SMART SPACE - Emission du vendredi 22 septembre

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Vendredi 22 septembre 2023, SMART SPACE reçoit Stefan Barensky (rédacteur en chef, Aerospatium) , Luc Piguet (fondateur, Clearspace) et Christophe Bonnal (Expert en débris spatiaux, CNES)
Transcript
00:00 Bonjour à tous et bienvenue dans Smart Space. Au sommaire de votre émission, l'actualité
00:09 et ce tout premier échec pour le lanceur électron de la société Rocket Lab. Un échec
00:15 dont les conséquences pourraient bien être assez lourdes pour la suite du développement
00:19 de l'entreprise. On parlera aussi de la FAA qui cloue temporairement Starship au sol.
00:25 Le temps de revoir sa certification environnementale quelques mois après son premier lancement
00:33 raté. Et puis dans votre Space Talk, on va parler de ce qu'on pourrait peut-être
00:38 bien appeler le mal du siècle. Alors non pas le mal de dos comme vous connaissez souvent
00:42 l'origine de cette expression mais plutôt les débris satellitaires. De plus en plus
00:47 nombreux en orbite terrestre, ils pourraient bien s'avérer de plus en plus problématiques.
00:53 Nous allons voir ensemble les raisons de cette problématique et surtout les solutions
00:57 qu'on peut y apporter avec le CIO de Clear Space, Luc Piguet et Christophe Bonal en plateau.
01:03 Voilà pour le programme, on démarre tout de suite avec l'actualité.
01:06 Après 40 missions réussies, Rocket Lab connaît son tout premier échec. Son petit
01:16 lanceur électron a d'abord décollé avec succès de Nouvelle-Zélande mardi dernier
01:21 avant finalement de se perdre deux minutes et demie après son décollage, emportant
01:26 avec lui les deux satellites de la startup Capella Space qu'il aurait dû mettre en
01:33 orbite. Alors pas plus d'éléments pour l'instant sur la nature exacte de cette erreur,
01:39 de cette anomalie. La société américaine a déclaré travailler en étroite collaboration
01:43 évidemment avec la FAA dans le cadre de cette enquête pour déterminer les causes profondes
01:48 de l'incident. Conséquence directe de cet échec, juste après l'annonce ce mardi,
01:53 les actions de Rocket Lab USA enregistrées au Nasdaq ont baissé de plus de 15% en prémarché.
01:59 Et puis quant à sa prochaine mission, actuellement prévue avant la fin du troisième trimestre,
02:05 elle est finalement reportée à une date encore indéterminée. Rocket Lab annonce aussi
02:11 revoir ses prévisions de recettes pour le troisième trimestre dans les prochains jours.
02:15 C'est l'image de la semaine, celle d'une caméra embarquée sur l'étage supérieur
02:24 de Falcon 9. On y voit le déploiement de la dernière salve de satellites Starlink
02:30 au-dessus de la Terre. Satellites qui vont s'ajouter aux 5000 déjà en orbite autour
02:37 de la Terre. Alors on y voit aussi un tout nouveau revêtement, semblable à un miroir,
02:43 qui a pour but de réduire la visibilité des satellites depuis la Terre. Un sujet
02:48 houleux pour les astronomes professionnels et amateurs qui voient l'observation du
02:52 ciel pollué par les passages réguliers de trains de satellites. Dernière actualité,
02:58 la FAA l'a annoncé il y a quelques jours avant de tester de nouveau sa fusée Starship.
03:04 SpaceX devra repasser une certification environnementale. Voilà qui devrait peut-être clouer au sol
03:11 la fusée pour au moins 6 mois. Pour en parler avec nous, nous avons Stéphane Barinsky,
03:15 chroniqueur et analyste du secteur spatial qui a accepté de répondre à notre call
03:21 actu. Bienvenue dans ce Smart Space Stéphane Barinsky.
03:24 Merci, bonjour. Je suis aussi rédacteur en chef du magazine Aérospatial, je dois le
03:29 préciser.
03:30 Préciser, effectivement. Alors cette décision, on ne l'attendait plus. Elle fait suite au
03:35 lancement en avril dernier qui a laissé un pas de tir quasiment dévasté. Aujourd'hui,
03:42 en quoi consistera cette certification pour le grand public qui n'a peut-être pas connaissance
03:47 de ces détails-là ?
