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Samedi 6 mai 2023, SMART WOMEN reçoit Carine Chesneau (Présidente exécutive, Groupe Lambert)

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Transcription
00:00 (Générique)
00:02 -Bismart.
00:03 -Bonjour, Karine Chesneau.
00:04 -Bonjour, Marguerite. -Bienvenue sur ce plateau.
00:07 Karine, vous êtes la présidente exécutive
00:11 du groupe Lombert.
00:12 Je suis particulièrement ravie de vous recevoir,
00:15 parce que ça va nous permettre, une nouvelle fois,
00:18 dans la suite de ce que nous avons dit avec Sandra
00:21 et avec Patricia, de montrer qu'il y a des femmes
00:25 tout à fait talentueuses, à la tête de belles entreprises,
00:28 en l'occurrence une PME, dans l'industrie, en région.
00:31 C'est tout ça à la fois, donc je suis ravie.
00:34 En effet, vos usines sont à Couéron, près de Nantes,
00:38 et vous oeuvrez dans la tréfilerie,
00:41 donc la fabrication de clous, de pointes,
00:44 en langage industriel, et de fils d'acier.
00:48 Vous êtes également dans le négoce de clôture métallique
00:53 pour les professionnels des espaces verts.
00:57 Le groupe Lombert, c'est un groupe familial,
00:59 qui a 100 ans l'an prochain,
01:01 donc ça sera un anniversaire à fêter.
01:03 Vous êtes la quatrième génération
01:06 et vous êtes la première femme à diriger ce groupe.
01:09 Racontez-nous un peu le début de votre histoire.
01:12 Vous avez fait quoi avant d'y arriver,
01:14 de rentrer dans l'entreprise familiale,
01:16 et pourquoi l'entrée ?
01:18 -Alors, j'ai effectivement, moi,
01:20 grandi avec cette entreprise à côté,
01:23 puisque mon père en était le dirigeant,
01:25 et elle avait été créée par mon arrière-grand-père,
01:28 Paul Lombert, d'où le nom de l'entreprise.
01:31 Je n'ai pas grandi en me projetant dans la reprise de l'entreprise,
01:35 non pas parce que c'était interdit, mais parce que...
01:38 -Vous étiez quatre enfants, je crois.
01:40 -Oui, quatre filles.
01:41 -Voilà, c'était une question pour savoir s'il y avait des garçons.
01:45 -Quatre filles, et mon père dirigeait cette entreprise
01:48 avec laquelle on a grandi, tout en étant très occupé,
01:51 donc il n'en parlait pas non plus beaucoup à la maison.
01:55 J'ai fait mon bonhomme de chemin,
01:57 j'étais intéressée par la gestion, l'économie, les finances,
02:00 et donc j'ai fait des études de sciences éco,
02:03 puis un DVSS de gestion comptable et financière,
02:06 et puis je suis partie travailler dans un cabinet de fusion-acquisition,
02:10 puis j'ai fait du contrôle de gestion.
02:12 D'ailleurs, ça m'a permis de rencontrer
02:15 les chefs d'entreprise qui vendaient leurs entreprises,
02:18 et donc ça m'a beaucoup intéressée,
02:20 les belles histoires d'entreprises souvent familiales.
02:24 J'ai fait du contrôle de gestion dans un grand groupe de transport,
02:27 ce qui a été très formateur, et puis à l'âge de 26 ans, 27 ans,
02:32 je me suis encore plus intéressée à l'entreprise.
02:36 Alors, depuis une dizaine d'années,
02:38 mon père m'en avait quand même beaucoup plus parlé.
02:41 -Il avait essayé de vous la toucher.
02:43 -J'étais titulaire d'une action,
02:45 donc je participais de loin en loin à quelques réunions
02:48 AG et Conseil d'administration.
02:50 -Vous me disiez dans la salle à manger de vos grands-parents.
