Mort de Nahel : le spectre des émeutes de 2005

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00:00 Après la mort de Naël, de nombreux quartiers se sont embrasés encore cette nuit pour la troisième nuit consécutive.
00:08 Donc avec des forces de l'ordre mises en difficulté, même si le ministère de l'Intérieur avait musclé son dispositif jeudi
00:18 en quadruplant le nombre de policiers et de gendarmes.
00:22 Pour en parler, nous sommes avec Renaud Epstein en duplex. Bonjour.
00:27 - Bonjour.
00:28 - Vous êtes professeur de sociologie à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, auteur de « On est bien arrivé » au Nouvel Attila.
00:35 Il s'agit d'un tour de France des grands ensembles en carte postale.
00:38 Et puis ici même dans ce studio, Romain Huet, bonjour.
00:41 Vous êtes maître de conférence en sciences de la communication à l'Université de Rennes II.
00:45 Et on vous doit notamment le vertige de l'émeute aux presses universitaires de France.
00:50 Peut-être pourrions-nous d'ailleurs débuter par une définition de cet objet, l'émeute.
00:56 Qu'est-ce que ça recouvre ? Qu'est-ce qu'une émeute pour vous, Romain Huet ?
01:00 - Je pense que déjà, très simplement, c'est une expérience qui est collective.
01:03 Et une expérience collective de débordement, au sens où la plupart des dispositifs institutionnels
01:09 qui prévoient l'organisation de la manifestation de la colère, par exemple,
01:13 sont encadrés par des dispositifs policiers, par des trajets, etc.
01:17 Et que l'émeute, justement, vient dérégler, vient déranger ces dispositifs.
01:21 Et donc, c'est une expérience de débordement qui se traduit par des formes de violence
01:25 qui soient matérielles ou dirigées généralement à l'endroit des forces de police.
01:30 Violence qu'on caractérise souvent de faible intensité,
01:34 même si évidemment, c'est variable d'une émeute à une autre.
01:38 - Et là, justement, cette troisième nuit d'émeute, d'après ce que l'on voit,
01:44 les reportages auxquels on est confrontés, Romain Huet,
01:47 est-ce que vous diriez qu'il s'agit d'émeutes de faible intensité
01:52 ou bien au contraire d'événements importants avec de nombreuses violences commises,
01:59 de nombreuses exactions ?
02:00 - Je crois que là, il se passe quelque chose historiquement qui est assez inédit.
02:04 Là, ça fait deux nuits que je reviens et j'observe justement ces émeutes.
02:09 Personnellement, je n'avais jamais vu ça, alors que j'ai pu en étudier une centaine.
02:13 Je n'ai jamais vu ça de part déjà l'intensité,
02:16 de part aussi la multiplication dans de très, très nombreuses villes,
02:21 dans de très nombreux endroits.
02:22 On voit ces formes émeutières se généraliser.
02:25 Et il semble que finalement, au fond, les appels au calme ne produisent pas véritablement d'effet.
02:31 Donc, je pense que là, on est vraiment dans une situation assez historique
02:35 où il est en train de se passer quelque chose
02:37 qu'il est encore déjà très, très difficile de penser là maintenant,
02:39 parce qu'on est un peu dans le cœur de l'événement,
02:42 avec toutes les émotions que ce genre d'événement peut créer,
02:46 notamment la mort de ce jeune.
02:48 - Tout le monde songe à 2005.
02:49 Est-ce que pour vous, la comparaison a un sens ?
02:52 Comment traiteriez-vous ce parallèle ?
02:54 - Sur la forme émeutière, on peut dire qu'il y a une comparaison à faire, évidemment.
02:58 On peut même dire qu'en 2005, les émeutes commençaient avec beaucoup moins d'intensité.
03:03 C'était beaucoup plus localisé sur quelques quartiers,
03:06 alors que là, ici, on a quelque chose de beaucoup plus étendu
03:09 et effectivement, qui rassemble beaucoup plus de monde.
