Avec Constance Le Grip, députée Renaissance des Hauts de Seine
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##L_INVITE_POLITIQUE-2023-06-02##
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NewsTranscription
00:00 Le Grand Matin Sud Radio, 7h-9h, Patrick Rocher.
00:04 - Et l'invité ce matin, Constance Le Grip, députée Renaissance des Hauts-de-Seine.
00:08 - Bonjour Constance Le Grip. - Bonjour.
00:10 - Est-ce qu'il y a une influence russe en France ?
00:12 Le RN est-il une courroie de transmission ?
00:14 Vous rapportez pour la commission d'enquête sur les ingérences étrangères en France,
00:20 un rapport vient d'être adopté hier, il sera rendu public la semaine prochaine,
00:24 mais on en connaît déjà les grandes lignes, et il fait déjà du bruit.
00:27 Alors d'emblée, c'est plutôt cocasse tout de même, comme un effet boomerang,
00:31 parce qu'il a été demandé et souhaité par Jean-Philippe Tanguy, du RN, président de la commission,
00:36 et ce rapport pointe le RN.
00:38 Alors on va voir ça, mais tout d'abord, comment a été menée cette enquête, qui se devait d'être neutre ?
00:44 - Alors la commission d'enquête, vous le rappeliez fort justement,
00:47 a été à l'initiative du groupe du Rassemblement National, présidé par Marine Le Pen,
00:52 qui a voulu, à un moment où une vive polémique s'était fait jour,
00:59 sur les, effectivement, prêts russes et autres soupçons d'influence qui pesaient sur le RN,
01:08 a voulu élargir le spectre, si je puis dire,
01:11 et faire en sorte qu'une commission d'enquête de l'Assemblée Nationale
01:15 travaille sur, de manière générale, le sujet des ingérences étrangères.
01:19 Et c'est ce que nous avons fait. Donc les travaux de la dite commission d'enquête ont commencé
01:24 très précisément en janvier, et nous avons mené, avec tous les membres,
01:29 Jean-Philippe Tanguy, président, moi-même, modestement, rapporteur,
01:33 quelques cinquante auditions, rencontres avec des personnalités diverses,
01:39 pour essayer dans un premier temps de saisir ce concept un peu flou, un peu difficile à qualifier d'ingérence,
01:46 le distinguer par rapport à l'influence, voir comment...
01:51 - Mais là c'était focalisé uniquement sur la Russie,
01:53 ce ne sont pas l'ensemble des ingérences étrangères en France.
01:57 - Ah, le rapport est consacré au sujet des ingérences étrangères de manière générale,
02:02 nous avons entendu... - Ah d'accord, donc il peut y avoir la Chine,
02:04 les financements, les pays du Golfe, les États-Unis en France aussi, les Young Leaders par exemple,
02:10 beaucoup de nos dirigeants actuels sont passés par les Young Leaders,
02:12 cette association d'Américains.
02:15 - Absolument, le sujet, comme je le disais en préambule, est d'arriver à distinguer ce qu'est l'influence
02:21 que pratiquent tous les États qui peuvent avoir envie de diffuser une bonne image de même et de leur politique,
02:31 et notre pays également, la France, exerce ce qu'on appelle la diplomatie des influences par exemple,
02:37 et les ingérences qui ont un côté beaucoup plus sournois, insidieux, quelquefois clandestin,
02:46 souvent malveillant, et qui visent à discréditer ou déstabiliser par exemple.
02:53 Donc le rapport a montré qu'il y a une multitude d'ingérences, de pratiques qui sont exercées
03:04 principalement, mais pas que, par un sonde de régimes autoritaires et autocratiques,
03:09 le rapport parle de la Russie, le rapport parle de la Chine,
03:11 parce que tous les chefs des services de renseignement de notre pays que nous avons auditionnés
03:16 nous ont clairement dit que les principales menaces en termes d'ingérences de toute nature,
03:22 ça va encore une fois de la désinformation jusqu'au cyberattaque,
03:25 en passant par la prédation économique et industrielle,
03:29 par la "capture" de membres de nos élites, etc.
03:34 sont le fait de ces deux grandes puissances très peu amicales,
03:40 que sont la Russie et la Chine, mais nous avons également traité d'autres zones du monde
03:45 qui cherchent à manipuler, ce sont les principales menaces.
03:49 - La Russie et la Chine, inamicales, les Américains par exemple, eux, c'est pas inamicales.
