L'édito de Mathieu Bock-Côté : «Le projet de loi sur l'immigration reporté»

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L'édito de Mathieu Bock-Côté : «Le projet de loi sur l'immigration reporté»

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00:00 Elisabeth Borne a détaillé sa feuille de route à la demande d'Emmanuel Macron.
00:03 La Première Ministre, c'est intéressant parce qu'elle se dit confiante
00:07 de pouvoir trouver des majorités projet par projet,
00:11 mais renonce au projet de loi sur l'immigration voulue par le chef de l'État,
00:14 faute de majorité. Que comprendre ?
00:17 C'est assez fascinant.
00:19 Madame Borne nous explique que sur la question la plus essentielle qui soit,
00:23 à la fois pour le pays, mais on pourrait dire pour l'avenir de la France,
00:26 au terme d'un siècle à quoi ressemblera la France,
00:29 la maîtrise de l'immigration, qui est un des phénomènes majeurs de notre temps,
00:33 pas seulement l'immigration clandestine, soit dit en passant,
00:36 mais l'immigration comme phénomène global,
00:38 sur cette question fondamentale, elle fait une annonce,
00:42 il n'y aura pas d'annonce.
00:43 Sur cette question fondamentale, elle nous explique une chose,
00:45 on peut encore attendre.
00:47 On ne pouvait pas attendre pour la réforme des retraites apparemment,
00:50 mais sur la question de l'immigration, on peut encore et toujours attendre,
00:53 d'autant nous dira-t-on que les lois se sont accumulées avec le temps
00:56 et qu'elles ont été toutes impuissantes,
00:58 presque avec un effet de multiplication d'impuissance,
01:01 donc elle nous dit que ce n'est pas possible.
01:03 Pourquoi est-ce impossible d'embrasser la question de l'immigration maintenant?
01:07 Deux raisons.
01:08 Il n'y a pas de majorité, nous dit-elle,
01:11 mais il faut comprendre qu'elle entend construire sa majorité
01:14 exclusivement dans ce qu'elle appelle l'arc républicain.
01:17 C'est sûr que quand vous décidez d'évacuer de la possibilité
01:21 de la construction d'une majorité des députés qui sont aussi légitimes que vous,
01:25 est-ce que j'en sais, ce sont les mêmes Français qui ont pu voter pour le RN
01:28 ou pour LFI, que sais-je, que pour les gens de renaissance, et ainsi de suite?
01:32 Est-ce que certains députés ont moins de valeur que d'autres?
01:34 Si oui, il faut nous l'apprendre, c'est peut-être un changement de système parlementaire.
01:38 Mais sinon, parce qu'elle nous dit
01:39 « je chercherai mes députés, ma majorité, exclusivement dans l'arc républicain »,
01:44 je n'ai pas la majorité disponible pour mener ce projet.
01:47 Alors que d'un sondage à l'autre, et les sondages se multiplient,
01:52 on constate qu'il y a une très nette majorité de Français
01:55 pour prendre en charge la question de l'immigration massive,
01:59 pour réguler les frontières, pour encadrer le droit d'asile des voyés,
02:04 pour faire en sorte que les délinquants qui n'ont pas leur place ici
02:07 et qui ne sont pas citoyens, repartent,
02:09 pour s'assurer de l'assimilation véritable des populations
02:12 qui se sont installées en France et qui, si elles ont été naturalisées,
02:16 n'ont pas encore été acculturées.
02:18 Il y a une très nette majorité de Français autour de cela.
02:21 Une majorité qui permettrait de rassembler les Français.
02:24 Mais de cette majorité, Mme Borne ne veut pas,
02:26 parce qu'elle dit qu'elle ne veut pas diviser les Français.
02:29 La question que je me pose, bien franchement, c'est
02:30 est-ce qu'elle ne divise pas les Français, elle plus que tous les autres,
02:33 lorsqu'elle décide que près de 40% des députés à l'Assemblée
02:37 sont indignes de participer à toute forme de majorité,
02:41 lorsqu'elle décide que tous les députés RN dans ce cas-là
02:43 sont indignes de participer à la formation
02:45 d'une majorité circonstancielle autour de cela.
02:48 Donc il faudrait dire « oui, Mme Borne, il y a une majorité,
02:50 elle est disponible aujourd'hui, elle est disponible demain,
02:53 il vous appartient de la construire, mais pour cela,
02:55 vous devez surmonter votre dégoût qui vous amène à vous interdire
02:58 la possibilité même de faire une alliance circonstancielle
03:01 sur un sujet particulier avec des députés
03:03 que vous avez décrétés anti-républicains. »
03:05 Je crois que c'est ce qu'on peut retenir
03:06 pour l'essentiel de son intervention.
03:08 - Selon un sondage, parce que vous en avez parlé, Cnews,
03:11 82% des Français sont pour une loi sur l'immigration
03:16 visant à faciliter les expulsions.
