Avec Jean-Louis Gouraud, pour son livre « Heureux qui communiste a fait un beau voyage »
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NewsTranscription
00:00 Sud Radio Bercoff dans tous ses états,
00:03 le face à face.
00:05 - Le face à face d'André Bercoff avec Jean-Louis Gouraud qui vient nous parler de son livre.
00:10 Heureux qui communiste a fait un bon voyage aux éditions faveur.
00:14 Bonjour Jean-Louis Gouraud.
00:15 - Oui bonjour.
00:16 Alors Jean-Louis Gouraud d'abord effectivement,
00:18 je suis très heureux de voir non pas l'homme qui m'a succédé à Genèfreek,
00:23 mais le voyageur...
00:26 D'abord je ne savais pas, enfin j'avoue, je ne savais pas que vous étiez aussi...
00:30 D'abord le cheval, l'amoureux du cheval.
00:32 Et vous avez fait quand même des périples, et enfin on va parler de tout ça,
00:36 les périples incroyables, enfin vraiment...
00:39 Presque le tour du monde, en tout cas une partie du tour du monde.
00:42 Et puis ce livre, vraiment que j'ai bien aimé, Paris chez Fabre.
00:46 Alors évidemment vous avez... Et c'est le qui d'ailleurs, cette parodie du belay.
00:50 Donc du belay, vous savez c'était Heureux qui communiste a fait un bon voyage.
00:54 Et comme c'est celui-là qui conquis la Toison, etc.
00:58 Et vous, c'est le qui de Heureux qui communiste.
01:01 - Oui alors un ancien instituteur Jean-Charles s'était amusé à recueillir les perles
01:05 trouvées dans les copies de ses élèves qui étaient tous des cancres.
01:08 D'ailleurs il avait intitulé son livre "La foire aux cancres".
01:12 - Qui avait marché d'un best-seller absolument.
01:14 - Et alors c'est une mine en effet de drôlerie et en même temps de réflexion.
01:21 Parce que de temps en temps, ces erreurs donnent à penser.
01:26 - Bien sûr, bien sûr.
01:27 - Et j'avais à l'époque, ce livre est paru je ne sais pas il y a une trentaine d'années,
01:31 et j'avais retenu cette phrase qui je trouvais s'appliquait assez bien à mon propre cas.
01:38 Parce que la plupart des pays, enfin beaucoup, nombreux en tout cas,
01:42 parmi les pays que j'ai beaucoup fréquentés,
01:44 étaient sinon communistes, du moins toujours tentés par le communisme.
01:49 - Vous en parlez l'Afrique notamment.
01:51 - Oui, il y a eu de très nombreuses tentatives, tentations,
01:56 toutes que des échecs d'ailleurs.
01:58 Malheureusement il y a parfois des échecs sanglants et des tragédies.
02:03 Mais il y a toujours eu cette fascination
02:06 pour un monde qui d'ailleurs en effet n'est pas en soi détestable.
02:11 C'est un monde où tout le monde est égal, où chacun selon ses besoins,
02:15 enfin tout ça sont des principes qui sont tout à fait respectables.
02:19 Sauf que leur application a toujours été désastreuse.
02:23 - Oui, et c'est vrai que, alors ce qui est tout à fait étonnant,
02:27 dans votre livre, et qui me...
02:29 c'est le Moyen-Orient, l'Afrique, c'est bien connu.
02:34 On parlera de la Chine et de Montargis après, j'ai adoré ce chapitre Montargis.
02:38 Et vous parlez de tous les gens que vous avez côtoyés,
02:42 Kadhafi par exemple, on va parler de tout cela.
02:45 Al-Nazam que je connais aussi, que j'ai connu.
02:48 Et puis ce qui se passe avec justement
02:52 ce communisme et ce que sont devenues les tentations du communisme,
02:55 surtout que vous étiez, vous racontez,
02:57 vous étiez à Moscou au moment où il y a eu Eltsine Gorbatchev,
03:00 enfin pas le coup d'État, mais le basculement on peut dire aussi.
03:04 On va en parler tout de suite après cette petite pause, à tout de suite.
03:08 [Musique]
03:10 - Ici Sud Radio.
03:12 [Musique]
03:14 - Les Français parlent au français.
03:16 [Musique]
03:18 - Je n'aime pas la blanquette de veau.
03:20 [Musique]
03:22 - Je n'aime pas la blanquette de veau.
03:24 Sud Radio Bercov dans tous ses états.
03:26 - Heureux que Communiste a fait un beau voyage.
03:28 Jean Lugour, en tout cas, vous,
03:30 vous en avez fait des beaux voyages.
03:32 Partout, Afrique,
03:34 je parlerai de la Chine,
03:36 mais c'est spécial, Afrique, Europe.
03:38 Et puis c'est intéressant,
03:40 les gens que vous avez rencontrés justement,
03:42 Kadhafi d'un côté, Hamas, Mbadéba,
03:44 à tous les autres,
03:46 des gens absolument passionnants.
03:50 Ça c'est entre deux périples à cheval,
03:52 qui vous prennent des milliers de kilomètres.
03:54 Enfin c'est...
03:56 Bachar el-Assad,
03:58 Hafez el-Assad, je crois, en Syrie.
04:00 On va parler de tout ça, mais juste, je voudrais rappeler,
04:02 parce que c'est en fonction du titre,
04:04 vous dites,
04:06 vous parlez d'un modeste paysan
04:08 qui lève le doigt, là, dans un pays d'Afrique,
04:10 et il pose une question à l'orateur
04:12 envoyé par le parti communiste.
04:14 Il dit "Camarade, merci pour tes explications,
04:16 j'ai bien compris tout ce que tu nous as promis,
04:18 mais je voudrais quand même en être sûr.
04:20 Le socialisme scientifique,
04:22 c'est vraiment une science,
04:24 mais naturellement, s'en porte le commissaire politique,
04:26 qui se lance à nouveau dans une arme enflammée.
04:28 D'accord camarade, d'accord, d'accord, l'interrompre paysan.
04:30 Mais dis-moi, si c'est vraiment une science,
04:32 pourquoi ne pas l'avoir essayé d'abord
04:34 sur les animaux ?
04:36 C'est formidable. Alors qu'est-ce qui s'est passé
04:38 avec ce communiste,
04:40 cette tentation communiste,
04:42 socialiste,
04:44 scientifique, dans les terres que vous avez visitées ?
