Réponse à la vidéo Vous allez bouffer du chili tout l'été de la chaîne Astronoge

  • l’année dernière
Le 12 juillet 2019, Arnaud Thiry a mis en ligne une vidéo intitulée « vous allez bouffer du Chili tout l'été ».
, A partir de 10 minutes 10, on peut entendre la phrase suivante :
« si demain dans votre boulot votre patron vous demander de venir bosser à l'oeil par ce que vous aimez votre boulot vous refuseriez les plus fragiles irait pleurer aux syndicats et ceux qui ont les plus grosses baloches lui mettrais une patate de forain avant de quitter le boulot en se drapant dans leur dignité »

Cette vidéo répond à cette phrase qui en a choqué plus d'un, et remet les pendules à l'heure côté droit du travail.

Vidéo non monétisée, sans placement de produit.

Musiques :
- Les Marronniers, Collection d' Arnell-Andréa
- Vernes Monde, Collection d' Arnell-Andréa.

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Transcript
00:00 Le 12 juillet dernier, Arnaud Thiry a mis en ligne une vidéo intitulée « Vous allez bouffer du Chili tout l'été ».
00:07 Une séquence de la vidéo s'inscrit dans le contexte de l'aspect financier de la chaîne.
00:11 En effet, publier autant de vidéos, dont quelques-unes l'ont amenée au Chili ou à investir dans du coûte matériel,
00:18 demande un effort financier certain, sans compter la rémunération.
00:22 Tout effort mérite salaire.
00:23 Le passage d'une activité ludique réalisée en amateur à un statut professionnel
00:28 ne concerne pas que sa chaîne.
00:31 D'ailleurs, ces mêmes transitions existent dans le secteur du spectacle ou du sport.
00:35 Il ne sera pas question ici de la vulgarité assumée au cours des vidéos.
00:39 Assumée certes, car Arnaud Thiry revendique une forme, je cite, « abrupte, directe et grossière ».
00:47 Et toujours dans la séquence liée à la monétisation, à partir de 10 minutes 10, on peut entendre la phrase suivante.
00:55 « Alors je ne vais pas vous redire que si demain dans votre boulot, votre patron vous demandait de venir bosser à l'œil
01:02 parce que vous aimez votre boulot, vous refuseriez.
01:06 Les plus fragiles iraient pleurer au syndicat et ceux qui ont les plus grosses baloches
01:11 lui mettraient une patate de forain avant de quitter le boulot en se drapant dans leur dignité. »
01:15 Au-delà de l'aspect peu soutenu de cette assertion, le fond du propos est choqué.
01:20 Moins d'une dizaine d'internautes ne l'ont pas apprécié.
01:24 Cette vidéo se donne pour lui de répondre point par point aux signifiants suivants.
01:28 1) Le fait de travailler sans être payé
01:32 « Alors je ne vais pas vous redire que si demain dans votre boulot, votre patron vous demandait de venir bosser à l'œil
01:39 parce que vous aimez votre boulot, vous refuseriez. »
01:41 A-t-on déjà vu ou entendu un employeur dire à un de ses employés qu'il ne serait plus payé parce qu'il aime son travail ?
01:47 Ou que les heures supplémentaires ne seraient plus payées ? Jamais.
01:51 Si un salarié ne perçoit pas sa rémunération dans une limite de temps raisonnable,
01:55 que ce soit entièrement ou partiellement pour le cas des heures supplémentaires,
01:59 l'employeur risque gros car le salarié peut saisir les prud'hommes pour se faire payer le salaire,
02:05 ce qui est d'autant plus facile qu'il appartient à l'employeur de prouver qu'il a bien payé le salaire.
02:10 Et en plus de toucher leur appel de salaire et/ou les heures supplémentaires,
02:15 le salarié est en droit de faire condamner son employeur à une indemnité de 6 mois
02:19 s'il se fait licencier ou qu'il prenne acte de la rupture de son contrat de travail au tort de son employeur.
02:25 Le salarié peut aussi contacter les services de l'inspection du travail,
02:29 qui peut constater le non-paiement et alerter les services de leur SAF.