03:48 Alors en fait, c'est un peu le énième épisode des aventures réglementaires de SpaceX qui
03:53 a tendance à considérer que comme elle est une société de rupture, elle peut s'affranchir
03:57 de certaines règles. Quand elle s'est installée à Boca Chica au Texas, elle s'installe dans
04:01 une zone humide, une zone protégée et elle a obtenu une autorisation environnementale
04:06 pour lancer des Falcon 9. Et puis elle s'est mise à développer le Starship. Là, la FAA
04:11 lui a dit, ça n'est pas dans l'autorisation qu'on vous a donnée. Ils lui ont imposé
04:14 de passer une autre autorisation environnementale pour lancer quelque chose de plus gros. Il
04:17 y a eu un magnifique document qui a été rédigé par SpaceX qui détaille tous les
04:21 petits animaux, les petits poissons, les oiseaux protégés, les tortues protégées qui sont
04:26 dans la région, pour dire qu'ils ne risquent rien. Et ce document était très étrange
04:31 parce qu'il ne traitait absolument pas l'hypothèse où quelque chose irait de travers. Donc il
04:37 y a eu quelques discussions autour de ce document et finalement ils ont obtenu la certification
04:41 sur la base de ce document. Or, le lancement du 20 avril a montré que ce document était
04:46 complètement faux. Et la FAA est en procès avec des organisations environnementales
04:52 texanes qui l'accusent d'avoir donné la certification à SpaceX à la légère. Donc
04:59 quelque part, la FAA se défend d'autant plus que récemment, elle a eu des petits
05:04 soucis avec Boeing qui ont fait qu'elle est un peu soupçonnée de complaisance envers
05:08 l'industrie.
05:09 Alors, vous avez réagi assez vite sur Twitter en parlant de courage de la part de la FAA
05:15 alors que d'autres voix soupçonnent justement une décision de façade. Qu'est-ce que vous
05:19 en pensez ?
05:20 Je pense que c'est du courage parce qu'il y a une très forte pression politique pour
05:25 que la FAA laisse SpaceX jouer un peu tranquillement dans son bac à sable, peu importe les tortues,
05:32 les oiseaux, l'environnement ou même la sécurité des populations locales. SpaceX
05:38 est, comment dire, vital pour poser des américains sur la Lune avant que les chinois y retournent.
05:44 Donc pour certains, c'est ce qui doit passer en premier. D'autre part, SpaceX aujourd'hui
05:51 représente les deux tiers des satellites sur l'orbite basse. C'est ce que vous allez
05:55 traiter plus tard. Et donc quelque part, c'est une façon pour les Etats-Unis d'occuper
06:00 l'orbite basse. Chaque fois qu'on va vouloir traiter maintenant la question du trafic orbital,
06:06 on se rend obligé de se plier aux Etats-Unis grâce à SpaceX. Donc ce n'est pas quelqu'un
06:13 qu'on a envie finalement d'embêter. Alors comment expliquer finalement ce revirement
06:18 de la FAA ? D'abord, est-ce que le courage s'arrête là ? C'est-à-dire que derrière
06:26 cette certification, elle peut être acquise dans la mesure où a priori le site de lancement
06:32 ne connaîtra pas beaucoup d'évolution ? Alors le brasser a déjà commencé puisque
06:37 en dehors de l'aspect environnemental, il y a aussi la licence de lancement et la FAA
06:45 a imposé 63 conditions à SpaceX pour pouvoir obtenir sa licence pour le deuxième lancement.
06:52 Et Elon Musk a déjà dit qu'il y en a 6, ce serait pour plus tard. Ce sont les 63.
06:58 Donc déjà, il y a un brasser engagé. Et donc il y a un des aspects qui est extrêmement
07:04 problématique sur ce lanceur, c'est qu'au moment où il y a eu un problème qui aurait
07:09 dû déclencher le système d'autodestruction, le système d'autodestruction a mis 40 secondes
07:16 à se mettre en action, ce qui est extrêmement long. Et après, il a mis 52 secondes à détruire
07:22 le lanceur. Ça veut dire que pendant 92 secondes, vous avez 350 tonnes d'acier à Mach 2 qui
07:30 se baladaient sans aucun contrôle. Et ça, pour la FAA, c'est vraiment un problème.