04:46 - Ah bon, oui, c'est...
04:48 Il faut s'interroger
04:50 sur la raison pour laquelle
04:52 toutes ces expériences
04:54 ont toutes,
04:56 se sont toutes soldées par des échecs.
04:58 Ça n'a pas marché.
05:00 Alors évidemment,
05:02 vous me direz qu'en Afrique, rien ne marche,
05:04 mais surtout,
05:06 je dirais que le communisme,
05:08 au fond, ça n'a marché jamais nulle part.
05:10 Surtout ça. On s'y concerne.
05:12 La remarque désobligeante
05:14 sur l'Afrique, elle n'est pas de moi,
05:16 elle est de mes amis africains,
05:18 qui me disent "c'est vrai qu'en Afrique, rien ne marche,
05:20 mais tout s'arrange". Et j'adhère assez,
05:22 enfin, pour l'avoir vécu,
05:24 j'adhère assez à cette
05:26 description de l'Afrique.
05:28 Mais quelles sont les vraies raisons
05:30 des échecs
05:32 successifs,
05:34 des expériences,
05:36 des tentatives, des tentations
05:38 communistes en Afrique ?
05:40 Oui, en Afrique, et aussi
05:42 d'ailleurs dans le monde arabe.
05:44 L'analyse que je peux
05:46 en faire, c'est qu'il y a
05:48 des éléments dans le communisme qui sont
05:50 absolument inadmissibles,
05:52 insupportables,
05:54 dans ces régions du monde,
05:56 puisque le communisme,
05:58 comme vous le savez, implique
06:00 l'athéisme.
06:02 Et ça, c'est
06:04 un monde sans Dieu,
06:06 un monde sans puissance
06:08 supérieure,
06:10 c'est pas acceptable.
06:12 Ça ne peut pas marcher.
06:14 Alors ce qui, évidemment,
06:16 ce qui a pu marcher,
06:18 mais ce qui en effet est complètement différent,
06:20 c'est instaurer, non pas
06:22 l'athéisme, parce que
06:24 c'est insupportable et c'est inadmissible,
06:26 mais c'est des tentatives d'instaurer
06:28 la laïcité. Et ça a été le cas
06:30 justement, cette fameuse expérience du
06:32 Parti Basse, en Syrie,
06:34 enfin avec
06:36 l'origine de laquelle, l'idéologie
06:38 - En Syrie, en Irak d'ailleurs.
06:40 - Oui, et ce qui est intéressant, c'est de noter
06:42 qu'à l'origine de cette idéologie, d'ailleurs,
06:44 il y avait un chrétien, Michel Aflac,
06:46 qui est un des fondateurs
06:48 de cette idéologie.
06:50 - Tout à fait, il y avait un autre
06:52 chrétien, Georges Abache,
06:54 en libération de la Palestine, également.
06:56 - Il est laïcité, il faut le savoir,
06:58 c'est au fond, c'est la meilleure...
07:00 à la différence de l'athéisme
07:02 qui propose la suppression de toutes les religions,
07:04 la laïcité, c'est exactement l'inverse.
07:06 C'est-à-dire, c'est la meilleure protection
07:08 de toutes les religions. Et d'ailleurs,
07:10 c'est sans doute... - À condition
07:12 qu'elles soient privées, et pas de...
07:14 - Absolument, oui, absolument. - On est bien d'accord.
07:16 - Mais c'est sans doute ce qui explique
07:18 le soutien que
07:20 Bachar el-Assad a obtenu
07:22 de toutes les minorités...
07:24 - Bien sûr. - Non sunnites,
07:26 c'est-à-dire les alawites,
07:28 les drusses, les chrétiens...
07:30 - Les chrétiens de l'Orient. - Qui savaient bien
07:32 que si le pouvoir était pris
07:34 par les sunnites, il n'y aurait plus de minorités.
07:36 Et voilà. Et donc, c'est...
07:38 Il n'y a pas eu...
07:42 Du coup, il n'y a pas eu de véritable
07:44 expérience communiste,
07:46 du moins
07:48 qu'ils puissent avoir ce nom-là,
07:50 ni dans les pays arabes, ni en Afrique.
07:52 - Alors, Jean Picourau,
07:54 vous avez rencontré des gens d'État,
07:56 ou c'est... c'est autocrates,
07:58 on va plus loin que l'on veut, mais...
08:00 - C'est tirant, oui.
08:02 - Il ne faut pas hésiter de le dire.
08:04 Vous avez rencontré de Kadhafis
08:06 à d'autres.
08:08 Au fond, est-ce que c'était pour eux
08:10 le lier sur la boutonnière
08:12 de dire "on est marxistes, léninistes",
08:14 ou ils essaient vraiment,
08:16 parce qu'ils avaient des études
08:18 en Europe ou ailleurs, etc.
08:20 On parlera après de Montargis et des Chinois,
08:22 est-ce que le fait qu'ils
08:24 apportaient ça
08:26 avec conviction,
08:28 ou c'était une manière de dire
08:30 "voilà, on est progressistes, on est modernes,
08:32 nous aussi on va rentrer", c'était quoi ?
08:34 - Oui, c'est toute une accumulation de causes,
08:36 y compris, d'ailleurs, il faut
08:38 la prendre en compte également,
08:40 une espèce de méfiance à l'égard
08:42 de l'impérialisme qui était associé
08:44 à la puissance américaine.
08:46 Souvenez-vous,
08:48 l'alternative
08:50 à cette puissance américaine, c'était
08:52 la puissance soviétique.
08:54 Donc ça c'était une des tentations...
08:56 - Donc on se retournait vers l'Union soviétique
08:58 à l'époque ?
09:00 - Oui, ça pouvait être une des causes,
09:02 mais à part ça, l'idéologie
09:04 communiste, celle qui consiste
09:06 à donner
09:08 une espèce
09:10 de bien-être général,
09:12 à répartir les biens
09:14 de façon équitable,
09:16 qui était d'ailleurs
09:18 une idéologie assez proche de l'idéologie chrétienne,
09:20 tout simplement,
09:22 c'était un horizon
09:24 tout à fait...
09:28 - Mais par exemple ?