02:53 -Et puis j'avais fait le mémoire de fin d'études
02:56 sur l'évaluation de l'entreprise,
02:58 donc j'y m'y intéressais, et il y avait des connexions.
03:01 Et donc, à cet âge-là, vers 25-26 ans,
03:05 je me suis dit qu'il y avait une opportunité
03:07 de rejoindre l'entreprise,
03:09 puisque mon père avait un adjoint à l'époque,
03:12 qui partait en retraite, qui avait 38 ans d'ancienneté,
03:15 donc il y avait un enjeu aussi pour mon papa,
03:18 le remplacement de cette personne-là.
03:20 Et puis je voyais qu'il avait plein de projets
03:23 de rénovation aussi, et pas beaucoup de relais
03:26 pour l'appuyer dans ses projets.
03:28 Et donc, cet adjoint partant, je me suis manifestée,
03:31 je lui ai dit "peut-être que je pourrais
03:34 "venir travailler avec toi".
03:35 -Il a accueilli la proposition avec enthousiasme.
03:38 -Tout à fait, il était surpris, mais très content,
03:41 et ça s'est bien passé.
03:42 Et l'autre élément déclencheur,
03:44 au-delà de cette circonstance du départ de son adjoint,
03:48 c'était... Donc je travaillais dans un grand groupe,
03:51 c'était, comme je le disais, très formateur, très intéressant,
03:54 c'était varié, mais le poids de l'organisation,
03:58 finalement, commençait à peser,
04:00 et je voyais que pour prendre des décisions,
04:03 il fallait en référer au N+1, N+2, N+3,
04:05 avant que ça redescende, et ça,
04:07 je trouvais que c'était un peu long,
04:09 et j'avais envie de mettre en application des choses,
04:12 et je me suis dit "j'aurai plus d'occasions
04:15 "de prendre mon destin en main".
04:17 -On m'avait dit, quand on discutait ensemble,
04:20 que la perspective de passer votre vie dans une PME,
04:22 c'était pas non plus... -C'était le frein.
04:25 -Vous avez intégré l'entreprise en 2002, si je me souviens bien,
04:28 et vous en êtes devenue dirigeante en 2009.
04:31 Vous avez eu une cour d'apprentissage.
04:33 Mais 2009, c'était une année de crise financière,
04:37 donc c'était quand même pas facile du tout,
04:40 et vous avez été confrontée, dès le départ,
04:42 à des actions difficiles. -C'est quelque chose
04:45 qui restera pour moi un peu douloureux,
04:47 parce que la première décision que j'ai eue à prendre
04:50 en tant que nouvelle dirigeante, c'était de faire du chômage partiel,
04:54 puisque, après la crise financière en septembre 2008,
04:57 on s'est retrouvés en janvier 2009
04:59 avec 57 % de chiffre d'affaires en moins,
05:01 le calme plat, les équipes qui venaient tous les matins
05:05 et pas de boulot à leur donner.
05:07 Donc j'ai dû faire ça.
05:09 C'était en même temps très formateur.
05:11 C'est aussi, je pense, ce qui a un peu freiné mon père
05:14 à partir tout de suite.
05:16 -Ah oui. -On s'entend très bien.
05:17 -Il reste à côté de vous. -Il est resté.
05:20 Il s'est dit "Ouh là là, dans quelle galère j'ai mis ma fille".
05:23 Donc il s'est retiré de tout rôle opérationnel,
05:26 le management, le commerce, les comptes,
05:30 et puis il est quand même resté, c'est à la fois la mémoire
05:33 de ce qui s'est passé avant, et puis il a un talent
05:36 de créativité, et donc il a sorti de ses tiroirs
05:40 toutes les idées qu'il n'avait pas pu mettre en oeuvre auparavant.
05:44 -Il a créé des nouveaux produits. -Une complémentarité.
05:47 Je trouve que c'est une intelligence de sa part et de la vôtre
05:50 d'avoir réussi à avoir cette complémentarité
05:53 avec le management à votre main, lui sur les aspects...
