BE SMART - Le sujet du jour du mardi 9 mai 2023

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Mardi 9 mai 2023, BE SMART reçoit François-Xavier Oliveau (Directeur associé, Initiative & Finance) , Denis Ferrand (Directeur Général, Rexecode) et Jérôme Mathis (professeur, Université Paris-Dauphine, Membre de BSI Economics)

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00:00 On repart, puisqu'on parlait de fiscalité, sondage intéressant de l'Institut Montaigne
00:08 quand même, sur la fiscalité perçue, ça ne vous surprendra pas.
00:12 Enfin, en même temps, si tu fais ta déclaration de revenus et si tu as les simulateurs maintenant
00:18 qui sont très bien faits, tu te rends compte quand même que les impôts baissent, mais
00:20 visiblement non.
00:21 Et donc 42% des Français, c'est peut-être ceux qui ne payent pas l'impôt sur le revenu,
00:25 j'en sais rien, 42% des Français ont le sentiment que l'impôt et la taxe sont augmentés
00:29 depuis 2017 alors qu'ils ne cessent de baisser.
00:32 Là-dessus, Jérôme a raison, l'impôt sur le revenu, ça n'est que la partie émergée
00:37 de l'iceberg littéralement, c'est de l'ordre de 10%, enfin même pas, de la fiscalité
00:40 globale, c'est 70 milliards sur des ressources publiques qui doivent être autour d'un plus
00:44 de 4,5 milliards.
00:45 C'est pour le budget de l'État.
00:46 Mais ce que tu payes dans le cadre de la redistribution, si on inclut tous les flux de redistribution,
00:52 que ce sont les transferts sociaux, la retraite, etc., les collectivités locales.
00:55 Si tu mets la Sécu dedans, oui, effectivement.
00:57 Oui, c'est des prélèvements obligatoires.
00:59 Tu n'as pas l'impression de la payer.
01:01 Non, non, tu as parfaitement raison.
01:02 Tu t'expliques que les charges patronales, c'est ton patron qui les paye, en fait, c'est
01:05 toi.
01:06 Donc en fait, sur le magma global, tu as parlé de la TVA qui est supérieure, on pourrait
01:10 parler de la CSG qui est autour de 110 ou 120 milliards.
01:12 Oui, ça doit être 160, 150, 160 la TVA.
01:15 L'impôt invisible que personne n'a l'impression de payer en fait est beaucoup plus élevé
01:18 que l'impôt sur le revenu.
01:19 Donc en fait, tout le monde.
01:20 Deux fois.
01:21 Deux fois plus élevé.
01:22 Donc on est sur une fixette sur l'impôt sur le revenu conçu comme un totem et c'est
01:26 extrêmement climant parce que du coup, tu crées une séparation entre les gens qui
01:30 paient l'impôt sur le revenu et qui ont l'impression de payer pour les autres, ceux
01:33 qui ne le paient pas et qui ne sont pas associés ou qui ont l'impression de ne pas être associés
01:37 à la fiscalité.
01:39 Et on tombe à la fin finalement sur, en réalité, quand on fait la somme de tous les chiffres,
01:43 on est sur du 40 à 50% de taux d'imposition au global, quel que soit le niveau de revenu.
01:48 Et avec le petit bémol, effectivement, sur les très hauts revenus.
01:50 Donc en fait, l'un des énormes problèmes de l'impôt, c'est justement son illisibilité,
01:56 ce qui est d'ailleurs un truc complètement contraire à la Constitution et aux droits
01:59 de l'homme.
02:00 Je rappelle quand même que normalement, il y a un article de la Déclaration des droits
02:02 de l'homme du citoyen, qui postule que le citoyen doit pouvoir voir son impôt, en contrôler
02:10 l'assiette et en voir l'usage.
02:11 C'est l'article de la Déclaration des droits de l'homme à valeur constitutionnelle qui
02:16 est de loin le moins respecté en France.
02:17 Tu peux le faire sur l'impôt sur le revenu ?
02:19 C'est hyper compliqué.
02:21 Et même sur l'impôt sur le revenu ?
02:22 Il se trouve que je l'ai fait.
02:24 Et en fait, très franchement, je rends hommage aux services fiscaux.
02:29 C'est-à-dire que franchement, le site est super bien fait.
02:32 Et notamment sur le calcul des parts, qui est le truc un peu compliqué.
02:37 Tu divises d'abord, tu multiplies ensuite, etc.
02:39 Mais en fait, franchement, tu peux le faire.
02:42 Mais tu peux comprendre un bout.
02:43 Je crois que c'est 4 barremes.
02:44 Tu comprends.
02:45 Mais tu sais l'impôt que tu payes, toi ?
02:47 Oui.
02:48 Mais pas que l'impôt sur le revenu.
02:50 Ah non, mais sur l'impôt sur le revenu.
02:53 Et donc, tu arrives à avoir de la vie.
02:54 Je l'ai fait à blanc.
02:55 J'ai regardé après le simulateur.
02:56 Et c'était bon.
02:57 L'article de la Déclaration des droits de l'homme, ce n'est pas le citoyen à
03:02 droit de voir 10% de ce qu'il paye.
03:03 Ce n'est pas ça l'article.
03:04 Oui, tout à fait.
03:05 Tu vois, je veux dire, à un moment donné, on a construit un truc.
03:08 C'est sur les charges sociales que c'est très compliqué.
03:10 Mais sur tout le reste.
03:11 On a construit un truc qui est d'ailleurs sciemment construit pour que le contribuable
03:15 soit le plus indolore possible pour le contribuable.
03:16 Et le principe de rendre un truc indolore pour le contribuable, c'est qu'il est forcément
03:19 illisible.
03:20 Et donc, tu as en fait une espèce de perception d'une moitié des gens de payer pour tout
03:25 le monde, de l'autre moitié finalement d'être gagnant ou d'être redevable de plein de choses
03:28 et de ne pas voir en fait qu'on paie 40% de leur revenu en impôt.
03:32 Et de ne pas voir aussi les baisses d'impôt.
03:34 Mais oui, c'est ça.
03:35 Par rapport au sondage que tu évoques de l'Institut Montaigne, on oublie la redevance,
03:40 on oublie la taxe d'application, les cotisations sociales salariées qui ont diminué, l'indexation
03:48 sur l'inflation des tranches du barème de l'impôt qui fait que tous ceux qui ont eu
03:51 un revenu qui n'a pas suivi l'inflation, en fait, ils vont avoir une baisse d'impôt.
