7 MINUTES POUR COMPRENDRE - Comment le gouvernement italien va s'organiser pour accueillir les 7000 migrants arrivés en 24h?

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Depuis le jeudi 14 septembre, plus de 7000 migrants sont arrivés en moins de 24h. Comment le gouvernement italien va-t-il s'organiser pour accueillir ces migrants? 

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00:00 [Musique]
00:04 Avec nous Stefano Montefiori, vous êtes le correspondant en France du Corriere della Sera.
00:08 Bonjour.
00:09 Bonjour et merci d'être avec nous.
00:10 François Gemenne, chercheur spécialiste des migrations, est également avec nous ce matin.
00:15 Bonjour François Gemenne, merci d'être là.
00:17 Et puis Blandine Hugonnet, l'envoyée spéciale de BFM TV à Lampedusa.
00:21 On va d'abord aller voir Blandine parce que, Blandine, vous êtes arrivée hier à Lampedusa
00:25 et vous avez assisté jusqu'à ces dernières heures à de nouvelles arrivées de bateaux,
00:30 le flot continu de bateaux à Lampedusa.
00:34 Oui, tout à fait.
00:38 Alors, le chiffre est de 560 arrivées sur la journée d'hier jusqu'à minuit,
00:43 donc des débarquements auxquels j'ai assisté hier soir.
00:46 Et puis ceux de ce matin et du reste de la nuit n'ont pas été encore décomptés, évidemment.
00:50 Mais on le voit, ce sont encore des dizaines et des dizaines de personnes
00:53 qui continuent d'arriver sur le port de Lampedusa.
00:56 Et puis après, il y a aussi toute la phase de transfert qui est lancée
01:01 avec tout un plan organisé par la Croix-Rouge et les autorités italiennes.
01:04 Alors justement, il y a une partie effectivement de ces 7000 hommes, femmes et enfants
01:08 qui sont transférés ou en cours de transfert vers la Sicile
01:12 parce que Stefano, Lampedusa est littéralement débordé.
01:15 Oui, c'est-à-dire que désormais, il y a à peu près, je crois, 7000 migrants
01:19 qui est à peu près la population des habitants de Lampedusa.
01:22 Donc c'est une situation ingérable même au point de vue de l'espace physique.
01:26 Il n'y a pas assez de place pour les migrants qui arrivent.
01:28 Que va faire l'Italie ?
01:29 Matteo Salvini, vice-premier ministre italien, dit que ces arrivées massives sont un acte de guerre.
01:36 Ce n'est pas rien, acte de guerre.
01:38 Comment les Italiens vont réagir ?
01:40 Je ne pense pas qu'on pourra faire la guerre à personne.
01:44 De toute façon, c'est une situation assez tragique et aussi imprévue
01:50 parce que de toute façon, jusqu'en juin dernier,
01:53 on pensait qu'on pouvait avoir la collaboration du gouvernement tunisien.
01:57 Et ça, c'est un élément important.
01:59 Il y a un accord de plusieurs millions d'euros qui avait été signé avec la Tunisie
02:02 pour faire baisser le nombre d'arrivées de migrants.
02:04 Ça ne marche pas.
02:05 Ça ne marche pas et c'est important de le souligner
02:07 parce que l'Union européenne était associée à cet accord.
02:10 C'est-à-dire que Giorgio Meloni s'était rendu avec la présidente de la commission européenne
02:15 Uxella von der Leyen à Tunis pour signer cet accord.
02:20 Ça montrait aussi la collaboration des autorités italiennes avec l'Europe.
02:24 Mais ça ne marche pas.
02:25 Donc ça ne marche pas.
02:26 Mais est-ce que le gouvernement italien envisage de faire intervenir,
02:29 je ne sais pas moi, la marine pour stopper les bateaux de migrants ?
02:32 C'est une possibilité que le ministre Salvini n'exclue pas.
02:36 Mais franchement, je ne crois pas qu'on arrivera à ce point-là,
02:40 même si, par exemple, Marion Maréchal,
02:42 que j'ai interviewée ce soir à Lampedusa,
02:45 elle aussi prend une opération militaire au niveau européen pour stopper les bateaux.
