Christine Kelly et Marc Menant reviennent sur les personnages célèbres qui ont fait l’histoire dans #LesGrandsDestins
Célèbre pour avoir réalisé la première traversée de la Méditerranée en avion, Roland Garros (1888-1918) fut lieutenant pilote dans l’armée et trouva la mort dans un combat aérien peu avant la fin de la Première Guerre mondiale.
Célèbre pour avoir réalisé la première traversée de la Méditerranée en avion, Roland Garros (1888-1918) fut lieutenant pilote dans l’armée et trouva la mort dans un combat aérien peu avant la fin de la Première Guerre mondiale.
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00:00 Bonjour à tous, ravie de vous retrouver dans cette émission "Les grands destins".
00:04 Aujourd'hui, nous allons nous arrêter sur un des personnages qui a fait l'histoire lui aussi.
00:08 Il s'appelle Roland Garros. Pourtant, personne ne sait vraiment qui il est.
00:12 On croit que c'est un joueur de tennis et pourtant, c'est un aviateur, un des pionniers de l'aviation.
00:17 Mais pourquoi a-t-il légué son nom au plus prestigieux tournoi de tennis au monde ?
00:23 Roland Garros, on en parle avec Marc Menand.
00:26 Bonjour Marc, pourquoi avoir choisi ce personnage Roland Garros ?
00:31 Parce que c'est sans doute l'un des hommes les plus étonnants, mais aussi les plus chaleureux,
00:37 bien qu'étant un peu à distance. C'est-à-dire qu'il a le principe des bonnes manières.
00:43 Il est attentif à l'autre, sait écouter.
00:46 Et dans cette amitié où la fidélité est essentielle, il montre cette âme rayonnante
00:53 et cherche toujours à vivre en incandescence, aller au-delà.
00:58 C'est-à-dire le courage, le panache. Et c'est la brillance qu'il incarne.
01:04 Et je dirais qu'il reste de lui l'éclat de l'étoile filante,
01:09 c'est-à-dire l'éclat éphémère de l'étoile filante, car il meurt très tôt.
01:13 Et pourtant, cet éclat s'éternise, puisqu'aujourd'hui, son nom est là à rayonner.
01:19 Mais je dirais de façon trompeuse, car comme vous l'avez dit,
01:23 on pense Ténis quand on cite Roland Garros.
01:27 Et pourtant, c'est donc l'Aviator que nous allons découvrir.
01:31 Alors on va découvrir effectivement avec tous ces qualificatifs que vous avez à citer,
01:36 cette témérité, enfin il a vraiment tout pour lui.
01:38 Mais d'abord, on aime bien plonger dans une anecdote pour connaître un peu le personnage.
01:48 L'étoffe d'un héros, dites-nous, une anecdote pour planter le décor.
01:52 C'est quelques mois avant sa disparition. Il vient de subir l'horreur.
01:58 Alors il est mort à 29 ans, donc c'est juste avant 29 ans.
02:00 Avant 29 ans. Il vient de subir l'horreur.
02:03 Trois ans de détention en Allemagne, dans des conditions que nous détaillerons tout à l'heure
02:09 et qui sont infâmes, indignes. Et il a réussi l'évasion
02:14 et célébré comme un héros quand il se présente à Paris.
02:18 Et ses amis, parmi lesquels on a Jean Cocteau qui écrira de merveilleux poèmes sur lui.
02:23 Il y a aussi Bessandra, qui a perdu un bras à la guerre.
02:27 Et on est chez Missia. Missia, c'est la femme qui tient salon
02:32 et où rayonnent tous les personnages d'importance.
02:36 Une dame apparaît, c'est Isadora d'Incan, la danseuse.
02:41 Celle qui aujourd'hui encore dans le monde de la danse fait figure d'Egerie.
02:46 Ils se mettent au piano, c'est l'une de ses distractions.
02:50 Ils se laissent aller à Chopin.
02:52 Et voilà Isadora qui tourne, emportée en fermant les yeux de temps en temps.
02:58 Elle a un œil sur Garros, qui a, oui, l'œil à la fois vif,
03:05 mais on sent qu'il a été marqué par les événements.
03:08 Ils repartent ensemble, bras dessus, bras dessus, oh, n'y voyait point de coquinerie.
03:12 Non, une sorte d'amitié.
03:14 Il la raccompagne à son hôtel qu'Edorcet.
03:18 Il passe place de la Concorde.
03:20 Et là, il s'assied sur le rebord de la fontaine, la Margelle.
03:26 Et pour lui, elle repart en vol, tournico-tente,
03:31 comme si elle s'imaginait encore qu'il est devant son piano.
03:36 Et les notes qui se jadissent, ce sont celles d'un raid aérien,
03:40 raid aérien mené par l'ennemi.
03:42 Et là, son visage se renfrogne.
03:46 Il n'a pas le droit d'être là.
03:48 Il lui faut aller au plus vite rejoindre ceux qu'il a quittés
03:52 à cause de cet état de prisonnier.
03:55 À nouveau, il doit combattre.
03:57 Voilà ce qu'est Roland Garros, un homme de tous les défis
04:01 que rien jamais ne doit abattre.
04:03 Et pourtant.
04:05 - On verra de tous les défis, de tous les records,
04:08 un homme qui est allé vers son destin.
04:11 Ce jour-là, on verra dans un instant.
04:13 On va plonger dans son enfance.
04:15 Savez-vous qu'il est né à l'île de la Réunion?
04:18 Saint-Denis de la Réunion, c'est ce qu'on va voir.
04:21 ...
04:26 Alors, Marc Menand, une enfance d'oiseau migrateur.
04:29 Alors, ce petit qui n'a lieu de la Réunion...
04:32 - C'est vrai, pourquoi vous dites ça?
04:35 - Parce que l'oiseau migrateur, il naît à l'île de la Réunion.
04:40 - Personne ne le sait.
04:42 Rares sont ceux qui le savent.
04:44 - À la Réunion, oui.
04:46 Il y a la statue qui est là.
04:48 Il l'admire au quotidien.
04:50 Il est le symbole d'une île où on n'est pas spécialement
04:53 dans l'enfermement, mais on est capable
04:55 des plus grands exploits.
04:57 Reste qu'il ne passe que quelques mois en ce lieu.
