Samedi 22 avril 2023, SMART WOMEN reçoit Christiane Feral-Schuhl (Avocate et ancienne présidente, Conseil National du Barreau)
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00:00 Générique
00:01 -Bismart.
00:03 -Bonjour, Christiane Féralchoul.
00:05 Très heureuse de vous recevoir, Christiane.
00:07 Alors, Christiane Féralchoul,
00:09 vous avez occupé des postes nombreux et prestigieux
00:12 au sein du monde de la justice.
00:14 Vous avez été, je le rappelais,
00:16 notamment bâtonnière du barreau de Paris,
00:18 vous avez été présidente du Conseil national des barreaux,
00:22 et en tant qu'avocate,
00:23 vous vous êtes spécialisée sur des sujets d'actualité aussi,
00:27 puisque vous êtes sur des sujets comme la cybercriminalité,
00:30 la protection des données personnelles
00:32 dans toutes ces dimensions,
00:34 et vous avez commis et vous continuez
00:37 à la fois livres et articles
00:40 sur ces thèmes qui vous sont chers.
00:42 Je voulais vous entendre, en fait, de façon un peu générale.
00:46 Je voulais vous poser une première question.
00:48 Est-ce que vous avez eu le sentiment,
00:50 pendant tout ce parcours riche,
00:52 que le fait d'être une femme avait eu une influence
00:56 sur la façon dont vous avez construit votre parcours ?
00:59 -Alors, je vais peut-être vous surprendre.
01:03 J'ai trouvé que, dans mon cas particulier,
01:06 je l'ai vécu comme un avantage.
01:08 C'est vrai que j'ai été plutôt entourée d'hommes.
01:14 Dans mon domaine de spécialité que vous évoquiez,
01:16 qui était l'informatique,
01:18 il y avait des experts, des experts hommes,
01:22 et je suis rentrée dans une profession
01:25 qui était majoritairement composée d'hommes.
01:27 Donc, je ne me suis pas posée de questions,
01:32 mais si je fais une analyse rétroactive,
01:36 j'ai trouvé que d'être femme a été souvent un avantage
01:40 parce que c'est disruptif par rapport aux codes
01:44 qui existaient en tous les cas à l'époque.
01:47 Donc, oui, ça a été un avantage. -C'est un avantage.
01:50 -Ensuite, je me suis rendue compte, je dois vous l'avouer,
01:54 je me suis rendue compte qu'il y avait un vrai sujet
01:56 et une difficulté lorsque j'ai fait campagne au Matona
02:00 parce que j'ai été dans les cabinets d'avocats,
02:03 que j'ai rencontré les collaboratrices,
02:05 que je me suis rendue compte qu'il y avait des difficultés.
02:09 Et là, j'ai pris le problème à bras-le-corps.
02:12 Donc, vous voyez, c'est oui, oui, mais...
02:14 -Oui, mais... Oui, mais...
02:16 On en avait parlé ensemble.
02:18 C'est vrai que cette question qui est souvent posée,
02:21 parce qu'il ne faut plus la poser du tout pour qu'elle n'existe plus,
02:25 il y a cette réponse qui veut dire
02:27 que je n'ai pas ressenti particulièrement quelque chose
02:30 en termes de problèmes, et il y en a quand on le voit.
02:33 Justement, vous avez toujours été,
02:35 quand vous avez pris conscience de cet état de fait,
02:38 vous avez toujours été une fervente supportrice,
02:41 en bon français, de l'égalité et de la promotion des femmes.
02:45 Comment vous trouvez la situation aujourd'hui ?
02:47 Dans votre monde,
02:49 dans le monde du droit, et puis, également,
02:51 de façon plus générale ?
02:53 -Alors, dans le monde de la profession d'avocat,
02:56 j'ai envie de vous dire que mon premier acte,
02:59 comme bâtonnière, a été d'autoriser l'utilisation
03:03 du mot "avocateux".
03:05 -Ah oui. -C'est rentré dans notre règlement
03:07 puisque c'était interdit,
03:09 et que lorsque j'ai imposé ma plaque d'avocat,
03:13 eh bien, il a fallu que... -Que vous vous battiez.
03:16 -Que j'en discute avec mes co...
03:19 mes associés de l'époque, et c'était des femmes,
03:22 et nous n'avions pas le droit d'utiliser le terme "avocate",
03:26 ce qui ne nous a pas empêché de le faire,
03:28 mais ce n'était pas autorisé.
03:30 Donc, ça a été un acte important,
03:32 ce qui veut dire qu'il est important de mettre les mots
03:35 clairement et de les positionner.
03:38 Et sous ma présidence au Conseil national des barreaux,
03:41 c'est le principe d'égalité
03:43 qui est rentré dans le règlement national.
