• l’année dernière
Anne Fulda reçoit Jean Carrère pour son livre «Perdre» dans #HDLivres

Category

🗞
News
Transcription
00:00 - Bienvenue à l'heure des livres, Jean Carrère.
00:02 Vous êtes reporter et vous venez de publier un livre qui s'appelle "Perdre",
00:08 c'est paru aux éditions Alia.
00:10 C'est un très beau roman, en fait, avec une écriture sans fioritures, réaliste,
00:16 qu'on ne lâche pas. - Je vous remercie.
00:18 - Et c'est un livre qui lui-même a une drôle d'histoire,
00:21 parce qu'en fait vous l'avez écrit il y a dix ans. - Oui.
00:24 - Et en anglais.
00:26 Pourquoi décider aujourd'hui de lui donner une nouvelle vie en français ?
00:30 - C'est assez... pas étrange, enfin, c'est...
00:36 En fait, ce qui s'est passé, c'est que je l'ai écrit donc il y a dix ans.
00:40 J'habitais à Beyrouth et je rentrais du Cambodge,
00:44 et donc tout était très frais, tout était très frais dans mon esprit,
00:47 et j'ai écrit ce bouquin.
00:49 Ensuite, je l'ai habité à New York, et à New York, j'ai essayé de le vendre.
00:54 Le problème, c'est qu'à New York, sans agent, on ne fait rien,
00:57 donc on m'a renvoyé copie sur copie, fermé, fermé, fermé, fermé, voilà.
01:03 Et là, l'année dernière, on m'a demandé d'écrire un scénario
01:09 qui se passait au Cambodge.
01:13 Moi, j'ai accepté, je ne faisais pas grand-chose d'autre,
01:17 et je me suis dit que j'allais m'inspirer de ce livre,
01:19 que j'allais au moins le relire, voilà.
01:23 Et une amie à moi l'a lu en anglais et m'a dit
01:28 "Mais c'est stupide ce que tu fais, tu devrais vraiment le traduire
01:33 et essayer de le faire publier en France."
01:35 Et grâce à cette amie d'ailleurs, parce que c'est elle qui m'a trouvé mon éditeur, Alia,
01:43 le livre a vu le jour.
01:45 Alors, c'est facile de perdre.
01:47 Il y a une semaine, j'avais une copine, un boulot et un appart.
01:50 Et maintenant, je suis sans les trois à m'examiner dans les toilettes dégueulasses
01:53 à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge.
01:55 C'est la première phrase du livre, qui explique un peu le titre aussi.
01:59 Ce livre, dont le personnage principal s'appelle Charles Salem,
02:03 c'est un reporter de guerre, un brin désabusé,
02:07 qui se retrouve au Cambodge après quelques années au Moyen-Orient,
02:11 qui l'ont vraiment ébranlé.
02:13 On a l'impression, étant donné la véracité, la vérité qui sort de cette écriture,
02:21 que c'est un peu vous, ce reporter, ou pas du tout ?
02:24 C'est tout à fait moi.
02:27 Par contre, le texte n'est pas la vérité.
02:31 Et c'est aussi ce qui m'a attiré dans l'écriture plus romanesque,
02:38 c'était que ça faisait 8 ans, je ne sais plus combien d'années,
02:45 que j'étais comme un dingue à toujours fact-checker,
02:49 à chaque ligne, à dire "mais attendez, est-ce qu'il m'a bien dit ça ?
02:53 Est-ce que je dois retrouver mes notes ?"
02:55 Et ensuite, il fallait que j'aille sur les World Bank, sur le machin,
03:01 des trucs comme ça.
03:03 Et c'était extrêmement libérateur de pouvoir écrire sans ce garde-fou, si vous voulez.
03:14 Et donc, l'histoire, elle n'est pas vraie,
03:20 mais dans l'ensemble, tous les éléments sont vrais.
03:23 Les véridiques.
03:24 Voilà.
03:29 J'ai juste pris des libertés dans le temps,
03:34 dans les personnages, dans qui était présent à quel moment, tout ça.
03:41 Mais c'était ça qui était important.
03:43 Ça m'a permis de libérer vraiment une écriture.
03:47 - Alors vous, vous arrivez très bien à libérer cette écriture.
03:51 Vous décrivez un univers qui est assez glauque.
03:54 On croise beaucoup de jeunes filles, des prostituées.
03:57 Il y a du sang, il y a des larmes.
03:59 Vous êtes à l'aise dans cet univers ?
04:02 - Je l'étais.
04:04 - Enfin, dernière question.
04:08 Est-ce que le fait que vous ayez mis du temps à publier ce livre
04:12 est aussi dû au fait que vous avez une grand-mère qui vient de disparaître,
04:16 Hélène Carrère d'Ancausse, votre père, Emmanuel Carrère,
04:19 qui est aussi un grand écrivain,
04:20 donc d'un côté secrétaire perpétuel de l'Académie,
04:22 de l'autre un grand écrivain.
04:23 Est-ce que ça, ça peut aussi empêcher un peu d'écrire ?
04:27 - Absolument pas.
04:28 Absolument pas.
04:30 Ils m'ont toujours tous les deux encouragé à écrire.
04:35 Je ne vais pas parler de ma grand-mère aujourd'hui
04:41 parce que c'était une femme extraordinaire, on le sait tous,
04:46 mais c'est trop récent.
04:48 Je ne veux pas en parler.
04:52 Mon père, en revanche, m'a beaucoup soutenu.
04:56 Pas dans le fait qu'il ne corrigeait pas derrière moi,
05:01 il ne m'envoyait pas des éditeurs,
05:03 mais il me disait "écris".
05:06 "Si t'écris, t'écris, et t'écris plusieurs heures par jour,
05:09 et tu bosses vraiment, et tu voilà."
05:12 Et c'est tout à son honneur
05:16 parce que c'est quelqu'un, pour ceux qui ont lu ces livres,
05:21 c'est quelqu'un qui se dépeint parfois comme mesquin,
05:27 comme égoïste, comme nombriliste.
05:35 Après, je suis son fils, je ne suis pas le meilleur juge,
05:40 mais tout ce que je peux dire de mon père,
05:43 c'est que c'est un homme extrêmement généreux.
05:46 - En tout cas, c'est vraiment un beau livre,
05:49 quelle que soit la descendance, la filiation,
05:52 ce n'est pas le problème, ça s'appelle donc "Perdre",
05:54 c'est paru aux éditions Alia.
05:55 Merci Jean Carrère.
05:56 - Merci beaucoup.
05:57 ...
06:03 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org

Recommandations