Le rappeur, auteur-compositeur-interprète, écrivain et réalisateur publie "Juliette" (éditions Robert Laffont), un vibrant hommage à Juliette Gréco.
Regardez L'invité de RTL du 01 septembre 2023 avec Amandine Bégot.
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00:02 RTL matin
00:06 RTL 7h43, excellente journée à vous tous qui nous écoutez. Amandine Bégaud vous recevez donc ce matin le rappeur et écrivain Abdelmalik.
00:13 "Fort heureusement le Pera fut pour moi comme pour elle fut Jean-Paul Sartre.
00:18 C'est finalement normal gros que Gibraltar devienne légendaire comme la rue des blancs manteaux."
00:26 Abdelmalik vous avez chanté Juliette Gréco on l'entend c'était en 2015.
00:30 Vous avez aussi chanté avec elle en duo, c'était magique.
00:34 "Romeo elle s'appelle Juliette.
00:37 Romeo est
00:42 Juliette.
00:49 Il accélère, elle rabat un peu le dossier du siège et lui dit "tu es belle".
00:54 Elle s'engouffre dans le plège puis dévide."
00:56 Et aujourd'hui donc vous lui rendez hommage dans un livre. Vous avez d'ailleurs écrit pour elle
01:00 ce livre il s'appelle Juliette, c'est le titre publié chez Robert Laffont et qui est sorti hier.
01:06 Alors je le dis tout de suite moi j'ai adoré c'est un petit bijou plein de poésie.
01:10 C'est quoi une déclaration d'amour ?
01:13 Une ode aussi peut-être à la liberté ?
01:16 Les deux en même temps il y avait vraiment cette idée
01:19 de dire qu'aujourd'hui on traverse une période un peu particulière et la voix de Juliette nous manque, sa présence nous manque. Et d'une certaine manière
01:26 je pense qu'il est important de parler aux vivants mais il faut convoquer les absents, surtout
01:32 les illustres absents, ceux qui nous permettaient de faire France, ceux qui nous ce qui faisait du lien,
01:37 ceux qui faisaient à la différence d'aujourd'hui, qui faisait en sorte qu'il n'y ait pas de rupture mais qu'on puisse
01:43 embrasser j'ai envie de dire toutes les citoyennes, tous les citoyens français dans quelque chose qui serait comment dire
01:50 comment positivement on peut avancer ensemble.
01:53 Et en quoi elle permettait de faire France comme vous dites ?
01:55 Parce que précisément
01:57 elle chantait l'universel, elle était l'universel mais elle avait aussi
02:02 la conscience de la responsabilité artistique.
02:05 Comment les artistes travaillent les imaginaires ?
02:08 Comment les artistes font en sorte tout d'un coup de créer des inspirations, des aspirations ?
02:13 À quelque chose qu'on peut construire ensemble et dire que la différence n'est pas une tare.
02:18 Les différences au contraire c'est des forces et qu'en ajoutant comme ça, en se mettant les uns, les unes, les autres, tous ensemble
02:26 et bien on peut vraiment
02:28 faire en sorte d'être dans une sorte de
02:30 patriotisme ouvert et surtout dans cette idée du beau, la quête du beau.
02:35 Et elle c'était ça, elle incarnait tout ça.
02:37 Et tout ça en a plu ?
02:39 Je sais pas, j'ai envie de vous retourner la question. Est-ce que vous voyez des figures comme ça, qui sont des figures
02:44 fédératrices à ce point ? On a plutôt l'impression dans une société médiatique, politique, on a plus l'impression que
02:50 ce qui est mis en avant c'est la rupture, c'est le scandale, c'est le buzz.
02:55 Alors qu'avant il y avait quelque chose de... on cherchait l'harmonie.
02:58 Et moi mon idée c'est encore une fois convoquer la voix de Juliette qui a été moi dans le métier ma reine.
03:05 De convoquer cette figure-là, de convoquer la muse qui a été
03:10 si inspirante et d'une certaine manière faire ce livre c'est aussi
03:14 vouloir inspirer.
03:16 Comment vous, le rappeur qui a grandi on le rappelle dans une cité HLM de Strasbourg, avez-vous découvert Juliette Gréco ?
03:21 Ça s'est passé en deux étapes. La première étape moi j'avais...
03:24 enfin j'ai...
