maitena biraben prononcé canal plus 10 2018

  • l’année dernière
Le conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt a rendu le prononcé du jugement.
L'analyse est faite en m'appuyant sur deux vidéos et un article :

https://www.lexpress.fr/economie/emploi/droit-travail/maitena-biraben-reclame-4-millions-d-euros-a-canal-plus_2020127.html

Vidéo non monétisée, sans placement de produit.
Transcription
00:00 Bonjour, cette vidéo fait suite au prononcé de la décision prud'hommale du 27 septembre
00:06 2018 et à la vidéo sur l'audience du 25 juin 2018.
00:11 Que peut-on en dire ? Le conseil de prud'homme donne juste ce qu'on appelle le « dispositif
00:17 », c'est-à-dire la décision d'accorder ou pas, et combien.
00:21 Mais la motivation, c'est-à-dire ce qui a conduit les juges à prendre cette décision,
00:26 n'est pas encore écrite.
00:27 Une fois le jugement mis en forme, il sera notifié, ce qui peut prendre plusieurs jours,
00:33 voire plusieurs semaines, voire plusieurs mois, selon les cas.
00:36 Ce n'est qu'une fois la notification effectuée que les parties pourront faire appel ou pas.
00:41 Je n'ai ni le jugement en main, ni les conclusions des avocats, ni les pièces.
00:47 Je développerai donc, en fonction des éléments disponibles sur le net, à savoir à partir
00:52 de deux vidéos et d'un article.
00:54 Sur les demandes des parties, l'article de l'Express nous apprend que l'avocate
01:02 de la salariée demande de prime abord la nullité du licenciement et, subsidiairement,
01:08 la reconnaissance d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
01:11 Demander un licenciement nul est assez surprenant, car la nullité n'est accordée que lorsqu'il
01:17 y a discrimination ou lorsqu'un droit fondamental est bafoué.
01:21 Est-ce vraiment le cas ici ? A priori non.
01:25 Mais si ça avait été le cas, les décisions des juges n'auraient pas été les mêmes.
01:30 Ils auraient pu accorder l'intégralité des salaires depuis le licenciement, ainsi
01:35 coordonner la réintégration.
01:36 La demande de 500 000 euros est peut-être basée sur le fait d'avoir appris le départ
01:42 de l'émission et son éviction de la chaîne via le communiqué de presse du 2 juin.
01:47 Le montant est très élevé.
01:48 Une autre demande porte sur l'affichage et la publication du jugement.
01:54 C'est peu accordé par les juges.
01:56 L'avocate de Maïtena-Birabin demande 10 000 euros d'article 700.
02:01 C'est vraiment beaucoup pour un dossier qui n'apparaît pas très compliqué.
02:05 Les juges vont évidemment donner moins.
02:07 Ce qui serait acceptable, ce serait 1 500, 2 000 ou un peu plus en euros.
02:12 Les juges n'oublient pas que l'avocate a fait signer une convention d'honoraires
02:16 et que celle-ci implique le versement d'une part des gains obtenus en cas de victoire
02:21 en général, c'est 10%.
02:22 Vu les sommes, le pourcentage est sans doute moins élevé.
02:26 L'avocat de l'employeur demande lui un article 700 de 5 000 euros.
02:31 C'est beaucoup, mais plus compréhensible.
02:33 Il sait qu'il ne gagnera pas une part des sommes en jeu.
02:37 Même s'il gagnait, il est d'usage que l'article 700 ne soit pas versé aux employeurs,
02:42 les juges en droit, certes, mais aussi en équité.
02:46 Il réagit sur la demande de 500 000 euros de préjudice moral qu'il qualifie de blague.
02:52 Et il a raison, le préjudice moral se plaide, avec des arguments factuels.
02:56 Le fait d'être connu ne crée pas à lui seul un préjudice particulier.
03:00 Quant à apprendre son éviction par communiqué, ce n'est pas si offensant pour quelqu'un
03:05 dont le métier est public.
03:06 Il réagit sur la demande de publication du jugement en disant « La publication d'un
03:14 jugement est compréhensible pour un jugement collectif.
