L'édito de Mathieu Bock-Côté: «Terrorisme intellectuel : un nouveau concept ?»

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L'édito de Mathieu Bock-Côté: «Terrorisme intellectuel : un nouveau concept ?»

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00:00 les agresseurs sont les agressés.
00:02 Les garants de l'ordre sont
00:04 l'origine du désordre. C'est
00:06 dans le journal du dimanche que
00:08 Gérald Darmanin a accusé l'extrême
00:10 gauche de verser dans le
00:12 terrorisme intellectuel. Il
00:14 visait avec ce terme, Mathieu
00:16 Bogcotte, ceux qui soutiennent
00:18 les violences antipolicières ou
00:20 qui se montrent complaisants
00:22 avec elles. En quoi ce terme de
00:24 terrorisme intellectuel peut-il
00:26 impacter notre vie quotidienne?
00:28 - C'est une question circonscrite,
00:30 on pourrait dire adaptée aux
00:32 circonstances. C'est l'inversion
00:34 des valeurs qui fait en sorte
00:36 qu'aujourd'hui, on célèbre le
00:38 casseur, on célèbre l'agresseur
00:40 et on diabolise l'agressé,
00:42 l'agressé étant le policier.
00:44 Dans le pays des violences
00:46 antipolicières qu'est la France,
00:48 cette inversion des valeurs,
00:50 on peut saccager une faculté
00:52 comme on l'a vu à Bordeaux,
00:54 on peut tabasser un militant
00:56 qui a fait la violence d'extrême
00:58 gauche. Et c'est un bon usage,
01:00 je crois, de ce concept. Mais ce
01:02 qui m'a frappé lorsqu'il l'a
01:04 utilisé, c'est que c'est un
01:06 concept qui n'est pas neuf,
01:08 terrorisme intellectuel, qui a
01:10 une histoire et qui permet
01:12 justement de comprendre d'où nous
01:14 vient, certains diraient ce
01:16 relativisme, d'autres diraient
01:18 cette inversion des valeurs,
01:20 d'autres diraient cette
01:22 diabolisation de la France, tout
01:24 ce qui est inutile de passer par
01:26 l'histoire pour voir ce qu'il a
01:28 décrit historiquement et ce qu'il
01:30 décrit aujourd'hui. Alors, si on
01:32 veut trouver le point d'origine
01:34 de ce concept, il nous vient de
01:36 Jean Sevilla. Jean Sevilla, qui
01:38 est un journaliste, un historien
01:40 qui a écrit en 2000 un livre qui
01:42 a pour titre, vous le devinez,
01:44 "Le terrorisme intellectuel".
01:46 Et il faut le dire, c'est un
01:48 livre courageux à ce moment-là
01:50 parce qu'aujourd'hui, on est dans
01:52 un contexte qui est vraiment
01:54 contre l'idéologie dominante
01:56 dans les médias. Mais,
01:58 ramenez-vous, il y a 20 ans,
02:00 Jean Sevilla publie ce texte-là,
02:02 ce livre-là, "Le terrorisme
02:04 intellectuel", et il retrace
02:06 comment, depuis la fin de la
02:08 guerre globalement, on a assisté
02:10 à la mise en place d'une
02:12 hégémonie idéologique de la
02:14 gauche radicale sur l'ensemble
02:16 du débat public qui a permis à
02:18 la gauche radicale et
02:20 à la gauche radicale de se
02:22 défendre. Et finalement, comment,
02:24 en 45, c'est tragique, c'est que
02:26 l'extrême-gauche confisque la
02:28 victoire contre le fascisme et
02:30 le nazisme, confisque la victoire
02:32 en disant, finalement, nous allons
02:34 nous être les seuls interprètes
02:36 légitimes de la parole publique.
02:38 Donc, l'égaliste laisse de côté
02:40 à certains égards, les conservateurs
02:42 laisse de côté, les libéraux laisse
02:44 de côté. C'est la gauche qui avait
02:46 le monopole pour la distribution
02:48 de la même matrice. C'est une
02:50 interprétation falsifiée du fascisme,
02:52 parce qu'on en a souvent parlé ici,
02:54 le fascisme étant considéré comme
02:56 le mal politique suprême dans nos
02:58 sociétés. Si vous parvenez à coller
03:00 cette étiquette-là à quelqu'un, ou
03:02 si vous parvenez à faire en sorte
03:04 que chacun ait peur de se faire
03:06 coller cette étiquette s'il va
03:08 contre la gauche idéologique,
03:10 s'il va contre l'idéologie
03:12 dominante du moment, si vous avez
03:14 le contrôle sur cette étiquette,
03:16 si vous avez le contrôle de l'étiquette
03:18 du mal absolu, vous êtes capable
03:20 d'exercer une véritable terreur,
03:22 justement, terrorisme, terreur,
03:24 dans la vie des idées, dans la vie
03:26 médiatique. Et ce que nous racontait
03:28 donc Sevilla là-dedans, c'était
03:30 l'histoire d'une hégémonie
03:32 idéologique. Ensuite, le contenu
03:34 de l'hégémonie a changé avec les
03:36 années. Auparavant, il fallait faire
03:38 des salamalek devant le communisme.