05:00 Car son père, qui est avocat, migre, l'oiseau migrateur,
05:05 migre à Saigon.
05:07 Et le voilà avec sa maman d'une beauté rare
05:10 et qui le bichonne.
05:12 Ce sera, je dirais, son univers
05:14 durant les premières années de son existence.
05:17 Le père refuse d'appartenir à la colonie,
05:20 vous savez, ces Blancs qui se convoquent ensemble
05:23 et qui toisent les Autochtones.
05:25 Non. Et on instille aux gamins le respect
05:29 de ceux qui sont de la terre.
05:31 Il n'est pas question de les tutoyer.
05:34 On vous voit. On s'incline devant eux.
05:37 Et ça, c'est formidable.
05:39 Il aura toujours ce sens des bonnes manières.
05:42 Celui-ci aussi a un côté un peu en retrait.
05:45 Ce n'est pas le gars qui vous tape sur l'épaule.
05:47 Non. Toujours, il vient à vous en déférence,
05:51 même si vous dégagez énormément de sympathie.
05:56 Je rappelle, c'est un adolescent pendant une petite respiration.
05:58 Il est né le 6 octobre 1888.
06:03 Ses mamans, il n'y a pas d'école.
06:05 Alors, c'est maman qui devient son institutrice.
06:08 Et puis aussi, il est bien gambadé.
06:11 On lui donne un vélo, mais c'est un vélo à trois roues,
06:14 pas les trois roues comme on les connaît aujourd'hui,
06:16 mais une sorte de tricycle.
06:18 Il est extrêmement habile et très vite,
06:21 il est une sorte de champion.
06:24 Il fait peur à sa maman parce qu'il a toutes les audaces.
06:27 Déjà, le tempérament, ça ne s'invente pas.
06:29 Vous avez ça dans le sang.
06:31 Il est brillant et le piano le détend
06:35 lorsqu'il revient de ses efforts.
06:37 Un jour, il revient, mais bien cabossé.
06:39 Il y a ce que l'on appelle les malabars.
06:41 Vous ne savez pas ce que c'est qu'un malabar, Christine ?
06:43 Non. Aux Antilles, on sait ce que c'est.
06:46 Et là-bas, on appelle ça simplement un malabar.
06:49 Ce sont les chevaux qui tirent les sortes de petites carrioles
06:54 où souvent les coloniaux se laissent aller attoiser la population.
06:59 Et l'un de ceux-ci le renverse alors qu'il est sur son vélo.
07:02 Maintenant, c'est un véritable vélo de course.
07:05 On le dégage de sous le châssis.
07:08 Il est en sang et il dit, ne dis rien à ma maman.
07:12 Elle vient d'avoir une petite fille, c'est ma sœur Gilbert.
07:16 Et elle la laite. Il ne faut pas qu'elle soit tourmentée.
07:19 Il a la cuisse qui est complètement déchirée.
07:23 Il la masque et c'est comme ça qu'il pénètre au domicile de sa maman.
07:28 Vous voyez, ce sont des petits détails.
07:30 J'aime bien les mettre en avant, en exergue,
07:32 parce que ça nous permet de saisir très tôt ce qu'est le jeune garçon.
07:37 À 12 ans, malheureusement, comme il n'y a pas d'instituteur, qu'il n'y a rien,
07:42 on prend la décision de l'envoyer en France.
07:45 La première grande aventure,
07:48 on le confie au commandant du navire des messageries maritimes.
07:53 C'est ça, il parle tout seul.
07:54 Tout seul, dans sa cabine, surveillé par le commandant.
07:58 Il aura les différentes escales et à la réunion, la famille.
08:02 Ils sont surpris quand ils voient le petit bonhomme
08:05 qui a sa cousine qui se précipite pour l'embrasser.
08:09 Et il la vouvoie, toujours les bonnes manières.
08:13 Ainsi, le grand voyage, il part pour la France.
08:17 Oui, quand il arrive, c'est pour entrer au collège Stanislas, à Paris.
08:25 Prestigieux, s'il en est.
08:26 Malheureusement, le climat ne lui réussit pas.
08:29 Il écope d'une pneumonie et on décide de l'envoyer à Nice,
08:34 où il y a une sorte d'annexe de Stanislas.
08:37 Et plutôt que de prendre les médicaments,
08:40 on voit notre bonhomme prendre sur son caractère.
08:44 Il se lève, il a demandé un vélo et il pédale, il pédale, il pédale.
08:49 Et c'est comme ça, alors qu'on lui avait dit de ne pas commettre le moindre effort,
08:53 c'est comme ça qu'il reconquiert la santé.
08:57 Les résultats scolaires ne sont pas extraordinaires.
09:00 Ce qui lui plaît, lui, c'est l'effort.
09:02 Alors il y a le vélo, il devient même champion cycliste.
09:06 Mais comme il obtient des résultats, qu'il ne veut pas que son père sache
09:10 que si les mauvaises noces, elles sont là, indubitables,
09:13 c'est parce qu'il pense avant tout à l'effort physique,
09:16 il a pris comme surnom "Dans l'or".
09:19 C'est l'anagramme de son prénom.
09:22 Et voilà comment il brille pour la première fois dans les journaux.
09:27 Et puis on retourne à Paris après que maman et sa sœur soient venues le rejoindre.
09:33 Elle a grandi, la petite Gilberte.
09:35 Il lui témoigne une affection étonnante.
09:37 Et dans la capitale, là, enfin, il prend conscience qu'il lui faut travailler.
09:42 La résolution, elle est terrible.
09:45 Plus question de se laisser disteur, un peu de sport bien sûr,
09:48 avec des camarades comme Emile Le Sueur, à qui il devra beaucoup.
09:52 On est au stade français, il le fait entrer au stade français.
09:55 Et l'effort terminé, enfermé dans la chambre, il bûche, il bûche,
10:00 ce qui lui permettra d'obtenir un deuxième prix en version latine
10:04 et d'obtenir également un accès site en physique, et mieux que tout,
10:08 l'entrée à HEC et la poursuite de ses études de droit
10:13 qu'il a tentées pour faire plaisir à son père,
10:16 qui a connu une mésaventure terrible,
10:18 car il a voulu se présenter comme député à la Réunion,
10:22 il a regagné l'île, il a mené une campagne exubérante
10:25 en pensant convaincre les uns et les autres,
10:28 et il est battu lamentablement, ce qui le déprime
10:31 et le fait revenir auprès des siens en France.