02:33 L'inspection du travail peut aussi dresser un procès verbal pour travail dissimulé et transmettre à la justice.
02:40 Cette dernière pourra condamner l'employeur à 45.000 euros d'amende.
02:43 Ça, c'est juste si vous effectuez le travail censé te payer.
02:47 Mais Arnaud Thiry propose de refuser d'effectuer le travail.
02:51 Sur le fait de refuser de travailler alors que l'employeur le demande.
02:55 Si c'est déjà dans votre boulot, c'est que vous êtes déjà en contrat.
03:00 Donc au choix, soit l'employeur vous dit qu'à partir de maintenant, il n'y aura plus de salaire, ce qui est inédit,
03:07 soit l'employeur vous prévient que les heures supplémentaires ne seront pas payées au motif que vous aimez bien votre travail.
03:13 Le plus probable est qu'il ne vous dira rien à l'avance et ce n'est que si vous vérifiez attentivement votre bulletin de paye
03:21 que vous vous apercevrez qu'il manque quelque chose.
03:24 Si l'employeur vous répond que c'est parce que vous aimez votre travail, c'est qu'il a un talent de comique à fort potentiel.
03:30 Ses plus probables réponses seront qu'il a oublié ou que son comptable a oublié ou qu'il ne l'a pas prévenu
03:38 ou qu'il y a un mois de décalage et qu'il y aura une régule ou que l'entreprise connaît une difficulté de trésorerie
03:43 et que si vous osez demander le paiement, vous mettriez l'entreprise en difficulté au point de menacer les autres emplois,
03:50 ce que les collègues n'apprécieraient pas.
03:53 Un certain nombre de salariés réagissent alors par un refus d'effectuer des heures supplémentaires.
03:59 Ils sont alors dans leur droit s'ils possèdent une preuve d'une demande de paiement des heures supplémentaires déjà effectuées, non payées.
04:07 Mais d'autres ne réagiraient pas de la même façon.
04:11 Sur le fait que ceux qui iraient voir un syndicat seraient des « fragiles ».
04:16 Les plus fragiles iraient pleurer au syndicat.
04:18 Si l'adjectif « fragile » existe bien dans le dictionnaire, sa création en tant que substantif est nouvelle.
04:24 Ce nom est utilisé notamment dans la fachosphère d'internet et particulièrement par un de ses vidéastes,
04:30 Ismaël Ouslyémani, appelé « le Raptor ».
04:34 Le dernier des fragiles.
04:37 Encore plus fragile.
04:38 Fragilité.
04:39 Les petits bolosses fragiles.
04:40 Ce terme se pose en antagonisme avec l'expression « ceux qui ont les plus grosses baloches »,
04:44 ce qui peut apparaître comme du virilisme exacerbé,
04:47 comme on peut en trouver aussi dans les créations du Raptor,
04:50 viriliste revendiqué, prônant la violence.
04:53 Alors d'où vient le problème ?
04:55 Arnaud Thiry utilise des mots et expressions fétiches de la fachosphère youtubienne.
05:00 Il présente une situation d'opposition de classe sociale, les employeurs et les salariés,
05:05 en une situation caricaturale d'opposition entre ceux qui seraient capables de se défendre
05:11 et ceux qui ne le pourraient pas.
05:13 Ceux qui réagiraient le feraient uniquement en faisant preuve de violence physique
05:16 et quitteraient le travail dignement.
05:19 La violence physique est ici présentée de manière positive par le refus de la soumission et la dignité.
05:26 A noter que le syndicat est présenté comme l'entité recevant les plus fragiles,
05:31 présentation péjorative des syndicats que l'on retrouve dans la sphère pro-patronale.
05:36 Les points communs entre cette phrase de Arnaud et la fachosphère sont
05:41 la stigmatisation des fragiles, la promotion du virilisme,
05:45 la promotion de la violence et la critique des syndicats.
05:48 Bon, heureusement pour Arnaud que le Raptor n'ait pas fait avant lui le parallèle
05:53 entre l'absence d'une monétisation et le fait pour un employeur de dire à son employé qu'il travaillerait sans être payé.
05:59 En fait c'est comme si à la fin de l'année ton employeur venait te dire "ouais je paye déjà, j'ai oublié de te dire mais je ne paie pas les heures sub-mdr".
