Le membre du Haut Conseil pour le Climat et président du Shift Project, Jean-Marc Jancovici, sera l'invité du Grand Jury dimanche de 12h à 13h à la veille de la présentation par Emmanuel Macron de la planification écologique.
Regardez Le Grand Jury du 24 septembre 2023 avec Olivier Bost.
Regardez Le Grand Jury du 24 septembre 2023 avec Olivier Bost.
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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 Le Grand Jury, présenté par Olivier Bost.
00:15 Bonjour à tous, bienvenue dans ce Grand Jury en direct sur RTL et sur Paris 1ère en clair.
00:22 C'est sur le canal 41 de la TNT. Bonjour Jean-Marc Jancovici.
00:27 Bonjour. Vous êtes ingénieur énergie-climat, vous êtes membre du Haut Conseil pour le climat
00:33 et vous présidez le Shift Project, une structure qui réfléchit à la meilleure façon d'arriver à la neutralité carbone.
00:38 Vous êtes aussi enseignant,
00:40 conférencier, chroniqueur sur RTL, on vous retrouve tous les samedis matins sur notre antenne.
00:44 Et puis vous êtes à la fois décroissant et pro-nucléaire, ce qui séduit et ce qui agace.
00:49 Vous êtes le co-auteur du livre le plus vendu l'année dernière, la bande dessinée
00:54 "Le monde sans fin" qui raconte ce qui nous attend et comment faire face à la fin des énergies fossiles.
00:59 Nous vous avons invité aujourd'hui parce que le gouvernement entre dans le dur, on peut dire ça comme ça, de la planification écologique.
01:06 Emmanuel Macron présente demain les grandes lignes de cette planification.
01:09 Merci d'être avec nous Jean-Marc Jancovici.
01:12 A mes côtés pour vous interroger dans ce Grand Jury, Pauline Buisson de la rédaction de M6, bonjour, et Loris Boischot du FIDIARO, bonjour.
01:21 Emmanuel Macron présente donc demain le plan de planification écologique et il devrait aussi l'évoquer ce soir à 20h. Pauline Buisson.
01:28 Oui Jean-Marc Jancovici, les grandes lignes sont déjà connues, 50% des efforts pour les entreprises, 25% pour les particuliers,
01:35 et le reste pour les collectivités. Pensez-vous qu'avec cette planification on arrivera à l'objectif de neutralité carbone en 2050 ?
01:43 Alors c'est plutôt l'inverse que je pense, c'est-à-dire que sans planification on a assez peu de chances d'y arriver.
01:47 La planification écologique, je pourrais prendre un parallèle, c'est un peu comme des études,
01:51 c'est-à-dire que si vous avez envie d'avoir une profession particulière quand vous aurez 15 ou 20 ans,
01:57 c'est un peu difficile d'y arriver si avant vous planifiez pas vos études, c'est-à-dire le moment où vous allez apprendre à lire, le moment où vous allez apprendre à écrire,
02:03 le moment où vous allez apprendre à compter, le moment où vous allez apprendre à faire des raisonnements de plus en plus sophistiqués, jusqu'au moment où vous arriverez au métier que vous exercez.
02:09 La planification écologique c'est pareil, comme il y a beaucoup de choses à changer dans le monde qui nous entoure,
02:14 alors pardon, pourquoi est-ce qu'il faut changer les choses dans le monde qui nous entoure, on va peut-être commencer par ça,
02:17 tout simplement parce qu'on a bâti un univers aujourd'hui qui est assis sur des ressources non-renouvelables et qui perturbe trop l'environnement pour que la situation reste stable.
02:26 D'accord ? C'est ça en gros qu'on a bâti.
02:28 Donc on a un besoin de changement et ce besoin de changement s'applique à des éléments dans le monde qui nous entoure qui sont des éléments très lents à changer.
02:35 Les systèmes de transport c'est lent à changer, l'urbanisme c'est très lent à changer,
02:39 on a quand même mis des siècles à faire passer Paris de 200 000 personnes à une agglomération parisienne de 10 millions d'habitants,
02:45 le paysage agricole c'est lent à changer, les schémas dans l'agriculture ça met une, deux générations à changer,
02:52 l'énergie c'est lent à changer, que ce soit un système éolien, un réseau électrique, une centrale nucléaire, tout ça on parle du demi-siècle ou du siècle.
03:00 Donc vous nous dites que la planification c'est nécessaire, mais est-ce que c'est suffisamment rapide, est-ce que les effets seront suffisamment rapides ?
03:06 Non, les effets ne seront pas rapides, justement, c'est bien le problème.
03:09 C'est que la planification elle porte sur des durées qui sont longues et du reste c'est un des problèmes pour les élus,
03:14 c'est que les élus aiment bien en général avoir des résultats qui se voient dans le courant de leur mandat,
03:18 là on est dans un exercice qui est un peu plus désagréable pour eux parce qu'il faut prendre des positions aujourd'hui,
03:24 commencer à faire des efforts aujourd'hui pour des résultats qui pour partie se verront après qu'ils soient sortis de leur fonction.
03:30 Est-ce que vous dites que la méthode là est bonne, le chemin que prend Emmanuel Macron est le bon chemin ?
03:34 Alors il est incontournable, il faudra juger sur pièce, c'est-à-dire qu'il faudra voir si dans ce qu'il annonce il y a effectivement les bons éléments
03:42 et ensuite il faudra voir surtout s'ils sont mis en oeuvre. Alors je vais vous donner un exemple,
03:45 aujourd'hui on dit il serait souhaitable qu'on arrive à s'organiser avec moins de voitures.
03:50 En fait même si on électrifie des voitures, on a aujourd'hui 40 millions de voitures particulières en France,
03:54 même si on électrifie tout ce qu'on peut électrifier, on n'aura jamais 40 millions de véhicules d'une tonne et demie électriques en France,
04:00 ça ne passe pas au niveau du réseau, ça ne passe pas au niveau des matériaux parce que tous les autres vont vouloir faire pareil, etc.
04:05 Donc il serait bon de s'organiser avec moins de voitures. Mais dans le même temps qu'on dit ça, on continue à rajouter des infrastructures routières,
04:12 je prends l'exemple de la 69 par exemple en Occitanie, on peut se poser la question de la pertinence, quel que soit le service que ça va rendre à court terme.
04:19 Est-ce que c'est vraiment pertinent de s'organiser avec une infrastructure qui va durer un siècle
04:23 dans un monde dans lequel on cherche à faire en sorte qu'on soit moins dépendant de la voiture ?
04:27 Donc ce genre de choses, il y a d'abord la planification, c'est-à-dire le schéma d'ensemble,
04:33 et puis ensuite quand on passe à l'acte, il y a un milliard de problèmes concrets, techniques à régler.
04:37 - Ce que vous dites aujourd'hui, c'est qu'il y a un décalage entre des objectifs affichés et des actes.
04:42 - Évidemment. Je vais vous en prendre un autre. Il y a eu l'interdiction soi-disant des vols intérieurs, en fait trois lignes intérieures dans ce pays,
04:49 mais dans le même temps on s'est félicité du regain du tourisme l'été dernier, du tourisme international notamment,
04:55 et à ce que je sache, les Japonais et les Américains ne viennent pas en quai avec de mer.
04:58 Donc on a un décalage aujourd'hui entre les discours et les actes, effectivement, quand on regarde en pratique,
05:04 et c'est toute la difficulté, parce que quand il faut changer en pratique, vous faites des gagnants et des perdants,
05:10 et il faut savoir traiter les perdants, et c'est toujours un exercice difficile.
05:13 C'est-à-dire si on diminue le transport aérien, qu'est-ce qu'on raconte aux gens qui font la manutention des bagages à Roissy ?
05:18 Qu'est-ce qu'on raconte aux gens qui travaillent dans les boutiques duty-free à Rassy ?
05:21 Et même, qu'est-ce qu'on raconte aux cafetiers parisiens qui ont une partie de leur clientèle qui vient du Japon, de Chine, etc.
05:27 C'est ça qui est difficile.
05:28 L'un des principaux objectifs du gouvernement, c'est -55% des gaz à effet de serre d'ici à 2030.
05:36 Vous dites que les changements sont longs, est-ce que ça veut dire que cet objectif ne sera pas tenu ?
05:41 Selon vous, qu'il n'est pas réalisable ?
05:42 Alors pour le moment, il n'est pas tenu.
05:44 Ça, c'est le rapport du Haut Conseil pour le climat qui le redit à peu près tous les ans.
05:48 C'est-à-dire que oui, ça baisse, mais pas assez vite.
05:51 Et en fait, la baisse, elle nous échappe pour partie, ou plus exactement, elle est pour partie due à quelque chose qui ne relève pas du tout de notre volonté.
05:59 Là, le gouvernement dit qu'il faut faire en 7 ans ce qu'on a fait en 33 années.
06:04 Ce qu'on n'a pas fait en 33 années.
06:06 D'où viennent les émissions de dioxyde de carbone dans notre pays ?
06:11 Ils viennent pour l'essentiel de l'usage des combustibles fossiles.
06:14 Or, il se trouve que les combustibles fossiles en Europe baissent de manière subie,
06:18 pas du tout pour des raisons,
06:19 depuis avant qu'on ait commencé à s'exciter sur les sujets climatiques.
06:23 Le charbon, ça baisse depuis les années 50, tout simplement parce que l'Europe a commencé à taper dans ses mines il y a 4 siècles, donc le charbon s'épuise.
06:29 Vous savez qu'en France, on a fermé les dernières mines de charbon à la fin des années 90,
06:32 à un moment où le climat n'était absolument pas une préoccupation dans la tête des gens.
06:37 Le gaz baisse en Europe depuis le milieu des années 2000,
06:40 parce qu'à cette époque-là, plus de la moitié du gaz venait de la mer du Nord qui a passé son pic de production en 2005.
06:45 Donc le gaz s'épuise, parce qu'une fois qu'on a vidé les réservoirs de gaz, il y en a de moins en moins.
06:49 Et le pétrole a passé son pic de production pour tout ce qui n'est pas pétrole de schiste et sable bitumineux du Canada en 2008 dans le monde.