03:54 Et en fait, tous ces éléments-là, ça n'imprime pas.
03:57 Les baisses d'impôt n'impriment pas.
03:59 Voilà.
04:00 C'est la conclusion d'ailleurs de l'enquête de l'Institut Montaigne.
04:03 C'est arrêter de faire des gestes fiscaux.
04:04 Ça ne sert à rien finalement.
04:05 Voilà.
04:06 Ça fait perdre un peu de ressources.
04:07 Pas beaucoup, mais un peu de ressources.
04:08 Et ça ne vous donne aucun crédit politique dans l'opinion.
04:11 Non, il faudrait même presque faire le contraire en mettant en place, en mettant la… enfin
04:17 en donnant vraiment la transparence de l'impôt, en mettant en évidence effectivement tout
04:20 l'impôt que les gens payent.
04:21 Déjà, ce serait le premier geste qui montrerait… alors non, ce ne sera pas très populaire,
04:24 mais ça permettrait en fait d'aller…
04:26 Ah, tu veux dire d'additionner tout ?
04:27 D'expliquer aux gens tout l'impôt qu'ils payent.
04:30 Y compris la TVA ?
04:31 Compliqué là, la TVA.
04:32 Non, mais de donner une estimation.
04:34 Si tu arrives à donner une estimation effectivement aux différentes personnes, aux citoyens
04:37 d'impôt qui payent, c'est forcément une estimation parce qu'évidemment le système
04:40 était… on est quand même sur plusieurs centaines d'impôts en France, donc le système.
04:43 Et en plus, tu as un autre sujet aussi qui est ce qu'on appelle l'incidence fiscale,
04:46 c'est-à-dire le fait que ce qu'on disait tout à l'heure…
04:47 Tu l'as, c'est 58% en fait.
04:48 C'est-à-dire que c'est là où c'est…
04:49 En moyenne 58%, mais déjà…
04:50 C'est le prélèvement…
04:51 Alors, ce n'est pas 58, c'est 45.
04:52 58, c'est la dépense.
04:53 Ah oui, oui, oui.
04:54 58, c'est la dépense.
04:55 58, c'est ce que tu dépenses.
04:56, c'est ce que l'État… enfin, c'est la puissance publique dépense.
04:59 La puissance publique de la dépense et l'écart entre les deux, c'est le déficit.
05:02 Mais au moins, les 45, tu les as et c'était le cas de Piketty l'an 2016, il y a quelques
05:06 années, c'était finalement de montrer que grosso modo, tout le monde est autour
05:11 de 45, plus ou moins quelque chose.
05:13 Et donc ça déjà, le rendre objectif et rendre conscient les gens de ça, notamment
05:19 dans une logique de maîtrise des dépenses publiques, au minimum, il faut expliquer aux
05:23 gens ce qu'ils payent.
05:24 Une logique de quoi, tu as dit ?
05:25 Maîtrise des dépenses publiques.
05:26 Je me lave les dents.
05:27 J'ai dit un gros mot, pardon.
05:28 Sentiment que le gouvernement fait quand même un petit effort sur un souci de transparence,
05:37 mais tu as tout à fait raison, on manque clairement de transparence là-dedans.
05:40 Moi, ce que j'aimerais, c'est que le gouvernement se prête même à un exercice, mais qui est
05:43 aujourd'hui trop délicat, c'est de nous dire pour chaque baisse d'impôt, qu'est-ce
05:47 qui va venir remplacer ? Parce que la taxe d'habitation est supprimée, très bien,
05:49 mais ça veut dire quoi ? Les taxes sont sières, donc les propriétaires vont payer plus maintenant.
05:53 Mais ça, on ne le dit pas.
05:54 Il faudrait préciser, voilà.
05:55 C'est même pire, Jérôme.
05:58 D'ailleurs, allons-y, parce que je pense que le sujet du logement est aussi un sujet
06:02 qui est au cœur du malaise des classes moyennes.
06:04 Cette suppression de la taxe d'habitation, qui est sans doute une aberration, en fait,
06:12 tu casses complètement le lien entre la construction et de la ressource pour la commune.
06:18 Et donc, le maire qui n'avait déjà pas forcément envie de construire, un maire qui
06:24 construit est un maire battu, dit l'adage.
06:26 Alors là, pour le coup, il n'a plus aucune incitation à construire.
06:31 On s'était posé la même question, d'ailleurs, sur la taxe professionnelle à un moment.
06:35 Quand cette taxe professionnelle qui était assise notamment sur le capital a été réformée,
06:40 il y avait toute cette incitation.
06:41 Mais pourquoi est-ce que je prendrais des usines qui seraient polluantes ?
06:45 Absolument.
06:46 Puisque je n'ai plus le rendement en termes fiscaux.
06:49 Donc, on a réintroduit, après, à travers la CVAE, on a toujours...
06:52 Oui, elle est revenue, la taxe professionnelle.
06:54 Voilà.
06:55 On l'a réinventée, elle a pris des nouveaux habits.
06:57 Mais qu'est-ce qui va se passer dans ce cas pour la taxe d'habitation ?
06:59 Parce qu'on voit bien que la crise qui vient et qui, pour le coup, peut être tout à fait
07:04 dommageable pour les classes moyennes, c'est bien cette crise du logement où on a désormais
07:09 une désincitation à la construction de logements qui est majeure.
07:12 Parce que tu avais déjà le ZAN, le zéro artificialisation net, qui te restreignait
07:15 l'usage du foncier que tu peux avoir de disponible sur ton territoire.
07:17 Mais en plus, si tu vas faire du logement, maintenant, tu n'as plus le rendement.
07:20 Tu n'as plus le rendement, toi, en tant que maire, donc effectivement, on retrouve ce
07:23 que tu décris.
07:24 Tu vas avoir quand même un remplacement naturel, et c'est ce que tu disais, de la taxe d'habitation
07:27 par la taxe foncière, à un moment donné, dont d'ailleurs les assiettes sont actuellement
07:30 réévaluées.
07:31 Et donc tu vas faire monter le prix du foncier ?
07:33 Attends, tu vas avoir...
07:35 C'est un peu plus compliqué que ça.
07:37 Tu vas avoir une...
07:39 Assez logiquement, la nature ayant horreur du vide et les collectivités locales ayant
07:44 quand même besoin d'équilibrer leur budget, tu vas avoir forcément une pression à la
07:47 hausse de la taxe foncière qui est accentuée par le fait qu'il y a une réévaluation des
07:50 assiettes, puisque les assiettes de la taxe foncière n'ont pas été touchées depuis
07:53 quelques dizaines d'années.