09:30 - Souhaitable, étant bien entendu
09:32 que parmi les blagues
09:34 soviétiques qu'on racontait à l'époque,
09:36 un jour,
09:38 un commissaire politique explique que
09:40 grâce au communisme, le bonheur est à l'horizon.
09:42 Et alors,
09:44 dans l'auditoire, il y a
09:46 un garçon qui ne sait pas très bien
09:48 ce que c'est que l'horizon, alors il ouvre son dictionnaire,
09:50 il voit la définition
09:52 "Lignes imaginaires
09:54 qui reculent à mesure qu'on avance".
09:56 - Ça oui,
09:58 ça l'a conforté.
10:00 Mais justement,
10:02 deux choses qui m'intéressent, que vous racontiez un peu,
10:04 vous racontez dans votre livre,
10:06 c'est très savoureux.
10:08 D'abord, je voudrais que
10:10 le Jean-Louis Gouraud, qui arrive en plein
10:12 charivari,
10:14 fin de l'Union soviétique,
10:16 Gorbatchev qui est là,
10:18 Helsing qui reprend du pouvoir,
10:20 mais qui veut l'abandonner, vous arrivez en plein
10:22 là-dessus. Et vous l'avez vécu comment ?
10:24 Qu'est-ce que vous avez senti à ce moment-là ?
10:26 C'était quoi ? C'était vraiment
10:28 le bordel ? Passez-moi l'expression.
10:30 - Oui, enfin,
10:32 heureusement, le bordel, c'était pas très nouveau,
10:34 puisqu'il y a toujours eu un relatif
10:36 bordel, y compris à l'époque soviétique.
10:38 Et puis alors,
10:40 quand on fréquente beaucoup l'Afrique, le monde arabe,
10:42 tout ça, ce sont des situations
10:44 d'approximation
10:46 avec lesquelles on est
10:48 assez familier.
10:50 Mais j'ai fait ce voyage
10:52 que vous évoquez, ce voyage
10:54 historique, si je puis dire,
10:56 en 1990,
10:58 et si ce voyage est historique, c'est pas du tout
11:00 parce que j'ai fait ce voyage, c'est tout simplement
11:02 que c'était
11:04 vraiment l'année
11:06 du grand basculement, l'année
11:08 où tout a changé, c'est l'année
11:10 où le mur de Berlin a commencé
11:12 à être égratigné.
11:14 Quand j'ai fait mon voyage, il y avait encore
11:16 deux Allemagnes, donc quand je suis passé de France
11:18 en Allemagne de l'Ouest, j'ai dû passer
11:20 ensuite en Allemagne de l'Est, franchir
11:22 l'Erythrée. - Ah oui, il y avait encore le Tchétchén.
11:24 - Oui, oui, oui, qui a duré
11:26 jusqu'à l'année suivante, jusqu'en 1991.
11:28 Et donc,
11:30 la sensation que je pouvais avoir,
11:32 puisque j'avais
11:34 fait, pour être honnête, aucune
11:36 prémonition, je ne pouvais pas deviner
11:38 que les choses allaient tourner
11:40 comme elles l'ont fait. Mais
11:42 on sentait bien qu'il y avait
11:44 de l'orage, on sentait bien que
11:46 le temps allait changer, on sentait bien
11:48 que...
11:50 sans pouvoir l'affirmer vraiment
11:52 et d'ailleurs, je n'ai pas honte de le
11:54 dire, aucun homme politique
11:56 européen
11:58 n'a pourvu
12:00 la... - Personne n'aurait imaginé
12:02 que l'URSS serait effondrée
12:04 sans une effusion de sable, sans un rafraichis.
12:06 - A cette vitesse et dans ces
12:08 conditions.
12:10 - Oui, oui.
12:12 - C'est tout à fait passionnant, ça.
12:14 On va reparler après
12:16 une toute petite pause, Jean-Louis Gouraud.
12:18 Vous allez un peu nous raconter
12:20 ces Fabrice Del Dongo
12:22 à la bataille de Waterloo. C'est ça.
12:24 - Ici Sud Radio.
12:28 Les Français parlent
12:32 au français.
12:34 Les carottes sont cuites.
12:36 Les carottes sont cuites.
12:38 - Sud Radio Bercov
12:40 dans tous ses états. - Jean-Louis Gouraud,
12:42 heureux qui communiste, a fait un
12:44 beau voyage chez
12:46 Favre, aux éditions Favre.
12:48 Alors justement, parlons un peu
12:50 aussi de...
12:52 d'un autre, enfin, un potentat
12:54 on peut dire, que vous avez très bien connu
12:56 puisque vous avez écrit deux livres avec lui,
12:58 un livre d'entretien, etc.
13:00 Vous l'avez vu, racontez-vous dans votre livre une trentaine
13:02 de fois. Et Kadhafi, on reste
13:04 on se dit, mais au fond,
13:06 est-ce qu'on a pas raté quelque chose là ?
13:08 - Si, si, si, si, on a
13:10 tout raté avec Kadhafi
13:12 et au début et à la fin.
13:14 On l'a diabolisé
13:18 à un moment où au contraire, il aurait
13:20 pu être notre allié.
13:22 J'évoque principalement à la lutte
13:24 contre l'islamisme. Il n'y avait pas
13:26 de plus hostile
13:28 à l'islamisme que Kadhafi.
13:30 Et c'était un moment
13:32 où, vous en souvenez, l'Egypte
13:34 était en proie au pouvoir des
13:36 frères musulmans et l'Algérie,
13:38 l'autre pays voisin, de l'autre côté,
13:40 était en pleine guerre civile.
13:42 - Bien sûr. - Menée par les
13:44 islamistes du... - Du fils.
13:46 - Du fils. - Front islamique du salut.
13:48 - Et Kadhafi, à cette époque,
13:50 pouvait servir de verrou, d'ailleurs,
13:52 c'est la fonction qu'il a
13:54 utilisé.
13:56 Et c'est un moment
13:58 où on la considérait que ce personnage
14:00 était infréquentable.
14:02 Alors, naturellement, en fond du
14:04 décor, il y avait le
14:06 conflit avec la bande d'Aouzou, qui était
14:08 contestée, et que
14:10 qu'il voulait récupérer,
14:12 qu'il voulait... dont il disait
14:14 qu'elle appartenait à la Libye, alors que
14:16 en fait, elle appartenait au Tchad,
14:18 mais d'ailleurs, les
14:20 organisations internationales ont réglé ce problème
14:22 à l'amiable, et Kadhafi a très bien reconnu
14:24 que cette bande d'Aouzou appartenait
14:26 au Tchad et non pas à la Libye,
14:28 mais on a
14:30 ostracisé,
14:32 excommunié, si le mot
14:34 est le bon.