03:40 Ensuite, aujourd'hui, c'est devant
03:42 l'idéologie de la diversité. Donc,
03:44 il faut aussi toujours faire taire le
03:46 contradicteur. Je me permets de citer
03:48 une phrase de Simone de Beauvoir,
03:50 Sainte Simone de Beauvoir, qui nous
03:52 montre bien ce qu'est la psychologie
03:54 du terrorisme intellectuel. Je cite
03:56 "La vérité est une, seule l'erreur
03:58 est multiple, ce n'est pas un hasard
04:00 si la droite professe le pluralisme."
04:02 Est-ce qu'on pourrait la répéter
04:04 celle-là assez souvent? On est
04:06 vraiment dans la logique du monopole
04:08 du vrai, du bien et du juste,
04:10 et si vous êtes en désaccord avec la gauche
04:12 selon son dogme du moment, vous
04:14 devenez dès lors un infréquentable.
04:16 Alors, que disait Sevilla dans son livre
04:18 à propos justement de ce
04:20 terrorisme intellectuel? J'en donne la définition,
04:22 je trouve ça bien. C'est un système totalitaire,
04:24 mais d'un totalitarisme pâtelin,
04:26 hypocrite, insidieux.
04:28 Il vise à ôter la parole au
04:30 contradicteur, devenu une bête
04:32 à abattre. Eh bien, franchement,
04:34 on appelle ça aujourd'hui le politiquement correct,
04:36 on appelle ça cette manie de faire taire,
04:38 on appelle ça cette manie de... cette espèce
04:40 de confiscation du débat exercée par
04:42 globalement, finalement, une petite ligue d'intellectuels
04:44 de gauche qui, ensuite, leur discours
04:46 percolent médiatiquement et qui
04:48 font en sorte que, finalement, une peur règne
04:50 dans les médias. Alors, quand je parle de climat de terreur,
04:52 si vous n'avez pas envie de vous faire coller les sales étiquettes
04:54 de la gauche, parce que c'est une sale étiquette qui revient toujours
04:56 là, vous serez d'extrême droite, fasciste,
04:58 tout ça, bien, Sevilla nous racontait ça.
05:00 On arrive à Darmanin aujourd'hui, parce que c'est pas sans
05:02 intérêt. Darmanin, en reprenant
05:04 ce concept, réfère en fait
05:06 à cette longue histoire de la diabolisation
05:08 du débat public par la gauche et intellectuelle.
05:10 Et pour ce qui est des méthodes, elles sont nombreuses.
05:12 - On est obligé de mettre intellectuel?
05:14 - Oui, parce que c'est une catégorie sociale.
05:16 Le mot intellectuel, pour moi, veut rien dire de bien ou de mal.
05:18 Je note qu'il y a un milieu qui s'auto-proclame
05:20 intellectuel et qui, normalement, se trompe à répétition
05:22 et voit dans chacune de ses erreurs la preuve
05:24 qu'il a raison. - Parce que quand on voit la définition
05:26 même du mot terrorisme, on n'est déjà pas loin.
05:28 - Ah, mais je suis absolument d'accord. - Sans même rajouter
05:30 intellectuel. Et quelles sont les méthodes,
05:32 justement, de ce terrorisme
05:34 intellectuel? - Alors, je le disais plus tôt,
05:36 c'est l'antifascisme caricatural,
05:38 falsifié, qui pousse la définition du fascisme
05:40 jusqu'au gaullisme, jusqu'au centrisme,
05:42 jusqu'à la social-démocratie.
05:44 Mais, alors, aujourd'hui, qu'est-ce que ça veut dire?
05:46 C'est l'utilisation récurrente, débile,
05:48 du terme extrême droite en toutes circonstances.
05:50 D'ailleurs, je vous le donne en mille, c'est merveilleux.
05:52 Dans le journal 20 minutes, ça s'invente pas.
05:54 Le journal 20 minutes veut décrypter l'utilisation
05:56 du concept de terrorisme intellectuel par Darmanin.
05:58 Et qu'est-ce qu'ils nous disent? C'est un décryptage.
06:00 Vous savez, le décryptage, les gens qui sont censés
06:02 avoir la vérité derrière la scène publique.
06:04 Ils nous disent que c'est un concept d'extrême droite
06:06 inventé par Jean Sevilla,
06:08 récupéré par Marion Maréchal,
06:10 et utilisé... Et là, on le fait autrement dit...
06:12 -Utilisé par Mathieu Bancoté.
06:14 -Ça aboutit là. Mais ça, c'est là que viennent mourir
06:16 les concepts pour renaître de la pire des manières.
