SMART TECH - Emission du mardi 11 juillet

  • l’année dernière
Mardi 11 juillet 2023, SMART TECH reçoit Tariq Krim (entrepreneur et fondateur, cybernetica.fr) , Tariq Krim (fondateur, cybernetica.fr) , Florence Robin (cofondatrice et présidente, Limatech) , Estelle Prin (consultante et fondatrice, Observatoire des semi-conducteurs) et Charles Thibout (chercheur associé, IRIS)
Transcript
00:00 ...
00:07 -Opacité, influence souterraine, danger de santé publique.
00:11 Après des mois d'enquête, le rapport sénatorial sur TikTok
00:14 est sans appel.
00:16 Il réclame la suppression, la suspension du réseau social
00:20 en France et en Europe si des garanties ne sont pas apportées
00:24 d'ici le 1er janvier 2024.
00:26 On va revenir sur ce qui est reproché au réseau social.
00:29 Nous débattrons en plateau des recommandations
00:32 de ce rapport du Sénat.
00:34 D'abord, je vous propose de découvrir
00:36 une nouvelle technologie, une innovation
00:39 dans le monde des batteries, qui va permettre à l'aviation
00:42 d'être plus durable.
00:43 C'est l'interview dans Smartech.
00:45 ...
00:50 A la une de Smartech, je vous l'ai dit,
00:52 dans le sommaire, on va parler de TikTok,
00:55 du réseau social sous les feux des projecteurs,
00:58 qui a été rejeté par une commission d'enquête sénatoriale
01:01 de suspension dès le 1er janvier 2024.
01:03 Est-ce une option plausible ?
01:05 Que reproche-t-on au réseau social ?
01:07 Quelles sont les recommandations intéressantes ?
01:10 Tout ça, on va en débattre avec des experts.
01:13 D'abord, je vous propose qu'on démarre avec l'interview.
01:16 On va découvrir aujourd'hui une nouvelle batterie,
01:19 une batterie innovante pour l'industrie aéronautique,
01:22 avec Florence Robin, qui est connectée avec nous à distance.
01:25 Bonjour, Florence.
01:27 Vous êtes la cofondatrice présidente de Limatech,
01:30 dont startup industrielle,
01:32 qui nous fait cette promesse d'une transition possible
01:35 de l'aéronautique vers une industrie plus durable, finalement.
01:40 Alors, par rapport aux technologies de batterie traditionnelles,
01:44 vous nous dites que vos batteries sont trois fois plus légères,
01:47 deux fois et demi plus efficaces, elles durent aussi
01:50 deux fois et demi plus longtemps que les anciennes techno,
01:54 plomb, acide et nickel-cadmium.
01:56 Quelle est cette rupture technologique
01:59 que vous avez mise en oeuvre et qui rend cela possible ?
02:03 -On fait des batteries trois fois plus légères.
02:09 Le poids est très important dans l'aéronautique,
02:12 qui est à la chasse au gramme.
02:13 On peut faire gagner des kilos, par exemple,
02:16 25 kilos sur un hélicoptère
02:18 ou 120 kilos sur un Airbus A320, par exemple.
02:21 Maintenant, on a développé une brique technologique
02:25 dans la partie électronique de gestion de la batterie au lithium
02:30 qui nous permet d'augmenter de 150 %
02:32 la densité de puissance de nos batteries.
02:35 Par exemple, concrètement,
02:37 on arrive à faire 13 démarrages consécutifs
02:39 sans avoir à recharger la batterie entre deux démarrages,
02:42 là où une autre batterie au lithium n'en fera que cinq,
02:45 ou là où une vieille technologie de batterie n'en fera que trois.
02:49 -Là, qu'est-ce qu'on voit à l'image, à côté de vous ?
02:53 -C'est la batterie, justement.
02:54 Là, on voit le panneau d'affichage
02:56 avec le bouton "On/Off", le bouton "Réchauffeur",
02:59 les bornes "+" et "-", le connecteur et les vents.
03:02 -Donc, vous nous dites aussi qu'elles sont capables
03:05 de résister à des conditions environnementales
03:08 très extrêmes, puisque dans les avions, c'est le cas,
03:12 température, vibration,
03:13 compatibilité aussi électromagnétique.
03:17 Là, comment avez-vous travaillé sur ce sujet de la résistance ?
03:21 -Ca fait vraiment des années qu'on travaille là-dessus,
03:24 parce que dans l'aéronautique, on est sur des cycles très longs.
03:28 Par rapport à un domaine automobile,
03:30 dans l'aéronautique, il y a environ plus d'une quarantaine
03:34 de tests au niveau, alors que dans l'automobile,
03:37 il n'y a que neuf tests au niveau.
03:39 C'est ces fameux tests de vibration, choc, CEM, etc.
03:42 Nous, ça fait sept ans qu'on travaille sur le sujet,
03:45 sept ans qu'on teste la batterie de plusieurs manières différentes,
03:49 et on arrive vraiment à la fin.
03:51 Aujourd'hui, on est dans une année charnière
03:54 où on a terminé toute cette partie de test
03:56 et qu'on commence la partie production et commercialisation.
04:00 -Egalement, vous dites qu'elle est plus fiable, plus précise.
04:03 Qu'est-ce que ça veut dire ?
04:05 -Justement, ça, c'est le brevet...
04:07 On a plusieurs brevets, mais il y en a un en particulier
04:10 qui est beaucoup plus innovant, on va dire,
04:13 que tous les autres qu'on ait pu déposer,
04:15 et c'est cette fameuse brique technologique
04:18 qui nous permet à la fois d'augmenter de 150 %
04:20 la densité de puissance,
04:22 mais c'est une brique techno où on a utilisé un seuil adaptatif,
04:26 là où les autres batteries utilisent un seuil variable,
04:29 euh... fixe, pardon, un seuil fixe.
04:32 Et c'est un seuil, en fait, qui permet de couper la batterie
04:35 en cas d'événements redoutés,
04:37 qui sont l'emballement thermique,
04:39 quand la batterie monte en température.
04:41 C'est aussi pour ça qu'on fait énormément de tests,
04:44 pour être sûr qu'il n'y ait pas cette montée en température
04:47 qui peut causer des dégâts par la suite.
04:49 Donc nous, ce seuil qu'on a créé, qui est vraiment adaptatif,
04:53 à toute la durée de vie de la batterie,
04:56 nous permet d'être en sécurité et en fiabilité
04:58 vraiment sur les dix années de longueur de vie de nos batteries.