14:36 Kadhafi, à un moment,
14:38 au contraire, il aurait pu
14:40 être notre allié dans cette lutte
14:42 contre l'ennemi principal,
14:44 qui était l'islamisme. Alors, évidemment,
14:46 Kadhafi
14:48 tendait des verges pour se faire
14:50 fouetter, parce que c'est vrai que
14:52 dans son désir,
14:54 un des livres
14:56 que j'ai réalisé avec lui sous
14:58 forme d'entretien portait un titre qui le définit
15:00 assez bien, il s'auto définit lui-même
15:02 assez bien en disant "je suis un opposant
15:04 à l'échelon mondial".
15:06 Et c'est vrai qu'il avait
15:08 créé des officines qui étaient
15:10 chargées
15:12 d'encourager des mouvements
15:14 d'opposition
15:16 dans le monde arabe, des mouvements de libération
15:18 en Afrique,
15:20 c'était souvent un peu n'importe quoi, mais
15:22 c'était parfois tout à fait
15:24 honorable, et d'ailleurs, je voudrais rappeler que
15:26 lorsque Nelson Mandela
15:28 a quitté sa prison,
15:30 lorsque l'apartheid a
15:32 échoué, a pris fin
15:34 en Afrique du Sud, le premier
15:36 voyage que Nelson Mandela
15:38 a voulu faire en domme libre, en dehors
15:40 de l'Afrique du Sud, c'était pour se
15:42 rendre à Tripoli,
15:44 pour remercier Kadhafi
15:46 du soutien qu'il lui avait apporté,
15:48 de façon absolument constante.
15:50 - C'est intéressant, il faut le rappeler ça.
15:52 Mais comment était-il Kadhafi ?
15:54 Puisque vous l'avez rencontré une trentaine de fois,
15:56 comment était-il ? Quel homme était-il ?
15:58 - Il était, il faut savoir que
16:00 je l'ai su parce que
16:02 je voyais de près aussi
16:04 ses collaborateurs, il faut savoir que Kadhafi
16:06 était principalement un chef
16:08 traditionnel.
16:10 - Tribal, vous voulez dire ?
16:12 - Oui, oui, c'est-à-dire qu'il passait
16:14 ses journées, en tout cas, où l'essentiel
16:16 de son temps, non pas à courir
16:18 vers les filles ou les petits garçons comme
16:20 certains l'ont prétendu.
16:22 - Vous pensez que c'est du mensonge ?
16:24 - Je ne sais pas, je ne vais pas regarder
16:26 le sujet de très près.
16:28 - Ce n'est pas ça qui nous intéresse.
16:30 - Mais ce qui est vrai, c'est qu'il passait
16:32 son temps à régler des problèmes internes,
16:34 des problèmes des conflits tribaux,
16:36 des problèmes de relations familiales,
16:38 tribales, parce qu'il faut savoir
16:40 que, si Sarkozy l'avait su
16:42 d'ailleurs, il aurait peut-être hésité
16:44 à se lancer dans l'opération
16:46 dans laquelle il s'est lancé plus tard.
16:48 Mais la Libye n'est pas une nation.
16:50 La Libye, c'est un conglomérat de tribus
16:52 entre lesquels
16:54 il y a des jeux d'équilibre,
16:56 des alliances, des mésalliances,
16:58 des concurrences,
17:00 etc., dans lesquelles
17:02 Kadhafi jouait très très bien,
17:04 mais c'est un job à plein temps.
17:06 Et il passait son temps
17:08 à régler des problèmes de cette nature.
17:10 Parfois,
17:12 il prenait des sanctions que peut-être
17:14 la morale réprouve, mais enfin,
17:16 en maniant la carotte
17:18 et le bâton,
17:20 qui est quand même une méthode qui a fait ses preuves,
17:22 il avait réussi
17:24 à maintenir dans ce pays, pendant
17:26 40 ans,
17:28 une certaine stabilité
17:30 et, il faut le dire,
17:32 une certaine prospérité.
17:34 - Et comment vous expliquez
17:36 le joueurisme que vous êtes, Jean-Ligaud,
17:38 parce que vous avez été d'abord à combat,
17:40 rappelé, sur l'Afrique.
17:42 - Au temps de Philippe Tesson.
17:44 - Absolument, "Paix à son âme".
17:46 - Oui.
17:48 - Et comment vous expliquez
17:50 Sarkozy et les autres ?
17:52 Qu'est-ce qui vous motive ?
17:54 - Je ne sais pas, je ne sais pas. Mais vous touchez là,
17:56 exactement la grande question, enfin celle qui me hante.
17:58 Pour quelle raison
18:00 Sarkozy
18:02 et ceux qu'il a pu amener
18:04 dans son aventure,
18:06 se sont-ils lancés dans cette
18:08 opération complètement incompréhensible ?
18:10 On a avancé toutes sortes de raisons,
18:12 aucune de ces raisons avancées ne
18:14 tiennent la route.
18:16 Khalifa aurait fait des promesses qu'il n'a pas tenues, bon et alors ?
18:18 - Oui, c'est pas pour ça qu'on est
18:20 timide.
18:22 - On dit
18:24 que le Qatar aurait
18:26 joué un rôle,
18:28 fait des promesses, mais tout ça
18:30 reste flou et incompréhensible.
18:32 En tout cas, aucune de ces raisons
18:34 avancées habituellement
18:36 ne justifient une mesure de cette importance.
18:38 - Je pense qu'on ne liquide pas un chef d'Etat.
18:40 - Mais surtout, liquider
18:42 - Et d'ailleurs,
18:44 ce qui me choque le plus, c'est pas
18:46 l'idée de liquider un chef d'Etat,
18:48 parce que déjà,
18:50 M. Giscard d'Estaing avait eu l'idée
18:52 de liquider Kadhafi
18:54 à un moment où Kadhafi commençait déjà
18:56 à agacer la France, etc.
18:58 Bon, et puis des liquidations
19:00 ici ou là, malheureusement
19:02 c'est d'un usage...