06:04 Mais au-delà de la présentation caricaturale d'Arnaud, il y a bien une fragilité parmi les salariés et elle est très grande.
06:12 Cette fragilité se nomme précarité et elle touche tous les salariés, surtout les jeunes, les non-diplômés, les femmes, les étrangers, les plus de 45 ans.
06:19 En gros, plus des trois quarts des salariés.
06:22 Ces gens-là sont fragiles et lorsque leur employeur leur demande d'effectuer des heures supplémentaires ou de finir un dossier à la maison, ils le font.
06:28 Et si ces heures ne sont pas payées, la plupart des salariés iront peut-être voir un syndicat ou un délégué du personnel.
06:34 Le syndicat leur dira d'aller au prud'homme pour récupérer leur dû.
06:38 Mais bien peu s'y risqueront tant qu'ils seront encore en poste à cause de la peur des représailles patronales.
06:44 Les salariés au statut cadre, en général, effectuent des heures supplémentaires non payées du fait de l'application du forfait jour en vigueur dans l'entreprise.
06:52 Ajoutez, pour bien faire pression sur les salariés, des objectifs inatteignables et vous obtenez des salariés en plein burn-out ou qui se gênent depuis les fenêtres, comme à France Télécom.
07:02 Pas de quoi s'apitoyer, ce ne sont que des fragiles.
07:06 Les plus fragiles de ceux qui ne se font pas payer leur travail iraient voir un syndicat.
07:10 Et bien leur en prendrait, car un syndicat est justement un organisme se donnant pour but la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux des salariés.
07:18 C'est la Constitution qui montre le chemin à suivre et la loi qui détermine les modalités de l'action syndicale.
07:24 L'organisation syndicale aura à cœur d'écouter, d'informer et de conseiller le salarié sur ses droits et devoirs. Il pourra même l'assister dans sa démarche.
07:33 Aujourd'hui, on peut librement aller voir un syndicat. Cela n'a pas toujours été le cas.
07:38 En 1891, à Fourmis, dans le Nord, le sous-préfet envoie des soldats pour mater de manifestations non violentes d'ouvriers pauvres.
07:46 Neuf morts. Le plus vieux avait 30 ans, le plus jeune 11 ans.
07:52 Faire valoir ses droits, ce n'est pas pleurer.
07:55 Dire cela, c'est présenter une vision déformée de la réalité alors qu'il s'agit de la défense d'un patrimoine financier ou professionnel.
08:02 Et cette défense, elle, est légale.
08:07 Sur le fait que ceux qui auraient, selon Arnaud, les plus grosses baloches, lui mettraient une patate de forain.
08:14 Ceux qui ont les plus grosses baloches, lui mettraient une patate de forain.
08:18 Passons rapidement sur l'expression patate de forain, qui n'est en rien raciste.
08:23 Déjà parce que les forains n'ont rien d'ethniquement particulier et aussi parce que la dite patate, immortalisée par un coup de rap, parole violente, rappelle l'attraction dont raffolent les quéquers.
08:34 Selon l'alternative d'Arnaud, en dehors de se rendre auprès d'un syndicat comme un fragile, il n'existe comme seule voie que celle de la violence.
08:43 Le salarié non payé pourrait aussi ne rien faire, mais dans la réalité, c'est ce qui arrive le plus souvent.
08:48 Il pourrait aussi faire appel auprès de l'inspection du travail ou d'un syndicat.
08:52 Arnaud ne propose que la version foraine.
08:55 Si un salarié suit cette initiative, au tribunal, ça sera son tour d'être à la fête.
09:01 Si Arnaud livre ses t-shirts, ses pubs et tout le reste, sans recevoir le paiement en retour, il est possible qu'il aille pleurer auprès d'un avocat, d'un tribunal ou d'un huissier.
09:12 À moins qu'il réserve sa réponse sous forme de patate à lui de nous le dire.
09:16 Dans ce cas, autant savoir quelles peuvent être les conséquences.
09:20 Les violences n'ayant causé aucune ITT, c'est-à-dire une incapacité totale de travail, sont passibles d'une amende de 750 euros maximum.