06:18 Mais ce qui est intéressant, c'est qu'au moment même
06:20 de nommer ce concept, on le diabolise.
06:22 Et c'est ça, finalement, le terrorisme intellectuel.
06:24 Ne parlez pas librement,
06:26 parce qu'alors, on vous collera
06:28 une réputation dégueulasse.
06:30 Mais on va aller un peu plus loin. Les méthodes.
06:32 Bon, l'extrême-droitisation, la psychiatrisation.
06:34 Il ne faut jamais oublier, en Union soviétique,
06:36 comment on traitait les dissidents?
06:38 On ne disait pas que vous étiez tort.
06:40 On expliquait que vous étiez un malade mental.
06:42 Vous étiez contre la Révolution. Il fallait avoir un traitement.
06:44 La contre-Révolution était traitée psychiatriquement.
06:46 Aujourd'hui, si vous êtes en désaccord
06:48 avec toutes les idéologies à la mode,
06:50 vous êtes un phobe, inévitablement.
06:52 Vous accumulez les phobies. Il ne vous en manque pas une.
06:54 Et les phobies, on les multiplie.
06:56 C'est une espèce de coïncidence exponentielle.
06:58 On les multiplie toujours. Donc, dès que vous êtes en désaccord
07:00 avec le nouveau progrès sociétal du jour,
07:02 vous êtes un phobe.
07:04 Il y a aussi, ça c'est intéressant, la diabolisation
07:06 et le détournement de l'histoire. Qu'est-ce que je veux dire par là?
07:08 C'est toujours on vous ramène au fascisme
07:10 et au nazisme, dis-je.
07:12 Donc, peu importe ce que vous faites au temps présent,
07:14 on vous explique quand c'est le retour du fascisme
07:16 longtemps refoulé qui vous sauterait
07:18 au visage aujourd'hui. Et donc, il faudra être vigilant,
07:20 comme le demande d'être biplénel,
07:22 la vigilance contre l'éternel retour du passé.
07:24 Il y a l'accusation de conspirationnisme
07:26 qui est un peu plus... ça c'est nouveau,
07:28 ça c'était pas le cas à l'époque. Donc, dès que vous nommez
07:30 une entreprise politique ou idéologique
07:32 qui consiste à faire taire des gens,
07:34 vous nommez un processus historique, par exemple,
07:36 de changement de population en France ou ailleurs,
07:38 on vous dira "Ah ha! Vous êtes dans le conspirationnisme!"
07:41 Si vous doutiez à certains moments de certaines mesures
07:43 COVID, rappelez-vous, pendant la crise de la COVID,
07:45 on a même trouvé le moyen de réinventer l'extrême droite
07:47 à la sauce critique des mesures sanitaires.
07:49 Vous allez y penser quand même, mais ils y ont pensé.
07:51 Les méthodes, il y a aussi la dimension juridique,
07:53 il suffit de dire un mot de trop
07:55 pour se retrouver devant la 17e chambre,
07:57 il y a toujours une association qui est disponible
07:59 d'une manière ou de l'autre pour porter plainte contre vous,
08:01 donc c'est le contrôle juridique de la liberté d'expression.
08:04 Il y a aussi le contrôle... la violence, la violence.
08:07 Vous ne le savez pas, quand on a une attaque
08:09 contre une librairie, quand on a une attaque
08:11 contre un parti de droite, dit populiste ou conservatrice,
08:13 est-ce qu'on en fait la première page dans les journaux?
08:15 Non, on n'en fait pas la première page dans les journaux.
08:17 Quand les milices d'extrême gauche se jettent
08:19 pour faire taire quelqu'un, on n'en parle pas.
08:21 Ça participe à ce climat de terrorisme intellectuel.
08:23 Il y a aussi la complicité des médias.
08:25 Ça, je pense que c'est fondamental.
08:27 Les médias ont toujours la même méthode.
08:29 Ils vont parler d'un homme politique,
08:31 je ne suis pas d'un intellectuel,
08:33 ils vont dire "M. X" ou "M. Z", par exemple,
08:35 condamné à trois reprises pour...
08:37 trouver le propos de la condamnation
08:39 qui relevait du procès politique.
08:41 Qu'est-ce qui se joue à travers ça?
08:43 C'est une manière de créer un climat
08:45 où si vous risquez un propos vaguement dissident,
08:47 on vous le fera payer économiquement,
08:49 socialement, vous risquez de ne plus pouvoir travailler
08:51 ou alors vous serez condamné à la marge
08:53 de telle manière qu'à jamais,
08:55 ça c'est la pire des choses, on pourra parler de vous
08:57 mais jamais vous donner la parole.
08:59 Donc les méthodes du terrorisme intellectuel,
09:01 c'est ce qu'on pourrait appeler des méthodes
09:03 de l'inquisition réinventée, de l'ostracisme nouveau genre,
09:05 des méthodes de bannissement public.
09:07 ♪ ♪ ♪
09:09 [SILENCE]

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