05:03 -Et pourquoi ce choix du lithium ?
05:06 -C'est un peu comme dans les autres secteurs,
05:10 c'est-à-dire l'automobile, on le voit bien,
05:13 ou même la téléphonie et les ordinateurs,
05:15 les vieilles technos, pour rappel, le plomb ni le cadmium,
05:18 qui pose des problèmes de toxicité,
05:20 puisque c'est des matières CMR,
05:22 cancérigènes, mutagènes, réprotoxiques,
05:24 on a tendance à venir changer ces vieilles technos
05:27 par du lithium, qui, intrinsèquement,
05:30 est trois fois plus légère,
05:31 qui est deux et demi fois plus long en termes de durée de vie,
05:35 qui n'a pas d'effet mémoire, etc.
05:37 Donc ça, c'est vraiment propre au lithium.
05:39 C'est une révolution qui se fait dans tous les secteurs,
05:42 pourquoi pas dans l'aéronautique.
05:44 Et ça se fait lentement,
05:46 parce qu'il y a toutes ces problématiques de certification
05:49 et à cause de ces problèmes de flammabilité, finalement.
05:53 -Et il vient d'où, ce lithium ?
05:55 On n'a pas de problématique d'approvisionnement ?
05:58 -Alors, aujourd'hui, nous, on est vraiment sur...
06:01 On s'appelle un "peak maker" ou un intégrateur.
06:04 On n'est pas des électrochimistes,
06:06 on ne fabrique pas l'accumulateur, le lithium,
06:09 donc ça, on l'achète.
06:10 Alors, aujourd'hui, c'est vrai qu'on l'achetait essentiellement
06:14 en Chine, enfin, les usines sont en Chine,
06:16 même si notre fabricant est plutôt en Europe,
06:18 mais ces usines en Chine,
06:20 donc ça pose quand même un problème
06:22 au niveau de la souveraineté,
06:24 au niveau de l'Europe ou même de la France.
06:26 Mais la France et même l'Europe ont une super réponse à ça,
06:29 ils montent plusieurs gilets à factories
06:32 de fabrication de ces accumulateurs
06:35 un peu partout en Europe.
06:37 Donc prochainement, je pense qu'on aura beaucoup plus de choix.
06:40 -Bon, et vous aussi, là,
06:42 vous êtes en phase de construction,
06:45 puisque vous ouvrez une usine,
06:47 et vous nous dites que l'objectif, à terme,
06:49 c'est quand même 2 millions de tonnes de CO2
06:52 économisées d'ici à 2030.
06:54 C'est énorme. C'est dans quel cas ?
06:56 C'est si toute l'aviation adopte votre technologie ?
07:00 -Tout.
07:01 C'est vraiment dans le cadre de notre plan stratégique.
07:06 Donc c'est en seulement 5 années de commercialisation,
07:10 ça équivaut à...
07:11 Du coup, on calcule 30 000 batteries,
07:14 donc 30 000 avions équipés, finalement.
07:18 Donc non, on n'est vraiment pas sur l'intégralité de l'aéronautique,
07:22 et on parle de toute l'aéronautique confondue.
07:24 Donc oui, on est en train de monter notre première usine
07:28 pour réussir ces objectifs de fabrication.
07:30 Donc la première usine, elle est basée à Vorep,
07:33 elle fait 1 200 m2,
07:35 et elle pourra avoir 3 lignes de production d'ici 2030
07:39 qui fonctionneront
07:40 et qui nous permettront de faire ces 30 000 batteries annuelles.
07:43 -Très bien. Avec des premiers contrats que vous avez signés,
07:47 des premiers clients, vous pouvez citer, peut-être ?
07:49 -Oui, on est très contents.
07:51 D'ailleurs, on l'a annoncé au Bourget,
07:54 donc le salon aéronautique, à Paris, il y a quelques semaines.
07:57 Donc on a signé notre premier contrat de distribution
08:00 avec un distributeur qui s'appelle OEM Services,
08:04 qui est une joint-venture entre Thalès Liebherr
08:07 et Safran, et Deal Aerospace.
08:11 -Merci beaucoup, Florence Robin, cofondatrice et présidente
08:15 de Limatech. On vous souhaite le meilleur
08:17 pour ces nouvelles batteries innovantes.
08:20 C'est notre grand débat autour de TikTok.
08:23 Après des mois d'enquête, une commission sénatoriale
08:30 a rendu son rapport sur la stratégie d'influence de TikTok.
08:35 C'est un rapport sans appel, on peut le dire.
08:37 Les conclusions ont été présentées jeudi dernier.
08:40 La France peut-elle suspendre le réseau social
08:44 et même l'Europe ? C'est ce qui est demandé,
08:46 en tout cas, dans ce rapport, si TikTok n'apporte pas
08:49 un minimum de garantie.
08:51 On va voir si c'est une éventualité plausible ou non.
08:55 On va revenir sur ce qui est reproché au réseau social
08:58 et commenter, débattre même, des recommandations
09:01 qui y sont faites.
09:03 Pour en parler, Tariq Krim est avec nous,
09:05 fondateur de Cybernetica, nouveau think tank.
09:08 On en discutera tous les deux dans une autre séquence.
09:11 Vous avez été auditionné par cette commission sénatoriale
09:14 qui a été créée à l'initiative du groupe
09:17 Les Indépendants, République et Territoire,
09:20 présidé par Michael Vallée et dont le rapporteur
09:23 était Claude Maluret. Comment ça s'est passé
09:25 de l'intérieur ? Est-ce que vous pensez, au final,
09:28 de la remise de ce rapport ? Est-elle preuve
09:31 de la réaction de l'Europe ?
09:32 On va revenir sur le plateau avec nous,
09:35 fondatrice de l'Observatoire des Semi-conducteurs.
09:38 Vous êtes consultante en intelligence économique,
09:41 spécialiste de la géopolitique de la Chine,
09:43 et plus spécialement de la politique étrangère
09:46 et des relations de rivalité systémique
09:49 avec les Etats-Unis.
09:50 Pourrez-vous nous apporter votre regard
09:52 sur cette guerre géopolitique au milieu de laquelle nous sommes,
09:56 les Européens ? Avec nous, également,
09:59 et stratégique, vos principaux thèmes de recherche.
10:02 Charles porte sur la position
10:03 des firmes transnationales numériques
10:06 dans les champs du pouvoir,
10:07 le rôle des technologies dans les relations internationales.
10:11 Vous conseillez le centre d'analyse,
10:13 de prévision et de stratégie du ministère de l'Europe
10:16 et des affaires étrangères sur ces sujets.