03:52 - Alors s'agissant des Etats-Unis, mais ça n'était pas au cœur du périmètre de travail que c'était donné...
04:00 - Parce que l'influence et l'ingérence est forte avec les réseaux sociaux par exemple...
04:02 - C'est un sujet que le rapport, il sera rendu public, comme vous le disiez, dans quelques jours,
04:06 on n'a pas esquivé effectivement...
04:08 - Vous êtes invité ce matin et vous en parlez pour la première fois.
04:10 - Tout à fait, et je vous remercie de m'avoir invité,
04:13 le rapport n'esquive pas du tout, même si ça n'était pas le cœur de son sujet,
04:17 la question effectivement des puissances numériques, des réseaux sociaux,
04:24 les fameux GAFAM, dont nous savons très bien que même s'il y a des tentatives,
04:29 et d'ailleurs à certains égards réussies, parce que des textes européens vont très bientôt
04:34 entrer en application pour permettre de mieux réguler les pratiques d'un certain nombre de plateformes,
04:39 et lutter contre la désinformation, mais nous savons bien que ces plateformes américaines,
04:44 à ce stade quasi-exclusivement américaines, et puis il y aura un jour les chinoises qui viendront,
04:48 ont un mal fou à intégrer nos propres règles, ont un mal fou à s'insérer dans des contraintes
04:54 que nous voulons nous, Européens, leur donner.
04:57 - Ce sujet n'est absolument pas esquivé, de même qu'il n'est pas du tout esquivé dans le rapport,
05:01 même si ce n'était pas encore une fois le cœur de notre sujet, parce que c'est un sujet extrêmement juridique,
05:06 le sujet de l'extraterritorialité du droit, et ce qu'on appelle le "law fair",
05:10 qui est pratiqué effectivement par les États-Unis, comme par la Chine d'ailleurs, de plus en plus.
05:14 - Constance Legrippe, qu'est-ce que démontre ce rapport, et donc cette enquête,
05:19 sur les liens entre le RN et le pouvoir russe ?
05:23 - Alors sur ce sujet tout particulier, absolument, qui est l'un des sujets sur lequel effectivement,
05:28 compte tenu du fait qu'encore une fois il est avéré que la Russie est au jour où nous parlons,
05:33 à date en quelque sorte maintenant, la principale menace qui pèse sur nos démocraties,
05:37 sur notre système de valeurs, et sur par exemple aussi notre espace informationnel,
05:42 eh bien le rapport remet, je dirais, un coup de projecteur sur des choses que l'on sait,
05:50 que l'on a déjà eu l'occasion de documenter ici ou là,
05:53 qui sont effectivement le fait qu'il y a en France un parti politique,
05:59 le Front National puis le Rassemblement National,
06:02 qui de manière assez persévérante, réitérée à bien des égards,
06:09 sur beaucoup de sujets internationaux, qui concernent par exemple de près la Russie,
06:15 relaient de manière encore une fois permanente et assez complaisante,
06:22 de mon point de vue, les éléments de langage et les positions du Kremlin,
06:26 et les votes au Parlement européen, par exemple des zéros députés du Rassemblement National,
06:30 sont là aussi pour contester du fait qu'il y a un véritable relais des positions russes.
06:36 - Mais quand ? Dernièrement, ces derniers mois, ou plutôt il y a quelques années ?
06:41 - Ah c'est un parcours qui a commencé il y a un certain temps,
06:46 qui est bien antérieur aux événements récents de la Russie.
06:53 - Sur l'Ukraine, Marine Le Pen a toujours condamné l'agression de l'Ukraine par la Russie.
07:00 - C'est tout à fait clair, d'ailleurs nous l'écrivons dans le rapport qui a été très largement approuvé,
07:06 ça n'a jamais empêché ni les responsables du Rassemblement National,
07:11 ni Mme Le Pen encore tout à fait récemment, le 24 mai dernier,
07:14 lorsqu'elle a été auditionnée par la commission d'enquête,
07:16 de réitérer avec force sa conviction profonde que l'annexion, entre guillemets, en 2014,
07:26 en 2014, année où le premier pré-Russe est accordé au Rassemblement National,
07:31 que l'annexion par la Fédération de Russie de la Crimée n'est pas illégale,
07:36 que le référendum, entre guillemets, qui a été organisé pour, entre guillemets,
07:41 valider le rattachement de la Crimée à la Russie était une consultation tout à fait libre et démocratique,
07:48 et elle répète inlassablement ce point de vue qui est vraiment stricto sensu,
07:53 le point de vue des autorités russes et qui est de plus en plus minoritaire partout en Europe.