07:54 Donc il y a un mouvement de toute façon qui est prévu.
07:57 C'est depuis 1972, et ça, c'est un truc dont j'entends parler depuis une petite dizaine
08:03 d'années, je crois, la réévaluation de la taxe foncière.
08:05 C'est une telle bombe que personne...
08:07 C'est un peu comme les retraites.
08:08 Personne n'ose allumer la mèche.
08:09 Mais par la force des choses, par la force des choses, tu vas avoir l'espace par la force
08:14 des choses, Fakdadi.
08:15 Par la force des choses, tu fais de la dette et du déficit en plus.
08:18 C'est comme ça que tu résouds les problèmes depuis 40 ans.
08:20 Sauf que les collectivités ne peuvent pas faire de la dette.
08:22 Non mais si tu veux, à un moment donné, une collectivité locale pourrait équilibrer
08:25 son budget, elle ne peut pas faire de la dette.
08:26 Regarde, regarde, qu'est-ce qui se passe ?
08:28 Et elle aura moins de transferts de l'État.
08:29 Qu'est-ce qui se passe dans ce moment budgétaire surréaliste, discret, technique, mais surréaliste,
08:35 autour de la loi organique de loi de finances, c'est-à-dire la projection que la France
08:40 doit envoyer à Bruxelles sur ses cinq ans, que le gouvernement n'arrive pas à faire
08:44 voter.
08:45 Et pourquoi est-ce que le gouvernement n'arrive pas à la faire voter ? Parce que les Républicains,
08:49 qui sont très attachés aux collectivités locales, puisque c'est le seul truc qui leur
08:53 reste un petit peu, voient bien qu'en fait, aujourd'hui, il faut davantage de transferts
08:58 de l'État vers les collectivités locales.
08:59 Ils vont les avoir, ces transferts.
09:01 Ils vont les avoir.
09:02 Tu vois quand même, tu as une pression haussière, de l'attention haussière depuis plusieurs
09:05 années qui est quand même marquée.
09:06 Et tu vas, naturellement, tu vas avoir, enfin je pense en tout cas, et c'est ce qui est
09:10 en train plutôt de se mettre en place localement, c'est que tu vas avoir des tendances à monter
09:15 la taxe financière qui vont assez fort.
09:17 Donc tu vas plutôt remplacer la taxe d'habitation par une taxe financière.
09:19 A iso recette, je trouve que ce n'est pas inintéressant parce que tu fisques les économies
09:24 des collectivités.
09:25 Mais c'est une catastrophe.
09:26 La taxe d'habitation, le grand mérite de la taxe d'habitation, c'est Christian Saint-Etienne
09:31 qui le disait très très vite et qui était parti en guerre dès le début contre cette
09:34 taxe d'habitation.
09:35 Tu payes les gars qui ramassent tes poubelles.
09:37 C'est clair.
09:38 Tu habites.
09:39 Tu es là.
09:40 Tu as une taxe financière.
09:41 Pourquoi tu la payes ? Et pour le coup, là, il est évident.
09:42 Si tu remplaces par une taxe financière, pour le coup, ce n'est pas celui qui habite
09:45 qui paye.
09:46 Sauf, ça c'est un excellent point de Christian Saint-Etienne, effectivement, et ça décale.
09:51 Tu as normalement, enfin en tout cas, si tu restes en l'état actuel en disant la taxe
09:55 d'habitation est supprimée, il n'y a que la taxe financière, tu as effectivement
09:59 ce décage.
10:00 Ce serait très facile de le corriger.
10:01 Très facile.
10:02 En faisant quoi ? Tu dis plutôt que de répercuter un loyer qui inclut la taxe financière, tu
10:07 répercutes un loyer sans la taxe financière plus la taxe financière.
10:09 C'est-à-dire que tu dis au départ, voilà, vous aviez un loyer de 1000 euros, dont 800
10:14 euros de loyer, 200 euros de taxe financière mensuelle, c'est-à-dire 2400 euros de taxe
10:18 financière annuelle par exemple, et bien, votre loyer maintenant, c'est 800 euros plus
10:21 la taxe financière.
10:22 C'est-à-dire que tu détours la taxe financière du loyer, à iso-coût pour le locataire au
10:26 départ, et donc le locataire, simplement, devient quelque part le temps qui est le
10:30 locataire, celui qui va payer la taxe financière.
10:33 Ce qui est d'ailleurs le cas déjà, mais simplement c'est planqué dans le loyer aujourd'hui.
10:37 Donc tu peux le détourer, tu peux dire que le loyer est fait hors taxe financière, et
10:43 là tu réalignes complètement l'intérêt du contribuable et du locataire.
10:48 C'est-à-dire que c'est effectivement celui qui a le bénéfice du ramassage de poubelle,
10:52 alors en l'occurrence c'est encore une autre taxe de ramassage de poubelle, mais qui paie
10:55 aussi la taxe pour le ramassage de poubelle.
10:57 - Denis ?
10:58 - Si on revient sur la définition politique de la classe moyenne que l'on a évoquée,
11:00 pas la définition économique que tu donnais Jérôme, mais la définition politique, à
11:04 savoir que la classe moyenne ce sont ceux qui vivent des revenus de leur travail et
11:08 ne pas...
11:09 - Sans aide et sans patrimoine.
11:10 - Sans aide et sans patrimoine.
11:11 Mais si ils en ont un patrimoine, c'est le patrimoine immobilier, parce que cette classe moyenne
11:14 elle se définit aussi par la détention, le plus souvent, du bien immobilier dans lequel
11:18 il habite.
11:19 Et donc pour le coup, il va être sujeté à cette taxe financière, et ce qui l'a gagné
11:23 en taxation...
11:24 - Est-ce que tu ne viens pas de mettre le doigt sur le malaise, c'est qu'ils n'y ont plus
11:27 accès justement ?
11:28 - Oui.
11:29 - C'est qu'aujourd'hui, c'est Julien Damont, sociologue, qui dit ça.
11:30 Pour lui, c'est le cœur du malaise des classes moyennes, c'est qu'aujourd'hui, justement,
11:34 il y a une aspiration à l'accession à la propriété, puis en plus c'est rentré
11:38 dans nos gènes il y a tellement de décennies que...
11:41 - Et puis c'est fiscalement extrêmement intéressant.