19:04 Non mais, ce qui est le plus
19:06 mythique, c'est comment la France a-t-elle pu
19:08 créer la...
19:10 se lancer dans cette affaire en sachant
19:12 ou en ne sachant pas, plutôt,
19:14 que ça allait
19:16 déclencher. Quelles étaient
19:18 les conséquences ?
19:20 Donner un coup de pied dans cette
19:22 fourmilière, ça a été une catastrophe.
19:24 Et pourtant,
19:26 nous avions en France
19:28 l'Elysée,
19:30 le Quai d'Orsay avait tous les moyens d'être
19:32 parfaitement informé des conséquences
19:34 éventuelles de ce qui allait se produire.
19:36 On savait bien que Kadhafi, encore une fois,
19:38 avec des moyens que parfois
19:40 la morale réprouve, m'étonnait
19:42 c'est toute cette...
19:44 non seulement son pays,
19:46 mais toute cette région sahélienne,
19:48 c'est-à-dire, évidemment,
19:50 la situation au nord du Mali,
19:52 qu'on connaît aujourd'hui, est née
19:54 de cette absence
19:56 du règne, si je
19:58 puis dire, de la
20:00 Pax Libya.
20:02 Ça s'est répandu
20:04 dans l'ensemble du Sahel,
20:06 le drame que vit aujourd'hui
20:08 le Burkina Faso,
20:10 bientôt le Tchad,
20:12 etc. Tout ça est né
20:14 de l'absence
20:16 justement de la dissolution
20:18 du pouvoir libyen.
20:20 Et ça, je ne parle pas, évidemment,
20:22 du fait que
20:24 la Libye elle-même
20:26 est un pays qui n'existe plus.
20:28 C'est un pays maintenant
20:30 tiraillé entre différents...
20:32 - Démantré, complètement.
20:34 - Et qui a reconstitué
20:36 d'ailleurs les influences tribales
20:38 qui étaient celles de l'origine
20:40 et qui sont très bien décrites déjà
20:42 au XIXe siècle par Elisée Reclus
20:44 et donc sa permanence...
20:46 - On est revenu...
20:48 Et qu'est-ce qui...
20:50 Jean-Luc Gouraud, parmi...
20:52 Est-ce qu'il y a eu d'autres
20:54 leaders africains
20:56 qui vous ont aussi... enfin, que vous avez rencontrés
20:58 peut-être moins souvent que Kadhafi
21:00 qui vous ont
21:02 impressionné ou marqué ou...
21:04 - Oui, oui, bien sûr.
21:06 Beaucoup, j'ai été
21:08 très impressionné par des leaders
21:10 qui ont mauvaise réputation, malheureusement,
21:12 comme Ahmedou Haïdjo
21:14 qui a été dirigé d'une main
21:16 d'acier mais avec
21:18 un résultat très positif,
21:20 le Cameroun, avant...
21:22 - Avant Paul Villard. - Avant de laisser sa place
21:24 à Paul Villard. Mais le plus
21:26 charismatique de tous ceux que j'ai pu
21:28 rencontrer, connaître et
21:30 avec lesquels j'ai pu avoir même une
21:32 certaine familiarité, naturellement
21:34 c'est Thomas Sankara
21:36 qui est une icône, qui est un peu
21:38 le Che Guevara africain
21:40 et qui en effet était un personnage
21:42 au charme irrésistible, c'était un...
21:44 - Ah oui. - Un personnage extraordinairement
21:46 sympathique, vivant, intelligent...
21:48 - Oui, on l'aura dit. - Entrepreneur...
21:50 Oui, oui.
21:52 Alors, mais...
21:54 - Il ne faut pas se reprocher, c'était un peu vrai
21:56 d'être un peu brouillon,
21:58 de...
22:00 de ne pas savoir
22:02 traduire de façon toujours très concrète
22:04 ses idées généreuses,
22:06 mais c'était un excellent orateur,
22:08 il était extraordinairement sympathique,
22:10 il se déplaçait à bicyclette,
22:12 il jouait de la guitare,
22:14 et tout ça en a fait un personnage
22:16 absolument inoubliable.
22:18 Mais son côté excessif,
22:20 irresponsable, avait des limites
22:22 et je raconte dans ce livre
22:24 un dîner que j'ai eu avec lui,
22:26 un dîner toujours très tardif,
22:28 je ne sais pas pourquoi,
22:30 - On dit le caractère. - Oui,
22:32 il m'accordait sa table que vers minuit,
22:34 et donc on bavardait jusqu'à 3h du matin,
22:36 en mangeant assez mal d'ailleurs un poulet,
22:38 un manchot, mais enfin bon...
22:40 Je l'avais vu peu de temps après le passage
22:42 de Mitterrand à Ouagadougou,
22:44 au cours duquel
22:46 Sankara s'était permis
22:48 de faire un discours assez incisif,
22:50 assez offensif,
22:52 et on voyait bien, d'ailleurs on a encore
22:54 des images, on voyait bien que tout ça
22:56 ne déplaisait pas au fond
22:58 à Mitterrand. Il écoutait
23:00 ce jeune homme, ce qui devait lui rappeler
23:02 sa propre jeunesse de militant,
23:04 Mitterrand avait
23:06 manifestement la sympathie
23:08 pour ce type assez culotté
23:10 quoi, qui venait
23:12 lui reprocher
23:14 l'impérialisme de la France,
23:16 les excès du colonialisme, du néocolonialisme,
23:18 il y a des semaines, c'est normal.
23:20 Et Mitterrand d'ailleurs lui avait répondu
23:22 avec une
23:24 fermeté, mais
23:26 sympathie. Et donc peu de temps
23:28 après je rencontre Sankara,
23:30 - Thomas Sankara, oui.
23:32 - Je lui dis dis donc, tu as été loin,
23:34 vraiment, c'est limite.
23:36 Il me dit "non, non, rassure-toi,
23:38 je sais jusqu'où je peux
23:40 ne pas aller trop loin. Je n'oublie pas
23:42 que les ressources
23:44 de mon pays, qui était
23:46 le volta et qu'il a rebaptisé
23:48 le Burkina Faso, je sais très bien
23:50 que les ressources de mon pays me permettent de payer
23:52 mes fonctionnaires 6 mois par an.
23:54 Et que les 6 mois restants sont payés
23:56 par la France. - Ah ouais.
23:58 Il est très lucide sur ce qui se passe.
