• l’année dernière

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Bonsoir à toutes et à tous et bonsoir à vous Mathieu Pigasse.
00:03 Bonsoir.
00:04 Vous êtes banquier d'affaires, ancien conseiller de Dominique Strauss-Kahn à Bercy.
00:08 Vous êtes aussi un homme de média, actionnaire du journal Le Monde.
00:11 Vous possédez Radio Nova, les hebdomadaires Les 1 Rock.
00:14 Vous avez aussi des participations dans plusieurs festivals.
00:17 Les Eurocaines de Belfort Rock en scène.
00:20 Vous venez de publier un livre aux éditions de l'Observatoire qui s'intitule "La lumière
00:25 du chaos pour une société des possibles".
00:28 Nous sommes entrés, dites-vous, dans une ère du chaos et ce notamment parce que le
00:32 contrat social a été rompu.
00:34 Qu'est-ce qui cloche à votre avis Mathieu Pigasse ?
00:36 Alors il y a de très nombreuses choses qui clochent.
00:39 Le chaos prend des formes aujourd'hui multiples.
00:42 C'est le chaos du monde tout d'abord avec la guerre là-bas si je puis dire, en Ukraine
00:47 et au Proche-Orient, le terrorisme ici à Arras ou à Bruxelles.
00:51 Le chaos c'est aussi le chaos climatique bien évidemment avec les bouleversements que
00:55 l'on connaît.
00:56 Et c'est enfin en effet, pour revenir sur votre question, le chaos économique et social,
01:01 c'est-à-dire une forme de dislocation de la société ici et qui s'explique selon
01:06 moi par un facteur principal qui est un système capitaliste qui arrive à bout de souffle.
01:12 Et alors justement, comment est-ce que vous avez vu ce système capitaliste arriver à
01:17 bout de souffle ? Quels sont les facteurs qui font qu'on en est là aujourd'hui ?
01:20 Il suffit de regarder autour de soi et on constate un arrêt de la croissance, une explosion
01:25 des inégalités, un repli sur soi et une perte de sens collectif.
01:30 Le capitalisme libéral c'était la promesse d'un monde meilleur.
01:34 C'était l'idée que demain serait mieux qu'aujourd'hui.
01:36 Que nos enfants vivront mieux que nous.
01:38 Exactement, pour nous-mêmes et pour nos enfants.
01:40 C'était au fond le progrès.
01:41 La réalité telle qu'on la voit aujourd'hui, telle qu'on peut la constater tous aujourd'hui
01:45 est inverse.
01:46 C'est le triomphe de l'égoïsme.
01:48 Je vais parler des symptômes, de ce que l'on peut voir.
01:52 C'est un risque permanent de déclassement social.
01:55 C'est une montée de la pauvreté, de la précarité.
01:56 L'INSEE vient de sortir d'ailleurs un rapport, je crois il y a deux jours, montrant
01:59 que la pauvreté avait encore progressé en France ces dernières années.
02:03 Juste pour donner un chiffre là maintenant, 15% de la population française vit sous le
02:08 seuil de pauvreté, c'est-à-dire avec moins de 1160 euros par mois.
02:12 Ça représente, pour avoir une idée, 10 millions de personnes.
02:15 Et donc le symptôme de ce système capitaliste à bout de souffle, le risque qui est le nôtre,
02:20 c'est les inégalités.
02:21 Les inégalités, c'est une bombe qui est placée au cœur de notre société.
02:25 L'hyperconcentration du travail, l'hyperconcentration du capital, c'est quelque chose qui aujourd'hui
02:31 est inexplicable, injustifiable et insoutenable.
02:34 Alors, inexplicable, sauf que c'est pour ça que je parlais d'un contrat social rompu.
02:37 Vous êtes extrêmement critique envers les élites.
02:41 Oui, je pense qu'il y a une faillite généralisée des élites et d'ailleurs de toutes les
02:46 élites.
02:47 Il y a les élites politiques qui ont démontré une forme d'impuissance et d'incapacité.
02:52 C'est d'ailleurs pas une tendance récente.
02:54 Ce qui m'intéresse, c'est les tendances longues.
02:56 Au cours des dernières décennies, les élites médiatiques, les élites, et j'en parle
03:01 dans le livre, la responsabilité des journalistes, les élites judiciaires ou évidemment également
03:07 les élites économiques.
03:08 Mais pour autant, je voudrais dire une chose, si vous me l'autorisez.
03:10 Ce n'est pas un livre négatif, ce n'est pas du tout un livre pessimiste.
03:13 Je ne suis pas un déclinologue ou un décliniste.
03:16 C'est bien de le préciser.
03:17 Je pense que c'est très important de le préciser.
03:19 D'où d'ailleurs le titre du livre, La lumière du chaos.
03:21 Je pense que ce chaos peut sortir de la lumière.
03:24 Alors, sauf que, évidemment, moi j'en reviens quand même.
03:26 Un dernier mot sur le constat.
03:28 Récent, Emmanuel Macron, quand il est arrivé au pouvoir en 2017, parlait de ruissellement
03:34 de l'économie.
03:35 Ce n'est pas le cas ?
03:36 Non, le ruissellement, il ne fonctionne pas.
03:38 Je pense même qu'il fonctionne d'ailleurs en sens inverse dans la société et entre
03:42 les nations.
03:43 Ce n'est pas une surprise pour vous ?
03:44 Non, ce n'est pas une surprise.
03:45 C'est un livre.
03:46 Je vis ce fonctionnement du système capitaliste et du monde depuis maintenant plusieurs décennies.
03:51 Auquel vous appartenez quand même, ce monde capitaliste.
03:55 Vous êtes banquier d'affaires.