11:43 - C'est très encourageant.
11:44 - Il a toujours cet accès à la...
11:45 - Mais il ne l'a plus avec les taux d'intérêt qui remontent avec tout ça, et là il est...
11:49 - Il l'a toujours, mais de plus en plus loin, de plus en plus éloigné des centres.
11:52 En réalité, tu as toujours la possibilité d'accéder à un logement, mais avec toutes
11:55 les nuisances qui sont associées, et toutes les nuisances qui font que tu vas te taper
11:59 des trajets pas possibles, tu vas payer de l'essence pour pouvoir retramballer ta bagnole,
12:04 en plus tiens, ça rappelle un peu les gilets jaunes.
12:05 - Mais bien sûr, tu es au cœur du truc.
12:07 - Vous prenez votre voiture qui en plus est polluante, ben oui, mais les gars, moi je
12:11 ne peux pas me loger en plein centre.
12:12 Donc c'est vrai qu'il y a tout un modèle en réalité qui est à repenser derrière,
12:16 et là on risque d'avoir une augmentation sur la pression, sur la taxe foncière qui
12:20 va jouer, et qui va encore un petit peu plus enquister un peu ce sentiment de relégation.
12:26 - L'immobilier c'est vraiment le point faible de tout notre système et notre évolution.
12:30 - On va dire le logement plus que l'immobilier, c'est ça le truc ?
12:33 - Non, les gens n'ont pas tant de problèmes à se loger, si on parle de la classe moyenne,
12:37 la classe moyenne inférieure n'arrive pas à devenir propriétaire, ça c'est clair.
12:41 Et c'est beaucoup plus dur pour elle que souvent la génération d'avant, c'est-à-dire
12:44 les parents eux avaient réussi dans les années 70 à devenir propriétaire, et en
12:48 plus à avoir une valorisation de leurs biens qui a été trop élevée.
12:52 Et donc je dis que c'est le point faible parce que quand même si on regarde l'évolution
12:56 du niveau de vie de la classe moyenne française, il n'a eu de cesse de progresser.
12:59 Le niveau de vie de la classe française des années 70 en moyenne, c'est quasiment le
13:04 seuil de pauvreté d'aujourd'hui.
13:05 Bon, les niveaux de vie étaient différents du fait de plein de choses, on ne prenait
13:09 pas l'avion pour partir en vacances, on avait un téléviseur par...
13:11 - Et tu parles là en euros constants bien sûr, enfin en...
13:13 - Bien sûr, en euros constants, on avait un téléviseur par foyer, on avait plus de
13:17 deux, trois enfants qui partageaient une chambre, etc.
13:20 Donc tout a changé, tout s'est modifié.
13:21 Aujourd'hui en moyenne, je rappelle quand même en termes d'immobilier, de logement,
13:24 tu parles de logement, les Français occupent des espaces de plus en plus grands.
13:29 Quand on regarde, mètre par personne...
13:31 - Absolument.
13:32 - Ça a doublé.
13:33 - La nature de l'habitat aussi.
13:34 - C'est passé de 20 à 40 mètres carrés par personne en 50 ans.
13:37 - Mais oui, mais ça c'est...
13:38 - Donc il y a eu un progrès énorme.
13:39 - C'est une assiduosité.
13:40 - En termes d'accès à l'espace, j'aurais ma raison, on a beaucoup progressé.
13:43 Ça n'a pas été perçu parce que les gens passent de plus en plus, enfin dépensent
13:48 de plus en plus, une part de plus en plus grande de leur budget sur la partie de logement
13:51 parce que le reste a plutôt, est mieux évolué ou plutôt diminué.
13:54 Mais effectivement, on est deux fois plus, enfin deux fois mieux logé qu'il y a 50 ans
13:58 en termes d'espace.
13:59 - Et n'empêche que c'est cette aspiration-là aujourd'hui qui se retrouve, alors peut-être
14:04 pas brisée, mais en tout cas freinée, largement freinée.
14:07 - Oui, alors il y a la lecture...
14:09 - Particulièrement s'il habite dans des grandes villes, quoi, voilà.
14:11 - Il y a la lecture sur ce que l'on va dépenser instantanément pour le logement, mais il y
14:16 a quand même aussi la durée d'accès au logement.
14:18 Quand on voit l'allongement de la durée moyenne des prêts qui s'est faite en l'espace de
14:21 10-15 ans, il y a aussi ce sentiment de ce que je suis collé pour un bon moment.
14:26 Et donc mes possibilités d'arbitrage se retrouvent aussi diminuées.
14:30 En gros, alors je n'ai plus exactement les chiffres en tête, mais je crois qu'on est
14:32 à 240 mois maintenant, la durée moyenne d'un prêt immobilier.
14:36 - 20 ans.
14:37 - 20 ans, là où on était plutôt à 12 ans il y a une vingtaine d'années.
14:40 Donc il y a aussi cette...
14:41 - Et ça s'est gravé à l'instant, c'est par un effet de squeeze qui fait que tu te
14:45 retrouves avec en plus des taux d'intérêt qui étaient...
14:47 - Et voilà.
14:48 - Dont la baisse avait permis de quelque part allonger la durée d'exécution, etc.
14:51 Donc c'était plus long, mais tu y arrivais à peu près encore.
14:53 Et là effectivement, tu as au moins pour les mois qui viennent ou trimestre qui viennent,
14:59 un effet où tu as un prix qui reste relativement élevé et un accès au crédit qui est beaucoup
15:03 plus compliqué.
15:04 - Mais c'est vrai que je me souviens très bien que l'ensemble des professions immobilières
15:08 il y a 5-6 ans constataient que tous les gains faits sur les taux d'intérêt étaient en
15:14 fait récupérés sur...
15:16 - En l'ordre.
15:17 - En mètre carré supplémentaire.
15:19 Et en fait l'achat moyen ne diminuait pas, mais on gagnait quelques mètres carrés grâce
15:26 à la baisse des taux d'intérêt.
15:27 - Tu gagnais plus cher surtout.
15:28 Tu gagnais plus cher.
15:29 C'est-à-dire que la baisse des taux d'intérêt c'est extrêmement inflationné sur les prix
15:31 de l'emploi.
15:32 - En plus.
15:33 - Tu raisonnes en...
15:34 Alors pas complètement, mais une grosse partie est répercutant plus tard.
15:37 Tu raisonnes à un budget constant.