09:30 Les violences ayant causé jusqu'à 8 jours d'ITT, l'amende peut atteindre 1500 euros maximum.
09:36 Sont automatiquement considérées comme délectuelles les violences ayant causé à la victime une ITT supérieure à 8 jours.
09:42 Là, on passe à 3 ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende.
09:47 Toujours partant ?
09:49 Enfin, dernier point, le fait de quitter son travail, soit disant, se drapant dans la dignité.
09:56 Quitter le boulot en se drapant dans leur dignité.
09:59 Après avoir présenté de manière positive le fait de mettre une patate de forain à un employeur qui dirait à son employé qu'il travaillerait gratuitement,
10:06 notre vulgarisateur poursuit par la suite logique de la patate, quitter son travail.
10:11 Vous êtes viré ! Yes !
10:13 Mais pas pour aller bouder et revenir le lendemain.
10:15 Non, quitter son travail sans préavis, mais avec dignité.
10:21 Bon, il faut juste savoir que quitter son travail, c'est possible.
10:25 Dans tous les cas, il faut prévenir l'employeur.
10:28 On peut le quitter temporairement en raison du risque encouru sur sa santé physique ou mentale.
10:33 C'est le droit de retrait, mais ce n'est pas le cas ici.
10:36 On peut aussi le quitter définitivement, c'est la prise d'acte de rupture du contrat du fait de l'employeur.
10:41 Mais pour ça, il faut avoir une bonne raison.
10:43 Un salarié qui quitterait l'entreprise juste parce que son employeur lui dit qu'il ne sera pas payé pour telle ou telle mission,
10:50 ou définitivement, commettrait une faute.
10:53 Il pourrait même être licencié pour faute grave si les circonstances le justifiaient.
10:58 Il pourrait même être condamné à rembourser le préavis.
11:02 Tant que l'échéance du salaire n'est pas dépassée et que le travail n'a pas été payé,
11:07 les propos de l'employeur ne sont que paroles verbales, et l'employeur peut changer d'avis.
11:13 Alors, que peut faire le salarié ?
11:16 S'il est prohibé de quitter son emploi sur le champ à la suite d'une simple phrase de l'employeur,
11:20 dont les conséquences ne sont qu'éventuelles, le salarié peut quand même réagir.
11:25 Si l'employeur a déjà par le passé omis de payer des heures supplémentaires,
11:28 il appartient au salarié d'en réclamer le paiement au plus vite.
11:31 En cas de refus persistant de l'employeur, cela donnera au salarié toute légitimité de refuser d'en effectuer de nouvelles,
11:38 sans que son refus ne puisse être considéré comme abusif par les tribunaux.
11:42 Le salarié peut même, dans ce cas, quitter l'entreprise au motif de non-paiement des heures supplémentaires.
11:47 Cela s'appelle une prise d'acte de la rupture auteur de l'employeur.
11:51 Pour ce faire, il est inutile de frapper l'employeur.
11:54 Un courrier recommandé, liste dans les greffes, suffit.
11:58 Le salarié pourra se faire aider d'un avocat ou d'un syndicat.
12:02 Le salarié récupérera à la fois son dû et sa dignité.
12:06 En conclusion, certains ne verront probablement dans cette vidéo qu'une réaction au premier degré.
12:12 Mais il était fort possible de faire passer le même message sans se donner le plaisir de dénigrer des catégories de personnes
12:19 et de présenter la violence sous un aspect positif.
12:23 Voilà ce que ça aurait donné.
12:25 Si demain, dans votre travail, votre employeur ne vous payait plus, vous ne resteriez pas bien longtemps.
12:31 Vous vous mettriez à chercher ailleurs de quoi vivre décemment.
12:34 Pour cette chaîne, c'est pareil.
12:36 Le Tipeee et les produits dérivés ne suffisent pas et la monétisation de YouTube est dérisoire.
12:41 C'est pourquoi les sponsors sont indispensables pour pouvoir sortir des vidéos de qualité toutes les semaines.
12:46 [BIP]
12:48 [BIP]
12:50 [Musique]
13:02 [Sous-titres réalisés par la communauté d'Amara.org]

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