07:34 Donc il y a plusieurs cordes à l'arc de la FAA aujourd'hui. Il y a la question environnementale
07:39 et il y a la question licence de lancement. La FAA assure ses arrières juridiquement en
07:48 disant "nous, on ne peut pas laisser faire". Maintenant, si elle reçoit des pressions
07:52 politiques, elle pourra toujours régler que elle, elle n'a fait que son métier, elle
07:57 n'a rempli que son rôle qui lui est donné par les autorités fédérales.
08:00 Et alors, quelles vont être les conséquences pour SpaceX, précisément pour le prochain
08:04 test de Starship ? Est-ce qu'on peut d'ores et déjà imaginer à quelle période on pourra
08:10 revoir voler cette fusée ?
08:12 Alors, très honnêtement, je ne voudrais pas travailler à la FAA en ce moment. Ça
08:18 doit être très très dur, justement les pressions politiques qui vont être exercées,
08:21 surtout qu'elle vient de changer de direction. Donc ça peut être assez rapide et assez
08:26 honteux. Si la FAA voulait vraiment pousser la question correctement jusqu'au bout,
08:32 elle demanderait non pas que SpaceX lui donne un document environnemental disant "oui,
08:38 je fais tout bien", mais elle pourrait demander une enquête indépendante. Et une enquête
08:42 indépendante, c'est une affaire de plusieurs années. Donc je ne pense pas que ça arrivera.
08:45 Merci beaucoup Stéphane Barinsky d'avoir répondu au collectif. Je rappelle donc, comme
08:51 vous l'avez justement précisé, que vous êtes rédacteur en chef d'Aérospatium.
08:54 On enchaîne quant à nous avec le Space Talk sur Bsmart.
08:59 Nettoyer l'espace, le sujet n'est pas nouveau, mais les technologies, elles sont
09:07 en cours d'élaboration. Pourquoi, comment et avec quels moyens économiques débarrasserons-nous
09:12 l'espace de ces satellites artificiels devenus obsolètes ? On fait le point avec nos invités
09:18 en plateau à ma droite, Christophe Bonal. Bonjour Christophe.
09:22 Bonjour.
09:23 Vous êtes directeur le plateau de Smart Space. Vous êtes expert au CNES et spécialiste
09:26 du sujet des débris spatiaux. Et puis nous avons aussi avec nous à distance Luc Piguet,
09:33 directeur et cofondateur de Clear Space qui fabrique une technologie disruptive pour capturer
09:38 des débris dans l'espace. Et vous êtes aussi, avec Clear Space, lauréat des Odo-BHF Young
09:44 Entrepreneurs Award, dont Bsmart est partenaire. Bienvenue Luc Piguet dans cette émission.
09:50 Bonjour, merci.
09:53 Alors c'est votre entreprise qui a été sélectionnée Luc par l'ESA pour effectuer une mission
09:59 test de capture de débris dans l'espace, qui porte donc le même nom que votre entreprise
10:04 puisqu'elle s'appelle Clear Space One. C'est quoi précisément cette mission ?
10:08 Alors l'objectif de la mission c'est de chercher un objet qui appartient à l'Agence spatiale
10:13 européenne en orbite, qui n'est pas contrôlable. Donc c'est un morceau si on veut du lanceur
10:17 en végas, c'est un morceau de fusée qui est en orbite depuis quelques années déjà.
10:22 Et l'objectif vraiment c'est tout d'abord de démontrer toute la chaîne de valeur dans
10:27 des orbitages dans des bris spatiales et d'adresser tous les problèmes fondamentaux qu'il faut
10:33 adresser, qu'ils soient techniques, opérationnels ou aussi juridiques derrière ce genre de
10:40 mission parce que c'est évident que pour le futur il faudra qu'on soit capable de
10:44 faire ce genre d'opération.
10:45 En quoi ça consiste ? On va vraiment attraper un des bris, peut-être que vous pouvez nous
10:49 en dire un mot aussi Christophe de cette mission ?
10:51 Oui je vous laisse ébuler.
10:52 Alors Luc, allez-y, décrivez-nous cette mission s'il vous plaît parce que c'est assez impressionnant
10:57 pour le grand public en réalité.