03:14 Donc, j'ai l'impression que s'il y avait une comparaison à faire,
03:17 ça serait que finalement, au fond, on est dans un stade qui est beaucoup plus intense maintenant.
03:21 - Qu'est-ce que vous en pensez, Renaud Epstein ?
03:23 Vous êtes en duplex, vous êtes professeur de sociologie à Sciences Po, Saint-Germain-en-Laye.
03:28 - Alors, sur au moins les deux questions que vous m'avez posées sur la définition de l'émeute,
03:33 il faut voir, en tout cas, et ça a été une des leçons de 2005,
03:37 que la qualification même des événements est controversée.
03:43 En 2005, il y a eu de vraies querelles qui sont à la fois sémantiques et interprétatives,
03:48 à savoir, est-ce qu'on parle d'émeute, de révolte, de violence urbaine ?
03:52 Alors, ce ne sont que des mots, mais derrière les mots,
03:54 ce n'est pas le même regard sur ce qui est en train de se passer,
03:57 notamment sur la légitimité des événements
04:01 et de savoir si finalement, il y a une dimension politique,
04:04 la notion de révolte pouvant renvoyer à cette dimension et donc une forme de légitimité.
04:08 - Légitimité où, et où, pardonnez-moi, je vous coupe comme vous êtes en duplex, Renaud Epstein,
04:13 légitimité et/ou rationalité ?
04:15 Parce que c'est souvent aussi la question qu'on se pose,
04:18 est-ce que ça vise un but, est-ce que ça n'en vise pas, est-ce que c'est purement nihiliste ?
04:22 Ce sont ces questions-là qui sont posées à l'émeute, Renaud Epstein.
04:25 - Tout à fait, et derrière la qualification, effectivement, si on parle de violence urbaine,
04:30 on a du mal à saisir une forme de rationalité, si ce n'est la satisfaction nihiliste,
04:37 d'un goût pour le feu.
04:38 Si on parle de révolte, on en revient derrière ça,
04:41 la dimension proprement politique de l'événement.
04:45 Maintenant, sur la deuxième question que vous posiez, Romain Huet, à savoir,
04:49 est-ce qu'il n'y a pas des parallèles à faire avec 2005 ?
04:51 D'abord, la première question, c'est que le parallèle s'est imposé de manière évidente à tous les acteurs.
04:56 Au bout de deux jours, deux nuits plutôt, tous les médias, tous les responsables politiques faisaient cette comparaison.
05:04 Maintenant, c'est vrai que si on regarde la dynamique de 2005 et la dynamique actuelle,
05:10 il y a des limites évidentes dans la comparaison, pour le moment.
05:12 Attendons de voir ce qui va se passer dans les prochains jours,
05:14 mais notamment parce que ce qui s'est joué en 2005, c'est un mensonge d'État,
05:20 proféré au sommet de l'État par Nicolas Sarkozy, par le procureur de la République,
05:25 une non-reconnaissance de ce qui s'était passé du point de départ,
05:29 de l'étincelle, donc la mort de Zyed Benhaim ou d'Akra Horé,
05:31 alors que là, parce qu'il y a eu cette vidéo, mais là, au bout de 24 heures,
05:36 même pas, on a eu des prises de position politique du président de la République,
05:41 du ministre de l'Intérieur, qui étaient contraints de reconnaître ce qui s'était passé.
05:44 Et je pense que quand on reprend 2005, on voit bien que la dynamique de l'émeute,
05:48 c'est aussi un rapport au mensonge d'État, au premier mensonge d'État sur la mort de Zyed Benhaim ou d'Akra Horé,
05:53 puis sur ce qui a véritablement lancé l'explosion nationale des émeutes au bout d'une grosse semaine,
05:59 à savoir l'envoi d'une grenade lacrymogène dans une mosquée à Kichi.
