Première joueuse professionnelle de football, Marinette Pichon publie "Ne jamais rien lâcher" aux Éditions First, un livre qui a inspiré le film "Marinette", en salles le 7 juin et réalisé par Virginie Verrier.
Regardez L'invité de RTL du 22 mai 2023 avec Amandine Bégot.
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00:02 RTL matin
00:06 Il est 7h43, excellente journée à vous tous qui écoutez RTL à Montigny-les-Gouts. Vous recevez donc ce matin
00:12 Marinette Pichon. Oui, Marinette Pichon, vous avez été, je le disais, jusqu'en 2020 la meilleure buteuse de toute l'histoire de l'équipe de France de foot,
00:18 hommes et femmes confondus.
00:20 81 buts en 112 sélections, la première aussi à décrocher un contrat pro aux Etats-Unis. Vous avez été élue d'ailleurs
00:26 dès votre première saison meilleure joueuse du championnat et aujourd'hui ce parcours extraordinaire.
00:31 Votre parcours débarque donc au cinéma. Marinette, le film sort le 7 juin, c'est le premier biopic sur une
00:36 sportive en France avec celui consacré à Florence Arthaud qui a été présenté ces jours-ci à Cannes.
00:42 Alors il est inspiré ce film de ce livre "Ne jamais rien lâcher" que vous aviez écrit en 2018 et qui est ressorti,
00:48 réédité la semaine dernière.
00:51 C'est quoi ? Une consécration, Marinette Pichon ?
00:54 Alors c'est une consécration. Alors il n'a pas été réédité, c'est une nouvelle impression mais
00:58 en effet c'est une belle reconnaissance surtout parce que c'est un parcours pas simple mais qui a
01:04 vocation à
01:07 passer certains messages sociétaux et à faire changer
01:09 certaines personnes, des orientations qu'on peut voir de façon différente et
01:16 aujourd'hui je suis vraiment très heureuse de pouvoir être
01:20 une porte-parole de ces différentes causes. Oui, parfois un certain nombre
01:24 j'allais dire de femmes parce que c'est souvent des femmes quand on leur dit que vous avez été la première à faire ça, ça, ça,
01:30 ça les agace. Vous non ? Vous êtes fière de ça ?
01:33 Ça ne m'agace pas, non, je suis fière.
01:35 C'est parfois redondant mais ça reste toutefois une fierté, une fierté parce que j'ai eu la chance d'être bien accompagnée
01:43 dans ce parcours de vie aussi difficile qu'il a été
01:47 pour être la femme que je suis devenue aujourd'hui et grâce à ma mère et ma soeur et
01:51 toutes les personnes sur mon parcours de vie donc non, ça reste et ça doit rester une fierté.
01:56 Vous parliez de votre maman dans ce film et dans le livre "On découvre vos débuts" vous avez commencé le foot toute jeune à
02:02 cinq ans grâce à votre maman un peu comme ça. C'est mon héroïne ma mère. On se baladait dans la rue
02:09 principale de Brienne-le-Château et j'ai entendu des cris et ça s'est passé naturellement.
02:14 Ça a été quelque chose où j'ai été attirée par cette joie qui rayonnait, qui se dégageait du terrain et
02:20 évidemment c'était un contraste avec la maison et tout de suite j'ai eu envie de me rapprocher et
02:27 c'en est suivi
02:29 la rencontre avec mon éducateur. Un contraste avec la maison parce qu'à la maison c'était pas drôle,
02:35 loin de là même, le mot est sans doute mal choisi.
02:39 Vous avez un papa qui était extrêmement violent, qui buvait, qui a été condamné pour avoir violé votre grand-mère.
02:45 Le foot ça vous a... c'était quoi ? Un échappatoire ?
02:48 Vous dites "j'enfilais mes crampons et en fait j'oubliais tout". C'est ça, c'est
02:53 c'était vraiment l'exutoire. Il y avait ce côté où j'arrivais à
02:59 dissocier la maison, le terrain et à dégager un maximum de plaisir et à ressourcer au final les batteries parce que c'était compliqué
03:06 de voir toujours les mêmes
03:09 choses, d'entendre les mêmes choses
03:11 qui étaient psychologiquement difficile à supporter
03:17 tout au long de cette jeunesse.