05:56 -C'est pas évident de le transmettre,
05:58 quand on a été le dirigeant plusieurs années,
06:01 et il l'a vraiment fait de façon remarquable
06:03 en se mettant en retrait tout en étant là pour moi.
06:06 -Vous m'avez dit également que, néanmoins,
06:09 vous aviez eu besoin d'avoir des échanges avec vos pères,
06:12 quand vous vous sentiez, malgré tout,
06:14 un peu, enfin, isolement du chef d'entreprise,
06:17 donc c'est l'époque où vous avez rejoint les CJD,
06:20 vous avez pris la présidence après,
06:22 qu'est-ce que vous avez trouvé, parce que l'accompagnement
06:25 est important, dans ces échanges avec les autres chefs d'entreprise ?
06:29 -Le métier de dirigeant, en soi, ne s'apprend pas à l'école.
06:32 On apprend la gestion, le commerce, le management,
06:35 mais le métier de dirigeant est un métier en soi,
06:38 et j'ai eu besoin d'aller échanger avec d'autres dirigeants
06:41 pour voir comment ils faisaient, donc j'y ai trouvé ça,
06:44 une école de dirigeants, j'y ai trouvé beaucoup d'échanges,
06:47 j'y ai trouvé de la solidarité aussi,
06:49 puisque quand on a une problématique à gérer
06:52 et qu'on en discute, on se rend compte qu'on a tous les mêmes,
06:55 même si on a des métiers différents,
06:57 donc c'est ça que j'y ai trouvé, et ça m'a fait grandir,
07:01 en plus, avec une couleur spécifique aux CJD,
07:03 c'est qu'on milite pour une économie au service de l'homme,
07:07 donc c'est aussi, enfin, ou de la femme, d'ailleurs.
07:10 -La femme et l'homme. -Voilà.
07:11 Et donc, c'est une certaine idée de l'entreprenariat aussi,
07:15 une certaine idée de collaboration avec les salariés,
07:19 de partage d'un projet, de management collaboratif, etc.
07:22 C'est tout ça que j'ai trouvé aux CJD,
07:24 et j'ai aussi trouvé le goût de l'engagement,
07:27 puisque on s'engage aux CJD.
07:29 -D'autres causes, également. -Voilà.
07:31 Je l'avais évoqué, donc, en tant que femme,
07:34 on vient nous chercher aussi, plus facilement, presque,
07:37 pour s'engager, et donc, je suis devenue présidente
07:40 de ma section à Nantes, puis de ma région.
07:42 -Non, mais c'est très bien.
07:44 Aujourd'hui, c'est une entreprise qui tourne bien,
07:47 vous êtes proche des 30 millions de chiffres d'affaires,
07:50 80 collaborateurs, et vous faites tout cela
07:52 avec ce souci d'engagement et de rentabilité,
07:55 et vous le faites avec une conception du management
07:58 qui est très affirmée, et alors, vous parlez souvent,
08:01 enfin, souvent, ou du moins, vous parlez,
08:03 d'une entreprise qui est libérante et non pas libérée.
08:06 -Oui, le concept de l'entreprise libérée,
08:09 je me suis longtemps...
08:10 Enfin, ça m'a beaucoup intéressée,
08:12 je connais pas mal de chefs d'entreprise
08:14 qui ont enclenché cette démarche dans leur entreprise.
08:18 Il m'a semblé qu'elle n'était pas complètement adaptée
08:21 à notre métier, peut-être même,
08:23 on a un métier de savoir-faire ancien,
08:25 dans la métallurgie, avec certaines relations, aussi,
08:28 entre les collaborateurs,
08:30 notamment les équipes de production et les autres,
08:33 et donc, ce qui m'intéresse dans le concept d'entreprise,
08:36 d'entreprise libérée, c'est le fait que chacun
08:39 peut donner son avis, c'est celui qui sait et qui fait,
08:42 et donc, j'aime bien l'idée de libérance,
08:45 c'est-à-dire que dans une entreprise,
08:47 on peut grandir, continuer à apprendre,
08:49 s'épanouir, et c'est ça, le fait de se libérer soi-même,
08:53 plus que le concept très formaté, finalement,
08:55 de l'entreprise libérée. -Bien sûr.