10:19 Première question que j'ai envie de vous poser.
10:22 En introduction, que nous dit cette commission sénatoriale ?
10:25 Il nous faut nous départir de notre naïveté
10:28 envers les risques posés aux démocraties
10:30 par les guerres hybrides des dictatures.
10:33 Tariq, sommes-nous naïfs vis-à-vis de TikTok ?
10:35 -Vis-à-vis de TikTok et des réseaux sociaux,
10:38 je pense qu'on a sous-estimé le fait qu'on était...
10:41 Au départ, on a vu ça essentiellement
10:43 comme un outil.
10:45 Et c'est vrai qu'avant qu'on utilise un téléphone mobile,
10:48 c'est-à-dire quand les réseaux sociaux étaient sur des ordinateurs,
10:52 c'était plutôt simple, agréable, même très positif.
10:55 Il y a à mon avis trois choses qu'on a sous-estimées.
10:58 La première, c'est que quand le mobile est arrivé
11:01 et quand on a eu la combinaison du mobile et des réseaux sociaux,
11:04 je ne parle pas que de TikTok, je parle de toutes les plateformes,
11:08 quelque chose a changé.
11:09 Avant, on était devant son ordinateur,
11:13 on pouvait chatter avec des amis,
11:15 avec Friendster, les débuts de Myspace et de Facebook,
11:19 et on pouvait quitter, donc on était en contrôle.
11:22 Au moment où on a un téléphone mobile,
11:24 le réseau social prend contrôle de notre vie.
11:27 -Parce qu'il est toujours avec nous.
11:29 -A cause des notifications.
11:31 -A cause de cette erreur, à mon avis, tragique d'Apple,
11:34 d'avoir mis en avant les notifications,
11:37 qui sont devenues l'outil qui permettait aux applications
11:40 de dire "j'existe",
11:42 qui ont été utilisées par les gens du marketing,
11:44 non pas pour faire des notifications intelligentes,
11:47 mais on se rappelle une époque où on n'arrivait plus à gérer ça.
11:51 Donc, c'est la première chose,
11:53 c'est que le mobile a rendu, en fait,
11:55 a eu un impact assez négatif.
11:57 On le voit aujourd'hui chez les jeunes adultes,
12:00 chez les adolescentes, surtout, on se rend compte
12:03 qu'à partir de 2015, le mobile a complètement détruit
12:06 le psyché des utilisateurs.
12:08 Il ne faut pas oublier que...
12:10 -On a manqué de vigilance,
12:12 mais est-ce qu'on a été naïf en particulier vis-à-vis de TikTok ?
12:15 Est-ce qu'on l'est encore, aujourd'hui ?
12:18 -Alors, 2014, 2015, 2016,
12:21 c'est le début de l'utilisation des réseaux sociaux
12:24 à des fins géopolitiques.
12:25 D'ailleurs, tout avait été écrit par Gerasimov,
12:28 qui a fait la fameuse doctrine Gerasimov,
12:31 qui est une doctrine de guerre hybride,
12:33 qui est utilisée aujourd'hui avec Wagner
12:35 contre les forces françaises en Afrique,
12:38 qui a été utilisée en Estonie, en Ukraine,
12:41 la première fois et la deuxième fois.
12:43 Et d'une certaine manière, ces outils peuvent être utilisés
12:46 dans des pays comme la France,
12:48 où on utilise à la fois de la manipulation de réseaux sociaux,
12:52 on l'a vu avec Cambridge Analytica,
12:54 ces techniques sont non seulement prouvées...
12:56 -Qu'on l'a vue, mais on n'a pas agi.
12:59 -Voilà. Le problème, c'est qu'être naïf,
13:01 je pense que tout le monde sait que ces choses se font
13:04 depuis longtemps.
13:06 On en a parlé au Sénat.
13:07 La question, c'est qu'on n'a pas fait grand-chose.
13:10 -Estelle, cette question de TikTok,
13:13 elle pose la question plus large de la France
13:17 au milieu de cette guerre entre les Etats-Unis et la Chine.
13:21 C'est là où on pêche par naïveté ?
13:23 -C'est vrai que la France et l'Europe,
13:26 plus généralement,
13:27 est prise entre deux feux, entre les Etats-Unis et la Chine,
13:30 et ces deux puissances économiques
13:33 se font une guerre technologique.
13:35 Effectivement, le patron de TikTok, par exemple,
13:38 a été auditionné aux Etats-Unis,
13:40 et cette audition avait été difficile pour lui.
13:44 Donc on voit bien qu'effectivement,
13:46 la France et l'Europe se retrouvent
13:48 un petit peu au milieu de cette guerre technologique.
13:52 Puis l'influence de TikTok, elle est partout.
13:55 Elle est en France, elle est en Europe,
13:58 elle est aux Etats-Unis et elle est en Chine, bien sûr.
14:01 -Question pour vous, Charles, toujours dans la même idée.
14:05 Est-ce qu'on est en proie à ces guerres hybrides ?
14:07 C'est une guerre cognitive, en fait,
14:10 qui serait menée par la Chine ?
14:11 -Oui, oui, tout à fait.
14:13 Mais ça a toujours été, en fait.
14:15 C'est simplement les outils qui ont changé
14:17 et la dimension du conflit qui fait qu'aujourd'hui,
14:20 tout outil technologique devient potentiellement
14:23 un outil d'opération d'influence.
14:25 Mais ce n'est pas propre à la Chine.
14:27 Les Etats-Unis ont été des leaders dans le domaine
14:30 depuis la Seconde Guerre mondiale,
14:32 avec un net accroissement de leurs capacités
14:35 pendant la guerre du Vietnam.
14:37 Et puis, il ne faut pas oublier que nous, Français,
14:40 faisons exactement la même chose,
14:42 mais on n'a pas les outils,
14:44 on n'a pas les réseaux sociaux avec nous
14:46 pour le faire de façon assez simple,
14:48 ce qui pose d'ailleurs de gros problèmes
14:51 au commandement de la cyberdéfense,
14:53 qui est obligé aujourd'hui de nouer des partenariats
14:56 un peu contre nature avec les grandes entreprises technologiques,
15:00 chinoises, pas tellement, parce que vous avez compris
15:03 que les relations étaient un peu tendues,
15:05 mais avec les GAFAM.
15:07 Et ce n'est pas du tout propre à la Chine.
