Le ministre de la justice répond à toutes les questions de Amandine Bégot.
Regardez L'invité de RTL du 29 août 2023 avec Amandine Bégot.
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00:02 RTL matin
00:06 RTL 7h44, excellente journée à vous tous qui nous écoutez. Amandine Bégaud vous recevez donc ce matin
00:11 le garde des Sceaux, ministre de la justice Éric Dupond-Moretti.
00:14 Éric Dupond-Moretti, vous étiez donc je le disais hier à Aurillac après le saccage samedi du tribunal en marge d'une manifestation
00:20 féministe et vous y avez dénoncé l'acte de crétins décérébrés, ce sont vos mots, qui sont ces crétins décérébrés ?
00:27 On va les identifier.
00:29 Mais enfin les actions qui ont été conduites, qui sont des saccages, il faut pas avoir peur des mots,
00:35 démontrent à l'évidence que
00:38 ce sont des crétins décérébrés.
00:40 Il n'y a aucune interpellation à ce stade ?
00:42 Non, mais les enquêtes sont en cours. Qu'est ce que vous voulez que je vous dise ? Que ce sont des philosophes des lumières ?
00:46 Si vous n'êtes pas content de l'état du droit, si vous souhaitez que les femmes puissent se promener
00:51 seins nus dans les rues.
00:53 Est-ce qu'il était l'objet de la manifestation ?
00:55 Est-ce qu'il était l'objet de la manifestation ? Faites d'abord une manif, pacifique,
00:58 faites une pétition, allez voir votre député, participez aux élections, c'est ça la vie démocratique.
01:03 Mais vous n'allez pas saccager une juridiction.
01:07 C'est désolant, j'ai vu les personnels, les larmes aux yeux.
01:10 Imaginez madame que on saccage votre bureau, vous vous y tenez, votre bureau c'est un lieu de vie, c'est un lieu de travail.
01:17 Moi j'ai vu tous les personnels, les larmes aux yeux, c'est effrayant. Et qui est-ce qui paye tout ça ?
01:24 C'est le justiciable.
01:26 - 250 000 euros de dégâts, vous avez vu ? - 250 000 euros de dégâts.
01:29 - Ça représente quoi ? - Des ordinateurs fracassés,
01:31 le lieu d'accueil, ce qu'on appelle le soj, le premier contact de justiciable avec la justice,
01:37 complètement fracassé, brûlé. Il s'en est fallu de quelques minutes
01:41 que le tribunal ne soit complètement incendié.
01:45 Aucune cause
01:47 ne justifie cela.
01:49 C'est pour ça que je me suis exprimé avec des mots forts, parce qu'il y a une petite musique qui devient insupportable
01:53 dans notre pays, c'est celle de la désobéissance civile.
01:56 Vous n'êtes pas content, les méga bassines,
01:59 allez les fracasser. Et puis au passage, n'oubliez pas d'incendier un camion de gendarmerie.
02:04 Vous avez une revendication écolo, allez dans un musée, saccagez une œuvre d'air, mais allons-y.
02:09 Or la nation,
02:12 et le faire nation, c'est d'abord le respect de la loi commune.
02:16 Donc oui, moi je suis atterré, j'avais vu quelques photographies,
02:21 et franchement,
02:23 être sur place,
02:26 les odeurs, le verre partout, et un tribunal qui dit "on va continuer".
02:30 Il y a une audience aujourd'hui, cet après-midi,
02:33 dans des conditions que vous imaginez très difficiles.
02:36 Conseil des prud'hommes va continuer, le tribunal de commerce.
02:39 Alors au-delà du bâtimentaire, au-delà de l'argent, et moi j'ai dit d'ailleurs que le ministère de la justice serait évidemment
02:47 aux côtés des personnels pour remettre les choses en état. C'est le justiciable qui est touché. Il y a des gens qui attendent un divorce,
02:53 il y a des gens qui attendent une décision commerciale, prud'hommelle.
02:57 C'est absolument insupportable.
03:00 - Des dégâts matériels, des drapeaux français aussi ont été arrachés, c'est la justice, la république qui est visée ?
03:05 - Madame, c'est tellement incompréhensible pour moi que ne me demandez pas quelle est la logique qui actionne
03:16 les esprits de ceux qui ont fait ça. - Ce sont ceux qui manifestaient, qui ont dégradé ? - Ah ben la première chose qu'on a touché c'est le drapeau.
03:21 Puis ensuite on a mis quelques tags
03:24 qui ne disent rien.