10:34 - Est-ce qu'il avait le sens des affaires, ce petit Roland Garros ?
10:37 - Eh bien, oui, ma chère Christine. Le sens des affaires.
10:40 Car quand on a des diplômes, en général, on cherche un emploi.
10:46 Ce qu'il fait en écrivant aux usines Grégoire,
10:50 qui fabrique des voitures de l'époque,
10:52 qui sont des voitures pour riches, si je puis dire.
10:55 Et au bout de quelques mois, il décide de s'installer tout seul,
10:59 a venu de l'Angle Grande Armée,
11:01 il a pris le châssis d'une de ses voitures,
11:04 il l'a transformé en voiturette de sport,
11:06 et c'est l'une des premières voitures de sport
11:08 qui existent en tant que telle,
11:10 et il les vend grâce à ses relations.
11:12 Ça marche très très fort, et c'est pratiquement la fortune.
11:15 L'argent lui a été confié grâce à un de ses copains.
11:18 Ben oui, c'est la petite bande, vous savez,
11:20 et on rôde du côté de l'Opéra le soir,
11:23 les uns les autres, bras-dessus, bras-dessous,
11:25 on chante avec distinction, bien évidemment,
11:28 et on va chez Cinzano, c'est l'italien de Cinzano.
11:31 Il est connu aujourd'hui par ses apéritifs.
11:33 À l'époque, il y avait simplement la petite officine
11:36 juste à côté de l'Opéra.
11:38 Rien, pour l'instant, ne le prédestine
11:41 à être un pionnier de l'aviation, mais les choses se précisent.
11:46 Une demoiselle pour conquérir le ciel,
11:49 ça peut prêter à confusion.
11:51 C'est la poésie !
11:53 Mais oui, vous avez raison, Christine.
11:55 Alors, la première chose,
11:57 bon, on lui parle d'un meeting à Reims,
12:00 avec les copains, si on allait voir ça, un meeting,
12:02 et c'est le premier meeting international.
12:05 Il intervient, à moi, après un exploit
12:07 que l'on n'imaginait même pas,
12:09 la très première fois qu'il est arrivé à Paris.
12:12 Moi, après un exploit que l'on n'imaginait même pas,
12:15 la traversée de la Manche par Louis Blériot.
12:18 Et Blériot sera parmi les pilotes !
12:21 Alors, à Reims, on est là,
12:24 on lorgne ceux qui grimpent.
12:26 Oh, grimpent !
12:27 Parfois, c'est tellement à peine le décollage
12:32 qu'il faut avoir répandu du sable partout
12:35 pour être certain que l'avion, entre guillemets,
12:38 a bien quitté le sol.
12:40 Et ensuite, on mesure la distance parcourue.
12:43 Mais quelques-uns montent à quelques mètres.
12:45 Et là, c'est la fascination.
12:47 Il se dit que ce n'est pas possible.
12:49 Il y a de l'exaltation,
12:51 il y a cette capacité à défier les lois de la gravitation,
12:56 à se placer au-delà de l'humain.
12:59 Ça le tracasse, il y a justement le salon
13:03 de l'aviation qui se tient à Paris.
13:06 Et hop, il rodaille, il regarde.
13:09 180 exposants, et soudain, devant lui, regardez.
13:14 Regardez.
13:15 Vous appelez ça un avion ?
13:17 Eh bien oui, on appelle ça un avion.
13:20 Et c'est la fameuse demoiselle
13:22 que vous avez présentée tout à l'heure.
13:24 C'est incroyable, parce que deux petits trous...
13:27 C'est deux trous de vélo.
13:28 Très sincèrement, on ne peut pas imaginer
13:30 que cet appareil puisse voler.
13:32 Non. Et alors, vous mettez un gilet,
13:34 vous voyez, là, il a un gilet, on aperçoit le cordon,
13:37 il est sur une lanière, et ce gilet,
13:39 quand il tourne le torse, eh bien, ça tire sur les câbles
13:44 et ça donne une forme aux ailes,
13:47 ce qui lui permet de virer à droite ou à gauche.
13:49 Il y a un tout petit moteur de rien du tout.
13:52 Il est fier, il a payé ça 7 500 francs.
13:56 L'achat qui a bouleversé.
13:58 Et c'est Santos Dumont, un Brésilien, qui le fabrique.
14:01 Mais Santos Dumont, il ne monte pas sur cet appareil-là.
14:04 Et le voilà qui se rend à Issy-les-Moulineaux,
14:07 où l'armée a un terrain, et le matin,
14:11 à ces fous volants qui commencent à se multiplier,
14:14 on loue l'espace de 4 heures à 6 heures.
14:16 Il faut être matinal, si on veut taquiner les airs.
14:19 Et le voilà qui se présente, et on le repère, forcément,
14:22 avec son beau chapeau, ses bonnes manières.
14:25 C'est un homme qui lui dit "Monsieur Garros,
14:28 je suis le gai, je suis le gai, c'est moi le mécano,
14:31 votre demoiselle, elle est là".
14:33 Alors il se retourne, et il voit l'appareil
14:36 que vous avez miré il y a quelques secondes,
14:38 qui est d'un jaune éclatant, un jaune canari !
14:43 Et il est comme un fou, il se voit déjà en train de partir,
14:47 et le gai qui dit "Ah non, Monsieur Garros, non, non, non, non,
14:50 là c'est la tempête". Comment ça c'est la tempête,
14:52 il y a à peine du vent ? Il y a plus de 5 m là !
14:56 Et à plus de 5 m, c'est pas comme ça ?
14:58 Nous, pour savoir s'il est possible de se lancer dans les airs,
15:02 on prend une cigarette, on allume, et si la fumée monte tout droit,
15:07 là c'est possible. Sinon, ce n'est pas possible.
15:10 Et le soir… - Presque aux doigts mouillés !
15:12 - Voilà ! Le soir, il revient, au bout de 3 jours,
15:16 enfin, la possibilité, grâce à la cigarette
15:20 dont les fumereules montent tout droit,
15:23 il peut se lancer, il accélère, il jaillit du hangar,
15:27 et à ce moment-là, un avion qui arrive, un peu plus important que le sien,
15:32 il ne reste plus que le moteur, il est au milieu des débris,
15:37 vous imaginez, c'est découragé !
