Dans son édito du 18/06/2024, Mathieu Bock-Côté revient sur [thématique de l'édito]
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00:00Alors, distinguons, et c'est une distinction nécessaire, je crois, entre ceux qui ont peur,
00:05vraiment, et ceux qui veulent faire savoir qu'ils ont peur. C'est autre chose.
00:11Excellente remarque déjà, pour commencer.
00:13Je pense que c'est nécessaire, ce mode de signalement moral en ce moment. Qui ne confesse
00:16pas sa peur risque de passer pour un complice de la bête qui monte, comme disait l'autre.
00:22Alors, revenons sur cette peur dans les circonstances. C'est une peur, en fait, qui est née d'un
00:27conditionnement général depuis une quarantaine d'années. C'est-à-dire que, peu importe
00:32où vous vous situez dans la société française, sauf, je dirais, en ce moment, dans le monde,
00:38le nom Le Pen, la marque Le Pen, le FN devenu RN, vous avez intériorisé très rapidement
00:45l'idée qu'il s'agissait de l'infréquentable par excellence, du retour de la bête immonde
00:51au temps présent. Peu importe votre circuit de socialisation, peu importe l'environnement
00:56où vous vous trouvez, pour peu que vous soyez dans la société minimalement mainstream,
00:59que vous soyez avocat, ingénieur, pilote de chasse, faites la liste des emplois, vous
01:04savez d'avance que si vous voulez identifier le mal en société, c'est le FNRN. Dans leur
01:12esprit, d'ailleurs, vous noterez le souci de toujours répéter Front National, Front
01:16National, pour marquer le rappel aux origines qui seraient intégralement coupables. Et
01:21le fait est que 40 ans de conditionnement, ça finit par fonctionner. 40 ans à répéter
01:25sans cesse la même chose, vous avez intériorisé l'idée que si vous ne pensez pas que du mal
01:31de ce parti, vous empérez inévitablement le prix. Dès lors, si vous avez des nuances
01:37à l'esprit, vous les rangez dans votre besace, vous voulez vous assurer qu'on ne vous prême
01:42pas en délit de nuances. Ce délit de nuances doit être sanctionné.
01:46Je me permets de m'immiscer entre les lignes de votre chronique pour souligner le fait
01:51que depuis des années, ça a marché. Et dans l'urne, c'est autre chose. Je ferme
01:56ma petite parenthèse. C'est ce qui fait que le vote est plus secret que jamais parce
02:03que c'est un vote qu'on ne peut confesser pour plusieurs. Quelqu'un qui confesserait
02:07publiquement, qui avouerait publiquement voter pour ce parti, en expliquant par ailleurs
02:12qu'il n'est pas un monstre et tout ça, risquerait de graves peines, de graves sanctions.
02:17On y reviendra dans un instant, je crois. Cela dit, distinguons les deux peurs. On va
02:22s'intéresser d'abord à la peur du bloc de gauche. Le bloc de gauche, fondamentalement,
02:26je ne crois pas que sa peur soit feinte. Parce que j'en entends plusieurs dire, François
02:30Hollande et d'autres, font semblant d'avoir peur pour la moitié du RN. Ils font ça parce
02:34que c'est un carburant électoral. Je ne crois pas. Je pense vraiment que de François
02:38Hollande à Raphaël Arnault, en passant par les différentes nuances du bloc de gauche
02:42en formation, il y a cette conviction que le plus grand mal politique sur Terre soit
02:48ce qu'ils appellent l'extrême droite. Je note, c'est Jean-Marc Ayrault qui dit « Aujourd'hui,
02:52un fait écrase tout, l'extrême droite est aux portes du pouvoir. » Un fait écrase tout.
02:58Donc, quelles que soient les réalités autres que vous pouvez mentionner, antisémitisme,
03:04violence, tout ça, finalement, c'est secondaire par rapport à ce fait qui écrase tout, l'extrême
03:11droite est aux portes du pouvoir. Réclamez une définition de l'extrême droite, entre-temps,
03:14là, vous risquez, enfin, vous allez prendre votre mal en patience. Dans leur esprit, il faut bien
03:18comprendre que l'extrême droite, ce n'est pas une famille politique. Parce que la gauche,
03:23là, je prends toujours la peine de distinguer, par gauche, je n'entends pas la redistribution
03:27sociale-démocrate pour s'assurer que chacun puisse manger à sa faim. Je ne parle pas de ça.
03:31Je parle de la gauche comme religion politique. La gauche comme révélation. La gauche qui consiste
03:36à dire qu'être de gauche, en soi, c'est bien. Être de droite, en soi, c'est mal. Et être
03:43d'extrême droite, comme ils le disent, c'est être extrêmement mauvais. Dès lors que vous
03:48représentez ainsi le conflit politique, vous êtes le bien contre le mal. Donc,
03:52vos adversaires ne sont pas des adversaires. Ce sont les ennemis de l'humanité. Vos adversaires
03:57ne sont pas des gens avec qui vous êtes en désaccord. Ce sont des gens qui conspirent
04:01contre l'émancipation du genre humain. Dès lors qu'on true, tout est permis.
04:06Tout ça se traduit dans un projet politique. On parle souvent, par exemple, de l'immigration
04:11massive. On parle de juges laxistes. On parle de la déconstruction des sexes,
04:16aujourd'hui, dont on parle beaucoup. On parle du multiculturalisme, de la complaisance pour
04:20l'islamisme. Pour plusieurs, tout ça, c'est objet d'inquiétude et même d'effroi. Pour la gauche,
04:26tout ça, c'est un projet. Parce que c'est son projet, comme dirait l'autre. Donc,
04:30la gauche souhaite l'immigration massive et considère que ceux qui s'y opposent sont les
04:36héritiers du fascisme et du nazisme. La gauche radicale, disons, mais celle qui domine aujourd'hui,
04:42à tout le moins celle-là, la gauche souhaite déconstruire les sexes et faire en sorte que
04:47les enfants, le plus tôt possible, se demandent s'ils sont dans le bon corps avec le bon sexe.
04:51Ils le souhaitent et c'est important. La gauche radicale souhaite utiliser des fonds publics
04:58pour faciliter la traversée de la Méditerranée, pour favoriser, en fait, un pont aérien et un pont
05:05naval qui permettrait, dans les faits, d'accélérer l'immigration massive. La gauche radicale souhaite
05:11la présence du burkini dans les piscines et la diffusion du voile un peu partout dans notre
05:18société. Donc, tout ce que, je pourrais rajouter, souhaite la déconstruction des programmes
05:23scolaires pour que l'école soit au service de tout autre chose, une logique de déconstruction
05:27des savoirs. Alors, tout ça, pour plusieurs, c'est effrayant. Pour la gauche, c'est son projet,
05:32c'est son projet et l'importance, et là, il faut garder ça à l'esprit, la gauche, ce n'est pas
05:36non plus des idées qui flottent dans le ciel éthéré des idées. La gauche est un programme qui
05:41est encastré dans les institutions. La gauche serait-elle aussi puissante si elle n'avait pas,
05:47à son service, les tribunaux qui sont aujourd'hui idéologisés? Serait-elle aussi puissante si elle
05:53ne disposait pas de tant et tant d'associations subventionnées ou administratives ou militantes
06:00ou politiques qui portent son projet, peu importe qui remporte les élections? La gauche est au
06:06pouvoir même lorsqu'elle est dans l'opposition. Ça, il ne faut jamais l'oublier.