10:58 Voilà donc en fait ce qu'on développe c'est un espèce de drone spatial, c'est un satellite
11:04 avec beaucoup de propulsions à bord et des systèmes robotiques qui permettent d'attraper
11:09 l'objet en orbite. La difficulté c'est qu'évidemment ces objets pour être en orbite
11:13 vont très vite, ils vont à 28 000 km/h, ce qui leur permet de rester en orbite. Il
11:18 faut aller rejoindre cet objet, faire un rendez-vous avec. Donc on va s'approcher sur la même
11:23 orbite de l'objet comme ce qu'on voit à l'image maintenant. On va s'approcher lentement
11:28 puis on va effectuer une capture de l'objet en orbite. Il y a tout qui est en train de
11:33 flotter. C'est un tout petit peu comme faire du service pour une voiture au milieu d'une
11:38 autoroute, seulement que la voiture elle se déplace à 28 000 km/h dans le vide de l'espace
11:42 sans friction en microgravité où tout flotte. Donc l'exercice de capture est évidemment
11:47 assez difficile à réaliser. Une fois que la capture est faite, c'est-à-dire une fois
11:52 qu'on a pu attraper l'objet en orbite, on va le stabiliser puis le ralentir pour le
11:58 faire rentrer dans l'atmosphère terrestre en-dessus du point Memo sur le Pacifique Sud.
12:03 Donc pour démontrer ce qui s'appelle une rentrée contrôlée où on entre particulièrement
12:07 dans le sud du Pacifique parce qu'il n'y a pas de transport aérien ou d'infrastructures
12:11 au sol qui pourraient être endommagées par un objet s'il atteint l'écorce terrestre.
12:16 Le point Memo c'est le cimetière des satellites et des débris spatiaux. Alors comme une précision
12:21 sur votre mission, elle a été un tout petit peu perturbée puisqu'il y a quelques semaines
12:24 je crois votre satellite cible est entré lui-même en collision avec un autre débris
12:30 satellitaire. Alors qu'est-ce que ça change pour vous ?
12:32 Alors aujourd'hui le contrat qu'on a n'a pas changé. Aujourd'hui ce qu'on est en
12:37 train de faire évidemment c'est d'évaluer l'impact que cette collision a eu sur l'objet
12:41 qu'on va chercher. Il semble qu'il est en grande partie entier. Il a l'air d'avoir
12:48 perdu un certain nombre de flakes ou de parties mais il semble être entier. Donc ce qu'on
12:55 est en train de faire aujourd'hui c'est évaluer évidemment évaluer quelle est sa
13:00 pose, comment il bouge, est-ce qu'il est parti en rotation, quelle est son attitude
13:06 et puis déterminer quels sont les gestes de mission. Donc il y a plusieurs possibilités.
13:11 La première c'est qu'on maintienne le même objet et qu'on démontre la capture de cet
13:15 objet là. Il y a d'autres possibilités qui seraient d'attraper un autre objet pour
13:19 démontrer toute la chaîne de valeur. Mais on est encore dans une phase où on analyse
13:23 l'impact de cette collision. Une chose est sûre c'est que ce genre de collision démontre
13:29 à quel point c'est important d'éliminer les objets d'orbite, on ne peut pas les laisser
13:32 là-haut parce qu'il y a des risques de fragmentation qui génèrent des plus petits objets qu'on
13:36 ne fait pas capable de traquer sur le long terme et qui présentent des risques majeurs
13:41 pour l'automation. On y vient à ces risques que ça représente.
13:44 Christophe là par exemple on parle d'un objet qui s'appelle Vespa qui faisait 113
13:49 kilos, on ne sait pas encore aujourd'hui si c'est toujours le cas. Qu'est-ce que c'est
13:55 tout ça à l'échelle du spatial, à l'échelle de l'espace et de la Terre et de l'orbite
14:00 terrestre ? Qu'est-ce que ça représente et quel danger véritablement finalement ça
14:04 représente ? Bizarrement, il n'y a pas grand chose là-haut.
14:08 On considère qu'il y a à peu près 36 000 objets de la taille du poing. Mais l'espace
14:13 est infiniment vide. Je m'étais amusé à calculer que le volume occupé par les débris,
14:18 par les objets spatiaux rapporté au volume des orbites basses, c'est le même que deux
14:24 bouteilles de Coca-Cola perdues dans la Méditerranée. Donc si vous voulez c'est vide complètement
14:28 complètement avec trois problèmes. Premièrement donc c'est des petits shrapnels qui représentent
14:34 au total 10 000 tonnes, c'est un peu plus que la masse de la tour Eiffel, éparpillés
14:38 un peu partout et qui ont comme partie adaptée, comme l'a dit Luc, d'aller très vite,
14:43 30 000 km/h. Secondo, pendant très longtemps, un objet à 800 km, comme le Vespa là par
14:50 exemple, il est là-haut pour 200 ans. Donc je vous laisse faire le calcul, 200 ans x
14:54 30 000 km/h, ça fait énormément de distance. Ça fait que du coup la probabilité de faire
14:59 une mauvaise rencontre, la probabilité d'avoir une collision devient très élevée. C'est
15:03 paradoxal, il n'y a pas grand chose mais par contre il présente un risque de collision.