06:57 Et l'Europe politique, l'Union Européenne, importe 95% du pétrole qu'elle utilise.
07:02 Donc en fait, si je juxtapose ces trois limites géologiques, qui ne sont absolument pas des limites politiques,
07:08 nous avons aujourd'hui, dès à présent en Europe, une contrainte d'approvisionnement sur les combustibles fossiles,
07:13 qui n'est pas assez rapide au regard de ce qu'il faudrait faire pour le climat,
07:16 mais qui est déjà suffisamment réelle pour que même si on ne fait pas de politique climatique, de toute façon, l'approvisionnement baisse.
07:22 Et donc les émissions baissent, puisque si on en a moins, on en brûle moins, sinon on en brûle moins, on en émet moins.
07:26 On reviendra sur ce que vous avez dit en partie, mais une question avant, est-ce qu'Emmanuel Macron vous a consulté pour cette transition-là ?
07:33 Je l'ai vu deux fois dans ma vie, depuis qu'il est président.
07:36 Je l'ai vu une fois quand il a installé le Haut Conseil pour le climat, il y a quatre ans.
07:40 Donc vous faites partie, oui.
07:41 Donc nous étions une dizaine, face à toute une brochette de gens et de ministres dont Macron.
07:48 Et puis je l'ai revu entre les présidentielles et les législatives,
07:52 à l'époque où si je suis un peu de taquin, il a découvert le mot sobriété en voyant le score de Mélenchon.
07:58 Et donc il avait également demandé à une dizaine de personnes, dont ma pomme, de passer à l'Élysée,
08:04 pour lui raconter un peu des choses sur le sujet.
08:06 Voilà, c'est les deux seules fois de ma vie où je l'ai vu.
08:08 Ça veut dire que sur le plan de la planification écologique, vous n'avez pas été sondé, on ne vous a pas approché pour comment être avis ?
08:13 Non, alors maintenant un président, vous savez, il ne fait pas tout tout seul,
08:15 même si c'est l'impression qu'il donne quand il est face aux journalistes.
08:18 Et donc il y a un secrétariat général à la planification écologique qui a été créé sous la houlette de la première ministre, d'Elisabeth Borne,
08:27 qui est une excellente chose, ça c'est une très bonne idée.
08:29 Et en fait c'est un peu...
08:31 Je ne sais pas si vous connaissez le secrétariat général aux affaires européennes.
08:35 C'est un morceau de l'administration qui est chargé d'instruire les dossiers de façon transversale,
08:40 avant les interministériels, c'est-à-dire avant le moment où les différents représentants des différents ministères arbitrent la façon dont les choses vont se passer.
08:47 Et si vous n'avez pas ce genre d'organisme,
08:49 les gens découvrent les dossiers au moment où ils arbitrent, et les arbitrages se font très rapidement et pas toujours de la manière optimale.
08:54 Donc là vous avez une instruction des dossiers avant,
08:56 et donc là ce secrétariat général à la planification écologique instruit les dossiers,
09:00 et notamment la planification, ou les éléments de planification qui vont être présentés ce soir par Emmanuel Macron.
09:06 Je serais très étonné qu'il n'ait pas été préparé par le SGPE, donc ce secrétariat général.
09:11 – Alors c'est l'année dernière qu'Emmanuel Macron s'est saisi de l'expression planification écologique.
09:16 Il a eu ces mots "le second quinquennat sera écologique ou ne sera pas",
09:20 c'est dans l'entretour de la présidentielle.
09:21 Alors selon vous, est-ce que ce second quinquennat est écologique ?
09:24 – Un peu plus, mais pas suffisamment.
09:27 Alors il est un peu plus parce que l'ensemble du pays le devient un peu plus.
09:31 Je vais prendre l'exemple de la maison qui nous accueille,
09:34 je ne sais pas si avant le samedi matin il y avait mes 2 minutes 30 réglementaires
09:37 ou mes 3 minutes réglementaires sur des sujets environnementaux,
09:40 je ne sais pas si quelqu'un d'autre s'en chargeait.
09:41 – Il y a des rendez-vous écologiques par ailleurs aussi,
09:43 on en parle beaucoup des écologies subversives.
09:45 – Ça augmente un peu, on voit que dans la préoccupation des Français,
09:48 c'est quelque chose qui augmente un peu.
09:49 On voit que dans un certain nombre d'entreprises, on commence à investir.
09:52 Alors dans les entreprises il y a deux choses, il y a les discours et puis il y a l'argent.
09:56 Donc en fait on commence vraiment à voir des choses quand il y a de l'argent,
09:58 quand il n'y a pas juste des discours.
09:59 Alors où va l'argent ?
10:00 Dans des budgets de R&D par exemple, dans des modifications d'outils de production,
10:06 dans des modifications de chaînes logistiques,
10:08 dans l'émergence de nouvelles entreprises qui vont remplacer les anciennes,
10:12 dans la ville qui nous accueille, de temps en temps maintenant on voit de la cyclologistique,
10:16 c'est-à-dire des livraisons au lieu de se faire en camionnette,
10:17 elles se font en vélo-cargo.
10:19 Voilà des exemples, ça, ça bouge un peu dans le monde de l'entreprise,
10:22 pas encore assez vite non plus, mais ça bouge un peu.
10:24 Et puis de temps en temps ça bouge même franchement,
10:26 c'est-à-dire que quand vous regardez la construction automobile par exemple,
10:29 en ce moment c'est vraiment des choses très amples qui sont en train de s'y passer.
10:33 Des usines de batterie qui s'installent en France,
10:35 les constructeurs qui virent vers l'électrique de façon extrêmement massive,
10:39 et là on parle de milliards ou de dizaines de milliards,
10:40 donc on commence à parler d'argent un peu sérieux.
10:42 Mais il y a une ligne dans cette transition écologique, pardonnez-moi,
10:45 et de cette planification, c'est l'idée pour le gouvernement de ne pas imposer de contraintes.
10:50 Alors vous vous dites...
10:50 Ça c'est irréaliste, ça c'est irréaliste.
10:52 Alors j'étais juste en train de répondre à la question qui est,
10:54 est-ce que les choses sont en train de bouger ?
10:56 Donc je dis oui.
10:56 Vous disiez oui un petit peu.
10:57 Le fait c'est en train un peu de bouger, c'est pas massif.
11:01 Il faut bien voir que le monde dans lequel on vit,
11:03 c'est un monde qui s'est construit sur deux siècles
11:05 de consommation croissante d'énergie fossile,
11:07 et là on voudrait en 35 ans s'en débarrasser totalement.
11:10 Donc c'est clair que c'est un défi titanesque,
11:13 que très clairement aujourd'hui on n'est pas parti pour relever,
11:15 on ne va pas du tout assez vite,
11:17 et on a quand même mis la barre très haut.
11:20 Alors on n'a pas tellement le choix de mettre la barre très haut,
11:22 mais on a quand même mis la barre très haut.
11:24 Ça veut dire que pour aller plus loin, il faut plus de contraintes,
11:26 il faut accélérer, il faut mettre des choses contraignantes pour les Français ?
11:28 Alors je vais reprendre l'exemple de mes études tout à l'heure.
11:30 Si vous planifiez les études d'un enfant et que vous lui mettez zéro contrainte,
11:33 c'est-à-dire que vous lui dites,
11:34 ben t'as le choix tous les jours entre aller faire tes devoirs ou aller jouer au foot,
11:37 ou bien t'as le choix tous les jours entre aller à l'école ou aller à la pêche,
11:41 probablement qu'au bout d'un moment, il y en a...
11:43 Bon ben là c'est exactement pareil.
11:45 C'est-à-dire que si on n'accepte pas de se mettre à nous-mêmes des contraintes,
11:49 il y a un moment où de toute façon on ne fera pas les efforts.
11:52 Donc il ne faut pas mettre...
11:53 Enfin comment dire ?
11:54 On ne peut pas bâtir un discours que sur de la contrainte.
11:56 Ce n'est pas quelque chose qui enthousiasme les gens,
11:57 ce n'est pas positif, etc.
11:59 Il faut quand même leur donner à voir le genre de choses qu'on a envie de faire.
12:01 Mais il faut également de la contrainte.
12:03 Et la contrainte fait partie de notre vie.
12:05 Même si je dis des choses qui vous déplaisent,
12:07 vous n'avez pas le droit par exemple de me sauter à la gorge et de m'assassiner.
12:09 C'est interdit par la loi.
12:11 Et vous avez le sentiment que le gouvernement prend trop de précautions,
12:13 qu'il hésite à mettre des contraintes justement ?
12:15 Alors en démocratie, un gouvernement arbitre des pressions.
12:18 Il faut bien comprendre qu'un gouvernement ne fait pas des grands plans de son côté
12:22 en réfléchissant de manière analytique.
12:24 Et puis au bout d'un moment il dit "Ah c'est ça qui est intelligent,
12:26 et puis maintenant je vais y aller tel le bulldozer
12:27 à tous les gens qui ne veulent pas aller dans la direction que je pense pertinente,
12:31 pouf je leur donne des baffes".
12:32 Ce n'est pas du tout comme ça que ça marche.
12:33 Vous savez très bien que la démocratie est un système inversé.
12:37 Et en fait, le pouvoir en place, si j'étais un peu méchant,
12:40 il est intermédiaire entre un exécuteur testamentaire et des gens qui réfléchissent.
12:46 Vous voulez dire que la démocratie est un frein à la lutte contre le régime communautique ?
12:49 La démocratie est un système remontant.
12:50 Je ne dis pas que c'est un frein, je dis que le sommet bouge.
12:53 Ce n'est pas vraiment un sommet, en fait quand la base bouge.
12:56 Donc en fait, au chiffre projet, par exemple,
12:58 on considère que nos vrais interlocuteurs, ce n'est pas d'abord le monde politique,
13:01 c'est d'abord la société civile.
13:02 Parce qu'il faut que ça bouge dans la société civile,
13:04 il faut qu'il y ait un nombre croissant d'électeurs, de parents d'élèves,
13:08 de chefs d'entreprise, de fonctionnaires, de professeurs, etc.
13:11 qui disent "oui, il faut aller dans cette direction".
