Jeudi 25 mai 2023, SMART IMPACT reçoit Maud Sarda (Cofondatrice et Directrice, Label Emmaüs) et Blaise Desbordes (Directeur Général, Max Havelaar France)
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00:00 Retrouvez le débat de Smart Impact avec Veolia.
00:04 Je vous présente tout de suite mes invités.
00:14 Motsarda, bonjour, bienvenue.
00:16 Vous êtes la cofondatrice, directrice de Label Emmaüs et Blaise Desbordes.
00:20 Bonjour, bienvenue.
00:21 Le directeur général de Max Avelard France.
00:23 Je vous ai déjà reçu plusieurs fois dans cette émission.
00:26 On va quand même rapidement rappeler Label Emmaüs pour commencer, ce que c'est, créé en 2016.
00:30 C'est quoi ? Une sorte de vitrine numérique de l'association, mais de l'économie sociale et solidaire en général, on peut dire ça ?
00:37 Oui, de l'économie sociale et solidaire plus largement maintenant, puisqu'il y a 200 structures de l'économie sociale et solidaire qui vendent sur ce site.
00:44 Et donc, ce n'est pas qu'une vitrine, puisque c'est vraiment un site e-commerce où on va avoir 2,3 millions de produits uniques.
00:52 Ce ne sont que des produits qui sont issus des dons des particuliers, un petit peu des entreprises également.
00:57 Et tous ces produits ont été mis en ligne par des personnes en insertion.
01:00 Les compagnes, les compagnons qu'on connaît bien chez Emmaüs quand on va chiner, quand on va donner,
01:06 mais aussi des personnes en insertion dans des associations de la Croix-Rouge, par exemple, dans des ressourceries.
01:12 Donc, il y a tout un tas de structures aujourd'hui qui sont partenaires du projet.
01:16 Et avec une ambition d'aller titiller les géants du e-commerce avec ce modèle d'e-commerce solidaire.
01:23 Vous venez d'ailleurs de lever 1,5 million d'euros auprès d'investisseurs à impact. C'est quoi l'objectif ?
01:30 Oui, c'est de tenir tête comme on peut à ces géants, parce que Vinted, il faut se rendre compte de la taille.
01:36 Désormais, c'est 22 millions d'abonnés en France uniquement. C'est gigantesque.
01:42 Sur des sites comme Amazon, pour ne pas citer le plus gros, il y a quand même 7 millions de personnes par jour.
01:50 Vous vous rendez compte ? Nous, à côté, on est vraiment tout petit. On n'arrivera évidemment jamais à cette taille-là.
01:57 Et ce n'est pas du tout ça l'objectif. Ce n'est pas notre objectif. Notre objectif, c'est d'être une alternative,
02:02 d'inspirer cet univers du e-commerce, parfois 100 fois nilois, et de prouver qu'on peut faire autrement à l'extrême opposée de ces géants.
02:11 Et donc, c'est 2 millions, je l'espère bientôt, puisqu'on est aussi en campagne de souscription sur l'ITA.
02:17 Pour arrondir les 1,5 à 2 millions. Le message est passé, si vous voulez participer.
02:22 Et c'est pour continuer à se développer, du développement informatique évidemment, des équipements logistiques aussi pour nos entrepôts.
02:29 Blaise Desbordes, on va rappeler les principes, les grands principes du label Fairtrade Max Havelard.
02:36 On pense souvent à la rémunération des justes, des producteurs. C'est la base, mais il n'y a pas que ça, évidemment.
02:40 Tout à fait, c'est ça. C'est donc un label indépendant qui travaille avec à peu près 2 000, 2 500 entreprises dans le monde.
02:45 Et donc, en totale indépendance, nous proposons un cahier des charges avec un prix garanti pour le producteur,
02:50 avec une prime de développement collectif pour que la coopérative puisse investir dans son avenir,
02:55 avec des règles environnementales pour protéger la planète, anti-déforestation, etc., protection de l'eau.
03:01 Et puis, avec des règles démocratiques aussi. Un producteur seul, un paysan seul, c'est souvent quelqu'un qui ne peut pas se défendre dans la négociation.
03:08 Donc, on oblige, nous, à ce qu'il soit adhérent d'un groupement, d'une coopérative pour se défendre collectivement.