03:26 Ma maman en fait elle faisait... bon c'était très musique africaine etc. Mais le dimanche c'était chansons françaises.
03:32 C'était la règle ? La règle. Tout le dimanche, fenêtre ouverte, chansons françaises à fond.
03:37 Et il y a quelque chose qui m'avait marqué à l'époque c'est que j'entendais beaucoup de chanteurs
03:40 et la seule chanteuse qu'elle mettait c'était Juliette. Et je me disais tiens et ça c'est la première étape. Deuxième étape c'est je travaillais sur
03:48 mon deuxième album solo, on devait être en 2004-2005 et j'ai voulu la rencontrer.
03:55 Elle a accepté de me rencontrer et on s'est plus quitté en fait.
03:58 C'était elle, c'était moi. Il y avait quelque chose avec aussi son époux
04:03 Gérard Jouannest, cette figure importante, le co-compositeur de l'oeuvre de Jacques Brel, ce pianiste fabuleux.
04:11 Et ben voilà on a formé une famille très vite, naturellement.
04:14 Et vous l'avez accompagné jusqu'au bout.
04:16 Vous avez, je le disais, Abdelmanick, grandi dans une cité HLM de Strasbourg. Vous avez souvent écrit sur les banlieues,
04:22 sur ces quartiers. On se souvient notamment de la guerre des banlieues, n'aura pas lieu publiée en 2009.
04:27 Comment vous avez vécu les émeutes qu'on a connues au début de l'été ? Vous me parliez de "Faire France".
04:32 Ça n'existe plus, c'est ça l'origine des émeutes qu'on a connues ?
04:37 Je pense que c'est ça oui.
04:38 Quand on a un sentiment profond d'exclusion,
04:43 d'être à côté de soi-même, donc à côté de son pays, lorsqu'on a l'impression de ne pas être entendu etc.
04:50 Finalement on devient, il y a une forme, on répond d'une manière incohérente. C'est comme j'ai envie de dire
04:57 brûler, faire du bruit etc. Mais en fait on dit quelque chose sur nous, sur notre désarroi.
05:02 Et j'ai l'impression qu'on n'entend pas ça.
05:04 Et donc voilà, donc moi c'est des choses qui me font mal parce que je me dis encore une fois, moi c'est l'endroit d'où je viens.
05:10 J'ai envie de dire, mais c'est pas un endroit, les quartiers populaires, c'est pas à côté de la France, c'est la France.
05:16 Et quand on a mal aux quartiers populaires, on a mal à la France.
05:19 C'est quoi la solution ? On entend les hommes politiques ces derniers jours marteler, il faut restaurer l'ordre, l'autorité.
05:27 Vous êtes d'accord avec ça ? C'est un problème d'ordre et d'autorité ?
05:29 Non, ça va beaucoup plus loin. C'est un problème.
05:31 Mais je parlais d'ordre et d'autorité au sens large, c'est-à-dire la figure aussi des parents,
05:36 qui ne sont plus toujours respectés, la figure du professeur, de l'enseignant.
05:40 C'est pas que la police dont je voulais parler.
05:42 Mais ce que j'ai envie de vous dire c'est que qu'est-ce qui nous éduque ? C'est tout qui nous éduque.
05:46 C'est-à-dire si par exemple je regarde la télé et je vois des hommes politiques s'exprimer, si je vois qu'ils se respectent,
05:51 qu'ils écoutent. Mais non, eux aussi c'est l'empoignade. L'empoignade elle est partout.
05:56 On est à la maison, c'est compliqué. On allume la télé, les personnes qui sont censées représenter l'autorité c'est l'empoignade, c'est le buzz, c'est la bagarre.
06:03 Et bien forcément il n'y a plus aucun repère. Il n'y a pas de référent, il n'y a pas de figure inspirante comme l'était Juliette.
06:08 C'est-à-dire que si c'était le chaos partout, et bien tout d'un coup au hasard d'une interview, on voit Juliette Gréco.
06:15 Quelqu'un qui amène de l'harmonie, quelqu'un qui dit en fait on est tous des enfants de la République
06:20 et il y en a qui sont plus faibles que d'autres et peut-être que la République a cette
06:24 mission-là, cette fonction-là peut-être de s'occuper
06:27 peut-être davantage des plus faibles. Mais s'occuper des plus faibles qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire réfléchir en matière d'éducation,
06:33 réfléchir en matière de problématiques sociales. Qu'est-ce qu'on peut faire ? Réfléchir en matière d'empathie.