13:13 Et à ce moment, ça remonte et vous commencez à voir un nombre croissant d'élus qui disent
13:18 "oui, c'est dans cette direction qu'il faut aller".
13:19 Je pense que c'est comme ça que ça marche.
13:21 Quand vous vous astreignez à une vie sobre sur le plan carbone,
13:24 je parle vraiment de vous, puisque vous vous déplacez en transport en commun,
13:27 vous vous déplacez à vélo, je ne sais pas si vous mangez encore de la viande ou très peu.
13:32 Si, ça m'arrive.
13:32 Très peu, d'accord.
13:33 J'en mange beaucoup moins qu'il y a 10 ans, mais si, ça m'arrive.
13:37 Est-ce que vous pensez que c'est par les petits gestes qu'on va y arriver
13:41 ou c'est juste pour donner l'exemple que vous faites ça ?
13:44 C'est un peu les deux, au sens où, je crois que c'est à Hubert Reeves qu'on prêtait cette citation
13:49 qui est "l'environnement, ce n'est pas un gros problème, c'est 7 milliards de petits problèmes".
13:54 Donc, c'est évident qu'à un moment, les grandes transitions vont se traduire
13:58 par des modifications chez beaucoup de gens.
14:00 Si je regarde l'empreinte carbone d'un Français,
14:02 c'est-à-dire d'où viennent les émissions de gaz à effet de serre
14:06 qui sont la contrepartie de tous les produits ou services qu'on utilise.
14:10 Les émissions qui ont été nécessaires pour fabriquer votre veste,
14:12 pour fabriquer ce micro, etc.
14:14 Vous avez 5 gros paquets pour un Français.
14:17 Vous avez un premier gros paquet qui sont les déplacements,
14:20 où là, 80% c'est de la voiture.
14:22 Donc, ne plus utiliser de voiture ou l'utiliser le moins possible,
14:25 c'est un gros geste, ce n'est pas un petit geste, c'est un très gros geste.
14:27 Et le petit geste, c'est en utiliser un petit peu moins.
14:31 Le gros geste, c'est sans passer l'essentiel du temps.
14:34 Après, vous avez un deuxième gros paquet qui est le logement.
14:37 Alors, dans le logement, vous avez un sous-ensemble pas négligeable
14:40 qui est la construction, puisque pour construire un logement,
14:42 il faut de l'acier, du ciment, tout ça, ça émet.
14:44 Et puis après, vous avez le confort thermique,
14:46 c'est-à-dire l'eau chaude et l'eau chaude sanitaire pour prendre les douches.
14:49 Et puis le chauffage, et ça, c'est un gros paquet.
14:51 Donc, si vous changez votre chaudière pour mettre une pompe à chaleur,
14:54 c'est un gros geste, ce n'est pas un petit geste.
14:57 Vous avez un troisième paquet qui est tout ce qu'on achète.
14:59 Donc, la fabrication de tous les trucs made in ailleurs, souvent.
15:02 Votre machine à laver, vos casseroles, votre télé, vos vêtements,
15:06 votre canapé, vos tables, vos chaises, enfin tout ce qu'on achète,
15:08 il a bien fallu les fabriquer.
15:09 Ça, c'est un troisième gros paquet.
15:11 Alors là, c'est plus dur, il faut essayer d'acheter le moins possible de trucs
15:14 et les faire durer le plus longtemps possible.
15:15 Voilà.
15:16 Et dans l'électronique, c'est une horreur dans cette enceinte,
15:20 puisque nous sommes relayés par une télévision,
15:22 il faut acheter des télévisions le moins souvent possible
15:24 et avec la plus petite diagonale d'écran possible.
15:25 Voilà, ça, c'est un geste environnemental important.
15:29 Et le quatrième et dernier gros paquet, c'est l'alimentation.
15:34 Et au sein de l'alimentation, le gros paquet, c'est les produits d'origine animale.
15:38 Et là, il y a un gros débat sur est-ce qu'il faut tous devenir végétariens ou pas.
15:41 Moi, je pense qu'il n'est pas si simple que ça.
15:42 Il y a plein de régions en France où on peut élever des animaux
15:45 et c'est compliqué de faire des champs.
15:47 Le jour où il n'y aura plus d'engrais fossiles,
15:48 on sera bien obligés d'avoir les amendements animaux
15:50 pour fertiliser les cultures.
15:51 Enfin, bon, bref.
15:52 Donc, moi, je ne suis pas tenant de ne plus manger du tout de produits animaux,
15:56 mais par contre, j'ai baissé.
15:57 Et c'est ça, les quatre gros paquets.
15:59 Alors, certains demandent des efforts.
16:01 Manger moins de beefsteak, je ne sais pas si c'est un gros ou un petit effort.
16:04 Chacun va dire.
16:05 Il y a des gens qui vont dire bon, moi, finalement, après tout.
16:08 Puis, il y en a d'autres qui vont dire non, non, moi, j'y tiens vraiment.
16:10 Je pense que c'est un énorme effort.
16:12 Donc, la notion de petits et de gros efforts, elle est très personnelle quelque part.
16:16 Par contre, il y a tout un tas de situations où vous n'avez pas le choix.
16:18 C'est-à-dire qu'une fois que vous avez trouvé un job à 30 km de chez vous,
16:22 c'est clair que vous n'allez pas dire non, j'arrête de travailler
16:26 parce que je suis obligé d'y aller en voiture.
16:28 Et c'est là où, pour rebondir sur l'introduction,
16:30 la collectivité a un rôle évident à jouer.
16:34 La collectivité doit vous proposer des alternatives.
16:37 Si la collectivité ne vous propose pas d'alternative,
16:41 il y a des cas de figure dans lesquels vous ne pouvez pas passer à l'action.
16:44 Mais la notion de petits et de grands gestes,
16:46 moi, je préfère la remplacer par il faut regarder ce que ça vaut quantitativement.
16:51 Et après...
16:52 Dans ce que vous développez, où seraient les contraintes ?
16:55 - Sur la voiture... - Là, c'est que du volontariat.
16:58 Non, sur la voiture, par exemple, vous pouvez contraindre les constructeurs
17:01 à ne pas vendre de grosses voitures, puis à les vendre électriques.
17:04 Vous pouvez contraindre les collectivités locales,
17:06 à chaque fois qu'elles refont une route, à mettre une piste cyclable à côté
17:09 pour que les vélos puissent passer.
17:11 Vous pouvez interdire à la vente un certain nombre de produits.
17:15 D'accord.
17:16 On peut très bien décider qu'à partir de demain matin,
17:18 les voitures thermiques de plus de 2 tonnes sont interdites à la vente.
17:21 C'est une pointe, quoi.
17:22 Ça, vous pensez que c'est acceptable par la population ?
17:25 Alors, ça dépend.
17:26 Si acceptable par la population, c'est que vous ne trouverez pas une personne contre,
17:30 la réponse est non.
17:32 Si acceptable par la population, c'est dans un plan d'ensemble,
17:36 ou par ailleurs, vous êtes capable de tenir un discours
17:39 sur ce que feront les gens qui ne participeront plus à la vente des très grosses voitures,
17:43 pour prendre l'exemple que je vois, pourquoi pas ?
17:45 Il faut bien comprendre que l'alternative, c'est est-ce que vous pensez
17:48 que ça va être acceptable pour la population d'avoir un nombre croissant de gens
17:50 qui, dans la situation actuelle, ne vont plus avoir les moyens de se déplacer,
17:53 parce que tant qu'on ne remplace pas les voitures thermiques par autre chose,
17:56 dans le monde de la décrue pétrolière, auquel on n'échappera pas de toute façon,
17:59 de toute façon, il y a des gens qui vont avoir des problèmes.
18:02 Est-ce que c'est acceptable de rester dans un monde
18:05 dans lequel on a l'été qu'on vient de vivre,
18:07 et qui n'est qu'une plaisanterie au regard de ce qui nous attend ?
18:09 Voilà.
18:10 Donc, si la question, c'est est-ce qu'aujourd'hui, on peut rêver d'un monde idéal,
18:15 dans lequel on aurait un environnement préservé,
18:17 une stabilité sociale et pas de contraintes,
18:19 la réponse est non, malheureusement.
18:20 Donc, il va bien falloir faire des choix.
18:21 Vous maniez beaucoup de chiffres, la transition écologique,
18:24 c'est aussi la planification écologique, ce sont aussi des milliards.
18:27 Alors, le gouvernement a annoncé 10 milliards d'euros
18:30 qui s'ajoutent aux 34 milliards déjà prévus dans le budget de cette année.
18:34 Ces chiffres sont franchement difficiles à interpréter.
18:36 Est-ce que c'est suffisant selon vous, cet ordre de grandeur ?
18:39 10 milliards, il faut rapporter ça à l'ensemble de l'argent qu'on manipule chaque année.
18:44 Alors, moi, j'aime bien faire un indicateur, ça va être le PIB,
18:47 qui est l'ensemble des revenus des Français.
18:49 En gros, c'est ça le PIB.
18:51 10 milliards sur 2200 milliards, qui est le PIB français,
18:53 non, on ne parle pas de quelque chose de très important.
18:55 Est-ce que vous savez combien les gens dépensent chaque année pour acheter des cigarettes ?
18:58 On est un peu en dessous de 10 milliards aussi.
19:01 On n'est pas en train de parler de quelque chose de massif.
19:03 Ce n'est pas...
19:06 Et en fait, avant de parler de milliards,
19:08 comme on est en train de s'attaquer à un problème physique,
19:10 c'est-à-dire les émissions de gaz à effet de serre, la baisse de la biodiversité,
19:13 alors, ce n'est pas un problème physique, c'est un problème biologique,
19:14 mais c'est des problèmes du monde réel, j'ai envie de dire, du monde qui se...
19:17 D'accord, ok.
19:19 Eh bien, la première chose qu'il faut regarder,
19:21 ce n'est pas tant les milliards que les ressources et les compétences.
19:25 Au Chiffre Project, il y a maintenant un an et demi,
19:28 on a fait un gros travail entre le début du confinement du Covid et l'élection présidentielle,
19:34 qu'on a appelé le plan de transformation de l'économie française.