08:00 - Oui mais d'un point de vue géopolitique, elle pouvait poser cette question,
08:03 comme d'autres l'ont posée avant elle, et pas simplement du Rassemblement National.
08:08 - La liberté d'opinion est tout à fait garantie dans notre pays,
08:11 on peut tout au plus s'interroger, c'est ce que fait ce rapport,
08:16 un rapport de commission d'enquête essaye à un moment donné d'entendre ce que les uns et les autres lui disent,
08:22 quand il y a des... - Mais donc vous y voyez...
08:24 - Et d'ailleurs ce sont nos chefs de... on verra d'ores et déjà l'intégralité des auditions,
08:29 y compris celles qui ont été faites à notre demande des chefs des grands services de renseignement des GSE et des GSI,
08:38 et consultables, et l'intégralité de ces comptes-rendus est publique, consultable sur le site de l'Assemblée Nationale,
08:44 quand vous avez un chef de service de renseignement en France qui considère que quand des élus se déplacent
08:52 dans une portion de territoire qui a été annexé illégalement,
08:57 et par leur présence même, par le fait qu'ils viennent observer une consultation, cautionne, valide en quelque sorte cette consultation,
09:04 je parle du référendum ou d'autres consultations qui n'ont jamais été reconnues par la communauté internationale,
09:11 ni par la France, ni par les pays de l'Union Européenne, etc.
09:15 Il y a là comme quelque chose qui peut s'apparenter à une forme d'allégeance.
09:20 - Mais Zelensky lui-même, l'actuel président, se posait aussi la question par rapport à ces territoires,
09:24 il y a une petite dizaine d'années, sur les territoires, et notamment la Crimée, par rapport à l'Ukraine et la Russie.
09:32 - Encore une fois, on peut s'interroger sur tous les sujets géopolitiques du monde.
09:38 La commission d'enquête n'a pas eu pour autre objet, compte tenu de ses limites, de ses compétences réduites,
09:48 encadrées par le droit, la séparation des pouvoirs, le fait qu'il y ait des enquêtes judiciaires, de ci, de là,
09:53 sur un certain nombre d'acteurs qui ont été très actifs dans l'obtention des différents prêts russes,
09:58 la commission d'enquête n'a pas pu faire autrement que de constater et de s'interroger sur des concomitances,
10:04 il y a un faisceau de faits concordants entre des prises de position hyper favorables au discours du Kremlin,
10:13 l'obtention de prêts, et tout cela est réitéré de manière répétée.
10:20 - Vous vous y voyez un lien entre un prêt avec une banque et avec le relais de la politique de Vladimir Poutine ?
10:29 - Je ne fais que reprendre une phrase, et d'ailleurs encore une fois on la trouve dans le compte-rendu intégral de son audition
10:37 qu'elle a accordé le 24 mai dernier, je ne fais que reprendre une phrase que Mme Le Pen a prononcée à deux reprises,
10:45 le seul lien qu'il y a entre le Rassemblement National et la Russie c'est le prêt russe accordé en 2014.
10:51 - En même temps il y avait... - Tout cela est su, connu, était sur la place publique, on remet un peu tout ça en lumière et en perspective.
10:59 - De 2014 à 2017 et même jusqu'à l'année dernière il y avait des liens de l'ensemble des politiques français,
11:05 y compris Emmanuel Macron avec la Russie et Vladimir Poutine, on se parlait, on échangeait.
11:10 - Une chose est ce que fait le chef de l'état français, la France est membre permanente du Conseil du Sécurité des Nations Unies,
11:16 puissance dotée, une chose est les relations diplomatiques, personne n'a jamais milité,
11:21 moi je ne milite pas pour la rupture des relations diplomatiques avec la Russie,
11:26 même si depuis que la Russie a violé la Charte des Nations Unies, a violé le droit international,
11:31 en menant la guerre meurtrière qu'elle mène actuellement et depuis plus d'un an et demi maintenant contre l'Ukraine,
11:39 est à mon sens un état, et ça a été redit par le président Macron hier encore, avec lequel pour l'instant il n'est pas utile de discuter.