03:13 Et une fois que c'est respecté, eh bien, vous avez le label bleu et noir qui apparaît sur le produit.
03:18 – Oui, c'est ça, que vous portez sur votre veste. On va parler des effets de l'inflation.
03:24 Vous avez évalué ça, l'impact sur le commerce et le quitta. Mais je voudrais qu'on discute ensemble un peu des labels.
03:30 Je reste avec vous, Blaise Desbordes. Parce que les consommateurs et le consommateur juste,
03:34 on s'y perd parfois un peu dans le maquis des labels. Qu'est-ce que vous garantissez avec un label comme le vôtre ?
03:41 Et comment vous différenciez dans ce maquis ? Comment vous percevez ça ?
03:45 – Effectivement, il y a une véritable jungle. Et nous sommes dans un pays où, malheureusement,
03:49 le gouvernement ne régule pas tellement ce qu'on appelle les allégations.
03:53 Donc, n'importe qui peut s'auto-labeliser ou faire des proclamations éthiques qui sont souvent un petit peu folkloriques.
03:59 Ce qu'un vrai label apporte, différencie en ces deux ou trois choses très importantes.
04:03 La première, il ne doit pas appartenir à l'entreprise elle-même.
04:07 Sinon, vous vous labellisez vous-même et vous dites "ma pratique est bonne, regardez et je le proclame".
04:11 Il faut que ça soit un tiers indépendant. Ça, c'est inscrit dans un certain nombre de règles internationales,
04:15 comme une norme, ISO, etc. La deuxième, c'est qu'il soit auto-financé.
04:19 Il ne doit pas dépendre financièrement, sinon sa parole n'est pas fiable.
04:23 Et puis, la troisième, je dirais, c'est que son cahier des charges soit rigoureux, soit ambitieux et qu'il ne soit pas à la baisse.
04:30 Quand vous avez ces ingrédients, vous avez un label indépendant. Il y en a quelques-uns en France.
04:33 Le label bio, par exemple, appartient au ministère de l'Agriculture, donc il n'est pas susceptible d'avoir un conflit d'intérêts.
04:39 Et nous, c'est sous forme associative, indépendante et démocratique, sociétale, je dirais, qu'on assure notre indépendance.
04:44 - Mozarda, est-ce qu'il faut un label économie ou commerce solidaire ?
04:49 - Oui, alors je pense qu'il manque vraiment quelque chose sur la partie sociale, notamment.
04:55 Parce qu'encore sur l'écologie, tout de même, petit à petit, les bilans carbone et tout ce qui peut tourner autour de ces notations-là
05:05 donnent plein d'éléments sur l'activité des entreprises quand elles veulent bien le faire, évidemment,
05:10 puisqu'elles ne sont pas obligées de le faire en dessous de 500 salariés.
05:14 Donc nous, on fait un bilan carbone, on est 60 salariés, ça fait déjà des années qu'on le fait chaque année, par exemple.
05:19 C'est une question de volontarisme, tout simplement, et de transparence.
05:22 En revanche, sur le social, c'est vrai qu'il n'y a pas grand-chose.
05:26 Donc quand on est une entreprise d'insertion, comme la Bell & Maus, on est contrôlé par l'État, évidemment,
05:31 puisqu'on a des personnes qui sont agrées sur des postes avec des subventions, donc on a des comptes à rendre,
05:37 on regarde vraiment le pourcentage de sorties positives vers l'emploi, etc.
05:41 Mais sinon, il n'y a rien d'autre qui existe, en fait, pour une entreprise lambda qui voudrait s'engager socialement.
05:49 Il n'y a pas du tout de label aujourd'hui, en tout cas reconnu, nationalement.
05:53 Je suis complètement d'accord avec ce que dit Mozarda.
05:55 Le social, c'est vraiment le défi de l'économie, je dirais, responsable demain,
05:59 parce que la métrique, comme vous dites, n'est pas tout à fait au rendez-vous.
06:02 Donc nous, on essaie de la créer à travers, justement, un prix minimum ou des règles sociales.
06:06 Vous savez, il y a des pays où il n'y a pas d'inspection du travail,
06:08 il y a des pays où il n'y a pas le minimum de règles sociales, de congés, maternités, etc.
06:12 Et c'est un peu ça que les labels sociaux ou solidaires essayent de développer.