15:09 Pour répondre rapidement à ce que vous avez évoqué
15:12 juste avant, je crois que le problème principal,
15:15 c'est que nos dirigeants politiques et administratifs
15:18 n'ont aucune culture numérique,
15:20 pardon pour ce lapsus.
15:22 Ils sont...
15:23 Regardez, il y a encore quelques temps,
15:26 vous aviez des ministres, un président de la République
15:29 qui s'affichaient sur TikTok,
15:31 et ça ne posait pas à priori de problème,
15:34 alors que les questions, les préoccupations
15:36 étaient déjà existantes.
15:38 Ce qui change fondamentalement,
15:40 c'est la place de la Chine sur la scène internationale.
15:43 La Chine devient de plus en plus un ennemi désigné,
15:45 alors qu'auparavant, c'était un adversaire,
15:48 à la fois un adversaire et un partenaire commercial.
15:51 -Alors, ce rapport a pour titre
15:54 "La tactique de TikTok, opacité, addiction et ombre chinoise".
15:58 C'est un bon résumé, Tariq ?
15:59 -Je crois que...
16:01 Il ne faut pas oublier aussi que TikTok a réussi à faire
16:04 ce qu'aucune entreprise européenne a fait,
16:07 c'est-à-dire s'imposer comme la plateforme média
16:10 la plus importante dans le monde occidental.
16:13 N'oublions pas que TikTok tourne sur le système d'Apple
16:16 et donc sur le système de Google.
16:18 Ce que j'ai dit au Sénat,
16:20 c'est que je ne pense pas que le problème de TikTok
16:22 soit lié à la collecte de données privées,
16:25 mais plutôt au fait que c'est une éditorialisation
16:28 gérée par un Etat étranger.
16:29 C'est une succès-historie énorme.
16:31 On parle de 12 milliards de chiffres d'affaires.
16:34 On est environ 20 milliards cette année.
16:37 C'est une cash machine.
16:38 C'est pour ça que Trump, à l'époque, a dit
16:40 "On va vous le racheter,
16:42 "on va faire une alliance contre nature."
16:44 On parlait de Walmart, de Oracle, à l'époque,
16:47 pour le récupérer.
16:49 Et en fait, d'une certaine manière,
16:52 c'est vrai que TikTok a réussi un coup magistral.
16:55 Maintenant, la question qui se pose
16:57 et qui est une question à laquelle nous n'avons pas répondu,
17:01 c'est que quand Charles parle du manque de culture technologique,
17:06 je crois aussi que nos politiques
17:09 n'ont aucune culture business technologique.
17:11 Ils n'ont pas compris les intérêts, les enjeux,
17:15 à la fois en termes commerciaux...
17:17 Je mets de côté la partie géopolitique et manipulation.
17:21 C'est ça qu'il ne faut pas oublier.
17:23 Derrière ça, on pourrait presque paraphraser
17:26 ce qu'Obama disait à propos des Européens.
17:29 "Vous voulez réguler parce que vous êtes jaloux."
17:32 On peut se dire que les Chinois ont réussi un coup magistral.
17:36 -Alors, dans le rapport,
17:39 on parle de liens cachés mais persistants
17:41 entre TikTok et la Chine.
17:44 Est-ce que, oui, quand on est une entreprise
17:47 détenue par une maison mère qui s'appelle ByteDance,
17:50 on ne peut pas échapper à un contrôle des autorités chinoises ?
17:53 -Effectivement, c'est vraiment le cas.
17:56 Le régime chinois contrôle énormément l'économie
18:00 et plus globalement la société.
18:02 Ca, c'est propre tout particulièrement
18:05 à la présidence de Xi Jinping,
18:07 qui a accentué les différents moyens,
18:10 les différents outils que le pouvoir politique
18:13 et donc le parti chinois possèdent.
18:17 Et aussi, c'est inscrit dans la loi.
18:19 Et ça, il faut le rappeler,
18:21 c'est-à-dire qu'il y a obligation
18:24 par toute entité chinoise et tous citoyens chinois,
18:28 si jamais il lui est demandé, par exemple,
18:31 des informations sur un individu en particulier,
18:35 eh bien il a obligation, par la loi chinoise,
18:38 de donner ces informations
18:41 à l'Etat et au gouvernement chinois.
18:44 -Charles Thibault,
18:45 parce que ce que répond TikTok et ByteDance,
18:48 c'est que notre siège social est aux îles Caïmans,
18:51 donc on n'est pas en Chine.
18:53 Sauf que derrière, il y a un fonds d'investissement chinois
18:57 que le fondateur est toujours très présent
18:59 et a des pouvoirs fort importants au sein de l'entreprise.
19:04 Donc oui, TikTok est intimement lié aux autorités chinoises,
19:08 selon vous, également ?
19:10 -Ah oui, sans aucun doute.
19:12 Effectivement, comme ça vient d'être dit,
19:15 il y a tout un certain nombre...
19:17 D'une part, il est lié à l'Etat chinois,
19:19 il y a des partenariats avec le ministère de la Sécurité publique
19:23 et, pour être précis, le bureau presse et propagande
19:26 de la Sécurité publique, qui sont noués avec TikTok,
19:29 notamment pour la propagande dans le pays,
19:32 mais aussi à l'extérieur du pays.
19:34 Pour rappel, le ministère de la Sécurité publique,
19:37 ce ne sont pas de joyeux lurons,
19:39 c'est le ministère qui est en charge de la lutte
19:42 contre les opposants politiques, du fichage de la population
19:46 et qui est aussi en charge, accessoirement,
19:49 de la gestion des camps de concentration,
19:51 les laogai.
19:53 C'est aussi...
19:54 Ce qu'il faut avoir bien en tête,
19:56 c'est que, comme n'importe quelle entité chinoise,
19:59 il faut le marteler, comme n'importe quelle entité chinoise,
20:02 Biden, en fait, est astreint un certain nombre d'obligations,
20:06 notamment la loi sur l'espionnage de 2017,
20:09 qui impose, effectivement, de coopérer
20:12 avec les organisations de sécurité
20:14 et notamment les services d'enseignement.
20:17 La loi sur le contre-espionnage, qui oblige à donner
20:20 les liens à ces services
20:22 et ceux que l'on soit en Chine ou hors de Chine.
20:27 Et puis, il ne faut pas oublier que chez Biden,
20:29 comme dans n'importe quelle organisation de cette taille,
20:33 vous avez un comité du Parti communiste chinois
20:36 qui est là, qui est présent et qui est chargé, en fait,
20:39 de vérifier que l'entreprise se conforme
20:41 aux lignes directrices du parti
20:43 et à l'idéologie officielle du parti.