15:41 Et pour autant, quelques instants après, celui qui l'a percuté,
15:46 surpris par la sortie hâtive du hangar, se présente,
15:50 il dit "Je suis Maurice Clément, pardonnez-moi l'élégance de ces gens,
15:54 c'est quand même étonnant, c'est un autre monde que le nôtre !"
15:57 Il dit "Les frais sont pour moi."
16:00 Et il va pouvoir ainsi retrouver quelques temps plus tard
16:04 sa belle demoiselle, et là vraiment, taquiner les airs,
16:09 se lancer de façon empirique dans la découverte du pilotage,
16:14 il n'y a pas d'école !
16:16 - Et c'est bien parce qu'à cette époque-là aussi, si je ne me trompe pas,
16:18 c'était une période où l'aviation c'était un sport !
16:21 - Oui, parce que maintenant, dans un autre, c'est classé différemment,
16:25 mais c'était un véritable sport !
16:27 - C'est un sport d'aventure en plus, vu les conditions !
16:30 Et alors, ce qui est encore plus fou, c'est qu'on a soif !
16:34 Soif de quoi ? Eh bien, on a soif de grandes sensations !
16:38 Et vous avez des managers, des impressaries,
16:41 qui décident de monter des spectacles, des meetings,
16:44 et quand on le voit avec sa demoiselle, il a rencontré un garçon
16:47 qui s'appelle Audemars, c'est le seul qui maîtrise ce faitu de paille !
16:51 Il est là, bon, et alors il lui donne quelques conseils quand même,
16:55 et le manager l'engage pour un meeting exceptionnel à Cholet !
17:00 Alors là, à Cholet, les grandes affiches, son nom n'apparaît pas,
17:06 mais on promet aux uns et aux autres de vibrer le spectacle !
17:11 Étonnant, il y a des milliers de personnes qui sont là,
17:15 mais le vent, le vent épouvantable,
17:18 et tous nos héros ont beau avoir le courage et le panache,
17:23 eh bien ils se disent que ça serait quand même taquiner le cimetière
17:27 que d'avoir l'esprit d'entreprise !
17:31 Eh bien lui, il tente, il dit "j'y vais" parce que le public s'impatiente !
17:35 Il monte un tout petit peu, puis pof, retombe, il s'en est sorti un peu mieux,
17:40 et il jure le soir de réussir l'exhibition,
17:44 il monte jusqu'à 15 mètres, et deux jours plus tard,
17:47 c'est la première fois que les journaux parlent de M. Roland Garros, l'aviateur,
17:52 et deux jours plus tard, il franchit le mur des 100 mètres sur la demoiselle !
17:59 L'entrée dans le grand cirque !
18:02 Et il y a un homme qui s'appelle John Moisan, qui est un américain.
18:05 Avec son frère, ils ont décidé de monter une grande expédition aux États-Unis,
18:10 aller de ville en ville, que le public qui a découvert l'aviation
18:13 grâce au frère White, eh bien soit là, devant ceux qui osent suivre la trace des Américains.
18:21 Et c'est comme ça qu'il franchit l'Atlantique,
18:24 et que là, plus rien ne les arrête les bougres, rien, rien, rien !
18:29 Quelles que soient les conditions, il faut oser monter dans l'appareil.
18:34 Et notre petit bonhomme, qui est sur l'engin le plus gracile,
18:39 doit prendre des risques inouïs.
18:42 Quand enfin il est mieux muni, on le voit un jour au-dessus d'un lac,
18:45 monter, monter, et pris par les courants ascendants,
18:49 le froid qui le cueille, il a bu et il ne sait même plus où il est.
18:52 Il faut dire en plus qu'il est myope.
18:54 Eh bien, il arrive à redescendre.
18:57 - On naviguait à vue à l'époque ?
18:58 - Naviguer à vue. Il n'y a rien. Il y en a un qui n'est...
19:01 - On n'est pas dans un avion, on est à l'air libre. La gueule au vent.
19:06 Vous mettez des journaux pour ne pas avoir trop trop froid.
19:10 Et alors John, lui, il est le risque tout.
19:15 Il tente même de naviguer, parce que c'est le terme qu'on utilise,
19:20 naviguer comme si on était sur un bateau, grâce à une boussole.
19:24 Il est le premier à utiliser cela.
19:26 Et un jour, alors que le soir on se laisse aller,
19:29 parce que forcément les jeunes filles sont admiratives,
19:32 alors elles acceptent les invitations, ça se prolonge un peu tard.
19:37 Son plat de résistance, quand il dit "je mène mon combat",
19:40 le matin, c'est de prendre des oeufs sur le plat, un café au lait et deux sandwiches.
19:45 Avec ça, il tient la journée.
19:47 Et puis donc, les nuits se prolongent et malheureusement,
19:51 ce jour-là, on leur annonce que John est mort.
19:54 John voulait battre le record de durée 8 heures en l'air.
20:00 Que s'est-il passé ? On ne le sait pas toujours.
20:03 Est-il qu'apparemment, il a été éjecté de son appareil et que le trépas l'a cueilli ?
20:11 Est-ce qu'on doit arrêter ? Non.
20:13 Ils prennent l'habitude, ça sera presque leur quotidien,
20:17 d'apprendre qu'ici et là, l'un des leurs a rejoint le ciel,
20:21 ou disons qu'il est resté au ciel.
20:23 Et le frère de notre héros disparu leur demande "est-ce qu'on continue ?"
20:31 Ils disent "oui, on continue".
20:33 Et ils émerveillent ainsi.
20:36 L'Amérique descend jusqu'à Cuba et serviront même d'espion pour l'armée américaine
20:43 qui a besoin d'observation dans sa lutte contre les Mexicains.
20:48 Voilà donc notre Rolando Agarros avant qu'il ne revienne en France.
20:52 Notre Roland Garros, notre pionnier de l'aviation,
20:55 celui qui apprend à vivre avec les risques,
20:58 celui qui a déclaré "le vol était devenu plus qu'une passion, un besoin,
21:03 il m'absorbait tout entier, je ne m'en privais pas sans en ressentir,
21:07 comme un déséquilibre physique".