03:22 Ça vous a donné le rage aussi ? Oui bien sûr, évidemment parce que j'avais envie de lui donner tort.
03:28 Surtout de lui dire, il nous insultait, il nous disait "tu feras jamais rien de ta vie".
03:34 Je me suis servi de ça pour en faire une bataille et aujourd'hui
03:38 c'est un paradoxe mais j'ai presque envie de le remercier parce que j'aurais pas fait cette carrière là.
03:44 Le remercier avec tout ce que vous avez pu subir.
03:47 Votre maman vous offre vos premières chaussures en cachette, vous dormez avec au départ.
03:53 C'est vrai, c'est vrai, j'étais
03:55 tellement contente et je le décris vraiment bien dans le livre où
04:00 je la vois arriver avec sa boîte toute neuve et j'ai les yeux plein
04:05 plein d'étoiles et je passerai ma première nuit. J'avais volontairement
04:09 retiré un peu la couette pour laisser les chaussures dépasser, pour pas les abîmer.
04:15 C'était assez drôle mais oui.
04:18 Vous vous souvenez de votre premier but ? Le tout premier ou pas ?
04:21 Il y en a eu plus de 300. Non, honnêtement non. Je vais m'en souvenir forcément de quelques uns qui ont marqué ma carrière.
04:28 Mais le tout premier, non.
04:31 81 buts en équipe de France, je le disais. Vous y passerez 13 ans en équipe de France et vous décidez d'arrêter en 2007
04:37 après l'échec lors des éliminatoires de la Coupe du monde face aux Anglaises.
04:41 Et vous déclarez ceci. On va entendre un extrait du film. Le match vient tout juste de terminer.
04:46 Pour moi ce qui vient de se passer là, là, c'est l'échec d'un système.
04:50 Comment vous voulez qu'on fasse le poids face à des joueuses qui sont pros alors que nous on n'est même pas payés ?
04:55 On s'entraîne jusqu'à pas d'heure le soir après avoir bossé toute la journée pour gagner notre vie.
05:00 C'est un manque de considération totale de la part de la FED. Et après vous attendez des résultats de nous ?
05:05 Mais c'est complètement hypocrite. Dans les médias, il y a un autre discours.
05:10 Oui, le foot féminin, c'est l'avenir.
05:12 Mais factuellement, il n'y a rien et rien ne bouge. Donc qu'est-ce qu'ils attendent pour nous donner notre statut de joueuses professionnelles ?
05:17 C'était un honneur de porter ce maillot pendant des années. Mais j'arrête.
05:22 Alors ça c'était en 2017. La voix qu'on entend, c'est celle de Garence Marillier qui interprète votre rôle dans ce film.
05:29 Mais ces mots, vous les avez prononcés Marine Lepichon à l'époque. On est 16 ans plus tard.
05:34 Il n'y a toujours pas de statut pour les footballeuses ? Non, toujours pas.
05:37 Donc
05:39 c'est révoltant, ça m'agace.
05:41 À chaque fois qu'on me pose la question, je me demande ce que fait la
05:45 Fédération pour aider au développement du football féminin et comment on peut
05:50 avoir perdu autant de retard quand on regarde l'Angleterre, l'Espagne qui ont eu des
05:56 championnats tardifs et qui réussissent à remplir Wembley, à remplir le Camp Nou. C'est quand même
06:02 triste de faire ce contraste. Mais c'est quoi un manque de volonté politique ?
06:06 C'est clairement un manque d'envie. Il faut des personnes qui ont envie
06:11 de faire bouger les choses. Mais l'envie elle est là. J'ai regardé les chiffres par exemple de la demi-finale de l'Euro France-Allemagne.
06:18 7 millions de spectateurs l'été dernier, c'est pas rien.
06:23 Oui, c'est pas rien. Mais qu'est-ce qui a concrètement changé à part
06:26 l'impact médiatique qu'il y a eu sur les deux événements majeurs de la Coupe du Monde 2019 et du championnat d'Europe ? Rien.
06:33 Les joueuses sont toujours en contrat fédéral. Donc une partie professionnelle, une partie sportive.