20:46 Dans ces conditions-là, il ne faut pas se leurrer.
20:49 C'est une entreprise qui est affiliée à l'Etat.
20:51 Si on veut aller dans la nuance,
20:53 il faut comprendre que l'Etat chinois,
20:56 même s'il nous paraît comme ça, ce n'est pas un monolithe.
20:59 Il y a des fractions en lutte,
21:01 des fractions plus nationalistes et d'autres plus libérales.
21:04 C'est ce qui fait que les positions de Biden
21:07 ne sont pas toujours aussi claires.
21:09 -Je voulais qu'on avance un peu
21:11 dans ce qui est reproché à TikTok dans ce rapport.
21:14 Vous l'avez évoqué, Charles,
21:16 la question de l'extraterritorialité des données
21:19 avec une collecte de données visiblement faramineuse
21:22 sur le réseau social et très opaque,
21:24 quand on ne sait pas grand-chose.
21:26 -Oui, on pourrait dire la même chose
21:28 des plateformes américaines.
21:30 C'est l'opacité et, par définition,
21:32 le modèle d'affaires des réseaux sociaux,
21:35 mais c'est très peu.
21:36 Alors là, Facebook, c'est...
21:38 Récemment, je ne sais pas si tu as vu,
21:40 a publié des petites fiches
21:42 pour expliquer la manière dont certains de ses algorithmes
21:45 fonctionnent. C'est extraordinaire,
21:47 parce qu'on découvre des choses.
21:49 Ils ont fait un travail assez poussé,
21:52 et c'est vrai qu'effectivement...
21:54 -La différence, c'est que Facebook, par exemple,
21:56 écope d'amendes assez lourdes ces derniers temps,
21:59 jusqu'à plus d'un milliard d'euros en Europe.
22:02 TikTok est plutôt épargné jusqu'ici.
22:04 -Je pense que TikTok est passé entre les gouttes
22:07 de la régulation.
22:08 Je pense que la Commission européenne,
22:10 malheureusement, et c'est ce qui me matrice depuis des années,
22:14 elle veut copier les Etats-Unis.
22:16 On attaque Microsoft dans les années 90,
22:18 on veut interdire TikTok aux Etats-Unis,
22:21 on va commencer à parler de ça.
22:23 Et donc, ce qu'il faut bien comprendre,
22:25 c'est qu'effectivement, l'une des forces de TikTok,
22:28 il y en a plusieurs, mais l'une des forces de TikTok,
22:31 c'est qu'elle ne propose qu'un type de produit,
22:34 un format, sur un type d'outil,
22:36 en fait, essentiellement le mobile,
22:38 et que comme les vidéos sont extrêmement courtes,
22:41 elles font cinq minutes,
22:43 elles sont très courtes, elles font 50 secondes,
22:46 ça veut dire que quand on est sur YouTube
22:48 et qu'on regarde une vidéo de 30 minutes,
22:51 puis une vidéo d'une heure,
22:52 parce qu'en général, elles sont assez longues,
22:55 elles ont tendance à se raccourcir depuis TikTok,
22:58 mais au départ, elles étaient assez longues,
23:01 l'algorithme ne peut analyser, par exemple,
23:03 en deux heures de consultation, on va dire que 10 vidéos
23:07 sur YouTube, quand il en a réalisé
23:09 presque une centaine, voire 150 sur TikTok.
23:12 Donc, très rapidement, voir les vidéos
23:14 qui nous intéressent permet à l'outil d'IA,
23:17 qui va nous présenter les prochaines vidéos,
23:19 d'être plus fin, mais autre chose qui est fascinant,
23:22 c'est que quand on n'aime pas quelque chose,
23:25 on lève le pouce et on fait monter la vidéo,
23:28 et donc, instantanément, on est capable de dire à TikTok,
23:31 "ça, j'aime pas, ça m'intéresse pas."
23:33 Donc, les outils, les données d'affinage de l'algorithme
23:37 sont tellement précises, et puis après,
23:39 sur une cible de très jeunes, en général,
23:42 des gens hyper réactifs.
23:43 La combinaison de ces trois choses...
23:45 -63 % des Français de 12 ans sont sur TikTok.
23:49 -Aux Etats-Unis. -C'est censé être interdit
23:51 aux moins de 13 ans. -Oui, ça, c'est sûr.
23:54 Mais aux Etats-Unis, il y a des adolescents
23:56 et des jeunes adultes qui préfèrent garder TikTok
23:59 que Netflix, Amazon Prime et les autres services de streaming.
24:03 On est sur un produit ultra-addictif
24:05 qui pose la question de la direction éditoriale,
24:08 et on en parlera après. -Il suffit de 40 minutes
24:10 pour être exposé à de fausses informations sur TikTok.
24:14 90 % des contenus de désinformation
24:17 passent entre les mailles du filet de TikTok,
24:20 alors qu'on est sur 20 % pour Facebook.
24:22 On a aussi un gros m de désinformation.
24:24 Quand on met tout ça sur la table, Estelle,
24:27 ça veut dire qu'on entre, nous aussi,
24:29 ça y est, la France, l'Europe,
24:31 dans une guerre contre la Chine ?
24:33 -Alors, une guerre... -On passe une étape ?
24:35 -Oui, peut-être. TikTok, c'est vraiment lié à la France,
24:39 mais c'est vrai que, dernièrement,
24:41 c'est aussi l'épidémie et la pandémie de Covid-19
24:45 qui a beaucoup modifié le regard des Européens
24:47 et des membres de l'Union européenne sur la Chine.
24:50 Donc là, il y a vraiment eu un changement radical,
24:54 et c'est vrai qu'aujourd'hui, la politique de l'Union européenne
24:58 est en train de changer vis-à-vis de la Chine.
25:00 Il y avait des choses qui étaient en préparation
25:03 avant le Covid-19, par exemple,
25:05 un accord éventuel sur les investissements,
25:09 et ça a été gelé, voilà, après le Covid-19.
25:14 Il s'est complètement, maintenant, laissé de côté,
25:16 et les décisions qui sont prises par l'Union européenne,
25:19 c'est plutôt d'essayer de se protéger
25:22 contre l'arrivée de produits chinois.
25:28 Il y a eu les panneaux solaires, précédemment,
25:30 et maintenant, c'est les véhicules électriques.
25:33 Il y a cette concurrence très importante
25:36 de la part d'entreprises chinoises,
25:39 et c'est vrai que la politique de l'Union européenne
25:42 a changé par rapport à cette situation.