06:04 - Romain Ouedt ? - Oui, je pense qu'en 2005, on avait eu énormément de difficultés, en tout cas,
06:10 à penser ce qui était arrivé et notamment, en fait, à requalifier poétiquement ces émeutes.
06:16 Donc il s'agit, il est bien, de révolte, en 2005, c'était des révoltes, et ici, de façon très, très évidente,
06:21 la dimension politique, je ne sais pas comment on pourrait la nier.
06:25 Donc je pense que ça, c'est véritablement important d'essayer de remarquer que cette expression-là,
06:32 ici, qui est en train de se passer de la révolte, elle est extrêmement dirigée.
06:35 Alors la cible, elle est claire. Ici, c'est le problème de la police qui est pointé du doigt,
06:41 c'est le problème du racisme, c'est le problème, en fait, finalement, que les vies n'auraient pas la même dignité,
06:46 n'auraient pas la même valeur, n'auraient pas la même importance.
06:48 Et dans les rues, en tout cas, moi, ce que j'ai pu observer dans mes courtes observations,
06:53 c'est que de façon très, très claire, le discours lui-même, en fait, le langage lui-même est extrêmement politisé.
07:00 - Plus politisé, diriez-vous, qu'en 2005 ?
07:02 - Non, je ne peux pas comparer avec 2005 parce que, sur le coup, je n'en avais pas fait d'observation,
07:07 mais en tout cas, il y a une véritable évidence du caractère politisé,
07:14 et en tout cas, d'une colère qui est dirigée à un endroit qui est très précis.
07:17 Et si vous regardez, d'ailleurs, même les destructions matérielles de ces dernières nuits,
07:22 c'est des destructions qui sont aussi quand même assez ciblées.
07:25 - Il y a de tout, parce qu'il y a aussi, malheureusement, une bibliothèque, des écoles, enfin...
07:31 C'est quelque chose qu'on ne peut pas analyser facilement
07:36 parce qu'il y a quand même, Romain Houet, une part dans l'émeute qui est une part non contrôlée,
07:43 une part non organisée, qui peut donc donner lieu à toute forme de débordement nihiliste.
07:49 - Alors, il y a une part affective, enfin, moi, j'analyse souvent l'émeute.
07:53 - Quand je dis affective, c'est-à-dire qu'en fait, c'est une question aussi de sensation,
07:56 c'est toute une série d'affects qui vous saisissent, quoi,
08:00 et qui fait qu'effectivement, dans ces dynamiques un petit peu collectives,
08:05 il y a une espèce d'effervescence, effectivement, qui peut conduire.
08:10 Alors, je ne sais pas si c'est purement nihiliste, mais il y a quelque chose de l'ordre, plutôt, du geste.
08:16 - Vous voulez les équipements publics ?
08:18 - Oui, oui, mais il y a quelque chose de l'ordre du geste.
08:20 En fait, il faut le voir aussi, c'est un peu étonnant, et c'est vrai que moi, c'est quelque chose qui m'intriguait.
08:24 C'est la raison aussi pour laquelle j'avais étudié la question de la forme de l'émeute,
08:28 c'est qu'il y a à la fois un pouvoir d'attraction, et c'est vécu aussi comme une épreuve assez joyeuse.
08:36 Et ça peut être étonnant de le voir de cette façon-là, mais il y a quelque chose aussi d'arriver à marquer le monde.
08:41 Et quand on voit toute une série de personnes en train de s'affronter avec la police
08:47 ou d'être dans des formes de destruction, il faut bien imaginer ici que c'est une relation,
08:53 évidemment, très trésortée et problématique avec le monde, mais c'est une façon d'intervenir dans le monde.
08:57 - Renaud Epstein, votre point de vue ?
08:59 - Sur la raison pour laquelle ce qui brûle, ce sont des écoles, des mairies, des équipements publics...
09:08 - Il y a des voitures de particuliers aussi, ce qui est un problème, puisque c'est dans des quartiers populaires
09:15 où bien évidemment remplacer une voiture est un vrai problème.