21:09 On verra dans un instant comment aussi Marc Meunand,
21:11 c'est l'homme de tous les extra-vols,
21:13 parlait de 8 heures à tenir en vol,
21:15 personne n'y est encore arrivé,
21:17 on verra que lui, il y arrivera dans la deuxième partie.
21:19 A tout de suite pour la deuxième partie de Roland Garros.
21:22 Retour sur le plateau des grands destins.
21:26 Aujourd'hui, le grand destin de Roland Garros.
21:29 Non, vous l'avez compris, ce n'est pas un joueur de tennis.
21:31 Oui, un des pionniers de l'aviation, né à l'île de la Réunion
21:35 et qui a fait des exploits exceptionnels.
21:38 Et c'est ce que nous allons voir avec vous dans un instant.
21:40 Vraiment l'homme de tous les exploits, l'homme du risque,
21:42 le téméraire, le combattant, le combatif.
21:45 - Et rien, rien ne l'arrête.
21:47 - Alors racontez-moi une histoire, avant de commencer.
21:50 - Oui, avant que...
21:51 - Vous avez plein d'histoires.
21:53 - Oui, parce que je dirais qu'au quotidien,
21:56 ces gens-là mériteraient un chapitre dans un livre.
21:58 Tellement c'est étonnant.
22:00 - Il écrivait bien d'ailleurs.
22:01 - Bien sûr, alors tout ce qu'il a rédigé,
22:04 c'est durant la période où il est prisonnier
22:06 et qui va durer période pendant 3 ans.
22:09 C'est incroyable ce qu'il en durera.
22:11 On verra ça tout à l'heure.
22:13 Mais toujours est-il qu'il part de Saint-Cyr
22:16 avec sa petite demoiselle.
22:21 Et le voilà au-dessus de Versailles.
22:24 - On va revenir à l'image de la demoiselle.
22:26 - Le moteur soudain s'arrête et le voilà en vol plané.
22:31 Mais il ne sait pas véritablement agir
22:34 sans avoir le principe de l'accélérateur.
22:37 Alors il vise l'avenue des Gardes et il s'écrase littéralement.
22:42 L'engin explose, des débris dans tous les sens.
22:46 Il est sur le sol, il hurle de douleur.
22:50 Ceux qui se précipitent veulent le bouger.
22:52 Il dit "non, non, ne me touchez pas, ne me touchez pas".
22:55 Et il attend que son mécanicien, Jules Hux...
22:59 Ah, Jules, je ne vous en ai pas parlé.
23:01 Jules, il le couvre avant chaque montée dans l'appareil.
23:05 Il le traite, celui de cet appareil,
23:08 avec une minutie d'horloger, qu'il n'y ait pas
23:13 la moindre faille dans la mécanique.
23:16 Et il était sur la route en train de suivre Garos.
23:21 Il a aperçu l'engin qui tombait et le voilà qui se précipite.
23:26 Là, précautionneusement, il le niche dans la voiture,
23:31 le conduit au domicile.
23:33 On souffre, on ne se plaint pas.
23:35 Il n'y a pas question de secours.
23:37 Pourtant, il s'est fracturé le coccyce.
23:40 Allez, qu'importe, un mois de vague convalescence
23:43 et Claudican, il repart.
23:46 Et ce seront tous ces exploits que vous nous avez,
23:49 disons, suggérés et vous nous alléchez.
23:52 Que fait-il donc ?
23:54 Alors, justement, on va voir l'homme de tous les exploits.
23:57 Alors, racontez-nous, parce qu'il a l'air de record en record.
24:06 Alors, il y a déjà des compétitions qui s'organisent.
24:09 En plus, à cette époque-là, on est quand même dans les années 1900,
24:13 où tout est en ébullition.
24:15 Tout, c'est-à-dire 1909, on l'a dit tout à l'heure.
24:19 La traversée de la Manche, 1909.
24:24 Là, on est 1912, 1913.
24:27 C'est-à-dire que les appareils évoluent très lentement.
24:31 C'est l'imagination de ces as de la mécanique
24:36 et comment on travaille aussi la structure des appareils.
24:40 Ceux-ci se déploient, quitte, je dirais,
24:43 le principe d'identification aux oiseaux, aux éléments de la nature.
24:48 On travaille plus l'aérodynamisme.
24:51 Bref, et nous voilà en dehors des meetings, dans les grands défis.
24:56 Paris-Madrid, oh, Paris-Madrid !
24:58 Dès le départ de la course, un drame, un dénommé train,
25:02 avec son avion, boum !
25:04 Le moteur lâche au-dessus de la tribune officielle
25:07 et le ministre de la Guerre est tué.
25:09 Qu'importe, que le spectacle continue.
25:12 Il est dans les airs, il est le premier à se poser à Angoulême,
25:16 d'étape en étape, comme ça, malheureusement.
25:19 Eh bien, pratiquement arrivé avant Madrid, son appareil rend l'âme.
25:23 Il n'arrivera pas au bout.
25:25 Il y a Paris-Rome aussi.
25:27 Il y a les records d'altitude.
25:30 Ça, c'est incroyable, parce que même les médecins sont là et disent
25:34 "Mais c'est pas possible, vous allez pas tenter de monter à 4000 mètres,
25:37 5000 mètres, mais votre physiologie avec les accélérations,
25:40 ça ne tiendra pas, vous allez mourir, mon vieux !"
25:43 Alors aujourd'hui, nous sommes en vol de croisière à 11 km,
25:46 mais à l'époque, c'était quoi, à peu près ?
25:48 Alors, déjà, il franchit 3000 mètres.
25:51 Après, il franchit 4000 mètres.
25:53 Et plus fou encore, 6109 mètres.
25:57 Inouï, il toise le monde, il regarde, vous êtes tout riquiqui en bas,
26:02 et vous redescendez avec toujours les perturbations.
26:07 Vous savez que les airs, c'est quelque chose qu'on ne perçoit plus
26:11 dans les gros avions.
26:12 Quand vous êtes dans un petit coucou, le moindre remous,
26:15 la moindre montée d'eau, d'air chaud, ça vous repopule.
26:19 Les turbulences en ciel clair.
26:21 Voilà !
26:23 Et quand ils sont en spectacle, même s'il pleut, il faut oser.
26:27 Ils apprennent tout ça sur le tas, et il ne passera son brevet de pilote
26:32 qu'après avoir réalisé plusieurs meetings.