03:56 C'est précisément parce que je suis un acteur de ce système, en effet, que je peux
04:01 en parler comme je le fais.
04:02 C'est précisément parce que je suis un acteur du système que je le connais, je le
04:05 comprends et je vois ces dysfonctionnements.
04:07 Je vois ce sur quoi on doit agir à mon sens.
04:10 Et donc, vous voyez des solutions.
04:12 Quel changement, à votre avis, faut-il y dissier ?
04:14 Très concrètement et rapidement.
04:17 Très concrètement et rapidement, parce que le livre propose toute une panoplie de solutions
04:21 qui sont parfois individuelles ou personnelles.
04:23 Ce que j'appelle être soi, mais également collective, être ensemble.
04:26 Pour se concentrer, puisque nous sommes dans l'invité de l'économie sur les sujets
04:29 concrets, pratiques et économiques, je vois deux grandes directions.
04:34 Mieux distribuer et mieux redistribuer.
04:36 Mieux distribuer, c'est mieux partager la valeur ajoutée, notamment au profit des salaires.
04:41 Et c'est également, on va peut-être en parler, distribuer un revenu minimum, c'est-à-dire
04:45 un revenu universel.
04:46 Et mieux redistribuer, en un mot, c'est aller taxer non pas le risque, il faut au
04:51 contraire à mon sens favoriser et encourager la prise de risque, mais taxer les rentes
04:55 et les situations acquises.
04:56 Et donc, l'économiste Gabriel Zucman, qui dirige l'Observatoire européen de la fiscalité,
05:01 était à votre place il y a quelques semaines.
05:02 Il veut mettre en place une taxe à 2% sur la fortune.
05:05 Est-ce que c'est une bonne idée ?
05:06 Oui, ce que je précise moi dans le livre, c'est que je pense que ce qu'il faut faire,
05:11 c'est taxer la fortune, la richesse, lorsqu'elle est immobile ou stérile.
05:16 Ce que je vous propose d'ailleurs, c'est l'accréditation d'un impôt sur la fortune
05:19 immobile, l'IFI, mais réinventé ou revisité.
05:22 Un autre IFI.
05:23 Un autre IFI, exactement.
05:24 C'est-à-dire la fortune.
05:25 Ce que j'appelle le capital immobile, c'est le capital qui n'est pas employé dans l'économie
05:28 productive, qui n'est pas employé à des fins d'investissement ici en France.
05:32 Vous pensez à quoi ?
05:33 Je pense par exemple au capital qui est investi dans des produits financiers, des
05:36 fonds, des fonds de fonds à l'étranger ou aux Etats-Unis.
05:38 Je pense que ce capital stérile, stérilisé, immobile, lui doit être taxé.
05:43 A l'inverse, il faut encourager l'investissement dans l'économie.
05:46 Alors, vous savez que ce que va vous répondre le gouvernement français actuel, ça fait
05:49 fuir les talents, ça fait fuir les grandes fortunes.
05:52 Ce n'est pas une bonne idée ?
05:53 Alors, je ne pense pas du tout.
05:54 Je pense que favoriser le risque et pénaliser la rente, ça devrait au contraire attirer
05:59 les entrepreneurs et les investisseurs.
06:01 Et donc, ça oblige les grandes fortunes à prendre cet argent et à le placer dans
06:07 l'économie réelle au lieu de se laisser dormir.
06:10 Exactement, je vais utiliser une autre image qui est l'image du profit des entreprises
06:14 pour illustrer.
06:15 Je pense que la difficulté, le problème, ce n'est pas de faire du profit.
06:19 Le problème, c'est l'utilisation du profit.
06:21 Et donc, ce qu'il faut faire par exemple, c'est faire en sorte que ce profit soit
06:25 dirigé vers l'investissement et revienne plus aux salariés.
06:28 Et par exemple, pénaliser le paiement de surdividende.
06:31 Alors, utilisation des profits, utilisation de la dette aussi.
06:35 Un autre dogme que vous voulez faire tomber, c'est celui de la dette publique.
06:39 Respecter les critères de Maastricht.
06:42 L'économiste Jean Pisaniferi veut financer les investissements verts par la dette publique
06:48 notamment.
06:49 Est-ce que vous êtes d'accord avec cette idée ?
06:50 Oui, moi je pense que l'État, ce n'est pas un agent économique comme un autre.
06:53 L'État, ce n'est pas un particulier, ce n'est pas une entreprise.
06:56 Il a à sa disposition une banque qui, elle-même, n'est pas une banque comme une autre, qui
07:00 est la Banque Centrale.
07:01 Alors, je ne dis pas que…
07:02 Qui est indépendante.
07:03 Qui est indépendante.
07:04 Ce qui est d'ailleurs un des sujets et un des problèmes que je soulève.
07:06 Parce que cette Banque Centrale devrait être à sa disposition.
07:10 Et ce que je dis, je ne veux pas être caricatural, je ne dis pas qu'on peut créer de la monnaie
07:13 de manière illimitée, la jeter d'un hélicoptère et que demain tout ira mieux.
07:17 Je dis qu'en revanche, sous certaines conditions qui me semblent aujourd'hui réunies, il
07:20 est possible de créer plus de monnaie et d'utiliser cette monnaie pour faire deux
07:24 choses.
07:25 D'abord, de faire des anniféries, l'utiliser pour financer des grands plans d'investissement,
07:30 par exemple sur la transition écologique, mais également sur la construction d'écoles
07:33 ou d'hôpitaux.
07:34 Et également pour distribuer un revenu minimum universel.
07:37 Merci beaucoup Mathieu Pigasse, homme d'affaires iconoclaste, donc, auteur de La lumière du
07:42 chaos, aux éditions de l'Observatoire, invité Echo de France Info.
07:46 Merci à vous.

Recommandations