09:20 - Tout à fait, mais il y a une forme de rationalité.
09:25 Qu'est-ce qui brûle ? Ce qui brûle, c'est ce qui est présent dans les quartiers.
09:30 Les groupes émeutiers, ils ne prennent pas les transports en commun ou des transports en dudel
09:35 pour aller à Issy-le-Woulineau, brûler ses news, ou dans le 7ème, pour brûler des ministères.
09:40 Ils brûlent ce qui est présent dans leurs quartiers.
09:42 Ce qui est présent dans les quartiers, c'est des équipements publics, pas énormément, mais il y en a,
09:47 et dans l'espace public, du mobilier public et des véhicules.
09:51 Ensuite, je suis quand même frappé ces derniers jours, j'ai relu une partie de ce qui s'était produit en 2005.
10:00 Il y a eu des interprétations très métaphoriques, symboliques.
10:03 Pourquoi est-ce qu'on brûle les bibliothèques ? Quel rapport à l'État derrière ça ?
10:07 Fondamentalement, ce qui brûle, c'est ce qui est accessible.
10:10 Vous êtes un groupe de jeunes émeutiers de vingtaines, vous n'allez pas aller,
10:14 même en centre-ville dans votre commune de banlieue, parce que vous n'êtes plus protégés quand vous êtes hors du quartier.
10:20 Donc vous brûlez ce qui est brûlable, directement accessible.
10:24 Et je pense qu'il ne faut pas aller chercher tellement plus loin.
10:27 Bon, mais alors évidemment, tout ce que l'on voit brûler, tous ces spectacles,
10:33 sont des spectacles à la fois de colère et qui peuvent nous emplir de tristesse,
10:38 parce que sur ces équipements collectifs, ils ont évidemment leur utilité sociale.
10:43 Est-ce que ça veut dire finalement qu'ils ne sont pas reconnus comme tels par les émeutiers ?
10:48 Est-ce que ça veut dire qu'ils font tout ce qu'ils peuvent pour essayer d'attirer l'attention médiatique sur ce qui se déroule dans ces quartiers ?
10:59 Ou bien est-ce que c'est tout simplement du nihilisme ou de la bêtise ?
11:02 Non, mais je pense que c'est... J'ai envie de dire aucune de ces trois hypothèses.
11:07 Il y a de la colère et la colère, elle se manifeste, elle s'exprime matériellement sur les objets qui sont accessibles.
11:15 Il n'y a pas de rationalité en réalité de venir attirer les médias.
11:21 Au contraire d'ailleurs, les médias dans ces périodes d'émeute sont particulièrement mal accueillis, mal venus dans les quartiers.
11:29 Il n'y a pas, non plus je pense, mais encore une fois, là on parle à chaud,
11:33 il faudra faire des enquêtes auprès des émeutiers ultérieurement.
11:39 Je ne pense pas qu'il y ait de logique revancharde contre l'école spécifiquement ou contre tel ou tel équipement.
11:47 Maintenant, les leçons aussi des travaux qui avaient été faits après les émeutes de 2005,
11:55 c'est qu'il y a à la fois un mouvement national et des dynamiques nationales qui s'opèrent
12:00 et il y a des formes émeutières qui vont prendre des formes et avoir des dynamiques spécifiques dans chaque quartier
12:08 en fonction de la nature de l'histoire, la nature des relations entre les acteurs locaux, la mairie, la police et les habitants des quartiers.
12:18 Et aussi, ça c'était un résultat très spectaculaire des travaux de Marouane Mohamed,
12:23 en fonction aussi de la dynamique des bandes propres localement.
12:28 Marouane Mohamed avait noté notamment en 2005 dans un quartier du Val-de-Marne
12:34 où tous les séponsés qui allaient avoir des émeutes, c'est le quartier qui n'a pas bougé.