08:57 C'est toujours un peu la règle des concepts, d'ailleurs,
09:01 puisque, bon, forcément, on théorise après des choses,
09:04 mais on est une entreprise libérée.
09:06 -Mais vous libérez, néanmoins, les énergies.
09:09 -On a pourtant à coeur de faire participer tout le monde
09:13 et d'écouter chacun, surtout.
09:15 -Vous avez connu, comme tout le monde, plusieurs crises,
09:18 bien sûr, on en a vécu une et on en a envie encore,
09:21 mais vous me disiez que vous avez considéré
09:24 que, finalement, ces situations difficiles
09:26 vous avaient permis de faire encore plus,
09:29 finalement, avez renforcé l'entreprise,
09:31 en ce sens qu'elle était désormais moins fragile,
09:34 plus adaptable, plus agile ?
09:36 Finalement, les leviers que vous avez utilisés
09:39 pour en arriver là ?
09:40 -Tout au long de son histoire, vous le mentionnez,
09:43 nous voulons avoir 100 ans l'année prochaine,
09:46 et forcément, en 100 ans, on traverse différentes situations,
09:49 différents contextes économiques, etc.,
09:51 et à chaque fois, ça a été notre truc de nous adapter,
09:55 à la fois dans les propositions de nouveaux produits,
09:58 d'aller voir de nouvelles clientèles,
10:00 et c'est ce que j'ai connu, moi, depuis ces dernières années,
10:03 et Dieu sait si ces trois dernières années,
10:06 on a eu des surprises et des choses à vivre incroyables.
10:09 Les leviers qu'on a utilisés,
10:12 c'est, à la fois, notre savoir-faire,
10:14 notre expertise, ça, c'est très important pour nous,
10:18 ce sont aussi nos valeurs,
10:19 c'est-à-dire les valeurs qu'on partage
10:22 avec nos collaborateurs, nos clients,
10:24 nos fournisseurs, la durabilité des relations
10:26 qu'on a avec eux, certains clients ont travaillé
10:29 avec des fournisseurs, et les collaborateurs aussi,
10:32 donc ça, c'est quelque chose sur lequel on s'appuie,
10:35 parce que, au moment du Covid, ou la guerre en Ukraine,
10:39 quand certaines frontières se sont fermées,
10:41 on était là, et on a pu être approvisionnés,
10:44 dans le cas des fournisseurs, on a pu fournir les clients,
10:47 parce qu'on avait cette relation depuis longtemps avec eux,
10:50 donc c'est notre expertise, c'est la durabilité des...
10:54 C'est la durabilité des relations qu'on a avec chacun,
10:57 et puis le fait de garder une ligne de conduite,
11:00 on a beaucoup réfléchi à notre raison d'être,
11:02 ces derniers temps, c'est un concept un peu à la mode,
11:05 mais je trouve intéressant,
11:07 ça permet de mettre des mots sur ce qu'on vit depuis 100 ans,
11:10 et qui nous permet de nous projeter dans l'avenir,
11:13 de guider les décisions qu'on prend.
11:15 -Merci pour ce témoignage et cet enthousiasme
11:18 que je trouve communicatif,
11:20 et je suis persuadée que s'il y en avait encore
11:22 qui pouvaient douter que des femmes pouvaient être
11:25 dans l'industrie, c'est désormais acquis que c'est possible.
11:29 Merci beaucoup. -Merci.
11:30 -Merci, Karine. Bon, l'émission est terminée,
11:33 donc bonne écoute de toutes les interventions
11:36 qui ont eu lieu, et à très bientôt.

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