15:38 - Ce qui a le plus contribué à l'augmentation des prix de l'immobilier c'est l'augmentation
15:41 du prix du foncier, beaucoup plus que l'augmentation de la construction elle-même.
15:44 Toi tu décomposes l'accès au logement.
15:46 En réalité effectivement tu as diminué sur la partie frais financiers du fait des
15:50 taux d'intérêt, mais il faut le regarder en intertemporel, mais en réalité le foncier
15:54 a fait fois trois.
15:55 - Oui mais effectivement tu as une rareté, tu as un foncier qui est rare et qui effectivement
15:58 était en plus relativement restreint par la loi ZAN par ailleurs, mais tu as globalement
16:04 une création monétaire qui a été très élevée sous forme de baisse de taux d'intérêt
16:07 et qui fait qu'à un moment donné les actifs frais vont augmenter.
16:09 - En fait l'idée de créer de la monnaie pour faire augmenter les prix ça a plus ou
16:12 moins marché, plutôt plus ou moins que plus sur la partie prix généraux, en revanche
16:16 sur la partie prix actifs évidemment ça a été extrêmement flash.
16:19 Donc cette création monétaire effectivement est pour moi un facteur d'exclusion et de
16:23 creusement des inégalités.
16:24 - On a parté en Espagne, on s'en dête sur deux générations, il n'est pas rare de
16:28 contracter un prêt sur 50 ans pour avoir…
16:31 - Sans déconner.
16:32 - Oui.
16:33 - Il y a eu aussi cette idée de, alors je ne veux pas qu'on l'arrête, mais on fera
16:35 une émission sur le logement d'ailleurs, de crédit hypothécaire, c'est-à-dire cette
16:40 idée de justement parce que le foncier, Borloo avait ça en tête, la fameuse, elle
16:46 était à combien la maison, elle était à 100 euros par mois ?
16:48 - 100 000, attendez, c'était la maison à 100 000 euros ?
16:50 - C'était la maison à 100 000 euros, je ne sais plus, enfin l'idée c'était justement
16:55 que la commune achète le foncier et que toi tu ne sois propriétaire que des murs de
17:00 ta maison, voilà.
17:01 Il y a effectivement pas mal d'idées qui tournent autour de ça.
17:06 Bon, à la conclusion de ce débat, on va parler du RSA aussi parce que c'est intéressant,
17:12 mais geste pour les classes moyennes, si tu réfléchis à faire un geste sur les classes
17:16 moyennes, j'ai quand même le sentiment que tu es coincé de partout en fait.
17:22 Enfin, que tout geste a des implications derrière, c'est-à-dire que tu touches un bout du micado
17:28 et tu risques de faire s'effondrer le…
17:30 - C'est son rendement, en réalité c'est pour quoi faire.
17:33 Il est où le rendement du geste moyen ? Parce qu'effectivement il faut que tu ailles très
17:38 loin.
17:39 - Le rendement électoral tu veux dire ou économique ?
17:40 - Économique, le changement des attitudes, le changement aussi un peu des projections.
17:44 A mon avis il faut que tu ailles beaucoup trop loin, c'est pas avec…
17:48 - C'est pas avec 10 milliards que tu changes la donne ?
17:50 - Franchement, tu fais le tour de la population et tu demandes la baisse de la redoffense
17:55 audiovisuelle, est-ce que vous l'avez vraiment perçue ? C'était le geste de l'année
17:59 dernière.
18:00 - Je pense qu'il faut raisonner.
18:01 - Ah quand même, mais parce que…
18:04 - Peut-être que oui, je pousse sans…
18:07 - Oui mais en fait parce qu'il était noyé dans la déclaration de revenu, autant que
18:11 je me souvienne.
18:12 - Oui.
18:13 - Oui voilà c'est ça, donc tu n'avais plus le truc de redevance qui arrive.
18:17 - Non, tu le payais avec la taxe d'habitation.
18:19 - Avec la taxe d'habitation, enfin bon bref, en tout cas il était noyé dans un taille
18:21 pulchoire.
18:22 - Je pense que si tu fais un geste, il faut reprendre l'expression d'Atal de plan Marshall.
18:27 C'est-à-dire que si tu veux vraiment faire quelque chose… Non mais attends, plan Marshall
18:31 c'est quoi ? C'est un effort de fonds d'investissement majeur qui dure sur plusieurs années.
18:35 - Tu n'as pas échappé qu'on n'avait plus d'argent quand même.
18:38 - Non mais il n'y a plus d'argent justement, l'intérêt c'est de… comment est-ce
18:41 que tu fais pour… En fait la question c'est comment est-ce que tu répares les services
18:44 publics.
18:45 C'est ça le geste pour la classe moyenne ? Non mais c'est comment tu travailles sur
18:47 les… Non mais attends, effectivement si c'est pour faire une espèce de chèque
18:50 à la noix en disant on va faire un truc, un super dispositif…
18:53 - Oui mais pour qu'ils en aient la perception il faut 10 ans.
18:56 Si tu te mets à réparer les services publics.
18:58 Et ça ce n'est pas un temps politique.
19:00 - Non, 4 ans tu peux commencer à faire des choses je pense.
19:02 Et il reste 4 ans sur le temps politique du monde de Macron.
19:06 Et comme en l'occurrence il n'a pas beaucoup de degrés de liberté, les seuls sujets sur
19:10 lesquels il peut éventuellement essayer de construire quelque chose, je dis bien essayer
19:12 parce qu'effectivement il n'est pas dans une situation politique hyper simple, ça
19:14 c'est sûr.
19:15 C'est éventuellement des sujets de fonds sur lesquels tu peux éventuellement construire
19:19 un consensus.
19:20 Et effectivement sur l'éducation je pense qu'on sera un consensus sur les actions
19:23 à faire, c'est autre chose.
19:24 Mais sur la partie diagnostic tu peux au moins faire le constat qu'on est quand même
19:29 beaucoup moins bien que ce qu'on a été et qu'il y a des choses à faire.
19:31 Et là éventuellement, c'est ça le geste pour les classes moyennes pour moi, c'est
19:34 de retravailler sur la santé, l'éducation, les services publics, retravailler là-dessus.
19:39 Et là ce n'est pas juste une question de moyens, c'est aussi une question d'efficacité
19:43 du système, je ne t'apprends rien Stéphane.
19:45 Parce que, attends, on sort d'un, c'était un Ségur, je ne sais pas quoi, donc c'est
19:51 7 milliards par an de revalorisation de l'ensemble des personnels soignants de l'hôpital,
19:56 etc, personnel de santé.