03:16 Là, on a une volonté de jubiler au niveau de l'ego ».
03:20 D'autant que le jugement peut être demandé par n'importe qui au greffe et que la solution
03:26 du conflit sera forcément connue de tous.
03:28 Sur les demandes basées sur le salaire et l'ancienneté.
03:34 Il y a un différent entre l'employeur et la salariée sur le montant du salaire.
03:38 Dans le cas présent, le salaire a été négocié en position de force.
03:44 Le salaire annuel est de 650 000 euros sur 13 mois.
03:52 S'y ajoute une prime de présence de 360 000 euros brut, ce qui fait une moyenne mensuelle
03:58 de 84 167 euros.
04:01 La salariée a un désaccord sur le salaire de référence.
04:06 Elle dit que les 360 000 euros prévus sur 3 ans sont à ajouter sur une seule année.
04:10 D'où la demande basée sur ce salaire pour l'indemnité de licenciement.
04:14 Du côté de Canal+, en revanche, on avance cependant un salaire mensuel s'élevant
04:19 à 56 944 euros brut.
04:21 La somme de 360 000 euros de prime de présence est à considérer, selon l'employeur, sur
04:28 une assiette de 3 ans pour récompenser les 36 mois de salaire et de présence.
04:33 Or, la salariée n'est pas restée 36 mois.
04:37 Le conseil de Poudhomme a tranché.
04:40 Il s'est basé sur le salaire contractuel de 50 000 euros mensuel pour calculer l'indemnité
04:46 de licenciement.
04:47 Sur l'ancienneté, là encore, les différentes informations ne permettent pas de connaître
04:53 la date exacte reconnue pour l'ancienneté.
04:56 Il est parfois question de reprise d'ancienneté.
04:59 Sur le contrat de travail est indiqué le 1er août 2008.
05:03 Cependant, l'avocate de Maïtena Birabin aurait pourtant dit à l'audience que le
05:07 1er août 2004, la salariée rejoignait Canal+.
05:10 S'agit-il de l'entreprise Canal+ ou du groupe ? Pas facile en l'absence de pièces
05:15 d'Ivoire-Clair.
05:16 Or, tant le salaire que l'ancienneté déterminent le montant de l'indemnité de licenciement
05:23 ainsi que le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
05:26 Le résultat, Maïtena Birabin a obtenu 38 456 euros de rappel de salaire sur la mise
05:35 à pied conservatoire ainsi que 10% de congé payé afférent, ce qui correspondrait à
05:40 environ 13 jours ouvrés.
05:41 Elle a touché aussi 162 500 euros d'indemnité de préavis et 10% de congé payé afférent,
05:49 ce qui ferait pour 3 mois 54 166 euros et on retombe bien sur les 650 000 euros de salaire
05:56 annuel en fois 12.
05:57 Elle a aussi touché 138 356 euros d'indemnité de licenciement et donc 2 550 000 euros d'indemnité
06:10 contractuelle de rupture, ce qui est une clause pénale différente de l'indemnité de licenciement,
06:17 ainsi que 510 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
06:22 Alors à ceux qui s'étonneraient que Maïtena Birabin puisse toucher à la fois l'indemnité
06:28 légale de licenciement et une indemnité de rupture, il faut savoir que ces deux indemnités
06:32 diffèrent dans leur nature, car sinon le cumul est impossible.
06:35 La clause contractuelle d'indemnité de rupture doit être considérée comme une
06:41 clause pénale, car son montant est forfaitaire et ne dépend pas de l'ancienneté au moment
06:45 du départ.
06:46 Sur la mise à pied, l'article de l'Express fait état d'une demande de 34 456 euros pour
06:56 la mise à pied, mais le résultat est de 38 456 euros, où il s'agit sans doute de 38
07:01 456 euros, somme qui correspond au résultat obtenu.
07:05 La mise à pied aurait duré du 28 juin 2016 au 18 juillet 2016, date de l'envoi de la
07:11 lettre de notification du licenciement, ce qui fait 20 jours calendaires ou 13 jours
07:18 ouvrés.