06:16 Mais quand on parle d'économie sociale et solidaire, on est agréé, hésus,
06:20 c'est une forme de label d'une certaine façon, vous diriez pas jusque-là ?
06:23 Oui, tout de même, un agrément hésus, ça contrôle plein de choses.
06:27 Mais ça va contrôler en particulier les écarts de salaire, la redistribution des richesses,
06:33 la transparence, la gouvernance, voilà.
06:36 Il n'y a pas vraiment des indicateurs d'impact sociaux et écologiques.
06:42 Par exemple, l'écart de salaire, chez vous, c'est de 1 à 3, j'ai lu ça ?
06:45 Oui, de 1 à 2,8, pour être exact.
06:48 On est très précis.
06:49 Je voudrais, Blaise Desbordes, qu'on parle de l'impact de l'inflation sur la consommation de produits.
06:56 Et quitte à vous l'avoir évalué via une enquête d'opinion, c'est ça ?
07:00 Oui, tout à fait. On était un peu inquiets, pour rien vous cacher.
07:02 On se disait, que va-t-il se passer ? Il y a une inflation parfois de chiffres.
07:06 Donc on est allé voir OpinionWay, on a pris un panel tracé complet de la population française.
07:10 Et c'est plutôt une bonne nouvelle, en fait, il n'y a aucun décrochage.
07:14 D'abord, la conviction est intacte.
07:16 Qu'est-ce que ça veut dire ?
07:17 La première question était, est-ce que vous pensez qu'un prix bien rémunérateur pour un producteur, ça reste important ?
07:22 80% des Français le maintiennent.
07:24 Et on met dans la question, dans la crise.
07:26 Et ils nous disent, oui, dans la crise, je pense que c'est très important, 28%, et important, donc on arrive à 80%.
07:31 Deuxième question, vous consommez, il y a à peu près un Français sur deux qui consomme équitable.
07:35 Est-ce que vous avez ralenti vos achats ? Est-ce que vous les avez maintenus ? Etc.
07:38 Et là aussi, plutôt une bonne nouvelle, une petite moitié, 43% dit, je ne change rien.
07:42 Je continue à consommer pareil.
07:44 Et puis, une autre moitié dit, j'ai temporairement baissé ma consommation.
07:48 Et quand la crise sera passée, je reprendrai mes achats équitables.
07:52 Donc, notre sentiment, c'est qu'effectivement, une conviction intacte.
07:56 Et surtout, il y a quelque chose qui s'est passé ces dernières années,
07:59 où le fait d'avoir conscience que les producteurs ont besoin d'avoir un prix rémunérateur et qu'on ne peut pas s'asseoir dessus.
08:04 On ne peut pas avoir d'un côté des sortes de sur-profits, et de l'autre, une maltraitance paysanne.
08:09 Les gens commencent à trouver ça insupportable.
08:12 Et ça, ça se maintient, même si, conjoncturellement, on a un peu peur quand on fait son caddie.
08:17 Oui, et j'imagine quand même une baisse, puisque quand vous dites qu'il y a la moitié des gens qui nous disent
08:23 "C'est peut-être temporaire, mais pour l'instant, on réduit un peu notre consommation de produits équitables".
08:28 C'est sur tous les produits ? Ou alors, il y a des produits que vous proposez qui sont un peu plus abattés ?
08:34 C'est contrasté.
08:35 Globalement, le commerce équitable ne baisse pas plus que ce que baisse un marché.
08:38 Par exemple, dans la banane, ça se tasse un petit peu, mais au niveau européen, c'est -4, -5% en 2022.
08:44 Et le commerce équitable, c'est -4, -5% aussi.
08:46 Donc ensuite, on ne décroche pas.
08:48 Par ailleurs, on a des très belles locomotives qui vont croître dans la crise.
08:51 Elles vont croître en volume, elles vont croître en prix.
08:54 Par exemple, le chocolat, c'est une sorte de miracle.
08:57 En 2022, on a +19% de croissance.
09:01 La pâte à tartiner, elle double en 2022.
09:04 Les gens ont trouvé des références de pâte à tartiner, produit du quotidien, produit plaisir,
09:08 et ils veulent y mettre de l'éthique.
09:10 Ils disent "ça, c'est important pour moi".
09:12 Et puis, on a la chance d'avoir aussi presque 400 entreprises engagées.