19:57 Tu as 2 milliards par an pour l'ensemble des personnels de l'éducation nationale,
20:02 donc il est en train de le faire.
20:03 On verra bien si ça porte ses fruits, mais en tout cas en termes de mobilisation de l'argent
20:07 public.
20:08 C'est pas tout à fait juste une question de salaire à mon avis, à mon humble avis.
20:10 Tu as quand même une petite question de mobilisation d'efficacité globale du système et ça,
20:13 un jour il faudra peut-être un peu mettre ça sur la table.
20:15 C'est un geste, c'est un mouvement dont on a besoin.
20:16 Oui c'est un mouvement, c'est ça.
20:17 Mais c'est ce que je dis quand je parle de plan Marshall.
20:20 C'est beaucoup plus large.
20:21 C'est beaucoup plus large que ça.
20:22 Sinon tu vas te retrouver à faire un truc, une espèce de chèque à la noix pondu par
20:26 le cerveau d'un conseiller ministériel moins inspiré.
20:29 Mais attends, si c'est ça le plan Marshall, c'est pas très intéressant.
20:32 Ben oui, mais je crois que ça sert à rien d'autre.
20:35 C'est bien ma crainte aussi Stéphane.
20:37 Quand tu lis l'interview de Gabriel Attal, même moi je suis perdu de Gabriel Attal,
20:43 dans l'opinion dans laquelle il parle de ce plan Marshall, il dit qu'en fait il a commencé
20:47 en 2017 avec tout ce dont on vient de parler, suppression de la taxe d'habitation, suppression
20:51 de la redevance, j'ai oublié, enfin bon tu en as fait la liste.
20:55 Donc en fait, l'ensemble des chèques qui nous ont accompagnés ces derniers mois, donc
21:04 voilà, le plan Marshall.
21:06 J'ai le souvenir d'une phrase, enfin d'un propos tenu par un conseiller d'Edouard Philippe
21:10 qui se plaignait en fait.
21:11 Il dit le problème c'est le ressenti, parce que quand on a réduit de 5 euros les APL,
21:14 on nous est tombé dessus à voir un gros slip, et puis quand on rallonge de 100 euros le
21:17 SMIC, on nous dit que ça n'est que l'aumône.
21:18 Donc il y a un deux poids deux mesures situé dans le ressenti des Français.
21:21 Ça résume bien le problème que va avoir Edouard Philippe à un moment ou à un autre.
21:25 Si le gars n'a pas compris que supprimer les APL de 5 euros, c'est quelque chose de
21:30 fou.
21:31 Pour une économie qui finalement…
21:32 Si ça vous intéresse, très bon, alors il doit avoir un an et demi, le bouquin de Jean-Michel
21:39 Leprince, qui raconte les relations… c'est le premier d'ailleurs qui a raconté les
21:44 relations très complexes entre Edouard Philippe et Emmanuel Macron.
21:47 Et il y a un chapitre sur ces 5 euros où tu comprends tout.
21:50 La naissance du truc c'est la réforme des retraites.
21:55 Et comme Edouard Philippe n'a pas à ce moment-là sa borne d'âge à 64 ans, "ah
22:00 tu ne veux pas me donner ma borne d'âge ? Tiens, boum, 5 euros".
22:05 Vengeance.
22:06 RSA, parce qu'évidemment, dans ce ressenti des classes moyennes, l'un de vous l'a
22:13 dit, il y a cette idée aussi, c'est toi je crois qui le disait Jérôme, il y a cette
22:16 idée "moi je me lève le matin pour aller bosser et il y a des gars qui gagnent autant
22:19 que moi en fait sans rien faire".
22:22 En effet c'est un peu moins, mais eux souvent pensent qu'ils gagnent même encore plus
22:25 du fait d'être social.
22:26 Après les chiffres indiquent non, il y a un peu de fantasme derrière ça.
22:28 Mais c'est vrai que, tu sais, il y avait une étude qui avait été faite, et là on
22:32 tombe sur RSA Aides Sociales, Yannick Lorty, il y a quelques années, que je trouvais très
22:36 intéressante parce qu'il disait finalement "on a reçu combat, tu n'attrapes pas l'inactivité
22:39 avec les primes d'activité etc."
22:41 Et regarde, il disait "finalement le problème de Bercy actuellement c'est qu'on raisonne
22:45 avec des aides sociales, des aides nationales, et on ne regarde pas ce qui se passe au niveau
22:49 local".
22:50 Donc il prenait le cas d'un parent isolé qui ne travaille pas, percevait par semaine
22:55 l'équivalent de 26 heures de SMIC d'Aides Sociales nationales.
22:58 Mais quand on ajoutait dans certaines localités françaises les aides locales, on montait à
23:03 41 heures de SMIC.
23:04 Donc c'est-à-dire que cette personne, si elle se met à aller travailler, elle perdait.
23:07 C'est-à-dire qu'on retombe dans la trappe au nom d'un choix, d'autre choix.
23:10 - Le fondateur de WeCare, notamment c'est très très vrai dans les services à la personne,
23:14 Guillaume Richard, qui l'expliquait très très bien sur l'ensemble des femmes justement
23:19 qui bossent beaucoup dans ces métiers de services à la personne, et certaines en fait
23:23 le quittaient, en lui amenant, mais vraiment de bonne foi, ce calcul que tu viens de décrire
23:28 en disant "je ne vais pas venir travailler avec vous", parce qu'en plus tu as les gardes
23:31 d'enfants à payer en plus, auxquels il faut ajouter.
23:33 - Gardes d'enfants, frais de transport.
23:35 - Et lui disait "c'est vraiment un agent économique, pour le coup intelligent, qui optimise parfaitement
23:39 le système".
23:40 - C'est important ce que tu dis Stéphane, parce qu'il y a souvent un jugement moral
23:46 de dire "ah ouais, les gens ne veulent pas travailler etc."
23:49 C'est juste des agents économiques rationnels.
23:51 - Oui mais la primativité a corrigé ça quand même.
23:52 - Un peu, un peu.
23:53 Non mais elle l'a corrigé parce que François Bourguignon avait fait des études dans les
23:57 années 2000 pour analyser le taux d'imposition apparent, c'est-à-dire ce que tu perds quand
24:03 tu gagnes un euro de plus.
24:04 C'était entre 80 et 90% au niveau du SMIC.