06:39 Donc pas un statut pro hormis pour les trois qui ont des présidents qui ont financièrement les moyens de leur donner des statuts
06:48 assimilés professionnels. Mais en dehors de ça, on n'a pas d'infrastructure pour pouvoir accueillir nos jeunes.
06:53 Suite à l'élan
06:56 de licenciés de la Coupe du Monde 2019, on n'a pas plus d'éducateurs, on n'a pas plus de bénévoles.
07:01 Mais ça vous met en colère ?
07:03 Bien sûr. Je suis révoltée, révoltée qu'une fédération ne prenne pas la mesure
07:10 de toutes ces jeunes femmes et
07:14 femmes qui attendent d'avoir la capacité d'accéder à une infrastructure pour elles aussi prendre du plaisir.
07:21 C'est la fédération qui est l'organe
07:23 décideur et qui doit impulser ces changements.
07:27 A votre époque vous étiez défrayée 150 francs,
07:30 moins de 25 euros pour aller jouer en équipe de France. Alors la prochaine Coupe du Monde elle débute le 20 juillet prochain en
07:36 Australie et en Nouvelle-Zélande. Et pour l'instant, à moins de deux mois de ce coup d'envoi, il n'y a toujours pas de diffuseurs en France.
07:42 Elle risque de ne pas être diffusée parce qu'aucun accord a été trouvé avec la FIFA.
07:46 Hervé Renard, nouveau sélectionneur de l'équipe de France, dit que la FIFA est trop gourmande, trop demandeuse. C'est votre avis ?
07:52 Il a raison. On ne peut pas estimer la même attente
07:57 de l'attribution des droits pour les hommes versus les femmes.
08:02 Aujourd'hui l'économie est naissante du côté féminin et on a du mal à avoir cette visibilité.
08:08 Et je crois que la FIFA
08:11 doit revoir
08:13 son cahier des charges pour se permettre de pouvoir offrir à des diffuseurs qui ont envie
08:18 d'aller diffuser cette Coupe du Monde. C'est quand même scandaleux qu'à deux mois,
08:23 on n'ait toujours pas de diffuseurs. Et qu'on risque de ne pas en avoir.
08:27 Aucun accord n'est trouvé d'ici là, même si hier la ministre a dit qu'elle était plutôt confiante. Autre de vos combats,
08:34 cette lutte contre l'homophobie. J'imagine que vous avez vu ces joueurs qui ont refusé de porter le maillot arc-en-ciel la semaine dernière.
08:41 Vous avez été l'une des premières sportives en France à révéler votre homosexualité.
08:44 Vous avez aussi été avec votre épouse Ingrid l'un des premiers couples à vous marier et aussitôt la loi promulguée. Est-ce que vous diriez que
08:50 le foot français est homophobe ?
08:52 Je ne peux pas
08:56 cataloguer un ensemble, mais en tout cas je peux dire que la majorité a peut-être encore des
09:03 a priori assez... Vous décrivez dans votre livre qu'il y a une grosse hypocrisie, une énorme hypocrisie en la matière dans le monde du foot.
09:11 Mais évidemment parce qu'il y a beaucoup d'enjeux, il y a beaucoup d'enjeux sur ce côté-là et aujourd'hui de voir des personnes qui ne portent pas
09:18 sous l'égide de leur propre
09:20 championnat
09:21 quelque chose qui est recommandé, pour moi ça me dérange. Il faudrait les sanctionner sévèrement ?
09:26 Il faudrait les sanctionner et puis il faudrait surtout leur dire que quand on évolue dans ce championnat, on fait ce qui est
09:31 impulsé par le championnat. D'un mot, je parlais d'Hervé Renard, vous y avez songé à
09:36 entraîner cette équipe de France ? Absolument pas et j'adore les filles et je trouve qu'elles sont talentueuses, mais
09:41 c'est pas du tout un rôle dans lequel je me sentirais à l'aise. Bon un grand grand merci.
09:46 Le film Marinette, je le rappelle, sort donc le 7 juin prochain au cinéma et puis votre livre Ne jamais rien lâcher
09:52 aux éditions First qui est sortie la semaine dernière. Il y a plein de photos aussi, super sympa. Lisez-le !
09:59 !