07:19 Sur la démission de Maïtena Birabin.
07:23 Le 2 juin 2016, Canal+ publie un communiqué de presse.
07:28 « Maïtena Birabin a souhaité quitter la présentation du Grand Journal à la fin de
07:32 la saison.
07:33 Son énergie et sa passion ont nourri les émissions qu'elle a animées sur les antennes
07:36 de Canal+.
07:37 Il n'est pas précisé qu'elle quittait aussi Canal+, mais la chaîne lui souhaite
07:42 « un plein succès dans ses projets ». Un employeur ne souhaite jamais un succès
07:50 dans ses projets à quelqu'un qui reste dans l'entreprise.
07:53 Cela ressemble fort à un communiqué de départ de l'entreprise.
07:56 La salariée dit qu'elle a demandé la publication d'un contre-communiqué et qu'elle n'a
08:01 reçu aucune réponse.
08:02 Si elle a les preuves des mails qu'elle a envoyés, Canal+ est mal.
08:08 L'employeur tente de déminer la situation en disant que Canal+ dit juste que Maïtena
08:13 Birabin a souhaité quitter la présentation du Grand Journal à la fin de la saison et
08:16 n'a jamais parlé de licenciement.
08:18 Un peu facile puisque l'employeur lui souhaite un plein succès dans ses projets futurs et
08:23 ne souhaite pas modifier ou amender son communiqué de presse.
08:26 On peut donc acter qu'il existe une divergence de point de vue sur l'exécution du contrat
08:30 de travail entre les deux parties et ce, un mois avant la mise à pied.
08:33 Ce communiqué est équivoque, écrit que la salariée a décidé de partir de la présentation
08:38 de l'émission, c'est sûr, voire même de Canal+.
08:41 On peut le comprendre comme ça.
08:43 La salariée dit qu'elle n'a jamais donné sa démission.
08:46 Elle dément par écrit auprès de sa direction, envoie trois mails successifs, il ne se passe
08:50 rien, on ne lui répond pas.
08:51 L'employeur a donc communiqué publiquement sur le contenu du contrat de travail de la
08:56 présentatrice et on peut comprendre du communiqué qu'elle quitte la chaîne.
09:00 L'ambiguïté du communiqué et le refus de Canal+ de publier un contre-communiqué
09:06 met en défaut la loyauté de l'employeur.
09:08 Cela peut même être perçu comme une fin de contrat à l'initiative de l'employeur.
09:14 Sur la faute grave et la loyauté du contrat.
09:17 L'employeur reproche à Maïté Nabi-Rabin d'avoir refusé de passer Michel Deniso dans
09:21 son émission pendant le festival de Cannes.
09:24 Canal+ avait décidé de ne pas y aller sauf envoyer Michel Deniso sur place.
09:28 La présentatrice dit « je refuse de passer Deniso dans mon émission ». Selon l'employeur,
09:35 les mots employés par Maïté Nabi-Rabin sont « je m'y refuse ». La seule condition
09:40 qu'elle le passe est qu'elle aussi descende à Cannes.
09:44 L'employeur parle d'une décision d'ordre économique qui impacte tout le monde.
09:47 L'employeur évoque une prise d'otage, que la presse s'en est fait le relais et
09:52 que même Pierre Lescure dit que « ça n'a pas de sens que tout Canal+ descende à Cannes
09:56 ».
09:57 Le refus d'obéissance est caractérisé, c'est de l'insubordination.
10:01 L'employeur peut sanctionner la salariée fautive et il a deux mois pour agir.
10:05 Mais pourquoi attend-il cinq semaines pour la convoquer à un entretien préalable puisqu'il
10:10 s'agit selon lui d'une faute grave ? Voilà donc un argument qui est inopérant
10:14 devant les juges.
10:15 On a juste l'impression que l'employeur cherche tout et n'importe quoi dans les
10:18 placards pour se défendre.
10:19 Après cet épisode, l'employeur reçoit un mail de cinq pages de Maïté Nabi-Rabin.