24:00 - Mais oui, et c'est ce réalisme-là qu'on ne retrouve
24:02 pas malheureusement chez les jeunes poutchistes
24:04 qui aujourd'hui tiennent le Mali,
24:06 le Burkina,
24:08 mais ils vont être bien obligés
24:10 un de ces jours, dans 6 mois, dans 1 an
24:12 ou dans 5 ans. - Comme je le dis toujours,
24:14 le réel frappe à la porte.
24:16 À un moment donné, on s'en aperçoit, effectivement.
24:18 Lucia, je crois que nous avons des auditeurs.
24:20 - Des auditeurs qui nous appellent au 0 826
24:22 300 300
24:24 et on accueille Julio de l'Ile-de-France.
24:26 Bonjour Julio. - Bonjour Julio.
24:28 - Bonjour messieurs, bonjour messieurs
24:30 et encore une fois
24:32 un sujet de très haute qualité.
24:34 J'ai simplement
24:36 une petite information
24:38 à vous soumettre et une question.
24:40 Je voulais
24:42 simplement rebondir sur
24:44 la Libye dans le sens où la Libye
24:46 est une société tribale et
24:48 cela me fait justement penser à
24:50 un autre conflit qui a débuté
24:52 à la fin des années 70 avec
24:54 les conséquences qu'il y a eu
24:56 par la suite. L'Afghanistan
24:58 qui est aussi une société multitribale.
25:00 Il y a des ethnies
25:02 ouzbeks, des ethnies pachtounes.
25:04 C'est
25:06 une société
25:08 tribale. Donc, vouloir imposer
25:10 la démocratie à des sociétés tribales
25:12 ce n'est pas facile.
25:14 C'était juste un petit
25:16 élément pour rebondir.
25:18 Maintenant, ma question est
25:20 à propos de Klaus Schwab
25:22 du Forum Économique
25:24 Mondiale de Davos.
25:26 Absolument. Donc, en fait
25:28 j'ai remarqué très très
25:30 souvent, j'ai même vu une photo
25:32 de son bureau
25:34 en Suisse où trône
25:36 le buste
25:38 d'un certain Vladimir Ilich
25:40 ou Lianov, donc Lénine.
25:42 Et je sais que Klaus Schwab
25:44 est, on pourrait même
25:46 penser que Lénine est le maître
25:48 à penser de Klaus Schwab. Donc, ma question
25:50 elle est toute simple. Est-ce que
25:52 Klaus Schwab a-t-il l'intention
25:54 d'imposer au monde
25:56 entier un communisme
25:58 3.0, tout simplement ?
26:00 Intéressante question. C'est vrai, Jean-Louis
26:02 Hourraud. Vous voyez que le communisme est aussi
26:04 passé par là.
26:06 Vous savez, c'est amusant que Davos
26:08 avec tous les milliardaires,
26:10 les oligarques, etc.
26:12 y ait le portrait de Lénine. C'est peut-être
26:14 un pied de nez, mais enfin, ce que vous en pensez
26:16 sur le fond ?
26:18 - Je ne suis pas
26:20 de réponse à faire.
26:22 Vous êtes beaucoup mieux placé que moi
26:24 pour répondre à cette question.
26:26 - Non, mais c'est-à-dire ce qui est très
26:28 intéressant, en fait, moi ce que je répondrais
26:30 à Julio, nous ne sommes pas dans la tête
26:32 de Klaus Schwab, mais je crois
26:34 effectivement qu'il a en tête
26:36 et ce n'est pas du tout
26:38 qu'on peut dire ça, il n'y a pas de complot, il n'y a rien
26:40 mais il a le nouvel ordre mondial
26:42 le fameux "Great Reset", la
26:44 grande réinitialisation.
26:46 Et vous savez, comme c'est valable
26:48 pour Lénine et pour beaucoup d'autres,
26:50 c'est-à-dire que quand des gens ont en tête
26:52 un véritable plan mondial en disant
26:54 "Nous allons apporter le bonheur à l'humanité"
26:56 et c'est par là que ça passe,
26:58 et bien écoutez, pour Hitler c'était le
27:00 Reich de Milan, pour Mussolini
27:02 c'était le fascisme à l'échelle mondiale,
27:04 pour Staline
27:06 c'était Lénine, le paradis sur Terre,
27:08 messianique, etc.
27:10 Voilà, repris,
27:12 c'est le christianisme atterri,
27:14 vous voyez, l'atterrissage
27:16 pour eux. Et puis là,
27:18 je crois que Schwab et puis d'autres,
27:20 on les connaît, pensent qu'il faut
27:22 rationaliser le monde,
27:24 que ce soit à coup d'un
27:26 plan ou à coup de
27:28 de monnaie numérique
27:30 ou à coup de ceci, de cela, on voit très très bien
27:32 il y a incontestablement une cohérence
27:34 là-dedans, en disant "Écoutez, maintenant,
27:36 il est temps de rationaliser tout ça,
27:38 il n'y a qu'à lire les livres de
27:40 son conseiller le plus étroit, Yuval Noah Harari,
27:42 vous savez, Sapien,
27:44 et compagnie, vous voyez très très bien
27:46 le schéma, il est là, ça c'est clair.
27:48 - Absolument.
27:50 Écoutez, merci
27:52 pour cette
27:54 intervention, je voulais simplement dire
27:56 qu'il existe
27:58 une racine commune
28:00 à toutes ces idéologies
28:02 qui ont jalonné le XXème siècle,
28:04 que ce soit le communisme,
28:06 que ce soit le fascisme ou le
28:08 nazisme, tout ça découle du
28:10 socialisme, c'est tout ce que je voulais ajouter.
28:12 Tout simplement.
28:14 - D'accord. Ok, Julio, ça aussi, c'est vrai,
28:16 ça se discute, mais on va revenir d'ailleurs
28:18 et vous allez voir, on va revenir
28:20 à Montargis,
28:22 que nous n'avons jamais quitté
28:24 d'ailleurs, vous allez bien le voir. - Très exotique.
28:26 - Quand je suis arrivé à ce moment du livre de Jean Ligoureau,
28:28 je me dis "mais qu'est-ce qu'il a à parler de
28:30 Montargis ?" On dit Montargis ou Montargiste ?