19:37 Et on a regardé ce que ça signifiait en termes de réorientation des activités et des emplois.
19:42 Alors les emplois, on n'a pas pu traiter tous les emplois en France,
19:45 c'est une catégorie simplement.
19:47 De mettre l'économie française en conformité avec une baisse de 5% par an des émissions de gaz à effet de serre,
19:52 qui est-ce qu'il faut atteindre comme rythme pour éviter un réchauffement qui dépasserait les 2°C ?
19:57 D'accord, c'est -5% tous les ans.
19:59 Ça fait beaucoup, hein.
20:01 Parce que -5%, c'est ce qu'on a eu l'année du Covid dans le monde.
20:04 D'accord ? Donc c'est pour donner une idée, hein.
20:06 C'est un effort massif, c'est presque un effort de guerre.
20:09 Et on a dit, ben voilà, il faudrait progressivement
20:12 que l'on ait de plus en plus de compétences dans tel domaine,
20:16 de moins en moins de compétences dans d'autres.
20:18 On a commencé à discuter avec les organisations syndicales pour leur soumettre nos idées,
20:23 leur demander ce qu'elles en pensaient, etc.
20:25 Et il faut également raisonner en termes d'emplacement, de métaux disponibles, etc.
20:31 Et en fait c'est ça les vraies barrières.
20:33 L'argent, une fois qu'on a ça, l'argent on s'arrange toujours.
20:35 L'argent c'est qu'une convention humaine.
20:37 Par contre quand on s'attaque à un problème physique,
20:39 il y a des choses qui ne dépendent pas de nous là-dedans.
20:41 Donc il faut qu'on mette ça au-dessus, avant ce qui dépend de nous.
20:45 Donc ces 10 milliards, ça pourrait être 50, ça pourrait être 20,
20:48 il y a un problème de comptabilité là-dedans qui n'est pas évident.
20:51 Je vais vous donner un exemple.
20:52 Aujourd'hui les travaux que les particuliers font pour améliorer leur logement,
20:56 je suis désolé, encore un chiffre,
20:58 chaque année c'est à peu près 50 milliards d'euros.
21:00 Si vous leur dites, vous allez faire moins de rénovation de salles de bain et plus de pompes à chaleur,
21:04 c'est un investissement supplémentaire ou c'est pas un investissement supplémentaire ?
21:08 Ils dépensent sur 50 milliards par an dans leur logement,
21:11 mais ils vont faire moins de baignoires, plus de pompes à chaleur.
21:15 C'est oui, c'est non ? Oui.
21:17 Donc il y a des problèmes de comptabilisation quand on parle de milliards
21:20 qui quelquefois masquent des réalités.
21:23 Il vaut beaucoup mieux les décrire physiquement, je pense.
21:26 Sur la réflexion autour de la façon de financer la transition écologique,
21:30 certains dans la classe politique, notamment les Verts,
21:32 défendent la création d'un impôt écologique sur les grandes fortunes.
21:36 L'économiste Jean Pisaniferi avait également développé l'idée d'un ISF Vert.
21:40 Le gouvernement ne veut pas en entendre parler.
21:42 Qu'est-ce que vous en pensez ?
21:43 Je pense que la fiscalité, c'est un truc très compliqué.
21:47 Il y a quelque chose qui est pertinent à mon avis à faire avant l'idée de créer un nouveau prélèvement.
21:56 C'est déjà de regarder comment est-ce que les prélèvements existants orientent ou pas l'action.
22:02 Par ailleurs, dans l'ISF Vert, Pisaniferi faisait se rejoindre deux sujets,
22:10 qui est un sujet de redistribution, l'ISF tout court.
22:13 D'autres mots, est-ce que des gens qui gagnent beaucoup d'argent,
22:16 il faut leur prendre plus que ce qu'ils ont aujourd'hui pour que la collectivité avance ?
22:20 C'est un débat en soi.
22:21 Ensuite, il y a le côté Vert, c'est-à-dire une fois qu'on a l'argent, comment est-ce qu'on le dépense ?
22:26 Personnellement, je suis plutôt partisan de séparer les deux problèmes.
22:29 L'idée que ce soit les riches qui financent une partie de la transition, ce n'est pas une bonne idée ?
22:36 Si, mais on n'a pas besoin pour ça d'appeler ça un ISF Vert.
22:40 On a un sujet Vert, c'est-à-dire qu'il faut verdir le budget de l'État d'une manière générale.
22:44 Après, on a un sujet redistributif, c'est-à-dire qu'une fois qu'on regarde la quantité totale
22:48 de prélèvements obligatoires qui est nécessaire pour financer cet effort,
22:51 à ce moment, je suis tout à fait favorable à ce qu'on aille en chercher plus chez les gens comme moi
22:55 que chez la personne qui nous a ouvert la porte.
22:58 C'est un autre sujet.
23:00 À propos de sujets de pouvoir d'achat, là vraiment quelque chose de très concret.
23:04 Elisabeth Borne, la semaine dernière, a annoncé l'idée de vente à perte sur le carburant,
23:12 justement pour une question de pouvoir d'achat.
23:14 Pour vous qui êtes sur toutes ces questions-là, comment vous avez accueilli cette annonce ?
23:19 Je l'accueille comme quelqu'un qui a raté le train.
23:23 C'est-à-dire que, en fait, ça revient à la première question que vous m'avez posée,
23:28 qui est "Est-ce qu'il faut planifier ?"
23:30 Je vous ai dit oui, parce qu'on est sur des temps longs.
23:32 Et donc, ça veut dire qu'à partir du moment où vous avez,
23:35 je vais reprendre l'exemple de mon enfant qu'on élève,
23:37 si à 20 ans, vous avez un gros problème avec un enfant,
23:41 vous n'allez pas en une semaine rattraper les marges que vous avez ratées dans les années précédentes.
23:47 Là, c'est exactement pareil. Alors, qu'est-ce qu'on a raté dans les années précédentes ?
23:50 On a raté qu'on a organisé le pays alors même qu'on savait qu'on devrait faire autrement.
23:54 Avec 40 millions de voitures particulières,
23:56 qu'on a continué à mettre des logements périphériques qui sont desservis que par la voiture,
24:01 etc. Donc, on a continué à faire tout un tas de trucs en se disant "Ça passera", puis ça ne passe plus.
24:06 Et alors, maintenant, on se retrouve avec un problème qui est
24:09 offrant pétrole contrainte, c'est ce que je vous ai dit tout à l'heure,
24:12 donc les prix sont volatiles, donc les prix augmentent de temps en temps, de façon significative.
24:17 Et à ce moment, on est coincé.
24:19 Donc, vous dites quoi ? Vous dites "C'est la lutte contre l'inflation d'abord, tant pis pour la planète" ?
24:23 C'est comme ça que vous réalisez les choses ?
24:25 Non, moi je pense que déjà, il faudrait que les politiques acceptent de comprendre et d'être honnêtes.
24:28 C'est-à-dire qu'au moins, ils disent "Bah écoutez, la situation est qu'on n'en a plus assez de toute façon,
24:36 donc on va bien être obligés de s'organiser comme ça."
24:38 Ce n'est pas ce que dit le PDG de Total, Patrick Puene, qui estime que le pic pétrolier est encore loin.
24:43 Le monde n'en a pas fini avec l'hydrocarbure, la demande continue d'augmenter.
24:47 Il y a deux ans, il disait l'inverse.
24:49 Il y a un an, deux ou trois ans, il avait publié une interview...
24:53 Mais le pic pétrolier, il y a quand même beaucoup de gisements, il y a beaucoup d'opportunités.
24:57 En ce qui concerne le pétrole qui n'est pas le pétrole de Rochemere, qu'on appelle en France le pétrole de schiste,
25:02 le maximum des découvertes dans le monde, c'est quand je suis né.
25:06 C'était dans les années 60.
25:08 Oui, mais sauf qu'on a plusieurs fois évoqué un pic pétrolier.
25:12 Si vous consultez les gens du secteur que je consulte,
25:18 ça fait 20 ans qu'ils me disent que c'est 2020 à plus ou moins 5 ans,
25:22 et c'est à 100 millions de barils de jour, plus ou moins 5.
25:24 Quand vous regardez les statistiques d'extraction de pétrole,
25:28 à date, au moment où je vous parle, le maximum tout pétrole confondu, c'est novembre 2018.
25:32 Oui, mais aujourd'hui, si vous voulez, le prix du pétrole s'explique plus par la demande.
25:37 Il n'y a pas de lien quand vous regardez sur long terme.
25:39 Là, malheureusement, je ne peux pas vous montrer des images.
25:42 Mais sinon, je vous montrerai le prix du pétrole depuis un siècle et demi,
25:47 en fonction du volume disponible à la vente, et vous verriez qu'il n'y a zéro lien.
25:51 On peut avoir de plus en plus de pétrole avec un prix constant,
25:54 on peut avoir la même quantité de pétrole avec un prix qui fait n'importe quoi.
25:57 Ce qui est intéressant dans votre raisonnement, c'est que vous dites qu'on a atteint un pic pétrolier,
26:01 donc on va avoir moins de pétrole.
26:03 On en a déjà moins en Europe.
26:05 Depuis 2008, quand vous regardez les statistiques.
26:07 En fait, tout le monde pense que quand on aura de moins en moins de pétrole,
26:09 le prix va s'envoler indéfiniment jusqu'au plafond.
26:11 Ce n'est pas comme ça que ça va se passer.
26:13 Alors, ça peut paraître perturbant, mais ce n'est pas. Pourquoi ?
26:15 Parce que si vous avez moins de pétrole, vous avez moins de marines marchandes,
26:19 moins de camions, vous avez moins de pétrochimie.
26:23 Et la pétrochimie, elle est indispensable à tous les secteurs industriels aujourd'hui.
26:26 Et donc, vous avez une économie qui se contracte.
26:28 Et donc, vous avez des consommateurs moins solvables.
26:31 Donc, vous avez moins d'offres avec des consommateurs moins solvables.
26:34 Pour vous, dans votre raisonnement, l'urgence au-delà de l'urgence climatique,
26:38 il y a une urgence face à la réfection du pétrole.