25:44 -Est-ce que... -Oui.
25:45 -Je crois que c'est un point important
25:47 que j'avais rappelé au Sénat.
25:49 Dans la bataille entre les Etats-Unis et la Chine,
25:52 il y a une chose qui est très claire,
25:54 c'est que les Etats-Unis empêchent la Chine
25:56 d'exporter des produits à forte valeur ajoutée.
25:58 Cette guerre s'est focalisée là-dessus,
26:01 sur trois choses, d'abord, les bornes 5G,
26:03 Huawei et ZTE ont été interdits quasiment
26:05 dans tous les pays occidentaux.
26:07 La deuxième, c'est TikTok, qui est un produit d'export.
26:11 La troisième, on verra, il y a des discussions
26:13 sur la voiture électrique.
26:14 Mais il ne faut pas oublier que c'est aussi un succès commercial
26:18 dont la Chine a besoin, de faire travailler son élite informatique
26:22 et de lui donner les moyens de montrer qu'elle sert à quelque chose.
26:25 Et c'est vrai qu'il y a cet aspect
26:28 qui fait que la Chine a aussi besoin que TikTok marche,
26:31 c'est pour ça qu'ils sont parfois prêts à faire des concessions.
26:34 -Justement, cette question de Huawei,
26:36 je voulais la poser aussi à Charles Thibault,
26:39 parce que le Sénat se pose la question
26:41 de la nécessité de mettre à l'index TikTok,
26:44 comme on l'a fait avec Huawei,
26:46 sauf que Huawei est finalement très présent encore en France.
26:49 -Oui, tout à fait.
26:50 Je crois que Tariq pourrait en parler beaucoup mieux que moi,
26:54 mais ça me paraît extrêmement difficile, en fait,
26:57 de suspendre TikTok ou n'importe quel réseau social.
27:00 Il y a beaucoup de bluffs, en fait,
27:02 de la part de nos responsables politiques à cet égard.
27:05 Tariq le dira mieux que moi,
27:07 mais je vois deux manières, en fait,
27:09 de bannir TikTok ou n'importe quel réseau.
27:12 C'est le blocage DNS ou le blocage d'adresse IP.
27:15 Sauf que ça crée des effets de bord assez monstrueux
27:18 qui provoqueraient des remous tels que, j'imagine mal,
27:22 nos grands opérateurs dirent à l'Etat,
27:25 "Allez-y, y a aucun problème, ça va passer."
27:28 Mais là, je préférerais que nos interlocuteurs, là,
27:31 puissent préciser...
27:32 -On a bien bloqué des réseaux proches de la Russie.
27:36 -Oui, mais... -C'est pas tout à fait impossible.
27:39 -Si on veut bloquer TikTok,
27:41 c'est ce qu'ils pensent aux Etats-Unis,
27:43 on va demander à Apple et Google de leur dire de manière
27:46 administrative de sortir de l'application les App Store.
27:49 Le problème, c'est que, comme l'a dit Charles,
27:52 les politiques adorent TikTok,
27:54 c'est là où on fait de l'audience.
27:56 C'est pour ça qu'il y a un peu compliqué.
27:59 -Estelle, selon vous, ce bluff, ça peut fonctionner avec la Chine ?
28:03 -Euh...
28:04 Plus difficilement, je dirais,
28:06 parce que, bon, les relations sont pas très bonnes
28:09 entre la France et l'Union européenne, plutôt,
28:13 et la Chine, donc...
28:14 Aujourd'hui, ce qu'il faut bien avoir en tête,
28:17 aussi, et par rapport à toute décision politique,
28:20 donc ça peut être sur TikTok ou sur une autre,
28:23 c'est que la Chine, maintenant, le gouvernement chinois,
28:26 réagit et utilise des mesures de représailles économiques.
28:29 Donc ça, c'est quelque chose de nouveau, ça se voit.
28:32 -On peut s'attendre à des représailles
28:35 après une prise d'opposition ? -C'est possible.
28:37 Il y a quelques années,
28:39 le gouvernement chinois n'utilisait pas
28:43 l'outil de représailles vis-à-vis de partenaires.
28:47 Maintenant, c'est le cas.
28:48 C'est le cas vis-à-vis des Etats-Unis,
28:50 c'est le cas vis-à-vis de certains pays asiatiques.
28:54 Par exemple, dernièrement,
28:55 il y a l'exportation de deux terres rares
28:58 qui est mise sous contrôle d'exportation.
29:01 Donc, à partir du 1er août,
29:03 la Chine va limiter, si elle le souhaite,
29:07 l'exportation de gallium
29:09 et aussi d'une autre terre rare.
29:12 Et ça, c'est quelque chose de nouveau,
29:14 c'est vraiment impactant au niveau économique,
29:17 et on peut s'attendre à d'autres types de mesures
29:22 assez identiques.
29:23 Donc, les... Comment dire ?
29:25 Les rapports avec la Chine,
29:28 en tout cas, il faut s'attendre,
29:30 pour les décideurs politiques,
29:32 à ce genre de représailles très ciblées.
29:35 -Charles Thibault, on arrive à la fin de ce débat
29:38 sur cette plausible ou non suspension de TikTok.
29:41 On a vu qu'on n'y croyait pas trop.
29:44 Tout de même, tout ce qui est amené,
29:46 tout ce qui est mis sur la table
29:48 comme reproche vis-à-vis du réseau social,
29:51 on ne va pas balayer ça d'un revers de main.
29:53 Est-ce que vous avez des recommandations
29:56 qui vous sembleraient, vous, essentielles ?
29:58 -Oh là là, je me garderais bien de faire des recommandations.
30:01 Je suis surtout pas du tout compétent pour ça.
30:04 -Est-ce que vous en avez trouvé,
30:06 peut-être, dans le rapport, qui vous semble intéressante ?
30:09 -Non.
30:10 Non, pour moi, il y a, si vous voulez,
30:13 il y a un problème. Non, non, non.
30:15 Il y a un problème fondamental avec cette question,
30:18 c'est pourquoi, en France, en particulier aujourd'hui,
30:21 on s'intéresse tant aux réseaux sociaux.
30:23 On parle de TikTok, il y a une commission,
30:25 mais tous les autres sont sur la sellette.
30:28 C'est parce que vous avez, depuis notamment 2018,
30:31 avec les Gilets jaunes, des tensions séditieuses,
30:33 insurrectionnelles qui parcourent la société française
30:37 et qui, aujourd'hui, font peur aux responsables politiques.
