Six biais sociétaux - Théorie du Bonheur - 6

  • l’année dernière
Loin de nous détromper, la foule exacerbe nos erreurs individuelles. Si nous n'y prenons pas garde, les biais sociétaux nous égarent de diverses manières, nous exposent aux manoeuvres de manipulation et, pire encore, engendrent notre médiocrité.

0:00 • Introduction / Précédemment
1:05 • Début de l'épisode
1:45 • Conformisme
3:15 • Chambres d'écho
5:24 • Edulcoration de l'information
7:05 • Sensationnalisme
8:52 • Démagogie
10:07 • Parenthèse à propos de l'intuition
11:23 • Glorification de l'intuition et du subjectif
12:48 • Ecran de fin / Citations

Musique par Jean-Michou : https://soundcloud.com/jean-michou
Texte original : https://amzn.to/3wnTUxP

Retrouvez-moi sur les réseaux sociaux :
Facebook : https://facebook.com/arthur.hennes
Instagram : https://instagram.com/arthur.hennes
Twitter : https://twitter.com/ArthurHennes
LinkedIn : https://linkedin.com/in/arthurhennes
TikTok : https://tiktok.com/@arthurhennes

Me soutenir sur Tipeee : https://fr.tipeee.com/arthur-hennes

#theoriedubonheur #asch #mediocrite #fakenews #infox #journalisme #intuition #politique #demagogie #populisme #conformisme #bonheur #instinctgregaire #philosophie #zonedeconfort #developpementpersonnel
Transcription
00:00 La foule est-elle plus intelligente que l'individu seul ?
00:04 On pourrait supposer que le fait d'être en groupe annule nos biais subjectifs et nos erreurs de jugement individuels.
00:10 Après tout, plusieurs cerveaux valent mieux qu'un, non ?
00:13 Non ?
00:14 Non.
00:16 Mais pas genre "non, ça change rien au problème".
00:18 Plutôt "non, ça peut même l'aggraver carrément, voire le transformer en un joyeux bordel aux proportions quasi divines".
00:24 Bref, on va en parler.
00:28 Précédemment, dans Théorie du Bonheur...
00:31 On va dégager une bonne fois pour toute cette aberration qu'est la notion de vérité subjective.
00:37 L'intérêt de la vérité, c'est d'être un référentiel absolu de ce qu'est la réalité, indépendamment de celui qui l'observe.
00:45 Sinon, c'est pas la vérité, c'est une perception de la vérité.
00:48 Je vais vous parler d'erreurs de raisonnement et de biais subjectifs courants,
00:51 qui nous poussent à croire vrai de fausses informations ou à prendre de mauvaises décisions.
00:56 Parce que ces erreurs prennent une dimension toute autre dans un cadre collectif.
01:01 Dès lors que nous sommes plusieurs, nos biais individuels peuvent dégénérer de deux manières.
01:19 Il y a d'abord un effet d'exacerbation causé par le groupe, qui donne lieu à ce qu'on appelle les biais sociétaux.
01:25 Et par-dessus ça, puisque ces biais sociétaux sont connus,
01:28 certains individus ne se gênent pas pour les exploiter.
01:31 Ils s'en servent pour nous manipuler, dans leur intérêt, et souvent à nos dépens.
01:36 En 1951, le psychologue Solomon H. propose l'expérience suivante.
01:52 Il rassemble 10 cobayes dans une salle,
01:55 et leur demande de comparer un segment test d'une certaine taille à trois segments de référence, A, B et C.
02:01 Ils doivent alors dire l'un après l'autre à quel segment de référence correspond le segment test.
02:07 C'est plutôt facile, et dans des conditions normales, le groupe trouve unanimement la bonne réponse.
02:12 Mais ce bon vieux Solomon est un farceur.
02:15 Alors il refait le test avec 9 complices et un seul vrai cobaye, placés en avant-dernière position dans la chaîne.
02:21 Les 9 complices sont tous chargés de donner la même fausse réponse.
02:26 Lorsque vient le tour du vrai cobaye, on constate que dans environ 40% des cas,
02:30 celui-ci conforme sa réponse à celle du groupe, alors qu'elle est évidemment fausse.
02:35 Tadaaa ! Solomon met ainsi en évidence le phénomène de conformisme,
02:39 plus couramment appelé instinct grégaire ou effet mouton.
02:43 Ce phénomène peut découler de plusieurs facteurs,
02:45 comme notre manque de confiance en nous, ou notre flemme de formuler un avis personnel,
02:49 mais il vient surtout de notre appréhension du jugement des autres.