28:32 - Les deux versions
28:34 sont admises. - Et je vois, il me dit
28:36 "ah non non, la Chine,
28:38 mais la Chine c'est Montargis,
28:40 et Montargis c'est la Chine." Je me dis "mais de quoi
28:42 il parle ?" Et raconter Jean Ligoureau,
28:44 c'est passionnant, parce que ça j'avoue
28:46 que j'ignorais totalement cette
28:48 histoire. - Il est certain qu'en Chine,
28:50 dans la Chine d'aujourd'hui, la ville
28:52 française la plus connue,
28:54 après Paris, c'est pas
28:56 Versailles, c'est pas Fontainebleau, c'est pas
28:58 Chartres, c'est Montargis.
29:00 Tout simplement. Et d'ailleurs,
29:02 pour l'excellente raison qu'on peut dire
29:04 que le communisme chinois
29:06 a été conçu à Montargis.
29:08 - C'est étonnant ça, ouais.
29:10 - Et alors, c'était...
29:12 - C'est comme à la racontée, si je crois.
29:14 - Oui, oui, c'est l'époque où
29:16 les...
29:18 les grands
29:20 penseurs de...
29:22 chinois... - Soniette Zenn, c'est ça ?
29:24 - Se rendait bien
29:26 compte, début 20ème,
29:28 se rendait bien compte
29:30 du fait du retard
29:32 chinois. Il n'en avait
29:34 pas honte, mais simplement se disait
29:36 "il faut qu'on le rattrape, il faut
29:38 qu'on commence à
29:40 aller prendre en Occident
29:42 ce qu'il y a de meilleur en Occident".
29:44 Et d'où l'idée
29:46 d'envoyer...
29:48 d'aller former
29:50 de nouvelles élites
29:52 en les envoyant étudier...
29:54 - En Europe. - Notamment
29:56 en France. - En France, oui.
29:58 - Mais simplement se poser un problème de financement
30:00 et comment payer les études
30:02 de ces jeunes gens
30:04 sélectionnés par Soniette Zenn
30:06 et ses amis.
30:08 L'idée est née
30:12 dans l'esprit
30:14 d'un grand personnage
30:16 de Chine dont le nom m'échappe pour le moment,
30:18 de faire financer les études
30:20 en échangeant le coût des études
30:22 contre du travail.
30:24 Et donc, les jeunes gens étaient envoyés
30:26 en France pour travailler dans les usines
30:28 le jour et apprendre...
30:30 - Ah oui, dans les usines françaises,
30:32 les travailleurs... - Et à l'époque,
30:34 à Montargis, il y avait une usine
30:36 qui avait besoin de main-d'oeuvre
30:38 abondante.
30:40 C'est l'usine Otskis.
30:42 - Qui était à Montargis. - Qui était
30:44 à Montargis, juste dans la
30:46 proche banlieue industrielle
30:48 de Montargis.
30:50 Ils sont arrivés chez Otskis
30:52 des ouvriers du monde entier.
30:54 Y compris d'ailleurs, j'ai découvert,
30:56 y compris des Kalmouks
30:58 et d'autres
31:00 populations exotiques.
31:02 Mais parmi eux, donc, quand même
31:04 une trentaine ou une quarantaine
31:06 de Chinois,
31:08 parmi lesquels
31:10 se trouvait le futur
31:12 Deng Xiaoping. - Oui, c'est extraordinaire ça.
31:14 - Et Chouen Lai. - Et Chouen Lai.
31:16 - Chouen Lai, un des plus grands
31:18 leaders de la Chine. - Voilà.
31:20 Et c'est...
31:22 Ils le reconnaissent d'ailleurs.
31:24 C'est en fréquentant le monde ouvrier français,
31:26 les idées syndicales
31:28 françaises, etc., que
31:30 l'idée est venue, a surgi,
31:32 de créer le parti communiste
31:34 chinois. Et donc, on va dire que le vrai
31:36 berceau, ou la Terre Sainte
31:38 comme vous voulez,
31:40 du communisme chinois, c'est
31:42 à Montargy. Et d'ailleurs,
31:44 il y a maintenant, si vous allez à
31:46 Montargy par le train, vous verrez que
31:48 dès que vous quittez le train, sur la place
31:50 de la gare, vous avez des monuments
31:52 à la gloire de Deng Xiaoping,
31:54 puis un autre monument
31:56 de plus pur style, d'ailleurs,
31:58 de réalisme socialiste,
32:00 à la gloire de l'amitié des
32:02 ouvrières franco-chinois. - Vous savez ce
32:04 qu'il vous reste à faire, auditeurs du Sud Radio,
32:06 nos amis, vous allez à Montargy,
32:08 vous allez à la gare, et voilà, les
32:10 animaoïstes sont là-bas, à Montargy.
32:12 On continue d'en parler après
32:14 cette petite pause.
32:16 - Ici Sud Radio,
32:18 les français
32:22 parlent au français.
32:24 Je n'aime pas la blanquette
32:26 de veau. Je n'aime pas
32:28 la blanquette de veau.
32:30 - Sud Radio Bercov, dans tous ses états.
32:32 - Et les
32:34 beaux voyages de Jean-Louis Gouraud,
32:36 un peu partout, d'ailleurs, je vous dis, on finira
32:38 après sur le cheval, quand même.
32:40 - C'est un moyen de transport.
32:42 - Oui, ah bon ?
32:44 Et quel moyen de transport ! Juste pour finir
32:46 avec Kadhafi, on a commencé
32:48 d'en parler. Au fond,
32:50 c'était quelqu'un, vous dites,
32:52 vous disiez hors antenne, là, Jean-Louis Gouraud, c'était
32:54 un poète. - Oui.
32:56 - On n'a pas cette image de lui.
32:58 - Parce que c'est vrai que,
33:00 après avoir mis toute la journée
33:02 et les mains dans le cambouis, dans les
33:04 petites querelles,
33:06 les affaires ou les bases-oeuvres,
33:08 il aimait, le soir venu,
33:10 au contraire, prendre un peu de hauteur,
33:12 réfléchir,
33:14 et se lancer dans
33:16 de longs discours,
33:18 auxquels j'ai subi,
33:20 ou dont j'ai bénéficié,
33:22 de très nombreuses fois.
33:24 Il aimerait... - Il parlait longuement,
33:26 longtemps ? - Oui, oui, alors,
33:28 son débit était toujours très lent,
33:30 au début, et puis...