26:35 Vous voyez ? C'est-à-dire que l'important, c'est simplement
26:40 de se placer en dehors de ce qui rassure le commun des mortels.
26:45 Oser, oser, oser.
26:47 Mais une fois qu'on a réussi autant d'exploits, on est engagé,
26:52 en l'occurrence par Morane et Saulnier, qu'on conçue un appareil
26:57 qui, dans sa tête, fait germer un projet complètement fou.
27:01 Traverser la Méditerranée.
27:05 Oser, oser, oser.
27:07 Et c'est en osant qu'on entre dans l'histoire.
27:15 La Méditerranée, Marc Menand, ce n'est pas rien.
27:18 C'était le 23 septembre 1913.
27:20 Mais là, attention, ce n'est pas la Manche.
27:23 C'est 800 km, c'est 8 heures de vol.
27:26 C'est vraiment un autre challenge, un autre défi.
27:29 N'oubliez pas, Kastin, vous n'avez qu'un moteur.
27:32 Si le moteur, il coupe, c'est la plongée.
27:35 Alors vous avez Henri Dégrange, le patron du journal Loto,
27:39 lui dit "mais vous êtes complètement fou, vous êtes un casse-cou,
27:42 vous allez mourir".
27:43 Non, non, non, j'ai tout calculé.
27:45 J'ai tout calculé.
27:47 Je mourrai, peut-être je me noierai,
27:50 mais sinon je franchirai.
27:52 Et pourquoi ne franchirai-je pas ?
27:55 Voilà, ça l'anime.
27:57 Il en a parlé à Marcel.
27:58 Marcel, c'est la petite épouse, enfin, je dirais la petite compagne
28:03 qui ne cesse de l'accompagner.
28:04 Il l'a rencontrée un soir dans les salons où il est accueilli.
28:08 Et il ne se quitte plus, elle a une santé précaire, mais qu'importe.
28:12 Elle est tellement tendre, elle est tellement attentionnée.
28:15 Et ils attendent à Paris le feu vert de Jules,
28:20 qui est à Fréjus où il a préparé deux appareils.
28:23 Au dernier moment, c'est à Roland-Garros de choisir celui qu'il sent le mieux.
28:31 Et puis, pof, le 23 décembre, il reçoit l'appel.
28:36 Il faut venir, la météo, elle se dégage.
28:39 Le 21 septembre.
28:40 Oui, le 21 septembre, alors pof, on saute dans l'express.
28:43 1913.
28:44 1913.
28:45 On arrive à la gare de Saint-Raphaël, aussitôt, on se précipite sous le hangar
28:51 et les deux avions sont là.
28:53 Jules n'y parle pas beaucoup.
28:54 Oh là, non.
28:55 Les mots, il les compte.
28:56 C'est un économe du vocabulaire.
28:58 Il dit "Oui, tout va bien, M. Garros, tout va bien, M. Garros".
29:01 Et hop, on prend le pari de tenter le lendemain.
29:07 Et là, c'est extraordinaire, c'est de lire ce qui se passe dans sa tête.
29:12 Il dit "Soudain, j'avais la sensation de m'extraire du monde.
29:19 J'avais le sentiment d'aller peut-être vers la mort, la disparition.
29:26 Étais-je en train de vivre mes dernières heures ?"
29:30 Et pour autant, une forme de sérénité.
29:33 Les souvenirs de gamins qui lui reviennent, les photos fugitives de la mémoire
29:39 qui jaillissent dans le cerveau.
29:41 Maman, papa, tout cela, la petite sœur.
29:44 Et puis Marcel, à ses côtés, il finit par s'endormir.
29:47 Au petit matin, on se lève et on se rend à l'aérodrome.
29:52 Si on a pu appeler ça un aérodrome.
29:55 Quelques militaires sont là, lui, ils représentent les honneurs.
29:58 Et Marcel, forcément.
30:01 Jules lui demande de monter à bord et on lance l'hélice.
30:10 On est au matin, alors que l'aube se lève à peine.
30:15 Il sera en accompagnement des premiers rayons.
30:20 Et voilà dans le tintamarre, caotant, il quitte l'aérodrome.
30:27 Franchit les premiers mètres qui le conduisent vers l'Empiré.
30:34 Il monte, il monte, il monte.
30:37 Ce tintamarre incroyable.
30:39 La sensation de se dire qu'il ne reverra peut-être plus jamais les siens.
30:45 Il se retourne, aperçoit l'Esterelle.
30:49 Et puis quand il reprend, eh bien, la mire, c'est la Corse.
30:54 La Corse, atteindre la Corse.
30:57 Et puis, taboum, badaboum, c'est terrible.
31:01 Il y a une bus dans le capot.
31:04 Mais le moteur tourne encore.
31:08 Que faire ? La Corse n'est pas loin.
31:11 Se poser ? Mais c'est abîmer le rêve.
31:14 Car si on répare, on ne réussira pas la Méditerranée d'un seul trait, non.
31:20 Osons, osons, au moins jusqu'à Cagliari.
31:25 Et puis quand on est tout de suite Cagliari, eh bien, le moteur, boum !
31:32 À nouveau, le claquement sinistre qui vous fait craindre le pire.
31:40 Allez, continuez, ne pas abîmer le rêve.
31:45 Et le voilà qui poursuit, guettant, guettant l'horizon.
31:50 Est-ce que les côtes de la Tunisie se profileront ?
31:54 Et enfin, ce ne sont pas les côtes, mais ce sont trois points noirs.
31:59 Car la Marine n'a pas écouté ce qu'il ordonnait, à savoir qu'on ne le surveille pas.
32:06 On a envoyé des engins capables de le récupérer au cas où.
32:11 Il les survole, le moteur, il lui reste 5 litres d'essence.
32:18 Il ne pourra pas atteindre Tunis, mais qu'importe.
32:21 Il vise le Bizerte, un terrain où il se pose pratiquement avec la dernière coupe, le moteur.
32:32 Personne ne l'attend forcément.
32:35 Et arrive un bonhomme, étonné de cet engin qui vient de se poser,
32:41 et qu'il l'interpelle, qui lui dit "mais d'où venez-vous ?"
32:44 "Je viens de France."
32:47 Et il éclate en sanglots.