26:40 Oui, c'est ce que j'appelle une voiture balai.
26:42 C'est-à-dire qu'en gros, même si on se roule par terre en disant "je ne veux pas",
26:45 de toute façon, on est rattrapé par la patrouille, par une autre patrouille.
26:48 Alors, cette patrouille ne va pas assez vite pour le climat,
26:51 mais elle va quand même suffisamment vite pour déstabiliser fortement l'économie.
26:55 Vous noterez que depuis 2008, si vous regardez les indicateurs physiques en Europe,
27:00 eh bien, la production n'est pas repartie à la hausse.
27:03 Aujourd'hui, il y a moins de mètres carrés construits en Europe qu'en 2007.
27:06 Le maximum des mètres carrés construits en Europe par an, c'était 2007.
27:09 Vous avez moins de tonnes chargées dans les camions.
27:11 Donc, si vous ne regardez pas la valeur, l'argent,
27:13 mais le poids de ce qu'on charge dans les camions,
27:15 les casseroles, les tables, les chaises, etc.,
27:17 les sièges de cinéma, qu'est-ce que je sais,
27:19 ou des écrans à grande diamètre,
27:22 eh bien, vous verrez que le poids de tout ça est moins important aujourd'hui
27:27 que ce qu'on chargeait dans les camions en 2007.
27:29 Donc, la décroissance a peut-être déjà commencé.
27:31 - La décroissance physique a commencé.
27:33 Et le revenu disponible des gens qui nous écoutent,
27:35 globalement, il est en baisse depuis 2010.
27:37 - Vous allez continuer de nous expliquer tout ça
27:39 et ce qui nous attend Jean-Marc Jancovici pour ce Grand Jury.
27:42 On parlera aussi d'énergie, énergie nucléaire, énergie renouvelable.
27:45 Là aussi, vous faites débat.
27:47 A tout de suite.
27:58 - Suite du Grand Jury, présenté par Olivier Bost.
28:01 - Jean-Marc Jancovici, ingénieur énergie-climat,
28:04 est notre invité ce dimanche.
28:06 Jean-Marc Jancovici, dans votre bande dessinée "Un monde sans fin",
28:09 vous questionnez la recherche effrénée de croissance économique.
28:13 Une question de Loris Boixot.
28:14 - Oui, vous questionnez la question de croissance économique
28:17 et ça fait écho à des propos du climatologue Jean Jouzel
28:20 qui estime, je cite, "le capitalisme tel qu'on le vit actuellement
28:23 n'est pas compatible avec la lutte contre le réchauffement climatique.
28:26 Est-ce que c'est aussi, votre avis, capitalisme
28:29 qui n'est pas compatible avec le réchauffement climatique
28:32 et la lutte contre le réchauffement climatique ?
28:33 - Alors, d'abord, une petite précision.
28:34 Une bande dessinée a besoin d'un dessinateur.
28:36 Moi, je dessine comme un pied, donc c'est ma co-bande dessinée.
28:40 [Rires]
28:41 Et sans Christophe Blain, il n'y aurait pas eu de bande dessinée du tout.
28:45 - Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici.
28:47 - Voilà. Ensuite, alors, est-ce que le...
28:50 - Est-ce que le capitalisme est compatible avec la lutte
28:52 contre le réchauffement climatique ?
28:54 - Alors, il y a des arguments pour et des arguments contre.
28:56 Et par ailleurs, quand on parle de capitalisme,
28:59 il faut bien voir qu'on parle de 50 nuances de gris
29:01 au sens où votre boulanger est un capitaliste
29:04 puisqu'il est propriétaire de son outil de production,
29:07 enfin, ou en tout cas, il y a une boulangerie qui est une entité privée, voyez.
29:11 Votre plombier est capitaliste,
29:13 mais par ailleurs, Total est également capitaliste.
29:15 Donc, en fait, quand les gens pensent capitalisme,
29:18 très souvent, ils pensent multinational financiarisé.
29:21 C'est plutôt ça qu'ils ont en tête
29:23 que le marchand de légumes du stand
29:25 qui est juste à l'extérieur du studio.
29:27 C'est pas vraiment à ça qu'ils pensent.
29:29 Qui est pourtant aussi un capitaliste.
29:31 - La question se pose plus sur le capitalisme financiarisé.
29:34 - Donc, la question, c'est est-ce que la...
29:36 j'ai envie de dire la vision la plus spectaculaire
29:39 qu'on a aujourd'hui du capitalisme,
29:41 c'est-à-dire des grandes multinationales financiarisées,
29:43 c'est compatible avec la...
29:45 Eh bien, c'est une question...
29:47 Alors, si je vous dis non, de toute façon,
29:49 je vois pas ce que moi, Jean-Marc Jancovici,
29:51 je peux pas y faire, donc...
29:53 Dans mon univers quotidien, j'ai plutôt tendance
29:55 à prendre ces entités comme elles sont
29:57 pour voir ce que j'arrive à en faire.
29:59 Est-ce qu'il faut réguler le capitalisme ?
30:01 Assurément. C'est absolument évident.
30:03 C'est-à-dire qu'à minima, avant même de savoir
30:05 s'il faut totalement s'en passer,
30:07 pour le remplacer par quoi, du reste ?
30:09 Est-ce que vous avez envie ?
30:11 Moi, j'ai pas spécialement envie, demain matin...
30:13 - Le principe même du capitalisme,
30:15 en dehors de la régulation pour les questions de concurrence,
30:17 c'est qu'il n'y a pas, justement, de régularisation.
30:19 - Sur les questions de concurrence, mais en dehors de ça...
30:21 - Que si ! Moi, je suis chef d'entreprise,
30:23 je suis tenu d'appliquer le droit du travail,
30:25 qui est une régulation.
30:27 Je peux pas, par exemple,
30:29 ne pas payer les gens qui travaillent chez moi.
30:31 - Et en matière environnementale, ça se traduirait comment ?
30:33 Plus forte régulation ?
30:35 - En fait, c'est difficile de donner
30:37 un exemple qui soit générique.
30:39 J'en ai donné tout à l'heure. Si vous êtes constructeur de voiture,
30:41 on va pas avoir envie de vous appliquer la même
30:43 réglementation environnementale
30:45 que si vous êtes agriculteur, que si vous êtes
30:47 une collectivité locale,
30:49 ou que si vous êtes un industriel de la Chibie,
30:51 ou que si vous êtes un gérant d'hôtel.
30:53 Dans tous les cas de figure, on peut vous appliquer.
30:55 Je vous signale, par exemple, que, en ce qui concerne
30:57 les bâtiments dits tertiaires, c'est-à-dire pas les logements,
30:59 mais les autres, depuis les chocs pétroliers,
31:01 il y a un décret qui dit que la température
31:03 l'hiver ne doit pas dépasser 19°C dedans.
31:05 Voilà, par exemple, une réglementation
31:07 qui s'applique normalement à tous les gens
31:09 qui tiennent des hôtels
31:11 ou qui gèrent une administration.
31:13 Donc, de la réglementation environnementale,
31:15 bien sûr, ça, c'est pas du tout incompatible
31:17 avec le capitalisme. Pas du tout.
31:19 Alors, toujours pour rendre
31:21 les choses encore plus compliquées,
31:23 le communisme
31:25 qui s'appliquait dans l'Union soviétique
31:27 n'a pas été spécialement sympathique avec l'environnement.
31:29 Je veux dire, les soviétiques... - En Chine également.
31:31 - La Chine non plus.
31:33 C'est des gens qui ont, entre guillemets, salopé l'environnement
31:35 comme nous. Voilà. Donc, la question
31:37 que je me pose moi, à laquelle je n'ai pas la totalité
31:39 de la réponse aujourd'hui, c'est est-ce qu'il n'y a pas quelque chose
31:41 de malheureusement plus profond dans la nature humaine
31:43 qui fait qu'on a beaucoup de mal à résister
31:45 à l'accumulation, d'accord ?
31:47 Biologiquement, on a beaucoup de mal à résister à l'accumulation
31:49 parce que notre câblage biologique, il date
31:51 d'une époque où on ne savait jamais de quoi demain serait fait.
31:53 Et donc, on se disait, plus j'en ai sous le coude
31:55 et mieux je me porte. De telle sorte
31:57 qu'on a transposé ça aujourd'hui et vous avez beau
31:59 gagner un million, vous vous dites
32:01 "Tiens, si j'en gagnais deux, ce serait peut-être quand même pas mal."
32:03 Vous avez beau avoir une société
32:05 qui fait 500 millions, vous vous dites "Si elle faisait un milliard, ce serait
32:07 quand même pas mal." Enfin, oui, c'est... - Donc là,
32:09 c'est même pas philosophique, c'est anthropologique, quoi.
32:11 - Quelque part, oui. Et je me demande
32:13 où est la poule et où est l'oeuf ? C'est-à-dire, est-ce que le capitalisme
32:15 n'est pas la conséquence de ça plus qu'il en est la cause ?
32:17 Voilà. Je ne sais pas si je mourrai en ayant la réponse,
32:19 mais... Donc, quand vous me posez
32:21 la question "Est-ce que le capitalisme est compatible ?"
32:23 Je me la pose moi-même au sens où
32:25 quel capitalisme est compatible avec
32:27 la préservation de l'environnement ? Et ce qui est sûr,
32:29 c'est qu'un capitalisme non régulé ne l'est pas.
32:31 Alors, il l'est déjà aujourd'hui, je le redis,
32:33 il y a le droit du travail, il y a le droit de l'urbanisme, etc.
32:35 Et tout ça est une affaire de curseur.
32:37 C'est-à-dire, la bonne question, c'est où est-ce qu'il faut mettre les curseurs
32:39 pour que les deux deviennent compatibles ?
32:41 Et alors, dans la question notamment
32:43 qui est posée, qui a été posée tout à l'heure,
32:45 il y a la fameuse question de la croissance.
32:47 Est-ce qu'on peut régler
32:49 nos problèmes d'environnement en ayant des
32:51 flux physiques de production qui augmentent chaque année ?
32:53 La réponse est non. - En somme, est-ce qu'une croissance
32:55 sous-verte existe ? - Très, très claire.