02:53 Et c'est sur ça que jouent les manœuvres de marginalisation.
02:57 Lorsqu'une minorité s'oppose à une majorité, on peut chercher à réduire cette minorité au silence
03:02 en attachant un jugement de valeur à leur opinion, de sorte que la majorité les dénigre.
03:07 L'idée étant de pousser cette minorité à abandonner sa position
03:11 parce qu'elle lui en coûte trop en termes de considération par l'ensemble du groupe.
03:16 [Pourquoi les chwingums sont aveugles ?]
03:19 Imaginons que vous croyez, disons pour prendre un exemple délibérément faux,
03:23 que mâcher du chwingum rend aveugle.
03:26 Vous en faites part à un ami qui vous croit sur parole.
03:30 Quatre autres amis vous confirment chacun un peu plus tard qu'ils ont entendu dire ça,
03:34 et un dernier, un peu mieux informé que les autres, vous dit bien que c'est n'importe quoi
03:38 et que les chwingums ne rendent pas aveugles.
03:41 Sauf qu'à quatre avis contre un, vous serez plus confortés dans votre erreur que des trompés.
03:46 Or, ce que vous n'avez pas vu, c'est que les quatre amis qui vous ont confirmé cette information
03:51 la tiennent d'une seule et même source, celui qui vous a cru sur parole au tout début.
03:56 En réalité, c'est votre avis seul contre celui de votre ami mieux renseigné.
04:01 Vous êtes alors induits en erreur par ce qu'on appelle une « chambre d'écho »
04:05 qui correspond à la version collective du biais de confirmation dont nous avons parlé à l'épisode précédent.
04:10 On retrouve le phénomène de « chambre d'écho » sur les réseaux sociaux.
04:14 On nous y donne la possibilité d'ignorer les utilisateurs qui y expriment une opinion en désaccord avec les nôtres.
04:21 De plus, notre expérience d'utilisation est personnalisée,
04:24 ce qui veut dire qu'on nous présente en priorité des contenus en accord avec nos sensibilités personnelles.
04:30 Au lieu de nous aider à remettre en question nos préconceptions, les réseaux sociaux nous y confortent.
04:36 De même, les pratiques marketing appliquées à la création de contenus artistiques forment encore une « chambre d'écho ».
04:43 Ces contenus artistiques sont de moins en moins produits de manière originale et indépendante pour nous être ensuite proposés.
04:50 Ils sont façonnés de telle sorte qu'ils correspondent au consommateur cible afin que celui-ci s'y identifie et retrouve sa propre préférence.
04:59 C'est comme ça qu'on se retrouve avec des fictions dont les héros glorifient nos propres imperfections
05:04 ou avec des émissions de télé-réalité abrutissantes,
05:08 calibrées pour ne pas susciter notre insécurité vis-à-vis de notre propre intelligence.
05:14 Je réalise que je sonne un peu réac' là, et peut-être que vous trouverez que j'exagère.
05:19 N'hésitez pas à me le dire en commentaire si c'est le cas, il y a tout à fait matière à débat.
05:23 Le temps optimal d'une vidéo publicitaire, pour que son message soit compris et retenu par le plus grand nombre,
05:33 est d'environ 15 secondes. C'est très court.
05:36 Les informations présentées dans ce laps de temps doivent être simples
05:39 et davantage susciter une émotion qu'évoquer des informations techniques et objectives.
05:44 Ces contraintes de communication sont dues à notre capacité d'attention limitée.
05:49 Et du fait de la saturation des informations auxquelles nous sommes confrontés,
05:53 il est donc tentant d'optimiser nos communications au maximum pour les faire connaître.
05:58 Or, en privilégiant la lisibilité des messages au détriment de leur sens,
06:03 et du fait de notre biais de simplification, nous provoquons parfois des contresens dangereux.
06:09 Pour proposer un exemple issu de la philosophie,
06:12 beaucoup de gens se proclament épicuriens,
06:15 parce qu'ils ont retenu que ce terme avait vaguement à voir avec la recherche des plaisirs,
06:19 et parce que ça sonne bien.
06:21 Mais du coup, ils l'utilisent pour désigner leur poursuite décérébrée des plaisirs, quels qu'ils soient,
06:26 sans réfléchir à leurs conséquences pour eux-mêmes ou pour les autres.