06:38 - C'est pas juste une question de moyens ?
06:39 - Non c'est pas une question de moyens. - Surtout pas ?
06:41 - Non c'est une question... parce que des moyens c'est mis. C'est une question d'attitude, c'est une question de pédagogie,
06:45 c'est une question d'empathie, c'est une question de considérer l'autre comme soi.
06:49 - Votre maman qui chaque semaine, donc le dimanche, mettait des chansons françaises, ça aussi c'est un
06:53 moyen de faire France aussi ? - Mais bien sûr parce que... - De s'intégrer ? - Mais s'intégrer ça passe par les imaginaires.
06:59 C'est-à-dire comment on travaille les imaginaires. Quand j'écris un texte comme Juliette, quand j'écris, quand je fais de la musique, quand j'écris...
07:06 Il y a cette volonté profonde de faire France, de faire peuple, de faire Europe. Et être français, être européen, européenne,
07:12 ce n'est pas une couleur de peau, ce n'est pas un sexe, c'est le fait d'adhérer à des valeurs communes.
07:17 Et on doit les magnifier ces valeurs dans l'empathie, le respect et le dialogue.
07:21 - Encore un mot d'actualité, Efdenmanic, le ministre de l'éducation nationale a annoncé cette semaine l'interdiction de l'abaya à l'école.
07:27 Vous approuvez ? Je rappelle que vous vous êtes converti, vous, à l'islam pendant votre adolescence.
07:31 - Mais moi en fait, encore une fois,
07:34 lorsqu'une loi est votée, on est citoyenne et citoyen, on l'applique, on écoute. Mais moi la problématique c'est la pédagogie, comment c'est amené ?
07:42 Vous voyez ? C'est-à-dire qu'il faut savoir que derrière toutes les décisions comme ça qu'on prend, il y a des populations qui sont en fragilité,
07:48 en précarité intellectuelle, émotive,
07:51 sociale, etc. Donc c'est comment on amène les choses, comment on fait comprendre les choses. Et je pense que
07:57 évidemment, il y a le fond qui est fondamental et important, et on doit respecter les valeurs républicaines, laïques, bien sûr.
08:04 Mais il y a aussi la forme, comment c'est amené ?
08:06 Comment on est dans l'empathie, le dialogue ? Comment on se dit, voilà des gens qui sont dans telle fragilité,
08:10 comment on fait passer les choses ? Et ça c'est fondamental. Et encore une fois, vous avez parlé tout à l'heure de l'ordre, bien sûr l'ordre c'est
08:16 fondamental. Mais il faut faire attention à ce que
08:18 en agissant de cette manière, on n'ait pas l'impression qu'on stigmatise des personnes, des personnes n'aient pas l'impression d'être
08:24 quotidiennement victime, etc. Parce que après, eux-mêmes se mettent dans une posture. Et en fait, c'est de lui, c'est mettre de
08:30 de l'huile sur le feu. Et pour moi, il y a une
08:33 attitude. Et cette attitude-là, encore une fois, elle doit passer aussi par l'empathie, le dialogue, comment on amène les choses. Et c'est comme ça.
08:40 - Mais c'est pas un peu bisounours tout ça, pardonnez-moi.
08:42 - Mais il faut être bisounours. Le problème, c'est qu'on n'a pas assez de bisounours.
08:45 Et soyons un peu bisounours. Et c'est comme ça qu'on va faire évoluer positivement les choses et avancer ensemble. Parlons d'amour.
08:52 Voilà, parlons d'amour un peu. C'est important. - Un grand merci Abdelmanick. Et je rappelle donc ce livre,
08:57 c'est un petit bijou, je le disais.
09:00 On a envie de le lire et de le relire parce qu'il y a plein de choses qui nous échappent à la première lecture. Ça
09:04 s'appelle "Juliettes", donc hommage à Juliette Gréco. Et c'est publié chez Robert Lafon. C'est sorti hier. Une bonne idée pour le week-end.
09:10 - Il s'appelle Roméo. - Elle s'appelle Juliette.
09:14 Roméo et Juliette.
09:17 Juliette
09:19 [SILENCE]