32:57 La réponse, à mon avis, est non aussi. D'accord ?
32:59 - Ça veut dire qu'il faut aller vers la décroissance ?
33:01 - Ça veut dire qu'il faut aller vers quelque chose qui est une diminution
33:03 de notre pression matérielle
33:05 sur l'environnement. Donc ça veut dire qu'il faut effectivement,
33:07 dans un certain nombre de domaines, aller vers la décroissance.
33:09 Alors, quand vous avez une voiture d'une tonne
33:11 et demie et que vous la remplacez par une voiture
33:13 d'une tonne, c'est une forme de décroissance.
33:15 On peut également l'appeler la sobriété, si vous le désirez.
33:17 Et si, quand vous êtes comme moi,
33:19 un urbain ayant accès
33:21 aux pistes cyclables et aux transports en commun,
33:23 vous remplacez la voiture par le vélo et les transports en commun,
33:25 vous êtes encore plus dans la décroissance.
33:27 Est-ce que c'est nécessairement quelque chose de très désagréable ?
33:29 Par contre, il y a d'autres domaines où vous allez être dans la croissance.
33:31 La croissance de votre état sanitaire, par exemple.
33:33 La décroissance de la pollution,
33:35 plutôt un truc qui est sympathique.
33:37 Donc, il faut se méfier du côté,
33:39 je ne sais pas comment dire,
33:41 connoté péjorativement de la décroissance.
33:43 Il y a des décroissances qui sont parfaitement souhaitables.
33:45 Quand vous êtes fumeur ou alcoolique, la décroissance du tabac
33:47 ou de l'alcool est parfaitement souhaitable.
33:49 - À propos de décroissance, vous avez fait une proposition qui a été assez
33:51 polémique, c'était celle de réduire
33:53 à quatre vols d'avion par vie.
33:55 Donc, deux allers-retours dans une vie.
33:57 - Ce n'est pas vraiment une proposition.
33:59 C'est une de vos consœurs, qui était en l'occurrence
34:01 Léa Salamé, qui m'a posé à brûle pour poing
34:03 la question, à laquelle je ne m'attendais pas du tout
34:05 sur France Inter. Pardon, j'ai prononcé le nom d'un
34:07 concurrent, je suis désolé.
34:09 La question,
34:11 si on met le transport aérien en cohérence
34:13 avec les accords de Paris,
34:15 c'est-à-dire -5%
34:17 d'émissions de gaz à effet de serre tous les ans dans le monde.
34:19 Et, par ailleurs, il y avait un
34:21 implicite important dans le calcul, c'est que j'ai considéré
34:23 qu'un Somalien et vous, vous aviez le même droit à voler
34:25 dans votre vie. D'accord ? Donc, je n'ai pas dit les Français.
34:27 Je vais regarder juste les Français. Je vais prendre l'ensemble
34:29 des gens dans le monde. Et je suis
34:31 arrivé à un calcul. Alors, en séance,
34:33 je lui ai dit c'est quatre, alors c'est peut-être cinq, c'est peut-être six.
34:35 Puis, rentré chez moi, j'ai pris l'arme favori du consultant,
34:37 c'est le tableur Excel, et j'ai fait le calcul pour de vrai.
34:39 Et je suis arrivé à quatre. Voilà. Donc, en gros,
34:41 si on est
34:43 raccord avec les engagements que nous
34:45 avons pris, en disant on va limiter
34:47 le réchauffement à deux degrés,
34:49 et si on est parfaitement équitable,
34:51 c'est-à-dire qu'on considère que dans le monde, à l'arrivée,
34:53 un Somalien, un Brésilien,
34:55 un Danois et un Français... - Ça pliquerait à tous ?
34:57 - On le même... - Il y a un volet social aussi
34:59 dans cette idée ? - Il y a zéro volet, c'est juste un calcul.
35:01 C'est-à-dire, je dis, à ce moment,
35:03 la possibilité physique de voler qui reste
35:05 compatible avec les accords
35:07 de Paris, c'est quatre vols par personne
35:09 et par vie. Voilà. Mais il faut
35:11 bien voir que dans les années 50, il n'y avait même pas ça.
35:13 Mon père, qui était
35:15 quatre, enfin, pas quatre supérieurs, mais qui faisait partie
35:17 des CSP+, il était prof d'université.
35:19 Et bien, quand il a fait son post-doc aux États-Unis,
35:21 dans les années 50, il est parti en bateau.
35:23 L'avion comme ça,
35:25 c'était il y a moins d'un siècle,
35:27 ça n'existait pas. - Et le secteur
35:29 aérien, par exemple ? - Et ça mourra avec le pétrole, le transport
35:31 aérien de masse. C'est-à-dire que le jour où il n'y aura plus de pétrole,
35:33 ce n'est pas la peine de rêver d'hydrogène, d'agrocarburant,
35:35 etc. - Donc l'avion vert, ça n'existe pas ?
35:37 - Il y aura quelques milliardaires qui,
35:39 si on accepte l'inéquité,
35:41 qui pourront se payer ça,
35:43 et les autres, non. - L'avion bas carbone,
35:45 l'avion durable, l'avion vert, ce sont des
35:47 expressions qu'on entend. - À 4 milliards
35:49 de passagers par an dans le monde, ça n'existera pas. - Ça n'existe
35:51 pas, selon vous. - Ça n'existera pas à 4 milliards de passagers
35:53 par an dans le monde, non. - Et donc, investir
35:55 dans l'hydrogène, par exemple, ça ne sert à rien ?
35:57 - Non, parce que vous ne pouvez pas faire que de l'avion vert
35:59 avec l'hydrogène. Les cadres supérieurs
36:01 qui aiment bien l'avion, considèrent
36:03 que c'est très important d'aller mettre de l'hydrogène dans l'avion.
36:05 En fait, il y a des trucs plus urgents à faire avec l'hydrogène.
36:07 L'hydrogène, on peut s'en servir pour faire
36:09 de l'acier sans émettre de CO2.
36:11 Aujourd'hui, l'acier, on le fabrique dans un haut fourneau
36:13 et on mélange du minerai de fer et du charbon,
36:15 du coque, un charbon spécial,
36:17 et ça crache du CO2 autant qu'on veut.
36:19 Les aciéries dans le monde émettent
36:21 autant de CO2 que la flotte mondiale de camions.
36:23 Ça émet deux fois les émissions de CO2
36:25 de la marine marchande.
36:27 C'est pas mal. Eh bien,
36:29 il faudrait fabriquer... On peut fabriquer de l'acier
36:31 avec de l'hydrogène. C'est beaucoup plus urgent
36:33 de continuer à fabriquer de l'acier
36:35 que d'aller au... J'allais prononcer
36:37 une marque, je suis désolé, dans un village
36:39 de vacances, loin, à l'étranger.
36:41 Voilà, un village que je ne nommerai pas.
36:43 Quand vous regardez à quoi servent
36:45 les transports aériens dans le monde,
36:47 les deux tiers, c'est pour aller d'une ville à une autre ville pour changer
36:49 les idées. Il y a des tas d'autres moyens de se changer les idées.
36:51 - L'hydrogène pour stocker aussi l'énergie...
36:53 - À grande maille sur les réseaux électriques,
36:55 on n'y arrivera pas.
36:57 Le rendement est beaucoup trop mauvais.
36:59 Et le deuxième truc qu'on peut faire avec de l'hydrogène, c'est de l'ammoniaque
37:01 pour faire des engrais. Vous savez qu'aujourd'hui, les engrais azotés
37:03 qu'on utilise dans les champs, et qui ont permis,
37:05 entre autres, de multiplier par 5 les rendements agricoles
37:07 en France, donc on n'est pas en train de parler
37:09 de choses anecdotiques.
37:11 On les fabrique avec de l'hydrogène.
37:13 Et fabriquer cet hydrogène de façon
37:15 bas carbone pour continuer à fabriquer des engrais,
37:17 parce que même si on veut une agriculture qui soit
37:19 moins impactante sur l'environnement,
37:21 on va quand même avoir, pendant un certain temps
37:23 encore, besoin de fabriquer des engrais.
37:25 Eh bien, il faut le faire avec l'hydrogène.
37:27 Donc commençons par faire de l'acier et des engrais.
37:29 Puis s'il y a du rabe, on verra ce qu'on en fait, mais mon avis,
37:31 c'est qu'on ne va pas avoir beaucoup de rabe.
37:33 - Ceux qui sont partis pour être les champions de l'hydrogène, pour l'instant,
37:35 c'est les chinois. Nous, on est placés...
37:37 - Je n'ai pas de chiffres
37:39 sur là où en sont les chinois. Pour le moment,
37:41 les chinois, ils ont quand même un petit problème, qui est que 60%
37:43 de leur électricité vient de centrales à charbon.
37:45 Et l'hydrogène fait avec de l'électrolyse,
37:47 de l'eau, fait avec des centrales à charbon,
37:49 c'est pire que du pétrole, en termes d'émissions
37:51 de gaz à effet de serre.
37:53 Parce que vous avez, au début,
37:55 vous retrouvez dans l'hydrogène, à l'arrivée, les émissions de CO2
37:57 de la centrale à charbon de départ. Il faut savoir que les chinois,
37:59 ils ont la moitié des centrales à charbon mondiales,
38:01 chez eux. Ils utilisent
38:03 plus de la moitié du charbon mondial.
38:05 60% de leur électricité est faite au charbon.
38:07 Donc, ils ont un tout petit sujet avec leur parc électrique.
38:09 Et s'ils passent à l'hydrogène, chez eux,
38:11 fait avec l'électricité telle qu'elle est fabriquée
38:13 aujourd'hui, ils n'ont pas du tout résolu
38:15 leurs problèmes. - Nous, on a un sujet aussi avec
38:17 notre parc électrique, de production
38:19 électrique. C'est celle du nucléaire.
38:21 Un certain nombre de centrales
38:23 sont prolongées de 10 ans, de 20 ans.
38:25 Est-ce que vous pensez qu'on peut encore les
38:27 prolonger ? Parce qu'on a
38:29 tendance de nouvelles centrales nucléaires.