32:49 Ah oui, l'émotion, il a réussi la traversée de la Méditerranée.
32:55 Exceptionnel. On dirait qu'on l'a vécu avec vous.
32:59 Il gagnera Tunis, passons les détails, célébré forcément la une de tous les journaux.
33:05 La gloire, Marcel qui l'étreint, les amis qui le félicitent.
33:10 Et oui, tout cela lui permet d'envisager un avenir radieux
33:18 et de faire le plein dans les meetings.
33:22 Et dans les meetings, il y en a un qu'il tente avec Audemars.
33:26 C'est incroyable, c'est presque comme un présage.
33:28 On va mimer un duel de guerre.
33:31 On ne pense pas à la guerre, on est en plein mois de mai de 1914.
33:34 10 mai 1914, on va l'afficher.
33:36 Voilà, on est juste à côté de Paris, à Bucs, et il mime un combat.
33:41 C'est lui l'agresseur.
33:43 Et au mois d'août, malheureusement, il y aura la guerre.
33:47 Et il sera parmi ceux qui gagnent les régiments en deuxième classe,
33:52 avec un uniforme, mais avec la Bugatti qu'il a achetée.
33:57 Aitoré Bugatti qui suit ses exploits.
34:00 Alors on va voir la guerre vue du ciel avec Roland Garros.
34:06 Alors, comment est-ce qu'il révolutionne l'aviation ?
34:15 Comment est-ce qu'il part en guerre ? Comment il vit la guerre ?
34:17 Qu'est-ce qu'il fabrique d'ailleurs sur son avion pour partir en guerre ?
34:20 Le petit coquin.
34:21 Non, mais c'est extraordinaire parce que les premières observations,
34:24 il sera de ceux-là.
34:26 Il perce, je dirais, le secret des lignes ennemies.
34:29 Il dit, c'est la première fois que je vois des obus.
34:32 Mais ce sont des avions passifs et on ne peut pas se contenter de l'observation.
34:36 Si on avait une mitraillette, on pourrait éventuellement aller menacer
34:40 ceux qui mènent les mêmes travaux d'espionnage.
34:44 C'est donc la guerre aérienne qu'il envisage.
34:46 Et pour ça, il faudrait avoir une mitraillette, non pas avec un tireur derrière,
34:50 comme c'est le cas dans la manière dont on traficote la bataille aérienne
34:56 dans ce début de guerre.
34:57 Il faut tirer à travers.
34:59 Il y a le colonel Destienne qui a eu l'idée.
35:01 Et Saulnier, avec lequel il travaille, il décide de fabriquer l'appareil
35:09 qui permettra donc de synchroniser l'hélice avec les tirs.
35:14 Et pendant deux mois et demi, avec des instants terrifiants
35:18 parce qu'on fait des essais au sol et l'appareil explose.
35:21 Bon, qu'importe, il revient enfin.
35:24 Il peut tirer tout en étant dans le cockpit.
35:28 Il remporte une victoire, une deuxième victoire.
35:32 Et comme l'avion est tombé dans les lignes françaises,
35:35 il prend sa voiture, il veut aller rendre hommage à l'adversaire qu'il a fauché.
35:40 Et là, il découvre l'horreur de la guerre.
35:43 Un cadavre, un homme qui n'est plus que sang et plaie.
35:48 Et là, il pleure et il dit "c'est cela, la guerre".
35:53 Il repartira avec un troisième vol.
35:58 Et puis, malheureusement, sa machine qui tombe en panne,
36:04 il lui met le feu pour qu'on ne vole pas.
36:06 Le principe qu'il a inventé avec Saulnier.
36:10 Il est arrêté et il va passer trois ans dans les camps allemands.
36:16 Trois ans, en particulier, les deux premières années sont terribles.
36:20 Quand on sait que c'est Roland-Garros, il faut être encore plus cruel avec lui.
36:24 Les conditions sont celles d'un bandit, d'un malfaisant.
36:32 Il n'a droit à rien.
36:34 Mais avec les camarades, on tente enfin l'évasion.
36:40 On creuse un tunnel, des mois pour creuser le tunnel.
36:43 Et au moment de partir, on les change de camp.
36:48 Et il y aura comme ça plusieurs transferts avec des améliorations,
36:51 comme à Magdebourg où il peut même obtenir d'avoir un piano.
36:55 Chopin, il lit Nietzsche, il lit Anatole France.
37:00 Il se restaure le moral et puis à nouveau, on le change.
37:03 Et là, dans la fratrie, c'est un camp où on met tous les réfractaires,
37:09 il y a Marshall.
37:10 Marshall, il parle allemand.
37:12 Ils vont mettre un plan à exécution.
37:14 On fabrique avec les compagnes, on fabrique des faux uniformes,
37:17 on fabrique des faux papiers.
37:19 Et c'est habillé en allemand, fièrement.
37:22 Le plan pour l'évasion.
37:23 Le plan pour l'évasion.
37:25 Vous avez Marshall qui marche le premier, "Ei, er",
37:28 et il passe devant les sentinelles, "Ei, er", et il se poche.
37:31 On ne demande pas des papiers à des officiers.
37:33 Et ils réussissent comme ça à quitter la forteresse.
37:38 Prendront plusieurs trains dans les gares,
37:40 se cachent pour ne pas être repérés.
37:42 Et enfin, ils franchissent les barbelés pour gagner la Hollande.
37:48 Ils reviennent en France où ils sont salués comme des héros.
37:52 Le dramatique retour au combat en poursuit.
37:58 [Générique]
38:02 Pourquoi le dramatique retour au combat ?
38:05 Parce que déjà, alors il y a...
38:06 Il a réussi à s'évader.
38:07 Il a réussi à s'évader.
38:09 Il y a ce que j'ai raconté, la petite anecdote du début,
38:11 il est reçu dans les salons.
38:13 Ces instants magiques avec Mademoiselle Dinkan,
38:18 et puis ce désir de rejoindre les camarades.
38:21 Mais l'évasion, elle a évolué depuis le début.
38:23 Ce ne sont plus les appareils qui étaient les siens.
38:26 Ce sont des spades maintenant qui vont très vite,
38:28 qui montent très haut.
38:29 Et il y a une stratégie de la bataille aérienne.
38:33 Il lui faut l'acquérir en quelques mois,
38:35 c'est à Pau et ensuite la bataille des Ardennes.
