Anne Rosencher, journaliste, écrivain et directrice déléguée de la rédaction de l’Express.
Retrouvez "En toute subjectivité" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/en-toute-subjectivite
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00:00 Il est 7h20 en toute subjectivité ce matin avec la directrice déléguée de la rédaction de L'Express.
00:05 Anne Rosencher, bonjour !
00:06 Bonjour Nicolas, bonjour à tous !
00:07 Vous nous parlez, Anne, ce matin, de votre passion pour une obscure statistique publiée
00:14 chaque semaine par le journal Le Film Français.
00:16 Oui, il faut pour la trouver, tourner les pages du magazine jusqu'à la rubrique « Box Office »
00:21 et y aviser une colonne intitulée « Coéfficient ».
00:25 Ce « coéfficient » mesure pour chaque film la proportion entre les entrées France Entière et celles enregistrées dans les cinémas de la capitale.
00:32 Plus il est faible, plus le succès du film est avant tout parisien, plus il est élevé et plus le film a été prisé en région, comme on dit désormais.
00:41 A mon sens, c'est un indicateur passionnant.
00:43 Au cours des 52 dernières semaines, les trois films qui ont le plus marché en province par rapport à la capitale sont
00:49 Tempête, l'histoire d'une petite fille qui s'accroche pour devenir joquette malgré un accident briseur d'os et de destin.
00:56 Les Petites Victoires, qui narrent les galères d'Alice, institutrice et mère d'un petit village.
01:01 Et enfin, Belle et Sébastien, remake d'un duo montagnard que je ne présente plus.
01:06 De l'autre côté du spectre, les films surtout plébiscités à Paris sont des films étrangers avec beaucoup de mentions dans la presse et de bonnes critiques.
01:14 Ce genre de différence a quand même toujours existé, non ?
01:17 Oui, bien sûr Nicolas, mais elle s'intensifie.
01:20 C'est ce que révèlent les archives de Comscore, l'entreprise qui actualise chaque semaine les données du film français
01:26 et qui est remontée pour vous, chers auditeurs, jusqu'aux statistiques de 2010 de ce coefficient.
01:32 Et ce qui ressort, c'est que plus le temps passe et plus les écarts à la moyenne sont nombreux.
01:37 C'est-à-dire qu'on compte plus de films dans le box-office qui ont surtout marché en province ou surtout cartonnés à Paris.
01:44 Et qu'est-ce que ça traduit alors ?
01:45 Eh bien que nous allons de moins en moins voir les mêmes films.
01:48 Du fait de l'archipélisation de nos goûts et de nos références, mais aussi du fait de nos modes de consommation.
01:53 Le ciné est par exemple plus une sortie familiale en province qu'à Paris.
01:58 Je me garderais bien d'en tirer des jugements d'un point de vue artistique ou politique.
02:02 Je n'ai aucune envie de caricaturer ou de généraliser les goûts des uns ou des autres.
02:07 Non, ce qui me frappe, c'est que je ne crois pas avoir entendu beaucoup parler de Tempête, des Petites Victoires
02:13 ou de Belle et Sébastien dans les médias que je consomme.
02:16 Tout comme j'étais passée début 2022 à côté de l'énorme carton des bodinces en Thaïlande
02:21 qui a fait 1,6 million d'entrées et dont le coefficient entre la France entière et Paris intra-amoureuse n'était pas de 6,
02:28 c'est la moyenne des 13 dernières années, mais de 356.
02:33 Voilà qui m'emmène en guise de morale, à la façon dont les uns et les autres
02:37 qu'on voit au chapitre de la représentation médiatique, nous, journalistes, devrions prendre garde à nos biais d'intérêt
02:44 et de discussion, car pour de nombreux Français, ces biais-là ont de plus en plus des allures de sécession.
02:53 NICOLAS : Merci Anne Rosancher pour cette morale, on va la méditer jusqu'à jeudi prochain au minimum !