02:50 Mais je crois que c'est vraiment très compliqué à organiser.
02:53 En attendant, la France a décidé de renforcer la surveillance de sa frontière avec l'Italie
02:57 du côté de Menton et Vintimi.
02:59 Gérald Darmanin a convoqué une réunion d'urgence ce matin.
03:02 François Gemmene, rappelez-nous d'abord quelle est la règle
03:06 quand des migrants arrivent dans un pays de l'Union européenne désormais ?
03:10 Alors très clairement, c'est dans le premier pays européen qu'ils vont traverser
03:14 qu'ils doivent déposer leur demande d'asile.
03:17 Et ça, c'est évidemment qui crée une injustice à la fois pour les pays de première arrivée,
03:21 puisqu'ils doivent gérer toute la demande d'asile
03:24 et qu'il y a guerre de solidarité européenne sur ce sujet.
03:27 C'est également injuste, évidemment, pour les demandeurs d'asile eux-mêmes,
03:30 parce que les critères de l'asile sont très différents d'un pays à l'autre.
03:33 Il y a vraiment 27 systèmes d'asile différents dans l'Union européenne.
03:36 Et donc, selon le pays où ils arrivent,
03:38 qui est un pays qu'ils ne décident pas,
03:40 évidemment, ils ont plus ou moins de chances de recevoir l'asile.
03:43 C'est ce qu'on appelle le système de Dublin.
03:45 Et chacun convient aujourd'hui que c'est un système
03:47 qui n'est plus du tout adapté aux réalités actuelles,
03:49 mais qu'on ne parvient pas à réformer.
03:50 Mais ça veut dire, François, que ces gens-là sont arrivés à Lampedusa.
03:53 Une bonne partie d'entre eux vont aller en Sicile.
03:56 Et qu'en Sicile, ils vont s'évanouir dans la nature ?
03:59 Ça va dépendre de ce que va faire le gouvernement italien.
04:02 En principe, ils sont supposés attendre le résultat de leur demande d'asile.
04:08 Soit ils obtiennent l'asile et en ce cas-là, ils deviennent réfugiés.
04:11 Ils peuvent circuler partout dans l'Union européenne.
04:13 Soit ils sont déboutés et à ce moment-là,
04:16 l'Italie doit en principe les renvoyer chez eux.
04:18 Peut-on imaginer que tout ça va être examiné dans la mesure
04:21 où on voit bien à Lampedusa que les autorités sont débordées ?
04:25 Et que ces migrants sont dans la ville ?
04:28 De facto, ce qui va se passer, vraisemblablement,
04:30 c'est que le gouvernement italien risque de les laisser aller dans la nature,
04:33 notamment aussi pour protester contre le fait que depuis des années et des années,
04:37 le gouvernement italien est laissé seul avec lui-même
04:41 et qu'il n'y a aucune solidarité européenne sur ce dossier.
04:44 Donc, vraisemblablement, on peut imaginer que le gouvernement italien
04:47 laisse un peu ces migrants s'évanouir dans la nature.
04:50 Mathieu Croissanteau, c'est juste de dire qu'il n'y a pas de solidarité européenne
04:53 et qu'on a laissé l'Italie livrer à son propre sort ?
04:56 Oui, c'est juste. Dans les faits, il faut rappeler qu'en 2022,
04:59 quand la France présidait le Conseil de l'Union européenne,
05:01 elle avait mis en place un mécanisme volontaire de solidarité.
05:04 Mais dans "mécanisme volontaire de solidarité", il y a le mot "volontaire".
05:07 C'est-à-dire que ça permettait aux pays qui le souhaitaient
05:09 de se répartir la charge des migrants en en accueillant.
05:12 Et puis, ceux qui ne le faisaient pas s'engageaient à compenser financièrement
05:15 ceux qui le faisaient. Dans les faits, ça ne marche pas bien.
05:18 Le principe était bon, mais dans les faits, ça ne marche pas bien.
05:20 On a essayé de le faire jouer. La France, par exemple, a essayé de le faire jouer.
05:23 Vous savez, quand on a accueilli l'Ocean Viking,
05:25 ce navire qui devait accoser sur le côte italienne
05:27 et qui a accosté à Toulon il y a un an,
05:29 la France avait demandé que certains partent au Luxembourg, en Belgique ou en Allemagne.