24:07 C'est-à-dire que quand tu bossais pour aller gagner un euro de plus, en fait t'en perdais
24:11 en aide ou t'en payais à l'État d'une façon ou d'une autre de l'ordre de 80 à 90%.
24:14 Donc on avait une trappe, une activité monumentale.
24:17 Mais malgré ça, elle reste quand même assez forte, notamment du fait des aides locales
24:20 qui ne sont pas forcément perçues.
24:21 Et donc tu as effectivement des agents économiques rationnels qui font juste des calculs et
24:27 qui parfois essayent de reprendre du boulot et s'aperçoivent qu'ils ne comprennent pas
24:29 pourquoi ils ont l'impression de moins bien gagner leur vie parce qu'en fait ils la gagnent
24:32 moins bien.
24:33 - Ils paient aussi des gardes parfois.
24:34 - Ils paient aussi des gardes parfois.
24:35 - Parce qu'ils ont des domiciles, le travail.
24:36 - T'as des coûts de transport etc.
24:37 - 1,9 million.
24:38 - Ça va très vite, ça va très très vite.
24:39 - 1,9 million de foyers locataires du RSA en 2021, 12 milliards d'euros de dépenses,
24:45 30% de la population cible ne le touche pas, soit 600 000 ménages.
24:49 Le taux de non-recours est assez important pour le RSA.
24:53 Et dans le dernier rapport de la Cour des comptes, on va peut-être pouvoir voir le graphique
24:57 que je vous ai envoyé, c'est ça qui est vraiment le sujet je pense, 36% des allocataires le
25:03 touchent depuis plus de 5 ans.
25:05 C'est beaucoup quand même, donc c'est là où tu vois que…
25:09 - C'est un problème structurel.
25:10 - Voilà.
25:11 - Tu vois que c'est un problème structurel.
25:12 - Et c'est à dire que c'est en train de devenir une forme de revenu minimum.
25:15 - Ouais, pour le coup…
25:18 - Si depuis 5 ans tu es au RSA et que rien ne va t'en sortir…
25:23 - Non mais le principe du revenu minimum, c'est que tu ne le perds pas quand tu prends
25:27 une activité.
25:28 C'est ça le principe.
25:29 - Oui, mais je ne voulais pas aller…
25:30 - Tu vois, je…
25:31 - Je ne voulais pas parler de…
25:32 - Tu pensais peut-être à un revenu universel, c'est ça ?
25:34 - Non, non.
25:35 - Non, oui, enfin une sorte de revenu minimum garanti, quoi.
25:38 - Ça devient un revenu minimum garanti, mais ce qui est très vicieux, c'est que c'est
25:42 un revenu…
25:43 - Non, pas revenu universel justement, revenu minimum garanti.
25:45 - C'est un revenu minimum, mais qui effectivement désincite à la reprise du travail parce
25:50 que tu le perds quand tu reprends le travail.
25:51 - Bon, c'est une bonne idée de donner 15 à 20 heures de formation ?
25:54 - Oui, il faut voir le contenu.
25:57 - Ah, tu penses que oui, toi ? Je pense que c'est une…
26:00 - Non mais…
26:01 - C'est un hauché politique.
26:02 - Mais la question c'est l'accompagnement.
26:03 - Mais tu n'auras pas d'accompagnement, tu le sais, Denis.
26:06 - Précisément, mais on est quand même au début de la réforme, c'est quand même
26:09 le moment de poser le sujet et tu évoquais tout à l'heure la dimension locale, la
26:13 très grande hétérogénéité.
26:14 En fait, tu te rends compte que selon les départements, tu as entre 10 et 90% des départements
26:19 qui vont faire… Pardon, selon les départements, c'est entre 10 et 90% des allocataires
26:24 qui font l'objet d'un véritable accompagnement.
26:26 Donc, tu as une profonde hétérogénéité qui se fait autour du RSA.
26:29 - Attends, attends, je veux être clair, moi.
26:30 Un véritable accompagnement pour ces gars-là, pour des gars qui sont au RSA depuis plus
26:33 de 5 ans par exemple, c'est quoi ? Un agent peut s'occuper de 3 personnes au maximum.
26:39 - Oui, mais de toute façon, il faut que tu lui apprennes à acheter un billet de train,
26:43 par exemple, c'est que tu lui apprends du savoir-être.
26:46 - 2 millions de foyers d'allocataires, tu veux qu'on fasse de la division ? Ça n'a
26:51 pas de sens.
26:52 Ça n'a pas de sens cette histoire.
26:54 C'est un hochet politique.
26:55 - Martin Hirsch, en interview il y a quelques jours, évoquait l'idée qu'entre le moment
27:02 où tu t'inscriverais au RSA et le moment où tu as ton premier rendez-vous dans l'accompagnement,
27:06 il se passe 6 mois.
27:07 6 mois de latence entre les deux.
27:10 Donc évidemment, toute la question est dans l'accompagnement.
27:12 Qu'est-ce que tu vas devoir cibler ? Qu'est-ce que tu privilégies dans ces 15h, 15h ou 20h
27:18 d'activité ? Est-ce que c'est de l'activité ? Est-ce que c'est de la formation ? C'est
27:21 très flou à ce stade.
27:22 - On n'en sait rien.
27:23 - On n'en sait rien.
27:24 Donc, si c'est de la formation, de quelle formation parle-t-on ?
27:27 - Moi, je suis vraiment pour.
27:28 - Toi, tu es vraiment pour.
27:29 - Oui, oui.
27:30 - Pour l'aspect psychologique, tu sais, c'est Benjamin Franklin qui disait « l'oisiveté
27:33 est comme la rouille, elle l'use plus que le travail ». Il disait ça première moitié
27:37 du XVIIIe siècle, une époque où le travail était autrement plus pénible qu'aujourd'hui.
27:40 Je pense que les gens ont besoin de se sentir utiles dans la société.
27:43 Donc déjà, c'est mettre un petit peu de baume au cœur parce qu'il y a des souffrances
27:49 psychologiques quand on est vraiment au RSA et on n'a rien à faire de ses journées.
27:52 Il y a une souffrance qui est là.
27:54 Ensuite, c'est mettre en contact des gens qui ont perdu parce que tu disais, c'est
27:58 combien de pourcent, ça fait plus de 5 ans qu'ils sont au RSA ?
28:01 - 36.6.
28:02 - Ces gens-là, ils sont isolés.
28:05 Ils ont besoin peut-être aussi d'être mis en relation avec d'autres gens qui travaillent
28:09 et qui leur indiquent des pistes qui sont proches de leur vécu.