09:16 Donc, ça veut dire que vous avez un peu tous les produits, tous les prix, toutes les saveurs.
09:20 Et donc, les Français, même ceux qui faisaient un peu attention,
09:22 ont trouvé dans certains distributeurs ou dans certains types de produits,
09:27 ont trouvé quand même le label équitable.
09:29 Et ça, c'est vraiment un gage de résilience.
09:31 On a 1000 cafés différents, 2000 chocolats différents.
09:34 Ça permet à chacun de choisir, même dans la crise.
09:36 - Oui. Mozardaz, toujours sur l'inflation,
09:39 évidemment, elle renforce la précarité de nombreux ménages français.
09:44 Et je pèse mes mots.
09:46 Est-ce que ça veut dire qu'ils se tournent de plus en plus vers la belle Emmaüs ?
09:49 Est-ce que vous le ressentez, ça ?
09:51 - Alors, il y a deux phénomènes.
09:53 Ils vont se tourner de plus en plus vers la seconde main.
09:56 Aussi parce que c'était une tendance de fond bien avant l'inflation
09:59 et que ça va grossir de plus en plus.
10:01 On estime quand même qu'en 2030, le marché de la seconde main va dépasser celui du neuf.
10:05 C'est ce qu'on nous prédit, en tout cas.
10:08 Mais il y a aussi, malheureusement, le low cost, l'ultra fast fashion,
10:12 qui se développe énormément dans cette période.
10:16 Et voilà, on a bien certains exemples en tête,
10:19 comme Shane, malheureusement, qui vient de boucler 2 milliards de levées de fonds.
10:24 Je ne sais pas si vous avez suivi cette formidable nouvelle.
10:27 - Voilà, donc nous, dans ce moment très particulier, ce n'est pas simple.
10:33 On continue à grossir.
10:35 On a quand même une croissance.
10:37 Elle est autour de 10 % à peu près sur notre site.
10:40 Donc c'est plutôt bien, 10 % par rapport à l'année dernière dans le contexte.
10:43 En revanche, les marges se réduisent énormément.
10:47 Les personnes doivent avoir tendance à se tourner vers les produits les plus bas du catalogue.
10:52 Donc le panier moyen baisse.
10:54 Et la concurrence est très, très rude, puisque le marché du neuf essaie de s'en sortir comme il le peut.
10:59 Il est vraiment en crise, pour le coup.
11:02 Et il brade énormément toute l'année, finalement.
11:06 Donc il faut tenir la route aussi.
11:08 Il faut être extrêmement résilient, pour reprendre un des termes que tu as employé, Blaise.
11:12 C'est une période où on va voir qui va s'en sortir.
11:16 J'ai envie de croire que si on est sur des bases saines de redistribution de richesses,
11:22 de gouvernance transparente, partagée, avec les salariés, les parties prenantes aussi,
11:27 puisque nous, les structures qui vendent sur notre site,
11:30 les clients, s'ils le souhaitent, peuvent devenir sociétaires de notre coopérative.
11:33 C'est une coopérative.
11:35 Donc tous ensemble, on est dans le même bateau et on essaie de trouver la solution.
11:38 On doit serrer les coudes, Thomas-Hugues, je pense, pour rebondir là sur ce que tu dis.
11:42 Les structures de l'économie solidaire, oui, elles mériteraient un label.
11:45 Il faut que les Français sachent qu'elles sont différentes.
11:47 C'est des structures qui partagent différemment la richesse,
11:50 qui partagent le pouvoir autrement, qui prennent soin des producteurs.
11:53 Et je trouve que tous les labels, toutes les organisations de l'ESS,
11:56 on devrait un peu serrer les coudes dans la période.
11:58 – Et on peut trouver, je le signale pour conclure, des livres aussi sur le label Emmaüs.
12:03 – Des centaines de milliers de livres.
12:05 Et alors pour le coup, c'est un produit très accessible.
12:08 Ils sont à 2 euros pour la plupart.
12:11 Donc c'est la culture à tout petit prix, en quelques clics.
12:14 – Ça c'est un message important.
12:15 Merci beaucoup, merci à tous les deux et à bientôt sur Bismarck.
12:19 C'est l'heure de Smart Ideas du poisson frais en circuit court.
12:23 Ça vous tente forcément.