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Transcription
00:00 - Allez Nicolas Carreau, le livre du jour, nous partons avec vous au Canada avec un membre
00:05 distingué de l'Académie française.
00:07 - Mais qui n'est pas français, c'est Daniela Ferriere, canado-haïtien.
00:10 Les éditions Ulma ont réédité son premier roman écrit il y a 35 ans.
00:15 Voici la version poche et accrochez-vous pour le titre "Comment faire l'amour avec un nègre
00:19 sans se fatiguer".
00:20 - Alors il n'a pas des problèmes avec les fameux lecteurs sensibles là avec ce titre
00:24 ? - Bah c'était il y a 35 ans, c'était notre
00:26 époque.
00:27 Mais on va y revenir sur ce titre.
00:28 En tout cas le roman est génial.
00:29 Le narrateur est un type un peu désœuvré qui vit à Montréal avec Booba, son colocataire
00:33 à moitié fou qui passe le plus clair de son temps à dormir sur le sofa du petit appartement.
00:37 Le narrateur lui s'est mis en tête d'écrire un livre et ça tombe bien, il vient d'acheter
00:41 une machine à écrire et le vendeur lui a dit qu'elle avait appartenu à Chester Himes,
00:45 le grand écrivain.
00:46 Quand il n'écrit pas, il drague des filles et il passe son temps à faire l'amour.
00:49 Il les appelle par des surnoms, à chaque fois un surnom qui correspond à leur trait de
00:53 caractère et puis il lit.
00:54 Il lit énormément.
00:56 « Joli Reminguet debout, dit-il, bachot en marchant, proust dans un bain, Cervantes
01:00 à l'hôpital, Simenon dans le train, Dante au paradis, Dosto en enfer, Miller dans un
01:04 bar en fumée avec hot dog, frites et coke.
01:07 » Alors je vous raconte ça, on pourrait croire que c'est léger et ça l'est.
01:11 C'est aussi très drôle souvent mais aussi très violent et très cru, très court, tendu
01:15 comme un arc.
01:16 Il y a du Bukowski là-dedans, c'est sale, c'est irrévérencieux et très poétique.
01:21 - Dans quelles conditions Daniel Laferrière a-t-il écrit ce premier roman ?
01:24 - En exil.
01:25 Daniel Laferrière avait quitté Haïti et la dictature et il était à Montréal.
01:28 Il a donné un coup de pied dans la fourmilière, les romans étaient très polissés.
01:31 Il est arrivé avec cet uppercut et sa carrière a immédiatement démarré et son secret c'est
01:36 qu'il s'est pris pour un écrivain.
01:38 Il faut se prendre pour un écrivain, dit-il, pour le devenir.
01:42 - Il y a ce titre aussi, « Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer ? »
01:46 Qu'est-ce qu'il pense, Daniel Laferrière, du débat autour du mot « nègre » qu'il
01:50 emploie dans son titre ?
01:51 - Le mot « maudit », il n'en pense rien.
01:53 - Enfin, le débat actuel ne l'intéresse pas du tout, tout simplement parce que lui
01:56 utilise ce mot à sa façon.
01:58 - Quand je l'emploie, ce n'est pas la même chose que quand un autre l'emploie.
02:01 D'abord pour une raison simple, en Haïti, le mot « nègre » veut dire « homme ».
02:05 Parce que nous avons fait l'indépendance en Haïti, donc la question de la race n'a
02:10 jamais été posée dans un sens d'infériorité.
02:13 Et le mot « être un nègre » c'est la plus haute forme.
02:17 Et c'est le citoyen.
02:18 C'est-à-dire, on peut dire même « ce blanc est un bon nègre ».
02:21 - Voilà, vous nous conseillez donc ce roman, signé de Danila Ferrière.
02:26 On en redonne le titre ?
02:27 - « Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer ».
02:31 Ça bouscule.
02:32 - Ce n'est pas le Danila Ferrière habituel.
02:35 - Vous allez vous désarçonner, mais c'est vraiment génial.
02:37 - Voilà, et c'est chez Zulma.