38:31 Est-ce que ça c'est jouable ? Ou est-ce qu'il faut
38:33 massivement, comme un certain
38:35 nombre d'organismes,
38:37 notamment, et de scientifiques le disent,
38:39 il faut massivement, aujourd'hui,
38:41 investir dans les énergies renouvelables ?
38:43 - Alors, il y a
38:45 une idée qui court en France,
38:47 qui est qu'une centrale nucléaire, c'est fait pour durer
38:49 40 ans. Et qu'au 1er
38:51 janvier de la 41e année,
38:53 sauf, tel le carrosse de Cendrillon
38:55 qui se retransforme en citrouille,
38:57 le truc disparaît. - Non, l'idée c'est de les prolonger jusqu'à 50 ans.
38:59 - Non, mais surtout, c'est pas comme ça que ça marche.
39:01 En fait, une centrale nucléaire, c'est une pièce
39:03 qu'on ne sait pas changer, qui est la cuve du réacteur,
39:05 et tout le reste qu'on sait changer.
39:07 Donc, en fait, ce qui va se passer,
39:09 c'est que l'autorité de sûreté nucléaire
39:11 va, tous les 10 ans, faire une visite extrêmement
39:13 approfondie, qu'on appelle la visite décénale,
39:15 et va dire à l'exploitant du réacteur,
39:17 qui en l'occurrence se trouve être EDF,
39:19 votre réacteur,
39:21 à condition que vous changez... Alors, il y a un
39:23 premier truc, c'est la cuve passe ou passe pas
39:25 pour les 10 ans qui viennent. Si ça passe pas,
39:27 il n'y a rien à faire, on arrête le réacteur.
39:29 Mais si ça passe pour les 10 ans qui viennent,
39:31 donc il regarde l'acier, comment il a travaillé,
39:33 comment il... Si l'irradiation
39:35 qu'il a subie est quelque chose qui l'empêche d'être
39:37 encore dans les bonnes normes de sécurité pour l'avenir...
39:39 - Mais on ne sait pas jusqu'à quand ça passe. - Exactement.
39:41 Alors, je finis. Et ils disent,
39:43 pour le reste, on est d'accord pour 10 ans de plus,
39:45 à condition que vous fassiez tel type de travaux, tel type
39:47 de travaux, vous changez tel machin, vous changez tel truc,
39:49 et j'insiste, dans une centrale nucléaire, on peut tout changer.
39:51 Au moment où on a fermé Fessenheim,
39:53 Fessenheim était paradoxalement
39:55 une des centrales françaises dans lesquelles
39:57 il y avait le plus de composants neufs.
39:59 - Il fallait réinvestir quand même dedans pour qu'elle... - Non, non, non, non.
40:01 Il y avait un facteur
40:03 de charge qui était parfait. Non, non, c'est
40:05 une centrale qui tournait très bien.
40:07 Et Hollande a
40:09 propagé l'idée que la centrale la plus vieille
40:11 était nécessairement... Non, parce que toutes les centrales françaises
40:13 n'ont pas le même modèle.
40:15 On a vu par exemple au moment de la corrosion sous
40:17 contrainte que les vieilles centrales "n'avaient pas
40:19 de problème" et que c'est les plus récentes
40:21 qui ont eu un problème parce qu'elles n'étaient pas conçues pareilles,
40:23 que la corrosion se mettait dans les trucs coudés
40:25 et il y avait plus de coudes dans les centrales récentes.
40:27 Donc,
40:29 les centrales, en fait,
40:31 tous les 10 ans, l'autorité de sûreté qui a le mandat de faire ça,
40:33 passe et dit
40:35 "ça passe pas pour 10 ans supplémentaires".
40:37 Aux Etats-Unis, par exemple, les réacteurs à eau pressurisé
40:39 qu'ils ont, alors ils n'ont pas la même
40:41 philosophie de sûreté que nous, mais
40:43 ils ont tous été validés pour 60 ans.
40:45 Et on parle pour certains de commencer à les prolonger
40:47 à 80. C'est juste un problème,
40:49 j'insiste, sur la cuve,
40:51 qui est l'élément qu'on ne peut pas remplacer, tout le reste on peut le changer.
40:53 Et ça devient donc un problème économique essentiellement.
40:55 - Ça veut dire que selon votre raisonnement,
40:57 qu'on n'est pas face à un mur, c'est-à-dire qu'il y a un moment
40:59 où il va falloir arrêter un certain nombre de centrales,
41:01 ça pour vous, ça n'existe pas ? - Pas toutes au même âge.
41:03 C'est comme les hommes, ou les femmes.
41:05 - Ah oui, elles ont toutes été construites à peu près sur la même période.
41:07 - Tous les gens qui sont nés la même année ne vont pas tous mourir la même année.
41:09 - Oui, mais elles ont toutes été construites sur une période quand même assez...
41:11 - Oui, oui, mais ça, il n'empêche.
41:13 Vous avez, en fait, ce qu'il faut avoir,
41:15 c'est presque une vue statistique.
41:17 C'est-à-dire, dans les 50 et quelques
41:19 réacteurs qu'on a en France,
41:21 vous en avez 10, 20, 30, 40, qui vont pouvoir
41:23 aller à 60 ans, vous en avez 5 qui ne passeront pas
41:25 à la barre des 40, etc. C'est comme ça que ça va se passer,
41:27 en pratique. - Les SMR, les petits réacteurs...
41:29 - Quand je dis 5, je n'en sais rien, c'est 3, c'est 2, c'est 1,
41:31 c'est 8, c'est... - Les SMR,
41:33 les petits réacteurs, est-ce que ça peut être une solution
41:35 plus rapide et plus efficace ?
41:37 - Alors, ça sera... - C'est complémentaire. - Les SMR, comme leur nom
41:39 l'indique, le "S" vient de "small",
41:41 donc c'est des petits réacteurs.
41:43 Et l'idée, c'est de faire
41:45 en usine
41:47 des petits trucs modulaires, enfin petits, pas si petits,
41:49 mais enfin, plus petits et modulaires,
41:51 et sur site, vous en juxtaposez
41:53 autant que nécessaire pour avoir la puissance
41:55 que vous avez envie d'avoir.
41:57 Alors, c'est quand même quelque chose qui est particulièrement
41:59 bien adapté à des installations qui sont
42:01 un peu globalement moins puissantes
42:03 que les réacteurs les plus puissants qu'on a actuellement en France,
42:05 1400 gigawatts,
42:07 et moins puissants que les EPR qui en font 1600.
42:09 - Donc, c'est du complément en attendant que...
42:11 - Alors, c'est pas pour les mêmes besoins,
42:13 c'est pour mettre
42:15 dans des endroits dans lesquels vous avez une consommation
42:17 qui peut être moins importante, par exemple,
42:19 ou bien c'est pour faire
42:21 des économies d'échelle dans la construction,
42:23 parce que vous allez avoir une construction en usine,
42:25 etc., donc ça ne correspond pas exactement aux mêmes besoins.
42:27 Et puis à terme, ça peut aussi être
42:29 des types de réacteurs qui ne sont pas les mêmes.
42:31 Parce qu'on va avoir besoin,
42:33 même dans le nucléaire, de changer le type
42:35 de réacteurs qu'on utilise, parce que les réacteurs
42:37 qu'on utilise aujourd'hui, il n'y a pas assez d'uranium
42:39 sur Terre pour que l'on puisse
42:41 généraliser ce genre de réacteurs
42:43 pour le dire de manière
42:45 un peu simple, pour remplacer la moitié des centrales
42:47 à charbon qu'on a sur Terre, pendant des siècles.
42:49 Il n'y a pas assez d'uranium pour ça.
42:51 Donc, il faut utiliser ce qu'on va appeler
42:53 la quatrième génération pour se
42:55 débarrasser de ce problème de ressources.
42:57 - Mais la quatrième génération n'est pas prête du tout.
42:59 - Elle a été pas loin d'être prête,
43:01 et elle est prête ailleurs dans le monde, sur certains modèles.
43:03 La quatrième génération,
43:05 c'était Phénix et Superphénix. Alors Superphénix
43:07 a été arrêtée pour des raisons politiques, mais Phénix
43:09 a fonctionné pendant 30 ans, à bas bruit. Ce n'était pas un enjeu
43:11 politique, donc on ne l'a pas fait suer.
43:13 Et ça a marché, ça fonctionne. - Mais est-ce que la France sait encore
43:15 faire du nucléaire ? Quand vous voyez le fiasco
43:17 de l'EPR de Flamanville, par exemple, un coût
43:19 multiplié par 6, une durée de chantier
43:21 multiplié par 4, est-ce que la France sait encore faire du nucléaire ?
43:25 - Je peux vous répondre d'une manière un peu taquine.
43:27 Le budget à terminaison d'Eurotunnel,
43:29 c'était 5 fois le budget initial.
43:31 Donc je pourrais vous demander, est-ce que la France sait encore faire des tunnels ?
43:33 Bon, oui, de temps en temps, on y arrive.
43:35 Donc il faut... - Pour l'heure, il n'y a pas
43:37 un kilowattheure qui est sorti de...
43:39 - Oui, mais ce que je veux dire, c'est que le coût...
43:41 Le coût n'est pas nécessairement
43:43 le premier élément qui caractérise le fait
43:45 que techniquement, on ne saurait pas faire.
43:47 Ça peut venir de plein de raisons.
43:49 Un des exemples,
43:51 c'est quand vous arrêtez un chantier
43:53 parce que vous êtes en attente d'une réparation,
43:55 ce qui est le cas à Flamanville,
43:57 vous avez ce qu'on appelle les intérêts intercalaires,
43:59 parce que vous avez emprunté de l'argent pour construire la centrale,
44:01 qui s'accumulent, c'est un peu comme le phénomène
44:03 de la dette, et ça, ça vous augmente
44:05 le coût du chantier, alors que vous avez...
44:07 Vous ne payez pas un fournisseur
44:09 quelquefois, si, vous payez un banquier
44:11 ou un actionnaire. Donc vous avez plein
44:13 d'éléments qui peuvent expliquer
44:15 le dérapage budgétaire... - Donc c'est plutôt compréhensif,
44:17 plutôt que sévère, face à ce fiasco ?