03:18 Le gouvernement n'est-il pas, encore une fois, hors sol
03:20 par rapport à la volonté des Français ?
03:23 - On y revient, c'est fondamental.
03:24 Le gouvernement constate qu'il y a une majorité.
03:26 Ils ont des yeux comme tout le monde,
03:28 ils ont des oreilles pour entendre,
03:29 ils savent ce qui se passe.
03:30 Mais c'est une majorité qui leur déplait.
03:32 C'est une majorité problématique, c'est une majorité condamnable,
03:35 c'est une majorité réfractaire,
03:37 c'est une majorité, dans leur esprit,
03:39 xénophobe ou frileuse.
03:41 C'est une majorité qu'il faut déconstruire
03:43 pour faire avenir une autre majorité,
03:45 la majorité qui parlera de la diversité heureuse,
03:49 qui parlera du multiculturalisme avec ou sans le mot.
03:52 Donc, ils la voient, la majorité,
03:54 et c'est une majorité qui déplaît.
03:55 Donc, qu'est-ce qu'on fait dans ce cas-là ?
03:56 On va chercher à rééduquer la population
03:58 jusqu'à ce qu'elle pense correctement,
04:00 et d'ici là, on dira qu'il n'y a pas de majorité
04:02 disponible dans l'arc républicain.
04:04 La ficelle est grosse, nous la connaissons,
04:07 mais bon, c'est le même stratagème
04:08 qui est repris d'une fois à l'autre.
04:09 - Pas de majorité, rappelons l'abstention au record
04:12 sur laquelle est basé ce manque de majorité, justement,
04:16 selon un sondage Cluster 17, réalisé par Le Point,
04:20 qui démontre qu'à peine un Français sur deux
04:22 croit encore que le vote est l'instrument privilégié
04:26 pour peser sur les décisions politiques.
04:29 Il faut revenir à la base et prendre un peu de hauteur
04:30 par rapport à ce manque de majorité.
04:32 - Vous avez tout à fait raison.
04:33 C'est un sondage passionnant auquel Le Point,
04:35 si je ne me trompe pas, fait écho,
04:36 qui vient de Cluster,
04:37 qui est une des meilleures firmes de sondage.
04:40 Rappelez-vous, pendant la présidentielle,
04:41 on en avait parlé ici, il est parmi les premiers,
04:42 si je ne me trompe pas,
04:43 parce qu'ils ont une méthode originale et brillante
04:45 pour comprendre les proférondeurs de l'opinion.
04:47 Alors, je vous donne plusieurs chiffres,
04:49 comme ça, ça va vous donner une idée.
04:50 On donne les chiffres et ensuite, on fait l'analyse.
04:53 Seuls 52 % des Français considèrent
04:56 que le moyen le plus efficace pour peser
04:58 sur les décisions politiques, c'est le vote.
05:01 14 % préfèrent les manifestations,
05:05 15 % les actions violentes
05:07 et 13 % considèrent qu'il n'y a aucun moyen efficace.
05:10 Ça part bien.
05:11 Chez les 18-24 ans, vous avez 35 %
05:15 qui considèrent que les actions violentes
05:18 sont peut-être les meilleures.
05:20 - Plus efficaces que le vote.
05:23 - Ah oui, plus vous êtes jeune,
05:24 moins vous croyez au vote
05:25 et plus vous croyez à la violence.
05:26 C'est intéressant.
05:27 Qui croit le plus au vote?
05:28 Je résume, plus vous êtes dans des catégories sociales
05:31 privilégiées, plus vous croyez au vote.
05:34 C'est comme si la démocratie était aujourd'hui
05:36 une passion diplômée.
05:37 Et moins vous êtes dans des catégories sociales
05:39 ou diplômées privilégiées,
05:41 moins vous y croyez et plus vous avez l'impression
05:43 que finalement tout ça se joue sans vous
05:45 et peut-être même contre vous.
05:47 Évidemment, les électeurs d'Emmanuel Macron
05:50 croient davantage au vote.
05:51 Les électeurs de Jean-Luc Mélenchon
05:53 et de Mme Le Pen y croient moins.
05:55 Mais peut-être est-ce aussi parce qu'il a été décidé
05:56 que leur vote ne pouvait pas être comptabilisé
05:58 dans la construction de quelque majorité
06:00 que ce soit à l'Assemblée.
06:01 C'est quand même pas un détail, si je peux me permettre.
06:03 Évidemment, ceux qui étaient de tendance gilets jaunes
06:05 et d'un genre de tendance gilets jaunes nous disaient
06:06 « Nous ne croyons plus ».
06:08 C'est important de le dire.
06:09 Donc, on a une partie de la population
06:11 qui est aujourd'hui dans une situation d'abstention durable,
06:14 je dirais d'abstention insurrectionnelle,
06:16 si vous me permettez cette drôle d'image.
06:18 L'âge maintenant, l'âge.