06:30 Et là, je peux vous assurer que c'est pas DU TOUT ce qu'Épicure a voulu dire.
06:35 Au contraire, lui recommande de choisir judicieusement ses plaisirs,
06:39 et d'éviter la souffrance en faisant pas n'importe quoi.
06:43 C'est le même problème avec Carpe Diem, une locution latine que vous connaissez sûrement,
06:47 et qu'on peut traduire par "que le jour présent".
06:51 Dans son contexte original, elle ne dit pas du tout qu'il ne faut penser QUE au moment présent,
06:56 et avoir une attitude complètement inconsciente vis-à-vis du futur.
07:00 Elle dit seulement qu'il faut savoir savourer le moment présent, quels qu'ils soient.
07:05 Saviez-vous qu'au Japon, il est illégal d'être gros sous peine d'amende ?
07:14 Non ? Ben c'est normal, c'est parce que c'est pas vrai.
07:18 En revanche, beaucoup de gens l'ont cru en 2008, après que les Japonais aient passé une loi
07:22 rendant obligatoire pour les individus entre 45 et 74 ans d'aller se faire examiner par un médecin une fois par an,
07:28 et de recevoir des conseils médicaux en cas de surpoids.
07:31 Cette loi impose également aux entreprises de mettre en place des programmes d'accompagnement
07:35 à la perte de poids pour les employés concernés, sous peine de pénalité financière.
07:40 Alors certes, cette mesure met une certaine pression sur les individus en surpoids, voire les pénalise.
07:47 Mais de là à publier des articles titrés "Japon, le pays où il est illégal d'être gros"
07:53 ou encore "Vous êtes gros au Japon ? Vous êtes hors la loi !"
07:57 il y a quand même une légère exagération.
08:00 C'est vrai que le contenu de ces articles relate les faits de manière plus fidèle.
08:04 Mais le titre prête volontairement à confusion afin de nous intriguer,
08:08 de nous pousser à cliquer sur l'article, à le partager, et ce par souci d'audience.
08:13 Or, du fait de notre capacité d'attention réduite que j'évoquais un petit peu plus tôt,
08:18 la plupart des lecteurs ne lisent que 50% des mots en moyenne dans un article.
08:23 Et ça c'est quand ils s'arrêtent pas juste au titre.
08:26 Combiné à notre biais sensationnel, ça fait que la plupart des gens ne retiennent que la fausse information
08:31 selon laquelle on peut être condamné pour obésité au Japon.
08:35 Et voilà comment on fait une légende urbaine dans l'espoir égoïste de faire des vues.
08:39 Malheureusement, c'est loin d'être un cas isolé.
08:42 L'utilisation de ce genre de titre dit "putaclic" est une pratique courante dans tous les médias d'information
08:47 qui prend trop souvent le pas sur la déontologie journalistique.
08:51 Le principe de la démocratie est de donner gain de cause à la volonté du plus grand nombre.
09:00 Au vu de tous les biais que j'ai listés, ce mécanisme pose en soi un problème évident.
09:05 Le plus grand nombre n'a pas toujours raison.
09:08 Sur certains sujets, de nombreux politiciens défendent l'avis le plus populaire
09:12 en sachant pertinemment qu'il est erroné afin d'obtenir le plus grand suffrage.
09:16 Ça leur est plus facile que d'être élu en défendant un avis juste mais impopulaire.
09:21 On appelle démagogie ou encore populisme ce recours à la facilité.
09:26 Il en existe beaucoup de déclinaisons possibles comme la victimisation par exemple
09:30 qui consiste à faire croire au plus grand nombre qu'il est victime d'une injustice inventée.
09:35 Et ça marche bien, de nombreux individus préfèrent avoir quelqu'un à qui reprocher leurs problèmes
09:39 plutôt que de se remettre en question.
09:41 Du coup, les auteurs de ces manœuvres en profitent bien sûr
09:44 pour se positionner en sauveur face à cette injustice inventée.
09:48 Le court-termisme dans l'exercice du pouvoir est un autre exemple de démagogie.
09:52 Plutôt que d'exercer une politique impopulaire mais bénéfique à long terme,
09:56 le dirigeant démagogue applique une politique dont les résultats immédiats plaisent au plus grand nombre
10:01 sans se soucier des conséquences ultérieures.
10:04 Juste le temps de passer la prochaine échéance électorale
10:07 afin de l'aborder en position favorable.