30:40 Peut-être à raison.
30:41 Depuis ce moment-là, et ça a commencé un peu avant,
30:44 vous avez une tentative de contrôle de plus en plus assumée
30:48 de la part des responsables politiques
30:50 vis-à-vis du contenu éditorial, des modes de censure,
30:53 des grandes plateformes.
30:54 Et, à mon sens, là, on joue un jeu dangereux
30:58 parce qu'on tend insensiblement à s'aligner
31:01 avec des méthodes qu'on court habituellement
31:04 dans des Etats autoritaires.
31:05 Je ne dis pas qu'il n'y a aucun problème,
31:08 je ne dis pas non plus que nous sommes en Chine ou en Russie,
31:11 mais il y a une tendance inquiétante
31:13 et qui mériterait sans doute de prendre avec plus de précaution
31:16 ce problème et pas réagir de façon épidermique
31:19 comme on le fait trop habituellement
31:21 dans nos démocraties.
31:22 -Tariq, je te vois opiner du chef.
31:24 Un mot de conclusion ?
31:26 -Le vrai sujet sur TikTok, ce n'est pas les données personnelles,
31:29 c'est le contrôle éditorial.
31:31 Ce que la France dit, c'est ce que les Etats-Unis veulent,
31:34 c'est dire qu'on veut le contrôle éditorial de TikTok.
31:38 C'est pour ça qu'on a un organisme, l'Arkom,
31:40 qui est en charge de la régulation des réseaux sociaux,
31:43 qui se verrait bien comme régulateur.
31:45 -Comme un CSA, finalement, des réseaux sociaux.
31:48 -Exactement, et donc, effectivement, TikTok,
31:51 qui est un peu le vilain petit canard
31:53 que tout le monde montre du doigt,
31:55 parce que c'est pratique aussi,
31:57 pourrait être, je dirais, le ballon d'essai de cette stratégie.
32:01 -Merci beaucoup.
32:02 Tariq Krim, tu restes avec moi. Estelle Prin, également.
32:05 Vous restez pour la chronique de Tariq Krim.
32:08 On va remercier Charles Thibault de Liris,
32:10 qui nous a permis de mieux comprendre
32:12 où on en était sur cette question des réseaux sociaux.
32:16 On va faire une petite pause et on se retrouve
32:18 pour découvrir un nouveau "Think Tank".
32:20 (Générique)
32:22 ---
32:26 C'est la deuxième partie de "Smartech" qui démarre.
32:29 On va découvrir avec Tariq Krim un nouveau "Think Tank".
32:32 Merci beaucoup, Tariq, de lancer Cybernetica
32:35 aujourd'hui même, le jour de ta venue en plateau dans "Smartech".
32:38 Alors, tu nous dis que Cybernetica,
32:41 c'est une réflexion sur cette nouvelle direction
32:45 qu'on prend vers une nouvelle ère post-Internet.
32:48 Qu'est-ce que tu appelles une ère post-Internet ?
32:51 -Alors, c'est le cybernetica.fr, il faut le préciser,
32:54 parce que c'est un site que je suis en train de lancer,
32:59 qui est à la fois un point personnel,
33:02 c'est-à-dire que ça fait maintenant 40 ans
33:04 que j'ai commencé ma première connexion sur le réseau,
33:07 et j'ai appris beaucoup de choses, j'ai vu beaucoup de choses.
33:10 Et à un moment donné, moi qui avais l'impression
33:13 que la technologie allait, je ne comprenais plus rien.
33:16 Et une des raisons pour lesquelles je ne comprenais plus rien,
33:19 c'est qu'en fait, le monde n'était plus plat
33:22 et simple à comprendre,
33:25 on n'était pas dans une logique où la technologie s'accroît sans limite.
33:29 Soudain, il y a des tensions géopolitiques,
33:32 il y a des tensions économiques, sociales.
33:35 Moi, ce qui m'a fait basculer dans cet univers,
33:38 c'est tristement les attentats du 13 novembre,
33:42 puisque je découvre que des groupes comme l'Etat islamique
33:45 utilisent les mêmes techniques que Taylor Swift
33:48 pour faire du recrutement sur les réseaux sociaux.
33:50 Je commence à découvrir, en tirant la pelote Cambridge Analytica,
33:54 l'analyse psychométrique de tous les profils sur Facebook,
33:58 que la doctrine Guérin-Massol,
34:01 le fait que désormais la guerre hybride est enterrinée.
34:04 À ce moment-là, je me réintéresse au "splinternet",
34:07 qui est l'idée que l'Internet se fragmente,
34:10 au terme de 2001, parce que la Chine, n'oublions pas,
34:13 se connecte en 1994 à l'Internet
34:15 et se déconnecte de l'Internet en 1997, trois ans après.
34:19 Et donc, en fait...
34:21 -Mouvement suivi ensuite par la Russie.
34:23 -Mouvement suivi par la Russie, mais par 35 pays.
34:26 Il y en a 35 qui sont déconnectés.
34:28 J'ai fait une keynote au FIC cette année
34:31 où j'abordais ce sujet un peu plus en détail.
34:33 Je l'ai fait aussi à l'IHEDN il y a quelques semaines.
34:37 Et donc, en fait,
34:39 avec la guerre en Ukraine,
34:40 qui est devenu le nouveau terrain de jeu,
34:43 mais aussi la guerre entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie,
34:49 où on utilise notamment des drones autonomes,
34:51 je découvre que l'Internet commercial,
34:54 que j'ai vu naître, que j'ai aimé de tout mon coeur
34:58 et sur lequel j'ai passé un temps important,
35:02 a poussé cette idéologie dans laquelle j'ai cru.
35:05 Cet Internet est en fait mort.
35:07 Il est décédé, il est maintenant fragmenté,
35:09 il est militarisé.
35:11 L'Internet de tous les jours est un Internet
35:13 sur lequel les technologies militaires sont utilisées,
35:16 que ce soit pour la bataille des réseaux sociaux
35:19 ou la bataille, tout simplement,
35:21 comme on le voit en ce moment en Ukraine.
35:23 Et nous ne sommes pas prêts mentalement.
35:25 On l'a vu avec le Covid.
35:27 Le Covid a réorganisé la géopolitique,
35:29 mais aussi réorganisé le commerce
35:31 avec la question de la souveraineté numérique,
35:34 une question que je défends depuis une vingtaine d'années.
35:37 -Avec le .fr, par exemple. -Exactement.