44:19 - Je ne dis pas que je ne suis pas sévère, il y a des tas de trucs
44:21 qu'on aurait pu, probablement,
44:23 ne pas faire. Ce que je suis en train
44:25 de dire, c'est que l'attribution des "fautes"
44:27 sur le dérapage budgétaire,
44:29 moi je ne suis pas suffisamment
44:31 connaisseur de tous les rouages
44:33 techniques de cette affaire-là
44:35 pour être capable de vous dire "c'est la faute de trucs,
44:37 c'est la faute de machins, c'est la faute de ceci".
44:39 - Et aujourd'hui... - Par contre,
44:41 ce que je... - Excusez-moi, mais pour résumer,
44:43 aujourd'hui, vous dites "les centrales
44:45 nucléaires existantes peuvent être prolongées".
44:47 C'est la première chose que vous dites. La deuxième, c'est
44:49 "du nucléaire, on peut en faire, il faut qu'on continue d'en faire", etc.
44:51 A priori, on est sur
44:53 des échéances quand même de 10 à 15 ans
44:55 pour construire aujourd'hui une centrale nucléaire.
44:57 Entre les deux, je vous ai posé la question
44:59 tout à l'heure, certains disent,
45:01 des organisations et des scientifiques
45:03 disent "il faut développer massivement
45:05 le renouvelable". À ça,
45:07 vous répondez quoi ? - Alors, je réponds
45:09 "oui" et "non". - Parce que, j'ajoute que
45:11 la consommation électrique est partie
45:13 normalement pour largement augmenter,
45:15 à la fois par la réindustrialisation et à la fois
45:17 par le changement des modes de transport. - Alors, je dis
45:19 "oui" et "non", ça dépend ce qu'on veut en face.
45:21 Si on veut plus
45:23 d'électricité, mais pas nécessairement
45:25 plus de garantie qu'on a à n'importe
45:27 quel moment, c'est très bien de le faire.
45:29 Il n'y a pas de problème avec ça.
45:31 Si on veut plus de garantie,
45:33 enfin, conserver la même garantie
45:35 qu'aujourd'hui, en même temps que le
45:37 développement des renouvelables, on est obligé de développer
45:39 des moyens dits de "backup".
45:41 Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais
45:43 les Allemands, ils ont par exemple en ce moment
45:45 le projet de construire 15 gigawatts de centrales à gaz.
45:47 Précisément parce que
45:49 il y a de temps en temps
45:51 des moments où il y a moins de soleil ou moins de vent,
45:53 donc il y a une fluctuation dans la production.
45:55 Et si en face, le consommateur
45:57 n'accepte pas de caler sa
45:59 consommation sur les fluctuations,
46:01 donc vous n'acceptez pas par exemple que
46:03 une semaine d'hiver où il n'y a
46:05 pas beaucoup de soleil l'hiver,
46:07 où vous n'avez qu'une semaine sans vent,
46:09 si vous n'acceptez pas que
46:11 il y ait un train sur deux,
46:13 à ce moment, il faut avoir
46:15 des moyens de "backup".
46:17 Est-ce que vous continuez de dire qu'il ne faut pas
46:19 investir dans les énergies renouvelables ?
46:21 Ce que j'ai toujours dit, c'est
46:23 que c'est stupide de remplacer du nucléaire
46:25 par des énergies renouvelables.
46:27 Donc il faut associer les deux ?
46:29 Je n'ai jamais dit que c'est stupide en tant que tel d'avoir des moyens renouvelables.
46:31 Je n'ai jamais dit ça.
46:33 Par contre, il ne faut pas
46:35 leur demander des choses que
46:37 elles ne seront pas nécessairement capables de faire.
46:39 Par exemple,
46:41 associer du solaire avec du transport électrique,
46:43 qui a besoin de se recharger
46:45 un peu tous les jours, sachant que de l'énergie solaire,
46:47 même s'il y en a moins en hiver,
46:49 vous en avez quand même un peu tous les jours,
46:51 il y a quand même du soleil tous les jours,
46:53 c'est quelque chose qui est parfaitement pertinent.
46:55 Par contre, dire "je vais développer
46:57 des grands parcs éoliens,
46:59 et ça je suis sûr que ça va m'offrir de l'électricité
47:01 en permanence toute l'année", ça c'est non.
47:03 Encore une fois,
47:05 il faut regarder dans le détail
47:07 ce qu'on souhaite avoir comme service.
47:09 Aujourd'hui, ce raisonnement-là,
47:11 il n'est pas poussé jusqu'au bout.
47:13 La deuxième chose qu'il faut bien voir,
47:15 c'est qu'on n'est pas en train de construire
47:17 un système électrique pour les 20 prochaines années.
47:19 On est en train de bâtir un système électrique
47:21 avec l'idée que ça va quand même fonctionner
47:23 pendant des siècles, cette histoire.
47:25 - La question c'est de passer les 20 prochaines années.
47:27 - On est bien d'accord.
47:29 Mais même sur les 20 prochaines années,
47:31 aujourd'hui, le système électrique
47:33 à base de renouvelables,
47:35 il n'est plus consommateur de métaux,
47:37 il n'est plus consommateur d'électronique,
47:39 parce que le système dans lequel
47:41 vous avez énormément de sources à piloter
47:43 demande beaucoup plus d'électronique
47:45 pour piloter tout ça.
47:47 Et donc c'est un système dans lequel
47:49 vous avez aussi une dépendance
47:51 à des chaînes d'approvisionnement longues,
47:53 parce que la électronique, on ne la fabrique pas nous-mêmes,
47:55 les métaux, on ne les a pas chez nous.
47:57 RTE commence à faire des exercices
47:59 qui sont extrêmement louables,
48:01 ils ont, dans leurs premiers scénarios,
48:03 regardé les consommations en matériaux
48:05 de l'ensemble des options qui étaient à notre main,
48:07 ils n'ont pas encore regardé l'électronique par exemple,
48:09 mais c'est un truc qu'il faudrait faire.
48:11 Et là, ils viennent de faire une variante
48:13 dans leur scénario qu'ils appellent
48:15 "Mondialisation Contrariée",
48:17 et cette variante est une variante dans laquelle,
48:19 précisément par défaut de combustible fossile,
48:21 vous avez,
48:23 alors ce n'est pas comme ça qu'ils le disent,
48:25 mais moi c'est comme ça que je l'interprète,
48:27 vous avez les chaînes d'approvisionnement longues
48:29 de l'univers, et donc vous avez
48:31 moins facilement des métaux, des matériaux,
48:33 etc., et là, ce qu'ils nous disent,
48:35 c'est le coût du système
48:37 avec plus de renouvelables, enfin,
48:39 l'accès aux énergies renouvelables,
48:41 leur coût pourrait doubler.
48:43 C'est évident qu'aujourd'hui, on n'est pas allé jusqu'au bout
48:45 des analyses de sensibilité
48:47 et des analyses de risque des diverses options
48:49 qui s'offrent à nous. Et peut-être que la meilleure des options,
48:51 je ne vais pas dire n'importe quoi,
48:53 c'est de construire des ENR,
48:55 mais sans en attendre des miracles dans les 20 ans qui viennent,
48:57 de se mettre en position
48:59 de déployer très rapidement
49:01 du nucléaire à partir de 10-15 ans,
49:03 parce que quand on a fait le plan MESSMER,
49:05 on n'a pas attendu 20 ans,
49:07 mais on a fait des objets plus simples
49:09 que ceux qu'on fait aujourd'hui,
49:11 et dans le même temps, de revenir,
49:13 et c'est même incontournable,
49:15 RTE le dit aussi, d'accélérer
49:17 sur ce qu'on appelle la sobriété,
49:19 c'est-à-dire, au lieu de viser 30 millions de voitures électriques,
49:21 on en vise 10, et le reste,
49:23 c'est des vélos électriques et des vélos cargo,
49:25 et du covoiturage.
49:27 - Une toute dernière question, Jean-Marc Jancovici,
49:29 il n'y a jamais eu autant de climato-sceptique en France,
49:31 37% des français
49:33 doutent aujourd'hui du lien entre le réchauffement climatique
49:35 et l'activité humaine,
49:37 est-ce que ça vous interroge
49:39 sur les messages que vous portez,
49:41 c'est-à-dire que le fait de
49:43 faire peur, enfin, pour être rapide,
49:45 est efficace ou pas,
49:47 ou est-ce qu'au contraire, ça vient alimenter
49:49 finalement un doute général ?
49:51 - Je ne sais pas si vous connaissez
49:53 cette petite maxime qu'on prête à un ancien
49:55 président du conseil français, qui est
49:57 "il n'est de problèmes qui ne résistent
49:59 durablement à une absence de solutions".
50:01 - Monsieur Keuil ?
50:03 - Absolument, Henri, de son prénom, si ma mémoire
50:05 est bonne.
50:07 C'est la seule question des grosses têtes auxquelles j'aurais pu répondre.
50:09 Donc,
50:11 on est un peu dans cette situation,
50:13 en fait, le climato-scepticisme, moi,
50:15 c'est marrant parce que j'ai fait une chronique matinale,
50:17 il n'y a pas très longtemps, là-dessus,
50:19 c'est une réaction des arrois et des nids.
50:21 Quand vous êtes face à un problème où vous ne voyez pas
50:23 la porte de sortie, vous avez une réaction
50:25 très humaine qui consiste à dire "le problème n'existe pas".
50:27 Et aujourd'hui,
50:29 la racine, une des racines du climato-scepticisme,
50:31 c'est soit une
50:33 mauvaise solution, soit une solution qui n'existe pas,
50:35 c'est-à-dire soit un truc qui n'est pas fait, soit un truc
50:37 qui va trop vite et de manière trop bulldozer,
50:39 sans qu'on ait réfléchi à l'avance,
50:41 à la façon de faire. - Merci, Jean-Marc Jancovici,
50:43 de nous avoir en tout cas donné
50:45 quelques pistes de solutions. Merci pour ce
50:47 grand jury. Bon dimanche à tous, à la semaine prochaine.
50:49 !