10:10 La prérogative première du métier de politicien ne semble plus du tout être
10:14 de proposer une direction pour notre pays, mais seulement de gagner des élections.
10:19 Et je pense que ce fait à lui seul explique un grand nombre de déviances
10:24 quant à la manière dont notre société est dirigée.
10:31 Avant d'aborder le dernier point, petite parenthèse rapide sur ce qu'on appelle l'intuition.
10:36 L'intuition est un jugement inconscient qui aboutit à une conclusion
10:41 sans que nous sachions par quel cheminement, ni si ce cheminement est juste.
10:46 Pour autant qu'on le sache, ça peut être un jugement très subjectif et complètement biaisé.
10:51 La conclusion à laquelle notre intuition aboutit est donc douteuse.
10:55 De l'intuition ou de la raison, le plus fiable est bien sûr la raison.
11:00 Il faut donc préférer suivre notre raison, et seulement lorsque ce n'est pas possible, suivre notre intuition.
11:07 Beaucoup de personnes croient sincèrement avoir une très bonne intuition.
11:10 Ils justifient ainsi d'y avoir plus souvent recours qu'à leur raison pour former un jugement.
11:15 Mais le plus souvent, leur biais de confirmation est à l'œuvre.
11:18 Elles se souviennent plus des faux où leur intuition a vu juste que des faux où leur intuition s'est plantée.
11:23 Il y a aussi un peu de leur biais de préférence.
11:26 D'une part, ça demande moins de travail de se fier à son intuition que de mener une réflexion rigoureuse.
11:31 Et d'autre part, les individus aiment se croire un peu spéciaux.
11:35 Certains vont même jusqu'à inventer des vertus surnaturelles à leur intuition.
11:39 Bon, c'est un peu pour se rendre intéressant, quoi.
11:43 Nous n'aimons pas avoir tort, et avoir raison demande du travail.
11:51 Faut se renseigner, faut raisonner, faut se remettre en question.
11:55 C'est pas facile.
11:57 Du coup, pour ne pas avoir tort et pour ne pas avoir à bosser pour avoir raison,
12:01 de plus en plus de gens soutiennent que la vérité n'est qu'une notion subjective,
12:05 que toutes les opinions se valent, et que notre intuition serait meilleure que notre raisonnement.
12:11 Ces affirmations ne sont pas seulement fausses, elles sont dangereuses.
12:17 Si on ne reconnaît pas nos erreurs, alors on ne peut ni les étudier, ni en tirer des leçons.
12:23 Or l'erreur est certes désagréable, mais elle est essentielle à notre apprentissage.
12:29 Quand on ignore ses échecs, et qu'on se contente de croire qu'on a raison même quand on a tort,
12:34 alors on devient complaisant.
12:37 Et lorsque la complaisance se généralise à l'échelle de la société, alors l'erreur devient la norme.
12:43 Et plus personne ne cherche à l'éviter, puisque tout le monde la commet.
12:47 Et c'est de cette manière que naît la médiocrité.
12:53 C'était le dernier point de ma liste, et je réalise que ça fait deux épisodes d'affilée que je ne fais que lister des problèmes.
12:59 Il commence à être temps que j'arrête de noircir le tableau, et que je propose des solutions.
13:04 C'est exactement ce que je vais faire.
13:07 Au prochain épisode.
13:09 Merci à toutes et à tous d'avoir suivi ce sixième épisode.
13:13 S'il vous a plu, je vous invite à vous abonner, à activer la petite cloche, à cliquer sur le somptueux pouce en l'air.
13:18 La base, quoi.
13:20 Notez que la liste des biais sociétaux que j'ai évoqués n'est pas exhaustive.
13:23 Je vous invite à en proposer d'autres en commentaire, qui pourraient selon vous compléter la liste.
13:28 Si vous souhaitez soutenir la chaîne, n'hésitez pas à partager les épisodes autour de vous,
13:32 afin de la faire découvrir à votre entourage.
13:34 N'hésitez vraiment pas à le faire, pour vous dire à chaque fois que je vois un partage d'épisodes,
13:38 j'en ressens les effets en termes de nombre de vues.
13:41 Donc vraiment, ça marche, quoi.
13:43 Et encore une fois, un très grand merci à tous pour votre soutien.
13:46 Jusqu'ici, vous avez été super encourageants.
13:49 Voilà, c'est tout pour moi. Je vous dis à la prochaine, et d'ici là,
13:53 prenez soin de vous.
13:55 [Musique]

Recommandations