03:27 Puis ensuite on est rentré, on a incendié, on a dégradé, on a tout fracassé.
03:30 Tout ce qui était à portée de main a été fracassé.
03:33 - Crétin décérébré, je reprends vos mots, est-ce que c'est comme ça que vous auriez qualifié aussi ceux qui s'en sont pris au bâtiment public,
03:41 au commerce, lors des émeutes qu'on a connues au début de l'été après la mort du jeune Nahel ?
03:45 - Ben écoutez, moi j'ai été très très ferme
03:47 après ces émeutes parce que je les trouve également insupportables. On a fracassé des commissariats,
03:53 des écoles. Il y a 20 lieux de justice qui ont été mis par terre.
03:59 A Nières en particulier, vous savez qu'à Nières,
04:01 l'après-midi même, on devait
04:04 mettre en place, devait avoir lieu, une audience de surendettement
04:10 pour nos compatriotes les plus modestes. Et il y a un vigile qui a failli brûler vif.
04:15 Non mais, je le redis,
04:18 à l'extrême gauche, on souffle sur les braises en disant qu'aujourd'hui tout est possible. Vous avez raison, alors
04:24 affranchissez-vous de la loi commune et faites ce qui vous passe par la tête. - C'est l'extrême gauche qui est responsable ?
04:30 - Oui bien sûr. D'ailleurs vous avez vu, moi j'ai toujours pas vu de condamnation là
04:34 du côté de l'extrême gauche sur cette question là. - Vous leur demandez ce matin à la France Insoumise de condamner ?
04:39 - Je leur demande rien du tout moi.
04:41 Madame, je pense qu'on a compris. Les choses elles sont très claires. On a fracassé des commissariats de police.
04:45 Monsieur Mélenchon n'a pas condamné.
04:48 Voilà. Et à force de dire que la police tue, que les institutions de valeur rien, en fait ce sont des gens qui veulent
04:53 foutre en l'air la République.
04:55 Mais la République c'est aussi des services publics.
04:59 Voilà. Pour nos compatriotes. - Une vingtaine de lieux de justice
05:04 prés sur cible, vous le rappelez. Et vous avez un bilan chiffré de ces dégâts ? Combien ? - 5 millions au total.
05:10 - 5 millions d'euros ? - 5 millions d'euros. - C'est colossal ? - Bien sûr que c'est colossal.
05:13 Vous imaginez ce qu'on peut faire avec ça ? - C'est des emplois de greffier, de juge, de magistrat ? - Bien sûr, de magistrat, de greffier.
05:19 C'est l'ouverture d'un point justice supplémentaire.
05:21 C'est la revalorisation de l'aide juridictionnelle, etc.
05:25 Et moi j'ai dit bien sûr qu'il fallait châtier les coupables
05:30 et qu'il fallait veiller à ce que soient exécutés les condamnations pécuniaires auxquelles ils seront soumis.
05:36 Il est normal qu'ils mettent la main à la poche. - On en est où justement des condamnations ? Combien de condamnations ?
05:41 - Sur les émeutes ? - Oui. - Alors sur les émeutes, je vais vous donner les chiffres.
05:45 Chiffres du 1er août, chiffres récents.
05:48 2107 personnes ont été jugées.
05:53 1989 ont été condamnées.
05:59 Et
06:01 1787 ont été condamnées à une peine d'emprisonnement.
06:05 - Donc une prison ferme presque systématique. - 90% des condamnés.
06:11 - Sur le profil, on est toujours sur le même profil des individus jeunes, sans casier judiciaire ou non connus des services de police ?
06:20 - On a un peu de tout. On a des jeunes, on a évidemment des moins jeunes,
06:25 on a des gens qui s'en sont pris au symbole de la République, aux établissements publics, on a des pilleurs également.
06:32 Et puis ça a été pour moi l'occasion
06:34 d'appeler les procureurs à de la fermeté. Et ils ont été au rendez-vous. Il était question de rétablir
06:40 l'ordre républicain. Et puis naturellement on a aussi rappelé ce qu'était
06:46 l'autorité parentale et comment il était impérieux qu'elle s'exerce.
06:52 - Restaurer l'ordre. On entend cette expression
06:54 depuis ces émeutes, mais beaucoup en cette rentrée. Très concrètement, Eric Dupond-Moyetti, comment on fait pour
07:00 restaurer l'ordre ? Il faut "reciviliser le pays" a dit le président de la République dans son interview au Point la semaine dernière.
07:08 Ça veut dire quoi ?