05:33 François, une question quand même, parce qu'on est surpris par l'arrivée massive de ces bateaux.
05:36 On parlait de 120 bateaux et d'autres qui continuent d'arriver en ce moment même.
05:39 Mais pourquoi subitement on assiste à cette arrivée massive
05:43 et d'ailleurs inédite de bateaux au même moment ?
05:47 Il y a une conjonction d'explications ?
05:50 Bien sûr. Alors très vraisemblablement, c'est largement l'effet de la crise humanitaire en Libye.
05:54 Vous savez que la Libye est aujourd'hui dévastée par des inondations dévastatrices
05:58 avec un bilan humanitaire catastrophique.
06:00 Et donc on peut formuler l'hypothèse que les passeurs aient profité du chaos dans le pays
06:04 pour lancer un maximum d'embarcations à la mer
06:07 en pensant que les gardes-côtes libyens auraient l'attention occupée par autre chose
06:11 que la surveillance des côtes maritimes.
06:13 Et donc très vraisemblablement, c'est un effet d'opportunité.
06:16 Les passeurs qui opèrent depuis la Libye ont profité du chaos dans le pays
06:20 pour lancer un maximum de bateaux à la mer.
06:22 Et c'est ça qui explique évidemment cette arrivée absolument massive.
06:25 Blandine, qu'est-ce qu'ils disent les Italiens de Lampedusa ?
06:29 Comment ont-ils réagi à cette arrivée massive ?
06:32 Alors ici localement, la première réaction c'est la solidarité.
06:40 Les citoyens et les habitants de Lampedusa qui viennent donner un coup de main
06:45 aux associations, à l'église de Lampedusa pour distribuer des repas,
06:50 pour distribuer des vêtements, pour aider ceux qui arrivent
06:53 et qui n'ont littéralement plus rien.
06:56 Et puis nationalement, ce sont les autorités qui réagissent évidemment,
06:59 les différents partis politiques et Giorgia Meloni et les membres
07:03 de son gouvernement qui eux sont un peu plus durs et lancent systématiquement
07:07 le même appel, mais qui est le même de la droite ou de la gauche italienne.
07:11 C'est-à-dire quand on voit ce genre de situation à Lampedusa
07:14 qui se reproduit ici, c'est l'Europe qui est pointée du doigt
07:19 et qui est considérée comme avoir abandonné l'Italie.
07:22 Et puis juste une petite autre chose sur les habitants de Lampedusa,
07:24 beaucoup me disent qu'avec cette situation, ces 3-4 derniers jours
07:28 et ces débarquements massifs, ils ont l'impression de revivre
07:32 l'année 2011, c'est-à-dire le tout début de la crise migratoire,
07:36 au moment où il y avait les plus grosses vagues et les plus grosses arrivées
07:38 et c'est cette sensation qu'ils ont aujourd'hui.
07:40 C'est un nouveau camouflet pour l'Europe de vivre cette situation, Stefano ?
07:45 Oui, en effet, on peut dire ça, c'est un camouflet pour le gouvernement
07:49 de Giorgio Meloni aussi, parce qu'il s'est fait lire sur la promesse
07:53 qu'il y aurait un contrôle des frontières plus efficace,
07:59 mais c'est aussi un camouflet pour l'Europe, parce que de toute façon,
08:02 comme je disais tout à l'heure, l'Europe s'est associée à Giorgio Meloni.
08:07 Dans l'idée de faire un accord avec le gouvernement tunisien,
08:10 ça n'a pas marché et surtout, ça fait des années que l'Europe
08:14 reconnaît que l'Italie a été laissée seule.
08:17 J'ai entendu le président Macron, depuis des années,
08:20 admettre que l'Europe n'a fait pas assez pour l'Italie
08:24 et aujourd'hui, on est resté un peu sur le même niveau.
08:28 560 migrants qui sont arrivés, encore le compteur a été arrêté à minuit,
08:33 d'autres l'ont été ces dernières heures, c'est ce que nous disait à l'instant Blondine Nugonnet.
08:37 Merci infiniment à tous les trois.

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