28:12 Ils vont nécessairement rencontrer des gens qui ont à peu près leur parcours aussi,
28:16 qui vont leur donner des pistes, des stratégies.
28:18 Il faut que tu fasses comme ça, va voir un tel, il y a peut-être un job pour toi, tu
28:21 fais 15 heures là et potentiellement plus tard, ça se traduit par de l'emploi, je ne
28:25 sais pas.
28:26 Les gens ont besoin de se sentir utiles.
28:27 Et puis aussi, ça désincite un petit peu ceux qui voudraient complètement free rider,
28:32 dans le sens, le maçon qui va se déclarer au chômage, qui va percevoir le RSA mais
28:36 qui fait des chantiers au noir, etc.
28:38 Parce que là, il faudra qu'il montre 15 heures d'activité.
28:42 - Alors ça d'accord, mais le gars qui a envie de se sentir utile, c'est assez simple, il
28:46 se lève, il va chez Emmaüs, il va au Resto du Coeur, il y a du boulot et il va se sentir
28:50 utile.
28:51 - Il y a rien de comme ça.
28:52 - Mais non, non, non, mais ce que je veux dire, c'est l'histoire de ça va les aider
28:56 à se lever, je ne suis pas sûr du tout.
28:58 Enfin, pour aller faire des trucs à la noix, en plus, qu'est-ce qu'on va leur faire faire
29:02 être un petit peu forcés, un peu comme, c'est très paternaliste ce que je dis, mais
29:05 un peu comme des enfants à qui on ne laisse pas le choix, il faut aller à l'école, ben
29:08 là c'est pareil, il y a des gens qui ont besoin au départ d'être forcés, il y en
29:11 a qui, par dimension altruiste ou ce que tu veux, vont le faire naturellement.
29:14 Mais ce n'est pas non plus le gros détroupe, on n'a pas non plus des millions de Français
29:17 qui occupent et des activités.
29:18 - Mais bien sûr, c'est bien pour ça que je suis moins…
29:21 - Je suis assez mal à l'aise avec l'outil pour deux raisons, d'abord parce que ça
29:24 ne règle pas le problème principal qui est celui qu'on a cité qui attrape à une activité
29:28 et qui est le fait que… - Ils n'ont pas de qualification, point quoi.
29:30 - Tu peux filer tout ce que tu veux comme formation à un agent économique rationnel
29:33 qui dit "vous êtes gentil mais le boulot il me coûte plus cher que de ne pas bosser",
29:37 tu le formes à je ne sais pas quoi, à la fin ça aura toujours le même problème, c'est
29:40 que le boulot lui coûtera toujours plus cher de ne pas bosser.
29:42 Donc le problème structuré il n'est pas résolu.
29:44 Et la peur que j'ai sur le côté un peu paternaliste qui moi effectivement me hérisse
29:49 un peu parce que mon côté est un peu plus libéral et qui fait que les gens aussi se
29:53 prennent en main et sont aussi responsables.
29:56 Je vois venir le truc où tu vas avoir des gens qui vont avoir besoin de cocher des cases
30:02 comme quoi ils sont présents, des formateurs qui vont sentir la grosse martingale et qui
30:06 vont aller mettre des tas de formations plus ou moins qualifiées, plus ou moins validées
30:09 sur lesquelles tu auras un tampon, voilà.
30:11 Et tu vas avoir une espèce de théâtre avec des acteurs qui sont les formateurs, qui savent
30:17 très bien que leurs formations ne sont pas écoutées et des gens qui sont là pour cocher
30:21 les cases et pour signer le truc.
30:22 C'est ça qui s'est passé sur Pôle emploi.
30:24 Honnêtement c'est ça qui risque de se passer sur la partie raciale.
30:27 J'ai mal lu sans doute la proposition mais il y a quelque chose que je n'ai pas compris
30:30 c'est est-ce que ces 15 à 20 heures seront payées par le RSA ou est-ce qu'il y a une
30:34 rémunération additionnelle ? Parce que précisément aussi pour avoir cette incitation à faire
30:38 ces 15 heures il faut qu'il y ait...
30:40 Non mais je ne t'avance absolument rien les amis.
30:43 Je vais même vous dire un truc, je ne suis pas du tout sûr qu'à la fin ce sera dans
30:48 le projet de loi.
30:49 Parce qu'Elisabeth Borne elle a quand même commencé à dire que pour ceux qui n'ont pas
30:55 de contraintes.
30:56 Donc ça ne touchera que ceux qui n'ont pas de contraintes comme celle de la garde d'enfants.
31:01 Bien sûr.
31:02 Mais si tu peux remettre les gens dans l'encadrement.
31:05 Si elle a 25 ans qui est au RSA et qui n'a pas d'enfant je ne vois pas pourquoi on ne
31:06 lui demanderait rien en contrepartie de son RSA.
31:09 Oui mais est-ce que dans ce cas tu lui verses aussi quelque chose en plus ?
31:13 Non mais là c'est vraiment tel que c'est présenté.
31:14 Oui mais à ce moment-là tu fais de la morale.
31:16 Tu fais de la morale.
31:19 Moi je veux bien qu'on lui impose une contrepartie à partir du moment où cette contrepartie
31:25 rapporte quelque chose à la collectivité.
31:28 Mais s'il fait un travail d'utilité collective.
31:29 Je ne sais pas, il travaille pour la mairie.
31:31 Oui mais ce n'est plus le RSA à ce moment-là.
31:33 À ce moment-là c'est autre chose.
31:35 Tu te remets à faire les emplois aidés, des trucs comme ça.
31:38 Non mais les gens qui font traverser les sorties d'école, ils sont rémunérés ou pas ?
31:41 Je n'en sais rien.
31:42 Je ne sais pas parce que je sais qu'aux Etats-Unis il y a un programme de réinsertion des détenus.
31:47 On leur fait traverser, pas ceux qui ont touché des enfants bien sûr, mais on leur fait traverser
31:51 les enfants à la sortie des écoles etc.
31:53 Les gens, on sait que psychologiquement ça a été mesuré.
31:55 Il se passe quelque chose.
31:56 Il se passe quelque chose parce qu'ils se sont réinsérés.
31:57 On est au bout.
31:58 On est au bout.
31:59 Merci les amis.
32:00 Merci à vous de nous avoir suivis et on se retrouve demain pour de nouveaux débats.
32:09 Au revoir.
32:10 Au revoir.
32:10 [Musique]