03:46 Donc, c'est...
03:47 Je pense que, symboliquement, ce sont des actes forts.
03:51 C'est une profession qui, vous le savez,
03:54 est majoritairement composée de femmes.
03:56 Ce qu'on constate, c'est qu'il y a des spécialités
03:59 qui attirent plus les hommes que les femmes.
04:02 On va retrouver les femmes dans ce qui est plus humain,
04:05 de manière générale, que ce soit la famille,
04:08 le droit du travail, etc.,
04:10 ce qui ne veut pas dire qu'il n'y ait pas des chemins croisés,
04:15 mais, dans la profession,
04:18 les femmes, je ne vais pas dire qu'elles prennent le pouvoir,
04:22 mais elles sont majoritaires.
04:24 Point important, nous avons mis en place
04:27 le système des binômes.
04:29 Pour se présenter au Conseil de l'ordre,
04:32 il faut être un homme et une femme.
04:34 C'est un binôme. -Depuis combien de temps ?
04:37 -Depuis 2014,
04:40 2012. -C'est assez récent, finalement.
04:42 -C'est assez récent.
04:44 Au Conseil national des barons, nous avons des listes paritaires.
04:47 Le résultat est là.
04:49 Nous avons l'égalité dans les institutions de la profession.
04:52 Je pense que c'est en route.
04:54 Il reste du chemin à faire,
04:57 et on le voit avec toutes les actions
04:59 qui sont menées contre le harcèlement.
05:01 -Sur le sujet des violences, notamment.
05:04 -Sur les violences, ce qui se passe dans les cabinets,
05:08 le harcèlement moral, le harcèlement sexuel.
05:11 Il y a une libération de la parole
05:13 dans une profession qui n'avait pas l'habitude d'en parler.
05:18 -Vous parlez des femmes, sous cet angle important des violences,
05:21 mais sous l'angle, sur la vision que vous avez,
05:24 sur le côté pouvoir économique, ou politique, ou médiatique,
05:28 comment vous voyez aujourd'hui la situation des femmes,
05:31 de votre hauteur de vue ?
05:34 Comment vous voyez la situation ?
05:36 -Il y a eu des progrès, et des progrès qui s'accélèrent,
05:39 mais il reste encore beaucoup de chemin à faire.
05:42 La meilleure preuve en est qu'aucun homme ne se bat
05:45 pour être secrétaire d'Etat, à l'égalité,
05:48 ou ministre à l'égalité.
05:49 En tous les cas, les commissions d'égalité,
05:53 de manière générale, partout, sont plutôt présidées par des femmes.
05:57 Ca reste l'affaire des femmes, l'égalité,
05:59 plus que celle des hommes.
06:01 Vous avez des exceptions, évidemment, toujours ici et là.
06:04 Je pense que les femmes ont gagné en visibilité.
06:07 La preuve... -Oui, bien sûr.
06:10 Cette émission est là pour ça. -Cette émission est là pour ça.
06:14 Mais aujourd'hui, par exemple, ça nous choquerait
06:16 de voir un plateau sur lequel il n'y a que des hommes.
06:19 Ca arrive de temps en temps, et on le remarque.
06:22 Avant, on ne le remarquait pas.
06:24 La visibilité me paraît quand même importante.
06:27 Et puis, vous avez des femmes qui, évidemment,
06:29 accèdent de plus en plus... -A des fonctions de haut niveau.
06:33 -J'ai été la première à occuper les fonctions de présidente
06:36 au Conseil national des barons. Ca se remarque.
06:39 -Oui, absolument. -Pas tant que ça,
06:41 mais ça permet, en tous les cas,
06:45 de faire avancer les choses.
06:47 Donc, en résumé, j'ai envie de vous dire,
06:50 oui, on progresse, il reste du chemin, bien sûr.
06:55 -Mais nous constatons véritablement...
06:57 Cette prise de conscience a été faite,
06:59 et aujourd'hui, on le voit de plus en plus.
07:02 -Vous avez de plus en plus de femmes qui ont leur cabinet,
07:05 qui créent leur activité.
07:07 Vous avez de plus en plus d'entrepreneurs.
07:10 Enfin, on voit tout cela se mettre en place.
07:12 -Donc, nous finissons sur une note positive,
07:15 ce qui est la meilleure façon de le faire.
07:17 On voit qu'on a devant nous ce chemin
07:20 que nous prenons avec enthousiasme et esprit énergique.
07:23 -Absolument. -Merci beaucoup,
07:25 Christiane, pour cet éclairage, qui est non dénué d'humour.
07:29 Merci beaucoup. -Merci.