Ghislain de Pierrefeu, expert IA chez Wavestone, répond aux questions d'Alexandre Le Mer. Ensemble, ils s'intéressent aux premiers licenciements de salariés en France au profit de l'intelligence artificielle.
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00:00 - On vous en parlait dès hier matin sur Europe 1, pour la première fois en France, des salariés vont être licenciés pour être remplacés par une intelligence artificielle.
00:08 - Et vous en parlez avec votre invité, Alexandre Lemaire.
00:10 Guylain de Pierrefeu est expert en intelligence artificielle chez WaveStone, cabinet de conseil en transformation et management des entreprises.
00:17 - Bonjour Guylain de Pierrefeu.
00:19 - Bonjour.
00:20 - L'annonce est donc venue d'une entreprise de veille médiatique qui s'appelle Onclusive et qui va donc licencier l'année prochaine
00:26 plus de 200 salariés, la moitié de ses effectifs, pour les remplacer par une intelligence artificielle.
00:32 Ça fait des mois déjà que des craintes s'expriment à ce sujet. Cette fois ça y est, j'ai envie de dire, la brèche en France est ouverte.
00:39 - Disons oui, c'est un premier événement du type effectivement, alors qui n'est pas surprenant parce que finalement c'est sur un domaine assez,
00:50 j'allais dire, assez simple pour l'intelligence artificielle puisqu'il s'agit d'analyser des quantités très importantes de données rapidement
00:57 et d'en faire des synthèses qui soient digestes pour le lecteur et donc c'est précisément là où les IA sont nettement supérieurs au cerveau humain.
01:07 - Alors il faut vous imaginer quand des salariés s'entendent dire, parce que c'est la justification de cette entreprise,
01:12 objectif de fiabilité. Elle dit qu'elle obtiendra ainsi de meilleurs résultats pour ses clients, qui sont d'ailleurs d'autres entreprises.
01:18 - Oui, alors en fait la fiabilité on peut l'entendre de différentes façons, parce que effectivement ça va être potentiellement plus fiable
01:25 au sens où on a moins de chances de rater certaines vieilles médias ou certaines informations parce que l'IA va être capable de scanner
01:32 une quantité d'informations phénoménales en un temps très limité, ce que ne peut pas faire l'humain, en tout cas un humain normalement constitué.
01:39 Après, fiabilité ça peut aussi vouloir dire, adapter au besoin du client, au besoin de l'entreprise.
01:45 Et c'est là où la question se pose de dire comment une IA peut personnaliser un peu les résultats en fonction de ce qu'elle connaît du client.
01:52 - Guylain de Pierrefeu, est-ce que l'IA menace l'emploi en France ?
01:56 - Alors pour moi, non. Il va menacer certaines catégories d'emplois, il ne faut pas être aveugle par rapport à ça.
02:05 - Lesquelles ?
02:06 - Alors la veille média c'est un très bon exemple, vous avez aussi toutes les fonctions de rédaction, de fiches produits, marketing,
02:15 sur les sites marchands qui sont des jobs qui sont déjà progressivement, alors pas forcément remplacés par l'intelligence artificielle.
02:22 Donc un certain nombre de boulots sur lesquels on a besoin d'analyser une quantité phénoménale d'informations, d'en faire des synthèses.
02:28 La question c'est plutôt que veut faire l'entreprise par rapport à ça, c'est-à-dire est-ce qu'elle veut libérer du temps à ses collaborateurs
02:35 pour qu'ils ne fassent pas ce boulot qu'une machine fait mieux qu'eux, mais qu'ils fassent un boulot de relation humaine,
02:40 de singularisation des réponses qu'on fait, d'adaptation et de personnalisation aux besoins du client.
02:46 Et finalement c'est ça la grande question qui se pose aujourd'hui dans la plupart des entreprises,
02:49 c'est où je mets le curseur entre des gains court terme où une machine va pouvoir faire des choses,
02:55 et des gains un peu plus long terme où je vais remettre l'humain au centre et gagner du temps pour améliorer mon service.
03:02 - Remettre l'humain au centre, c'est une question de curseur en effet.
03:05 Alors l'IA comme on dit, l'intelligence artificielle est faite des énormes progrès, on parle de deep learning,
03:10 la machine apprend de ses erreurs, on parle maintenant de réseau neuronal.