06:20 Globalement, si vous êtes jeune,
06:22 seuls 35 % des 18-24 ans croient à l'efficacité du vote.
06:25 65 % des plus de 75 ans y croient.
06:28 Comme quoi, ils ont connu la démocratie
06:30 dans ces belles années.
06:32 Pour eux, je devine que la démocratie,
06:34 c'est-à-dire Pierre Messmer et Michel Rocard
06:36 avec des références de François Mitterrand
06:38 et de souvenirs vifs du général de Gaulle,
06:40 nous ne sommes plus exactement à cette période.
06:42 Même les modérés sont atteints.
06:44 Normalement, vous savez, les modérés,
06:46 les gens qui sont si fiers d'être modérés,
06:48 qui disent « Oui, je crois à la démocratie consensuelle
06:50 et délibérative en toutes circonstances, mon cher ami ».
06:52 Ces gens-là, même eux, les sociodémocrates
06:54 et les progressistes, selon les catégories de cluster 17,
06:57 seuls 56 % des sociodémocrates croient encore aux vertus du vote.
07:01 Les sociodémocrates, si même eux n'y croient plus,
07:03 qu'est-ce qui se passe?
07:05 Vous savez, le centriste dans la vie,
07:07 l'homme d'équilibre qui se fait une fierté
07:09 de n'avoir aucune passion.
07:11 Mais même eux, aujourd'hui, disons-le comme ça,
07:13 sont désormais dans un rapport relatif
07:15 d'aliénation aux élections, au vote.
07:17 Et finalement, un dernier chiffre,
07:19 j'aurais pu vous en donner beaucoup d'autres,
07:21 sur une échelle de 0 à 10,
07:23 dans quelle mesure croyez-vous à la démocratie?
07:25 Est-ce qu'elle va bien?
07:27 4,5 sur 10 disent oui.
07:29 Mais la rupture est nette.
07:31 Parce que si vous êtes dans les catégories privilégiées,
07:34 vous êtes autour de 7,6 sur 10.
07:37 Et si vous êtes dans les catégories moins favorisées,
07:39 2,4 sur 10.
07:41 Donc le portrait, c'est le suivant,
07:43 c'est une démocratie que l'on célèbre.
07:45 On n'a jamais célébré autant la démocratie,
07:47 on n'y a jamais aussi peu cru.
07:49 - Que doit-on, Mathieu Bocotte, retenir de ces chiffres?
07:51 Que nous disent-ils politiquement?
07:53 - La première chose, c'est que les catégories
07:55 sociales privilégiées contrôlent
07:57 le processus politique aujourd'hui plus que jamais.
07:59 Vous connaissez ma formule où je dis que la classe sociale,
08:02 c'est une macronie constituée...
08:04 La macronie, pardonnez-moi, c'est une classe sociale
08:06 constituée en mouvements politiques.
08:08 Mais on le voit. Parce que d'abord,
08:10 les catégories sociales privilégiées votent davantage
08:12 et votent principalement pour les partis autorisés républicains.
08:16 Donc, ils maîtrisent le débat en s'y investissant davantage
08:19 parce qu'ils croient davantage à la démocratie,
08:22 mais ils y croient davantage parce que les partis
08:24 pour lesquels ils votent, eux, ont le droit
08:26 de participer au gouvernement.
08:28 Inversement, les partis pour lesquels votent
08:30 les catégories populaires sont jugés indignes
08:32 de participer au gouvernement.
08:34 Dès lors, on comprend une logique de démobilisation.
08:36 Ensuite, chez les plus jeunes,
08:38 la violence est en voie de normalisation.
08:40 - Incroyable. - Ça, je pense qu'il faut le dire.
08:42 On croyait, mais ça, c'est une illusion
08:44 de démocrate libéral, peut-être même de social-démocrate
08:46 centriste, on croyait en avoir fini
08:48 avec la violence dans l'histoire.
08:50 Mais non, c'était une parenthèse.
08:52 C'est la parenthèse enchantée d'un peu après l'après-guerre
08:54 jusqu'au 11 septembre.
08:56 La violence fait partie de la politique
08:58 et les plus jeunes y croient davantage. Pourquoi?
09:00 Peut-être parce qu'ils n'ont pas connu l'âge d'or
09:02 du débat démocratique, peut-être parce qu'ils sont éduqués
09:04 dans un environnement tellement anxiogène
09:06 qu'ils se disent que tout est foutu.
09:08 Et quand on vous dit que tout est foutu,
09:10 les seuls moyens possibles, ce sont les moyens extrêmes,
09:12 les moyens casse-gueule, les moyens coups de gueule,
09:14 les moyens violents.
09:16 Et peut-être aussi simplement parce que
09:18 les mécanismes inhibiteurs de la violence
09:20 se sont aujourd'hui déréglés.
09:22 (Générique)
09:24 ♪ ♪ ♪
09:26 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]

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