02:38 Merci Nicolas Caro.
02:39 - Voilà, la vie n'a pas de prix, comme disait Téléphone.
02:48 Mais l'art en a un et il se trouve que les prix de l'art ne cessent de grimper.
02:52 L'argent dans l'art.
02:53 Tiens, Marie-Gickel, c'est le titre d'une expo passionnante en ce moment à la Monette
02:57 Paris.
02:58 Des mythes antiques jusqu'à Marcel Duchamp.
03:00 Il y a 2000 ans d'histoire de l'art couverte dans cette expo.
03:03 - Et oui, on commence avec le mythe de Danae séduite par un Zeus transformé en pluie
03:07 d'or.
03:08 Histoire qui a notamment inspiré le peintre Klimt.
03:10 Et on finit par le lien entre l'argent et l'artiste au XXe siècle avec, par exemple,
03:14 la plasticienne Orlande qui vendait des baisers ou Yves Klein qui monnayait du vide.
03:19 Mais celui qui incarne cette exposition, c'est Salvador Dali.
03:22 Le peintre catalan surréaliste était obsédé par l'argent, tournant dans plusieurs publicités,
03:28 enchaînant les collaborations.
03:29 Et cette obsession, ça lui vaut le surnom Davida Dollar.
03:34 Anagramme de Salvador Dali.
03:36 Ça y est, vous avez compris.
03:38 Guidé par l'envie de renflouer ses caisses déjà remplies.
03:41 On va l'écouter.
03:42 D'une certaine mesure, que j'aime l'argent, je deviens de plus en plus avare.
03:46 Et vraiment, j'aime l'argent juste pour l'idée d'avoir la banque qui se rendue tous les
03:50 jours de plus en plus d'argent.
03:52 Juste pour l'idée de la puissance, l'idée symbolique de l'argent.
03:56 Symbolique de l'argent.
03:57 Toujours très inspirant, un petit Dali avant 8h.
04:01 On va écouter à présent Jean-Michel Bourre, historien de l'art, qui a monté cette exposition.
04:06 Dali va revendiquer précisément une posture qui est complètement décomplexée par rapport
04:11 à la question de l'argent et qui, d'une certaine manière, va inspirer la génération
04:15 des artistes américains des années 50-60.
04:17 Dali, à ce moment-là, est souvent aux États-Unis à partir de la Seconde Guerre mondiale.
04:22 Et des artistes comme Warhol vont évidemment être énormément inspirés par cette posture
04:27 dalinienne.
04:28 On va rester dans le XXe siècle où l'on découvre que la matière monétaire, donc
04:32 les billets, les pièces, les contraventions, les tickets de caisse, deviennent des supports
04:36 artistiques.
04:37 Comme par exemple chez Kissaring, qui encadre ses chèques.
04:40 Ça va peut-être vous donner des idées, Dimitri.
04:42 - Pourquoi pas ? - Même pratique un peu plus tôt, à la fin
04:44 du XIXe siècle, un artiste anonyme avait lui encadré un morceau de pain précieux en
04:49 temps de famine.
04:50 Alors que dans les siècles précédents, l'argent figure dans des scènes de commerce où représente
04:55 le péché.
04:56 Voilà, c'est un shot d'histoire de l'art avec des grands noms.
04:58 Courbet, Degas, Renoir ou Warhol.
05:00 - C'est vrai qu'en Virginie, on utilisait des feuilles de tabac par le passé en guise
05:03 de monnaie.
05:04 Et selon la qualité du tabac, ça valait plus ou moins cher.
05:07 On pouvait avoir plus ou moins de choses.
05:08 - Vous êtes un puits de culture.
05:09 - L'argent dans l'art.
05:10 J'aime bien l'argent moi aussi, c'est la monnaie de Paris.
05:13 - Je te disais déjà que j'aime bien l'art.
05:15 - J'aime bien l'art aussi.
05:16 C'est donc jusqu'au 24 septembre.
05:18 Merci beaucoup Nicolas, merci Marie, merci Vincent.
05:20 A demain pour de nouvelles découvertes.

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