10:26 « Moi, la production de cette émission ne me convient pas.
10:29 L'émission est là pour me servir.
10:32 » L'avocat de l'employeur a raison de réagir en disant « Non, on ne s'est pas
10:35 compris.
10:36 C'est vous qui devez servir à l'émission ». Et l'employeur est dans son droit.
10:40 La raison d'être du contrat de travail d'un salarié est de remplir une mission
10:44 et pas de se servir de ce contrat pour son intérêt personnel.
10:46 Le contrat de travail a pour but de servir un intérêt collectif, celui défini par
10:50 la direction.
10:51 Mauvais point pour Maïté Nabi-Rabin.
10:54 Mais comme l'employeur n'a pas sanctionné immédiatement un tel comportement, il lui
10:58 est difficile ensuite de qualifier de faute grave.
11:00 Sur la procédure de licenciement, le 28 juin, Maïté Nabi-Rabin reçoit une convocation
11:08 avec mise à pied qu'elle considère comme incompréhensible puisque l'émission est
11:11 terminée depuis le 24 juin et qu'elle ne va pas au studio.
11:15 Selon elle, il n'y a pas de mise en danger de l'entreprise par sa présence.
11:18 Maïté Nabi-Rabin marque un point.
11:20 Il revient à l'employeur de prouver la faute grave qui n'est pas la mise en danger
11:25 de l'entreprise mais juste l'impossible maintien de la salariée.
11:29 Mais si une insubmission ou une insubordination n'a jamais mis en danger qui que ce soit,
11:35 cela reste pourtant un motif valable de faute grave et de mise à pied conservatoire.
11:39 L'employeur s'en mêle ensuite les pinceaux.
11:42 Il dit que si la salariée a été lémogée, elle ne peut se présenter à l'entretien
11:48 préalable au licenciement.
11:49 L'avocat de Canal+ a tout faux.
11:51 Déjà, la clé lémogée n'existe pas en contrat de travail.
11:53 On l'a vu dans la précédente vidéo.
11:54 Et la salariée s'est déclarée comme étant licenciée puisqu'en préavis.
11:58 Or, pendant un préavis, tout salarié doit tout de même obtempérer son employeur.
12:04 Rien n'interdit à un employeur de convoquer un salarié à deux entretiens préalables
12:08 même si le deuxième entretien a lieu pendant le préavis.
12:10 L'employeur dit que la présentatrice aurait pu demander une résiliation judiciaire ou
12:16 faire une prise d'acte de rupture.
12:18 Cependant, si Maïtena Birabin estimait avoir été licenciée, en se basant sur le communiqué
12:24 de presse, sans avoir de fautes graves à reprocher à son employeur, elle ne pouvait
12:30 prendre acte de la rupture, celle-ci ayant déjà eu lieu.
12:33 Rupture sur rupture ne vaut.
12:35 L'employeur dit qu'il a parlé de « nouvelle saison » avec Maïtena Birabin.
12:40 Elle répond qu'elle a été lémogée et que lorsqu'il la convoque à une réunion
12:44 sur l'avenir le 21 juin, elle le montre si c'est une réunion indispensable puisqu'elle
12:47 est en préavis.
12:48 Il dit qu'elle a la main.
12:51 Avoir la main, quelle main ? Si elle est en préavis, elle doit venir à toute convocation
12:56 de l'employeur.
12:57 Ne pas aller à cette réunion est une faute.
12:59 La salariée se prétend licencier en s'appuyant entre autres sur le communiqué maladroit
13:03 de son employeur du 2 juin.
13:05 Ce communiqué pourrait avoir été interprété par les juges comme étant une lettre de licenciement
13:09 ou une modification du contrat de travail suffisant pour entraîner la rupture de ce
13:12 dernier.
13:13 Si vous avez des questions sur l'analyse de cette affaire, utilisez les commentaires
13:20 sous cette vidéo et si vous avez des questions de droit du travail, passez par le forum du
13:25 site lelicenciement.fr
13:26 Merci.
13:27 Au revoir.
13:27 [SILENCE]

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