15:07 Et le troisième truc c'est quand il y a une collision, alors il y a régénération
15:12 de nouveaux débris. C'est exactement le cas qui est arrivé avec Vespa là où il
15:16 a dû être impacté par un objet relativement petit puisqu'on ne l'a pas vu arriver.
15:20 Donc il n'était pas catalogué, donc il est plus petit que 10 cm et il a régénéré,
15:25 je crois Luc tu me corriges, mais 7 ou 11 nouveaux débris catalogués. Donc il y a
15:33 cette notion de réaction en chaîne. Un objet en génère 10 ou un objet peut en générer
15:40 1000 quand on explose un gros satellite et qui eux-mêmes ne demandent qu'à régénérer.
15:45 C'est ça qu'il faut impérativement arrêter. Alors c'est une maraude qui dure depuis
15:51 longtemps en réalité, nettoyer l'espace chez l'Agence Spatiale Française. On travaille
15:56 dessus depuis très longtemps, trop longtemps. Le problème c'est qu'il y a plusieurs problèmes
16:02 là-dedans. Le premier problème est technique, ça Luc on a bien parlé. Il s'agit d'aller
16:08 capturer dans notre jargon un objet non coopératif. Non coopératif c'est-à-dire qu'il ne dit
16:14 pas où il est, donc il faut se débrouiller par nous-mêmes pour le trouver. On ne sait
16:20 pas s'il est noir sur fond blanc ou blanc sur fond noir parce qu'il a changé de couleur
16:24 etc. Il peut potentiellement être en train de tourner sur lui-même, on ne sait pas comment
16:28 l'attraper, il n'y a pas une belle poignée. Et ça c'est vraiment ça toute la complexité,
16:34 la manip de Clearspace, c'est vraiment démontrer la chaîne de faisabilité là-dessus. Ça
16:39 c'est fondamental. Par contre on a confiance, on pense réellement qu'on peut y arriver.
16:44 Après il y a des problèmes juridiques, vous n'avez le droit de toucher un objet que s'il
16:49 est à vous. Or aujourd'hui 97,5% des débris en orbite basse sont américains, russes ou
16:58 chinois. Donc c'est bien beau si l'Europe va nettoyer sa part du marché mais il faut
17:04 que le reste soit débrouillé. Comme d'habitude on est exemplaire, volontaire, un peu arrogant.
17:08 On n'a pas de projet similaire côté Russie ou Amérique ? Russie, le truc qu'ils disent
17:19 généralement c'est qu'ils n'ont pas de débris. Les débris sont de l'Union Soviétique.
17:23 Et secondo, ils se servent de ces objets pour calibrer leur télescope et leur radar. Donc
17:29 ils ont une fonction, donc ce n'est pas des débris. Si vous voulez là les discussions
17:33 commencent sont difficiles. Sans rigoler, on a abordé avec eux depuis très longtemps,
17:42 on a d'excellents collègues qui maintenant malheureusement sont bloqués, mais avec qui
17:47 on a travaillé sur ces histoires d'actifs débris homologues et qui disent vous n'en
17:51 faites pas, on sait le faire, il suffit de nous payer.