03:14 Ça veut dire quoi ? La machine imite le fonctionnement de notre cerveau ?
03:17 - Oui tout à fait. Alors elle est bien moins performante sur certains sujets, mais de la même façon qu'un bébé va analyser son environnement
03:27 et comprendre petit à petit qu'un ballon est un ballon parce qu'il aura essayé des choses,
03:30 il aura entendu son environnement dire que c'est un ballon, et à la fin il sera sûr à peu près que c'est un ballon.
03:35 De la même façon une machine va analyser des quantités d'informations phénoménales,
03:39 va être corrigée par l'humain et petit à petit va apprendre à détecter une image, un texte, etc.
03:44 Donc oui, ça fait des progrès phénoménaux, c'est-à-dire que c'est pas non plus nouveau.
03:49 - C'est pas nouveau, mais vous parlez de curseur, il faut mettre en place des garde-fous.
03:53 Je vois quand même, on a l'un des pères fondateurs de l'intelligence artificielle
03:57 qui met en garde contre ces dangers et qui quitte ainsi Google.
04:02 C'est un peu l'effet Oppenheimer, l'invention échappe à son maître, on s'inquiète pour les applications
04:07 si elles ne sont pas contrôlées de l'intelligence artificielle dans l'avenir et notamment son impact sur l'emploi.
04:12 - Oui, alors il y a deux choses différentes. Est-ce que l'IA peut nous dépasser ?
04:18 J'y crois pas beaucoup, ça reste des humains qui le font, donc après la question c'est entre quelles mains on met ces IA.
04:24 Et c'est vrai pour la question des usages malveillants qu'on peut faire des IA,
04:29 ça peut faire peur à tous les deepfakes, la désinformation de masse, etc.
04:35 Donc là on peut mettre les IA, il va falloir des garde-fous pour contrôler ça.
04:39 Et puis c'est la même chose dans une entreprise où pour une entreprise qui a juste besoin de profitabilité court terme,
04:44 on va réfléchir assez court terme en se disant comment l'IA peut supprimer des postes.
04:48 Pour une entreprise qui a une vision un peu plus long terme, on va se demander comment j'améliore mon service
04:53 en utilisant des IA pour les tâches basiques et en développant des nouvelles compétences de relations, d'empathie, etc.
05:00 - Oui, justement le ministre délégué au numérique Jean-Noël Barraud dit qu'il faut alors se préparer à ces bouleversements,
05:04 mais il affirme au contraire que cette technologie de l'intelligence artificielle va créer des emplois.
05:09 Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que de nouveaux métiers vont émerger ?
05:13 - Oui, bah en fait de la même façon que dans toutes les précédentes ruptures ou changements technologiques,
05:18 finalement il y a besoin de gens qui comprennent ces bestioles,
05:23 il y a besoin de gens qui savent les mettre en marche et les faire tomber en marche dans les entreprises,
05:27 il y a besoin de gens qui savent les expliquer.
05:30 Donc oui, ça va créer de l'emploi, c'est une certitude, notamment des emplois technologiques sur la maîtrise de ces intelligences artificielles.
05:37 Et c'est d'ailleurs un vrai challenge pour la France de ne pas voir tous ces emplois partir aux États-Unis.
05:42 - Toute la question c'est de savoir si la balance sera positive, la balance de création d'emplois.
05:46 - Oui, la question est de savoir si la balance sera positive,
05:49 et puis il y a aussi une question fondamentale de dire si finalement on arrivera à préserver des emplois,
05:56 si on arrive à former suffisamment vite les personnes, les employés, à utiliser ces intelligences artificielles.
06:03 Je pense que c'est ça le principal challenge des années à venir,
06:06 c'est comment on fait pour transformer les métiers et pas juste les détruire.
06:10 Et voilà, donc ça, ça prend du temps effectivement, et ça peut paraître un peu une montagne à escalader,
06:17 mais je pense que c'est ça le challenge, et on arrivera à avoir une balance équilibrée, en tout cas, voire positive,
06:21 si on arrive à former les gens et à prendre l'IA comme un collaborateur et pas comme un remplacement.
06:27 - Merci, merci Guylain de Pierrefeu, expert en intelligence artificielle au cabinet Wavestone. Merci à vous.