07:10 Parce que les moyens, vous les avez mis. Plus 40% pour le budget de la justice.
07:13 Les effectifs de police, ils sont là. Plus dix mille policiers et gendarmes. On fait comment ?
07:19 - Alors d'abord,
07:20 oui 40% d'augmentation du budget, ça c'est fait. Oui déjà des embauches massives de magistrats, de greffiers, de contractuels.
07:26 Puis est-ce qu'il va venir ? Il y a le texte qui a été voté en première lecture au Sénat, à l'Assemblée nationale.
07:31 Il reste une étape,
07:34 naturellement, pour
07:35 enteriner ce texte et pour qu'il entre en application. - Ce que je veux dire, c'est que j'ai l'impression que c'est pas quelque chose de palpable
07:40 "restaurer l'ordre". - Mais pardon, il faut que les choses se mettent en place.
07:44 Ce que vous évoquez, c'est peut-être le temps de la frustration citoyenne. Je l'entends.
07:49 Entre les annonces que l'on fait,
07:51 l'élaboration du texte, sa mise en oeuvre, il y a un peu de temps qui s'écoule. Il y a ce décalage là,
07:56 qui est souvent le décalage de l'impatience pour nos compatriotes. Donc il y a les moyens. Mais il n'y a pas que les moyens.
08:02 Rappelez aux parents, par exemple, j'étais très critiqué quand j'ai fait ça, mais je l'assume totalement qu'ils ont une obligation.
08:09 Qu'un gamin de 14 ans n'a rien à faire dans la rue. Je parle, madame, bien sûr, des parents qui sont en mesure
08:16 d'exercer l'autorité parentale. Il y a des parents dont on sait qu'ils sont débordés. - Et cela, il faut les aider. - Et cela, il faut
08:21 évidemment les aider, parce qu'il y a les deux volets.
08:24 Mais il faut rappeler que quand un gamin décrade, c'est les parents qui paient. - Il faut que ce soit les parents qui paient. - Mais c'est de la responsabilité
08:30 civile qui existe depuis des temps immémoriaux. Et puis il y a des infractions pénales. Ne pas s'occuper de ses enfants, ne pas
08:37 les mettre,
08:39 comme on dirait, dans les meilleures conditions éducatives,
08:43 c'est une infraction pénale. Ce n'est pas moi qui l'ai inventé, mais je veux qu'on applique ces textes. - J'ai deux petites questions encore,
08:48 Eric Dupond-Morettier, il nous reste très peu de temps. Vincent Jambrin, le maire de l'Aïlée-Rose, était assis à votre place ici hier matin sur
08:54 RTL. Les individus qui ont forcé son portail à coup de voiture-bélier et incendié sa maison
08:58 où se trouvait son épouse et ses deux enfants au début du mois de juillet
09:01 courent toujours.
09:04 L'enquête, bien sûr, est en cours. C'est long, on comprend. Mais pourquoi c'est si long ? Est-ce que ça ne participe pas, justement, à
09:10 alimenter une certaine défiance de la part de ceux qui
09:13 qui attaquent, justement ? - Madame, des gens qui procèdent avec une cagoule, il faut les identifier. Ça prend évidemment du temps.
09:21 Il y a des analyses techniques, des analyses scientifiques.
09:24 Il faut regarder les vidéos, il faut
09:26 recueillir un certain nombre de témoignages. Tout ça, ça prend du temps. Mais soyez absolument convaincus
09:32 que la justice est totalement mobilisée pour retrouver les coupables.
09:36 - Toute dernière question. La Cour de cassation a rejeté cet été les recours que vous aviez
09:40 déposés contre votre renvoi devant la Cour de justice de la République pour prise égale d'intérêt.
09:44 Est-ce que vous savez quand aura lieu ce procès ? - Non, madame. - Et vous le redoutez ? C'est la première fois, on le rappelle, qu'un ministre en exercice
09:51 va comparaître devant la CJR.
09:54 Ça va peut-être vous agacer que je vous dise ça, mais
09:57 c'est pas un peu gênant ? Ça décrédibilise pas le ministre que vous êtes de se retrouver comme ça devant une Cour de justice ?
10:04 - Madame, je suis à la tâche.
10:06 Cette procédure ne m'a jamais interdit de travailler.
10:11 Et je m'expliquerai le moment venu. Et je pense que vous serez très attentive à mes explications.
10:17 - C'est promis, on suivra ça. Merci beaucoup, monsieur le ministre.
10:20 Merci.
10:21 [SILENCE]