17:53 La question du financement, on va y revenir, mais comment vous faites par exemple Luc Pégué
18:00 chez Clear Space pour les identifier ces débris depuis la Terre ? C'est un vrai sujet en
18:05 développement ? Alors pour les objets qui sont traçables,
18:09 d'ailleurs pour juste rebondir sur le point de Christophe, une collision génère un
18:16 certain nombre de débris qui sont visibles depuis le sol, qu'on peut traquer avec des
18:20 radars, ou suivre avec des radars, observer avec des radars, il y a un certain grand nombre
18:24 de débris qui sont juste invisibles. Donc une grande partie de la problématique est
18:28 en fait cachée, on ne la voit pas en réalité ce qui s'est passé avec la collision de
18:32 Vespa. Donc il existe des catalogues aujourd'hui, il y a plusieurs catalogues différents, il
18:36 y a évidemment les Américains qui ont un catalogue qui est public, mais il y a d'autres
18:39 sources d'informations et après il y a des observations au radar ou des observations
18:43 avec des télescopes qui permettent de voir les objets de plus grande taille et permettent
18:47 d'avoir une position relativement précise d'où se trouve un objet, suffisamment précise
18:53 pour qu'après on puisse aller le trouver. Ça nous permet de déterminer finalement les
18:56 plans de mission pour s'assurer qu'on puisse faire le rendez-vous avec l'objet et après
19:00 de démarrer une opération de recherche dans l'espace si on veut, quand on est suffisamment
19:06 proche de l'objet pour le trouver et passer en navigation qu'on appelle relative. C'est-à-dire
19:11 qu'on commence, on navigue d'abord de façon absolue par rapport au référentiel terrestre
19:15 et après on bascule sur une navigation qui se fait par rapport à l'objet qu'on voit
19:18 dans l'espace où finalement le robot nettoyeur ou la dépanneuse opère de façon à peu
19:24 près autonome pour sa navigation. Christophe ? Pour répondre un peu plus précisément
19:28 à votre question Cécilia, c'est quand on voit un objet dans l'espace, qu'on en
19:31 repère un objet dans l'espace, il n'y a aucun moyen depuis le sol de savoir ce que
19:34 c'est. Le seul moyen dont on dispose c'est de l'avoir suivi depuis le premier jour où
19:39 on l'a lancé. C'est le cas par exemple de Vespa. Vespa, c'était le lancement, je
19:43 ne suis plus en 2011 ou 2013, où là, dès le début, on a traqué l'objet. Donc on
19:48 le suit de façon permanente, on l'a suivi de façon permanente pendant ses 11, 12, 13
19:53 ans. Donc on sait que c'est lui. Par contre si on découvrait un nouvel objet, ça arrive
19:57 malheureusement très souvent, si on découvre un nouvel objet dans l'espace, à moins qu'il
20:01 soit très très gros et puis là, mais un objet de taille raisonnable, on n'a aucune
20:06 idée de ce que c'est, de qui il appartient et on n'a pas moyen de le savoir tant qu'on
20:10 n'est pas allé voir sur place. Donc il y a une notion de mission, d'observation à
20:15 l'avenir qui est très importante. C'est là où l'élegislation perd son sens,
20:18 puisque si on ne sait pas à qui il appartient, on peut peut-être être libre d'intervenir
20:22 ou pas, ça dépend comment on voit la situation. En tout cas, il y a un écosystème qui se
20:27 développe aujourd'hui pour répondre à ce besoin de cartographier les débris spatiaux
20:33 des start-up et peut-être des industriels aussi. C'est très important qu'au niveau
20:37 de tous les sujets de débris, prolifération de débris, plus généralement préservation
20:42 de l'espace, le beuh à bas, c'est vraiment savoir ce qu'on a au-dessus de nos têtes
20:45 et réellement être capable de le voir. Et ça, c'est tout le sujet qu'on appelle
20:50 SST, Space Surveillance and Tracking, espace surveillance et suivi, qui est la collection
20:57 de tous les radars, télescopes, un peu de lasers maintenant, quelquefois des satellites
21:02 dédiés et qui permettent de faire un catalogue, le catalogue dont parlait Luc, un catalogue
21:07 avec tous les objets, avec leurs orbites précises. Et l'un des inconvénients qu'on a aujourd'hui,
21:14 c'est ces objets-là, en général, on ne sait pas trop bien où ils sont. C'est-à-dire
21:18 qu'on arrive à dire qu'il est là à plus ou moins 100 mètres près. On a besoin de
21:22 réduire le champ de précision. Et si vous voulez, quand vous avez un risque de collision
21:25 entre deux objets qui font, je ne sais pas, deux mètres, on sait où ils sont, mais
21:29 chacun à 100 mètres près, ça ne marche pas. Donc la priorité aujourd'hui, fondamentale,
21:34 c'est réduire ça, améliorer nos connaissances. Et ça, ça se fait aussi bien au niveau des
21:38 réseaux nationaux, institutionnels, comme EU SST, European Union SST, que des startups,
21:47 des startups comme Chairman eSpace ou Lookup Space.