11:47 Mais là on est dans autre chose, on peut quand même s'interroger sur le fait que la Ration Nationale soit le seul parti politique français,
11:55 il n'y a pas tellement d'autres cas autour de nous qui soient financés de manière réitérée par des prêts...
12:02 - Parce qu'aucune banque en France ne voulait lui accorder de prêts.
12:05 - C'est ce que dit Madame Le Pen, oui.
12:07 - Mais visiblement c'est vrai, non ? Ça vous le remettez en cause ?
12:10 - Non je ne le remets pas en cause, j'entends ce que dit Madame Le Pen.
12:12 - Donc elle est allée chercher des financements ailleurs,
12:14 comme aujourd'hui dans l'économie française on va chercher des financements un peu partout.
12:18 - Alors voilà, c'est pas tout à fait pareil.
12:20 - En République tchèque, il y a M. Kretinsky qui vient effectivement de la République...
12:26 - Je pense qu'il est quand même possible de voir la différence, ça fait 100% du financement d'un parti politique.
12:31 - C'était une banque tchéco-russe.
12:33 - Créée en 1996 en Tchéquie et qui depuis 2002 très précisément était implantée à Moscou
12:41 et dont les capitaux étaient exclusivement détenus par un actionnaire russe.
12:47 Donc une banque, First Tchèche Russian Bank, russe.
12:51 Encore une fois, on peut s'interroger tout simplement sur la concomitance,
12:55 d'un certain nombre de faits, d'un certain nombre de déclarations,
12:57 et le relais constant des positions du Kremlin.
13:01 J'entends, parce que Mme Le Pen l'a répétée avec insistance,
13:05 ce qu'il y a en matière de "difficulté" que rencontreraient les candidats du Rassemblement de Saint-Empereur et elle-même à se financer.
13:17 J'observe que beaucoup d'autres partis, y compris qui professent des opinions extrêmement extrémistes,
13:23 pas du tout dans le système, n'est-ce pas,
13:25 arrivent à trouver des financements. Peut-être certaines réticences de la part d'établissements bancaires français et européens
13:34 vis-à-vis de l'idée de prêter au Rassemblement national. Peuvent-elles venir des erreurs de gestion ?
13:40 Une chronique judiciaire est assez étayée.
13:44 Mais en même temps, je fais des propositions en la matière.
13:46 Je fais des propositions en la matière. Il y aura des préconisations.
13:49 - Parce que les suites de ce rapport, ce seront des propositions ?
13:52 - Je fais quelques propositions qui ont bien voulu être approuvées par la majorité des membres de la commission d'enquête.
13:58 Pas par le Rassemblement national, manifestement, qui a voté contre, mais je fais très modestement quelques préconisations.
14:03 - Bon, et schématiquement, ce sera quoi ?
14:05 - Il y a beaucoup de sujets pour peut-être encadrer un peu plus les possibilités d'évolution professionnelle,
14:13 post-carrière, pour un certain nombre de fonctionnaires, de responsables, de militaires.
14:19 - De politiques qui étaient avec votre parti, bien sûr, à l'époque où vous étiez à l'UMP, et qui sont allés travailler.
14:25 - On a d'ailleurs auditionné un certain nombre de gens, pas que des gens du Rassemblement national, loin là.
14:29 - Dernière question, est-ce que c'est un rapport politique et malhonnête, comme le dit Marine Le Pen ?
14:33 - Je récuse tout à fait ces accusations. J'ai essayé de rendre compte fidèlement de l'intégralité des sujets que nous avons eu à traiter,
14:42 de l'intégralité des auditions que nous avons eues à connaître.
14:46 Les ingérences étrangères sont une vraie menace pour notre démocratie.
14:49 Elles viennent de régimes autoritaires et autocratiques qui ne reculent devant aucun moyen pour déstabiliser nos démocraties,
14:56 sans prendre à nos valeurs, et j'appelle tout simplement à une prise de conscience réelle, partout, partout, en France, chez nos concitoyens,
15:04 de ces menaces qui pèsent, encore une fois, sur nos valeurs, la désinformation, la manipulation de l'information, les cyberattaques, et beaucoup d'autres choses.
15:12 La complaisance qui s'installe, qui s'est trop longtemps installée, tout cela doit vraiment être maintenant entendu par nos compatriotes.
15:18 - Merci Constance Le Grip, députée Renaissance des Hauts-de-Seine, sur ce rapport, et puis il y aura la réponse tout à l'heure du Rassemblement National.
15:25 [Musique]