12:39 Quand il cherche à comprendre pourquoi, il se rend compte que, complètement par hasard,
12:43 2-3 leaders des bandes locales avaient été mis en garde à vue ou emprisonnés,
12:49 je ne me souviens plus, quelques jours plus tôt avant le début des émeutes.
12:53 Et donc, les conditions de l'action collective dans les quartiers avaient disparu.
12:57 Donc, il faut aussi faire attention, il y a une dynamique nationale,
13:00 mais il y a aussi toute une série de dynamique locale.
13:01 Si on veut expliquer ce qui se passe dans chaque quartier,
13:04 pourquoi ça brûle, pourquoi ça ne brûle pas, qu'est-ce qui brûle, qu'est-ce qui ne brûle pas,
13:07 il y a sans doute aussi des micro-histoires locales à saisir.
13:10 - Romain Houette, le rôle des réseaux sociaux également est-il pris en compte ?
13:15 Qu'est-ce que l'on peut dire à ce sujet ?
13:17 - C'est sûr que, d'un point de vue de la coordination et de la circulation des images,
13:22 de ce qui se passe à droite et à gauche, effectivement, a un rôle important de coordination.
13:28 Moi, ce sur quoi je voudrais quand même revenir, c'est sur le fait que,
13:32 en fait, cette colère, elle était déjà là, on le sait tous.
13:34 Et d'ailleurs, je pense que, non pas qu'on pouvait prédire cet événement,
13:39 mais on savait que c'était quelque chose qui pouvait effectivement arriver.
13:41 Et ça fait, je pense, des années qu'on est en train de voir un certain nombre de mouvements sociaux
13:47 qui ont tendance justement à déborder et à prendre justement des formes émeutières.
13:50 Et comment on répond, en fait, à ce genre d'événements ?
13:52 Je n'ai pas l'impression qu'on les pense énormément.
13:54 J'ai plutôt l'impression qu'on a tendance à attendre que ça s'épuise,
13:57 attendre que les gens finissent par rentrer concrètement chez eux.
14:01 Et finalement, on passe à un autre sujet.
14:03 À un moment donné, en fait, ça ne tient plus.
14:06 Et je crois que c'est...
14:07 - Il y a eu une politique de la ville, il y a eu un certain nombre de choses de faites.
14:11 - Sur la question des violences policières, soyons clairs,
14:13 je ne suis pas sûr que la société française a été capable de réfléchir véritablement à sa police.
14:18 En tout cas, elle ne le réfléchit que de façon technique.
14:20 Je crois qu'il ne faut absolument pas la réfléchir de façon technique.
14:21 Le problème est... - Qu'est-ce qu'il faudrait faire ?
14:23 - ... absolument éclatant.
14:24 Quand on a, en fait, une police qui a tué quand même un certain nombre de jeunes cette dernière année...
14:30 - 13 personnes l'an dernier, dans des refus d'obtempérer.
14:35 - Oui, si on compare avec d'autres contextes, je pense qu'on est...
14:38 Alors, je ne vais pas parler des statistiques exactes des autres pays,
14:40 mais a priori, il y a un problème.
14:43 Il y a un problème aussi de relation, en fait,
14:44 entre la perception qu'on peut avoir de la police et la plupart des habitants.
14:50 Donc, moi, quand je dis se réfléchir, c'est se réfléchir.
14:53 Qu'est-ce que c'est que le maintien de l'ordre ?
14:55 Bien sûr, évidemment, mais pas seulement d'un point de vue technique.
14:57 C'est comment, en fait, on organise une relation qui vise justement à baisser,
15:03 à diminuer l'intensité de la violence.
15:04 Et là, on voit que la réaction, en ce moment, c'est justement, en fait,
15:07 de remonter l'intensité de la violence dans les gestions de ces manifestations.
15:13 Renaud Epstein, la politique de la ville menée depuis 2005,
15:16 est-ce que c'est une mauvaise réponse, une réponse insuffisante ?
15:19 Est-ce que c'est à côté de la plaque ?
