qu'il y aura un remaniement ?
06:32 Ou alors vous préférez que le président de la République dissout l'Assemblée ?
06:36 - Ça, c'est une décision qui appartient au seul président de la République.
06:38 Donc je respecte nos institutions aussi à cet égard.
06:41 Moi, je vais vous dire très clairement, je souhaite, pour répondre à votre question,
06:45 qu'Elisabeth Borne conduise le gouvernement, continue à conduire le gouvernement.
06:49 - Elle peut encore rester ?
06:50 - Mais je souhaite qu'elle reste.
06:51 Je pense qu'elle peut et qu'elle doit rester.
06:53 - Elle n'est pas travaillée ?
06:55 - Mais pas du tout, je crois.
06:56 Elisabeth Borne, elle vient de la même sensibilité politique que moi.
06:59 Mais au-delà de ça, c'est une femme du service public.
07:01 C'est une femme d'engagement.
07:02 C'est une femme de détermination.
07:03 Je crois que même ceux qui ne sont pas d'accord avec la réforme des retraites
07:06 reconnaissent qu'elle fait les choses avec la conscience de l'intérêt du pays,
07:09 de la gravité du moment.
07:11 Et je pense que c'est une femme politique, une responsable politique
07:14 dont on a besoin dans les mois qui viennent à la tête du gouvernement de la France.
07:18 Ensuite, ce n'est pas moi qui choisis.
07:19 Je vous dis mon sentiment.
07:20 Je suis à 200 % derrière la première ministre.