21:49 Et là, il y a eu le côté business, parce qu'on peut s'en dire un mot, parce que de
21:54 toute façon, il n'y a pas de solution technologique sans un marché économique derrière. Il faut
21:59 bien payer cette évolution et les agences ne peuvent pas porter à elles seules ce coût-là.
22:03 Là, c'est fondamental de comprendre que chaque personne qui vient avec des mesures
22:09 de qualité, il y a un business là-dedans. Si vous avez un jardin, si vous avez la place
22:12 dans votre jardin, collez-y un télescope. Et puis vous vendez, vous nous vendez les
22:17 données que vous voyez. Alors évidemment, il faudra respecter un certain nombre de gages
22:22 de qualité et autres, mais on a toujours besoin d'avoir plus d'informations. Et ça,
22:27 c'est très important. C'est pour ça que les startups dont je parlais, elles ont un
22:30 avenir florissant. C'est évident. C'est le cas aussi. C'est votre vision, j'imagine,
22:33 chez ClearSpace. Alors là, pour le coup, vous avez bénéficié d'une commande publique,
22:38 mais l'objectif, c'est quoi dans votre développement économique ? Est-ce que vous croyez que
22:43 vous pourrez déployer vos solutions peut-être à d'autres institutions, voire à des secteurs
22:50 privés, parce que tout le monde a besoin de protéger l'espace aujourd'hui ?
22:53 Oui, donc il faut comprendre une chose. C'est tout d'abord le désorbitage des débris,
22:59 c'est juste un service en orbite. C'est un peu comme dire le dépannage routier, ça
23:04 peut être que de sortir une voiture de l'autoroute. Avec le dépannage routier, on peut intervenir
23:08 sur place, on peut faire tout un tas d'autres choses qui tout ont de la valeur. Ce que nous
23:12 on pense, c'est tout d'abord que l'environnement spatial va changer de façon assez substantielle.
23:16 Il va d'abord basculer de plus en plus vers un centre de profit, c'est-à-dire qu'il
23:19 y aura de plus en plus d'argent qui sera fait en orbite basse. Un autre élément, c'est
23:23 que c'est un environnement qui est très visible, qui a beaucoup de traction. Donc
23:27 il y a beaucoup de raisons pour lesquelles les opérateurs ou les acteurs dans un environnement
23:31 en orbital ne pourront pas se permettre dans le futur d'opérer de façon non responsable.
23:36 Donc finalement tous les indicateurs pointent dans la bonne direction vers un environnement
23:41 où ce sera simplement naturel d'avoir des dépanneuses en orbite. Donc nous, c'est
23:46 le pari quelque part qu'on fait, c'est le fait que dans quelques années on ne pourra
23:49 pas vivre sans une dépanneuse, sans une capacité d'intervention. La question après, c'est
23:54 qu'évidemment c'est un marché émergent qui n'existe pas encore. Et comme tous les
23:57 marchés émergents, il y a une courbe d'adoption. Donc la question c'est qui seront les premiers,
24:02 qui seront les pionniers. Aujourd'hui les pionniers c'est l'Agence spatiale européenne,
24:05 l'Agence spatiale anglaise, c'est la Space Force qui commence à travailler sur le sujet.
24:10 Probablement dans les prochaines années, la NASA va faire des projets aussi. JAXA
24:13 a travaillé sur des projets pionniers. Et après ça, on aura des early adopters, les
24:20 clients les plus innovants ou ceux qui prennent le plus de risques et sont payés un peu plus.
24:26 Et on se trouvera pendant avec des clients dans la défense ou dans certains opérateurs
24:32 qui ont des gros satellites, qui veulent réallouer du propre égole pour pouvoir étendre
24:37 la vie de leur satellite par exemple. Donc il y a tout un tas de cas de business initiaux
24:41 qui vont petit à petit faire émerger ce marché.
24:44 Ça coûte plus que du piqué ?
24:45 On est un tout petit peu dans la même situation.
24:47 Combien ça coûte ? Parce que là par exemple on parle d'un débris de 100 kilos.
24:50 Combien ça va nous coûter ? Est-ce que ça va être viable pour les acteurs d'envoyer
24:55 dans l'espace une solution comme celle que vous proposez pour un débris satellitaire ?
25:00 Et vous pourrez aussi réagir Christophe.