38:39 Clément Sault qui le reçoit lui dit "Mais non maintenant,
38:41 c'est à l'arrière qu'il vous faut agir,
38:43 et dîtes-moi, à l'arrière à 29 ans ?
38:45 Non, non, je veux être au combat.
38:47 Première victoire, c'est extraordinaire.
38:50 Et alors, on n'a pas de radio,
38:52 on part à 5 ou 6,
38:54 et il y a le capitaine de ce vin
38:57 qui est le chef de patrouille.
38:59 Quand il donne un ordre,
39:00 eh bien il s'agite avec son avion,
39:02 les ailes comme ça de chaque côté.
39:04 Et à ce moment-là, on doit comprendre
39:06 si on monte ou si on descend.
39:08 Et la veille de son anniversaire,
39:11 ils sont 6,
39:13 et à un moment donné, de ce vin agite son avion.
39:16 Mais les autres ne comprennent pas,
39:18 il plonge alors que lui il monte.
39:20 Et il a raison, il fallait monter.
39:21 Et de ce vin monte avec lui,
39:23 et il repère des Fokkers.
39:25 Les Fokkers, ce sont ceux qui ont été copiés
39:27 selon son principe pour que
39:29 les aviateurs allemands soient aussi performants.
39:32 Ils le sont même plus maintenant,
39:33 grâce à leur nouvelle technologie.
39:35 Et on a des échanges, il pique, il remonte.
39:40 À un instant, de ce vin, le père des yeux,
39:44 il ne reviendra jamais.
39:47 Il a disparu.
39:49 Quand on découvrira l'avion,
39:53 on ne s'apercevra qu'apparemment,
39:56 les techniques qu'il avait mises au point
39:59 de tir à travers l'hélice,
40:03 il y a eu un dérèglement,
40:05 l'hélice a été coupée,
40:07 et ça a fait exploser l'appareil en vol.
40:10 On retrouve, quelques jours plus tard,
40:14 lorsque à Wouzier, la zone est libérée,
40:18 on retrouve sa tombe qui a été creusée.
40:22 Et au mois de décembre,
40:24 avec Audemars qui est Suisse
40:26 et qui n'a pas participé à la guerre,
40:28 son père se présente à la tombe,
40:30 un fossoyeur fait exhumer le corps.
40:33 Il n'y a plus de papier, il n'y a plus de montre,
40:35 il n'y a plus rien, sauf un petit élément
40:38 qu'a fait fabriquer en Amis
40:41 après sa traversée de la Méditerranée,
40:44 Audemars, avec ses initiales,
40:47 et puis un petit macaron
40:50 dans lequel il y a la photo de Marcel.
40:54 Marcel l'a bien aimé.
40:56 C'est comme ça que l'on sait
40:58 que c'est bien Roland-Garros qui est là.
41:00 Comment devient-il Roland-Garros Tennisman ?
41:03 - Éléments le 5 octobre 1918,
41:06 à 29 ans, la veille de son anniversaire,
41:09 on va voir comment il a donné son nom
41:11 à ce tournoi de tennis,
41:13 l'un des plus prestigieux du monde.
41:15 ...
41:20 - Du ciel au roi de la terre battu,
41:22 comment ça se passe ?
41:24 - Les amis le regrettent, forcément.
41:26 29 ans, Marcel, qui le pleure très longtemps,
41:29 Cocteau, qui écrira sur lui
41:32 "Cap de bonne espérance",
41:35 des poèmes magiques,
41:37 et puis Émile Le Sueur, vous vous souvenez ?
41:40 - Son ami d'HEC.
41:42 - Voilà. Il est devenu le président du Stade français.
41:46 Et en 1928, on crée un cours de tennis,
41:50 il faut lui donner un nom, il est président,
41:52 il dit "Ca sera Garros, Roland Garros".
41:55 Il y a des oppositions, il dit "C'est Roland Garros,
41:58 il n'y a pas de stade".
42:00 Et c'est comme ça que l'ensemble des présents
42:03 se rallient à la suggestion d'Émile Le Sueur
42:07 et que Roland Garros devient le nom d'un stade
42:10 et qu'aujourd'hui, dans le monde entier,
42:13 quand on cite ce nom, on voit les balles jaunes qui volent,
42:17 mais non pas l'avion jaune de ses débuts,
42:21 la demoiselle est incinente.
42:23 - Formidable épopée de Roland Garros.
42:27 On se remercie le Musée de l'air et de l'espace au Bourget
42:30 pour les formidables images qui nous ont donné les documents
42:33 que vous avez pu suivre tout au long de cette émission.
42:35 On va résumer l'émission en quelques mots.
42:37 Ce qu'il faut retenir, né à l'île de la Réunion,
42:40 il passe ensuite toute son enfance à Saigon.
42:43 À 12 ans, il découvre la France.
42:45 Il retrouve la santé grâce au vélo.
42:48 À 20 ans, il se lance dans les affaires
42:51 et arrête tout pour se consacrer à l'aviation.
42:54 S'alte un manque d'air, il collectionne les exploits
42:57 et tous les records d'altitude.
43:00 En septembre 1913, il réalise l'impossible exploit,
43:04 la traversée de la Méditerranée.
43:06 Pionnier de l'aviation militaire,
43:08 il met au point le tir en vol.
43:11 Puis prisonnier pendant trois ans,
43:13 il a hâte de redevenir pilote et disparaît à 29 ans,
43:17 la veille de son anniversaire,
43:19 lors d'une mission un mois et demi avant la fin de la guerre.
43:22 C'est pour lui rendre hommage qu'en 1928,
43:25 son ami le sieur donne son nom au stade Roland Garros.
43:29 Merci Marc Benand. Un livre pour terminer.
43:31 Pionnier de l'aviation Roland Garros
43:33 avec un membre de la famille, c'est Jean-Pierre Lefèvre Garros.
43:37 Avec un nombre de petites anecdotes,
43:39 et on est bien avec ses côtés,
43:41 sinon il y a ses mémoires forcément.
43:43 Dès le plus jeune âge, j'ai souvent rêvé
43:45 qu'il m'était donné de voler son machine
43:47 avec les seules ressources de mon corps.
43:50 Ainsi va le grand destin de Roland Garros.
43:53 [musique]