33:32 - Il parlait en quelle langue, à l'époque ? - En arabe,
33:34 bien sûr. - En arabe.
33:36 - Je vous avais bien traduit. - Oui, excellent,
33:38 d'ailleurs, Moustamie Souré, qui était un type
33:40 d'interprète
33:42 excellentissime.
33:44 - D'accord. - Et alors, il parlait
33:46 avec une certaine lenteur, et un peu par un système
33:48 d'auto-allumage, il se...
33:50 - Il s'excitait au fond. - Oui,
33:52 il aimait s'entendre, j'imagine, et ça devait
33:54 lui plaire, et donc,
33:56 le ton montait, etc., et il devenait
33:58 finalement très bavard, très...
34:00 un peu répétitif, etc., mais on voit bien
34:02 qu'il réfléchissait en parlant,
34:04 il cherchait des pistes, etc.
34:06 Et derrière tout ça, d'ailleurs, ce comportement,
34:08 j'avais toujours
34:10 pensé... Alors oui, il avait
34:12 un côté, évidemment, un peu mystique,
34:14 puisqu'il m'avait expliqué un jour
34:16 que, de toute manière, tous les grands prophètes
34:18 viennent du désert. Il m'avait
34:20 donné trois exemples, c'était
34:22 Moïse, c'était Jésus,
34:24 et c'était lui-même, donc...
34:26 - Moïse, Jésus et Mohamad.
34:28 - Oui, il se situait à ce
34:30 niveau, et...
34:32 Derrière tout ça,
34:34 ce logo
34:36 intarissable, je voyais bien qu'il y avait
34:38 quand même des expressions poétiques,
34:40 une espèce de... c'était
34:42 une mentalité d'écrivain,
34:44 de poète même,
34:46 et dont j'ai eu la
34:48 confirmation, quelques années plus tard,
34:50 lorsque j'ai appris par certains des scrupuleurs
34:52 que certains petits bouquins qui paraissaient
34:54 dans les librairies, les rares librairies
34:56 de Tripoli, qui étaient signées
34:58 sous un pseudonyme, étaient en fait
35:00 des oeuvres de Kadhafi.
35:02 - Ah oui, qui ne signaient pas de son nom.
35:04 - Et alors, je m'étais procuré
35:06 ces opuscules, je les ai
35:08 fait traduire pour découvrir
35:10 que c'est une littérature
35:12 très tourmentée, en particulier
35:14 l'une d'elles qui m'avait beaucoup frappé,
35:16 qui s'appelait "Escapades en enfer".
35:18 Et que, titre que j'ai repris
35:20 d'ailleurs, pour
35:22 intituler un de mes chapitres, parce qu'on peut
35:24 dire que mon voyage, mon séjour
35:26 en Libye ressemblait un petit peu
35:28 à cette "Escapades en enfer",
35:30 un enfer d'ailleurs tout à fait...
35:32 - Oui, tout à fait abordable.
35:34 - Dont je suis rescapé, oui.
35:36 Mais, il y avait
35:38 chez Kadhafi
35:40 ce côté...
35:42 Oui...
35:44 Il prenait
35:46 la distance, après avoir toute la journée...
35:48 - Oui, je comprends.
35:50 - Fait de la mécanique, etc...
35:52 Éventuellement, monté
35:54 des bases-oeuvres, le soir
35:56 il aimait prendre de la hauteur et
35:58 écrire,
36:00 réfléchir, philosopher...
36:02 Ce qui a donné
36:04 ce fameux "Petit livre vert"
36:06 qui tenait lieu de constitution
36:08 dans ce pays, puisque...
36:10 - On l'a tous...
36:12 On le lise et je l'ai lu bien sûr.
36:14 - Dans lequel il n'y a pas d'ailleurs que des bêtises.
36:16 - C'est quelque chose d'intéressant, tout à fait.
36:18 Je ne sais pas si ça vaut
36:20 le "Petit livre rouge" de Mao.
36:22 - Ah !
36:24 - Juste un dernier mot, il ne nous reste
36:26 malheureusement qu'une minute, mais j'aimerais
36:28 quand même vous parler de cette
36:30 passion que vous avez, d'ailleurs vous avez écrit
36:32 plusieurs livres là-dessus, et Dieu sait,
36:34 auxquels je renvoie, chez Favre et ailleurs.
36:36 "Le cheval",
36:38 c'est quoi ? C'est la passion de votre vie ?
36:40 - Oui, oui...
36:42 - On peut dire ?
36:44 - Les chevaux ont occupé une très très grande
36:46 place dans ma vie.
36:48 Ils ont été pour moi...
36:50 Ils m'ont permis
36:52 de me raccrocher
36:54 dans ce monde trop
36:56 connecté, trop
36:58 mécanisé,
37:00 urbanisé, etc.
37:02 Pour moi ça a été vraiment une sauvegarde.
37:04 - Parce que vous êtes parti
37:06 de Paris à Moscou à cheval ?
37:08 - Oui, ça c'était en 1990,
37:10 je fais ce voyage de... - Paris-Moscou à cheval.
37:12 - Paris à cheval, oui.
37:14 Un voyage de 3 400 km
37:16 que j'ai fait avec mes deux
37:18 chevaux, que j'ai offert d'ailleurs
37:20 à l'arrivée, comme je m'y étais engagé,
37:22 à Gorbatchev...
37:24 - Vous avez fait...
37:26 C'est extraordinaire,
37:28 parce que quand on va reparler un jour, on fera une émission
37:30 justement... - Sur le cheval, oui.
37:32 - Sur le cheval, c'est vrai.
37:34 - Il y a de quoi lire.
37:36 - Pour le moment, je recommande de liser ce récit
37:38 de voyage avec
37:40 Agnès, heureux qui communiste,
37:42 a fait plusieurs vos voyages.
37:44 Vous n'êtes plus communiste, je ne sais pas si vous l'avez jamais été.
37:46 - Non, je n'ai jamais été.
37:48 - En tout cas, vous avez fait quelques très beaux voyages.
37:50 - Merci beaucoup. - Merci.
37:52 - Merci beaucoup, chers auditeurs d'être toujours aussi nombreux
37:54 à nous écouter. Merci à Jean-Louis Gouraud pour son livre
37:56 "Heureux qui communiste" a fait un
37:58 beau voyage aux éditions Fabre.