15:22 Alors, c'est toujours compliqué parce qu'on ne parle de politique de la ville
15:26 que dans ces moments d'émeute.
15:29 Or, la politique de la ville, elle traite de tout sauf de ça.
15:32 Et s'il y a bien une limite de la politique de la ville
15:34 qui a pu être telle qu'elle a pu être menée depuis le début des années 2000,
15:38 c'est que la question policière et la question judiciaire a été laissée de côté.
15:44 Autant dans les années 80, dans les années 90,
15:47 il y avait une véritable articulation, une véritable réflexion
15:50 entre la transformation des politiques de sécurité, de prévention de l'indiquance
15:55 et d'autres dimensions du développement social, d'écarter, comme on disait à l'époque.
16:01 On voit, comme depuis le début des années 2000, et particulièrement depuis 2000-2005,
16:08 il y a eu une autonomisation totale de la question policière.
16:11 Et derrière la question policière, c'est à la fois la question du maintien de l'ordre,
16:14 mais surtout la question du quotidien, de la sécurité au quotidien.
16:20 La police s'est autonomisée de la politique de la ville.
16:22 Ce qui est encore plus effrayant, c'est qu'elle s'est autonomisée de beaucoup de changes.
16:28 Et on voit bien aussi la difficulté qu'a aujourd'hui le pouvoir politique
16:32 à envisager des formes de transformation de la police face à la pression,
16:38 non seulement des syndicats policiers, mais aussi d'un certain nombre de médias,
16:43 notamment de médias de chaîne d'info en continu et de cette presse d'extrême droite
16:47 qui prend une importance de plus en plus majeure dans le débat public,
16:51 et qui tant qui crispe, et qui oppose.
16:54 Et donc, je pense que faire aujourd'hui, comme certains sont tentés de le faire,
16:58 le procès de la politique de la ville, et à chaque émeu,
17:01 quant c'est l'échec de la politique de la ville, alors que la politique de la ville,
17:04 avec ses petits moyens, elle fait des choses, mais s'il y a bien une chose qu'elle ne fait pas,
17:08 c'est traiter de la question des discriminations,
17:11 traiter de la question des violences policières.
17:14 Voilà, donc je pense que ce n'est pas le moment aujourd'hui d'incriminer la politique de la ville.
17:18 Réfléchissons à ce qui s'est passé, réfléchissons au fonctionnement de la police,
17:22 au rapport entre la police et la population.
17:25 Je pense que c'est ça qui est aujourd'hui au cœur des événements.
17:28 - Un mot de conclusion à ce sujet, Romain Ouet ?
17:31 - Non, mais je pense qu'en fait, il ne faut pas oublier que quand on a des émeutes,
17:36 et des émeutes de ce type, et qui ont quand même une ampleur extrêmement importante,
17:40 c'est qu'elles nous signalent quelque chose, elles nous signalent un problème de société.
17:45 Donc, je ne suis pas sûr qu'on ait en train d'apprendre aujourd'hui des problèmes de racisme,
17:50 des problèmes d'injustice. Enfin, je veux dire, on ne le découvre pas.
17:54 La question c'est maintenant comment on va véritablement affronter ce type de problème.
17:58 Et là, en l'occurrence, évidemment qu'il y a à ouvrir un espace de réflexion,
18:04 mais profond en fait, sur le fonctionnement de la police,
18:06 et notamment des problèmes de relations à l'intérieur même de ces quartiers en particulier.
18:12 - On peut lire de vous, Romain Ouet, le vertige de l'émeute aux presses universitaires de France,
18:17 Renaud Epstein, on est bien arrivé.
18:21 Le Nouvel Attila, c'est le livre que vous avez consacré à ce Tour de France des grands ensembles en cartes postales.
18:28 Donc, quelques instants en parlant de cartes postales,
18:31 on va vous parler de l'été sur France Culture, ça sera dans une vingtaine de minutes.
18:35 En attendant, il est 8h.

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