35:39 Avec tous les projets, les alertes pour le gouvernement,
35:42 quand j'étais au Conseil,
35:44 je me suis rendu compte qu'à un moment donné,
35:46 il fallait définir cet état de fait,
35:48 définir cette nouvelle réalité du monde.
35:51 Les taux d'intérêt sont désormais très élevés.
35:54 Le financement de la technologie va coûter beaucoup plus cher.
35:58 Il y a le problème de l'énergie.
35:59 La crise en Ukraine montre que l'énergie a pris beaucoup de...
36:03 On pense que le cloud va augmenter de 10 à 15 %,
36:06 rien qu'à cause de l'énergie.
36:07 Il y a la question de l'eau, de l'écologie.
36:10 À partir de là, on construit des data centers,
36:12 mais on n'a plus du tout les moyens de construire ça.
36:16 On a parlé de la guerre Chine-États-Unis,
36:18 qui fait que désormais, le moteur de l'économie,
36:21 les puces, se retrouve dans un petit endroit
36:24 entre Taïwan et la Chine,
36:25 qui devient le lieu de tous les dangers.
36:28 Face à ça, on a des gouvernements qui sont plutôt en décalage,
36:32 qui n'ont pas anticipé ces questions.
36:34 On a dit qu'il fallait en profiter pour réfléchir,
36:38 pas tout seul, avec un petit groupe de gens
36:41 que j'ai soigneusement contactés,
36:43 avec lesquels j'aime bien réfléchir,
36:46 et définir quelles peuvent être les stratégies,
36:49 les scénarios, dans cette nouvelle réalité de l'Internet.
36:52 -Estelle Prin, qui est avec nous,
36:55 consultante, fondatrice de l'Observatoire des Semi-conducteurs,
36:58 sera intéressée par cette initiative.
37:01 C'est également une maison d'édition.
37:03 -Qu'est-ce que tu vas éditer comme livre ?
37:05 -Des livres sur l'histoire de l'Internet.
37:08 -Oui.
37:09 -Donc, repartir du passé pour comprendre
37:12 où on en est aujourd'hui ?
37:13 -J'aime bien dire qu'on est tout le temps dans le passé.
37:16 On l'a vu, le passé, le présent et le futur.
37:19 Sans comprendre le passé, on ne peut pas comprendre le présent.
37:22 On ne peut pas anticiper le futur.
37:24 C'était Orwell qui disait
37:26 "Celui qui contrôle le présent contrôle le futur."
37:29 Et surtout, je pense qu'après 15 ans,
37:33 de réseaux sociaux, j'en avais un peu marre de me diluer.
37:36 On publie tous les jours ensemble des choses sur les réseaux sociaux.
37:39 Le lendemain, on ne sait plus ce qu'on a dit.
37:42 On a une somme de connaissances qu'on a diluées.
37:45 L'année dernière, j'avais commencé à faire une newsletter.
37:48 Une newsletter un peu plus longue, comme des petits essais.
37:51 Un certain Elon Musk a acheté Twitter
37:54 et a fermé le site de newsletter que j'utilisais,
37:57 Review, qui était affilié à Twitter.
37:59 C'était aussi pour ça que je l'avais pris par simplicité.
38:03 Je me suis dit que plutôt que de faire une newsletter,
38:06 je vais écrire des essais.
38:08 Je vais aussi ouvrir mes 40 ans d'archives,
38:10 car j'ai une collection assez dingue de choses,
38:13 des débuts des années 80, des débuts des BBS,
38:16 de la guerre froide, de l'espionnage numérique, de la NSA.
38:19 J'ai des documents qui datent de cette grande période.
38:23 Et les remettre en perspective avec le cloud souverain,
38:26 les nouvelles guerres technologiques,
38:28 le futur de la guerre autonome, de l'IA.
38:30 L'autonomie cognitive, on en avait parlé.
38:33 -Tu vas profiter de l'été pour compiler tout ça ?
38:36 -Ca va être un travail plus long.
38:38 J'avais décidé à un moment donné de remettre ça en forme
38:41 et d'utiliser l'écriture.
38:43 Je précise, sans JLPT.
38:45 -Il faudra le préciser.
38:48 Merci beaucoup, Tarek Sim.
38:49 On suivra cette initiative cybernetica.fr ensemble.
38:53 Merci beaucoup, Estelle Prin.
38:54 On va regarder Oval Web.
38:57 ...
38:59 -Bismart.
39:00 -Eva va nous parler d'une certification universitaire
39:04 qui est désormais délivrée sous forme de NFT.
39:07 -Des diplômes en NFT,
39:09 c'est le pari de l'université Paris-Dauphine.
39:12 Elle remet cette année aux étudiants du cursus
39:15 blockchain finance décentralisée leur certificat de formation
39:19 sous forme de jetons non fongibles.
39:22 Un jeton qui leur garantit deux choses,
39:24 une preuve d'existence unique de la certification
39:27 et surtout non piratable.
39:30 Ce certificat, l'université l'a nommé Nifty Dauphine.
39:34 Comme un diplôme classique, il met en valeur les compétences,
39:37 les connaissances et les réalisations de chaque étudiant.
39:40 Pour l'université, ce NFT est avant tout symbolique,
39:44 mais il pourrait intégrer progressivement des avantages,
39:47 des accès à des conférences, par exemple.
39:50 Il n'est donc délivré pour le moment qu'à une seule classe,
39:53 mais encore une fois, il pourrait s'étendre demain à tous les diplômes.
39:57 Le directeur de la filière semble convaincu
40:00 que l'ensemble des diplômes et relevés de notes
40:02 seront bientôt sur la blockchain.
40:04 L'université Paris-Dauphine confirme ici et aujourd'hui
40:08 son intérêt pour le Web3.
40:10 C'était déjà la première université française
40:12 à avoir lancé une formation continue en finance décentralisée.
40:16 Le drop des 26 NFT Nifty Dauphine a eu lieu le 6 juillet.
40:21 La remise physique des diplômes aura elle aussi tout de même bien lieu
40:25 le 22 novembre prochain.
40:27 -C'était Smartech. C'est passé très vite.
40:29 Merci à tous de nous suivre tous les jours.
40:32 Estelle Prin, merci pour vos éclairages,
40:34 consultante fondatrice de l'Observatoire des Semi-conducteurs.
40:38 Merci à Tariq, pionnier du Web, qui vient de lancer une nouvelle initiative.
40:42 On se retrouve dès demain.
40:44 La discussion sur la tech continue dans Smartech sur Bsmart.
40:48 ...

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