25:03 Voilà, donc si je peux donner un peu la perception, évidemment la première mission
25:08 qu'on a, il est de l'ordre de 100 millions d'euros. Et cette première mission, ce qu'elle
25:13 fait essentiellement c'est retirer les coûts d'ingénierie non récurrents.
25:16 Ça veut dire qu'on a besoin de développer toute une série de nouvelles technologies,
25:20 de capacités, de savoir-faire pour pouvoir exécuter ce genre de mission.
25:23 L'objectif évidemment c'est que ces coûts se réduisent dans le temps.
25:26 Maintenant ça dépend beaucoup du type d'opération.
25:28 Si par exemple, je prends un exemple, un satellite qui a un coût total de 500 millions,
25:33 qui opère durant 5 ans en orbite et puis qui a besoin d'utiliser une grande quantité
25:38 de propégole pour faire un désorbitage contrôlé, peut utiliser ce genre de service et peut
25:42 être payé 70, 70 ou 80 millions pour un désorbitage, ce qui lui permet d'étendre
25:49 sa vie de 5 années, ni plus.
25:51 Il y a une équation financière qui peut fonctionner dans ces cas là.
25:54 Mais l'objectif évidemment c'est que ces services deviennent beaucoup plus abordables
25:57 dans le futur et qu'un serviceur puisse en fait faire plusieurs opérations d'affilée
26:01 avec un seul investissement de lancement et un seul investissement de plateforme, par
26:06 exemple.
26:07 Je crois qu'il est fondamental de comprendre que ce que fait Clearspace aujourd'hui, ce
26:10 que décrit Luc, c'est vraiment qu'il défriche le terrain, il découvre, c'est des découvreurs,
26:16 il coche les cases, oui je sais faire un rendez-vous, oui je sais maîtriser etc.
26:20 Et si vous voulez l'image qu'on lit malheureusement de temps en temps, voilà ils ont dépensé
26:25 80 euros pour aller chercher un petit objet, c'est archi faux, c'est bien sûr pas ça
26:30 qu'il faut retenir.
26:31 On n'y va pas pour désorbiter cet objet là, qui n'est même pas particulièrement
26:36 plus dangereux qu'ils l'ont.
26:37 On y va pour être capable de désorbiter les autres à moindre coût.
26:40 C'est vraiment, c'est toute la démonstration, je short-cut peut-être ce que va dire Luc,
26:45 mais ils ont déjà dans leur carton des missions où ils vont chercher plusieurs débris.
26:50 Mais il faut vraiment d'abord avoir démontré cette enaibleur, ce truc, je sais le faire.
26:55 Et ça pour le moment, personne ne l'a jamais fait.
26:58 Il y a eu des démonstrations partielles mais qui étaient, je lâche un CubeSat et je démontre
27:04 que je suis capable de le rattraper, bon c'est bien mais c'est pas…
27:06 C'est pas suffisant.
27:07 C'est pas ça.
27:08 Pour conclure Luc Piguet, quand pourrons-nous voir cet essai dans l'espace ?
27:12 Alors l'objectif qu'on a à l'heure actuelle c'est un vol en fin 2026.
27:16 C'est quand même une grosse plateforme, ce n'est pas un CubeSat qu'on est en train
27:19 de lancer, il fait plus de 700 kg.
27:22 Donc c'est une grosse plateforme, c'est une plateforme relativement complexe parce
27:26 que la propulsion est particulièrement complexe, la navigation aussi, la robotique aussi.
27:31 Donc il y a tout un tas de développements qui ont besoin d'être faits, sur lesquels
27:34 on travaille à pleine vitesse aujourd'hui pour faire avancer cette mission.
27:40 Donc l'objectif aujourd'hui c'est fin 2026.
27:42 Merci à tous les deux d'avoir pris le temps d'échanger et puis d'informer le public
27:46 cette importance sur l'importance de s'occuper, de prendre en main ce sujet des débris spatiaux.
27:52 Christophe Bonnard, je rappelle que vous êtes expert au CNES et spécialiste notamment
27:56 auteur de livres sur les débris spatiaux.
27:58 Merci de nous inviter pour démontrer cette urgence.
28:00 Merci beaucoup Luc Piguet, merci d'avoir pris le temps de répondre à notre appel.
28:04 Je rappelle que vous êtes le cofondateur de la société Clear Space.
28:07 Merci à tous de nous avoir suivis.
28:10 On se retrouve dès la semaine prochaine sur Bsmart à la production Lily Zalkind.
28:16 [Musique]

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