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Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Lundi 9 octobre 2023 : l’auteur, comédien et réalisateur Hippolyte Girardot. Il vient de publier un roman autobiographique : "Un film disparaît", aux éditions du Seuil.

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Transcription
00:00 - Bonjour Ibole Girardo. - Bonjour.
00:01 - Vous êtes acteur, scénariste, réalisateur.
00:04 Vous êtes aussi une voix de radio du service public et auteur.
00:06 Vos débuts en tant que comédien, vous les avez effectués aux côtés de
00:09 réalisateur et réalisatrice Yannick Bélon avec La Femme de Jean,
00:13 Francis Giraud avec Le Bon Plaisir, Jean-Luc Godard avec Prénom Carmen
00:16 et Éric Rochelant avec Un Monde sans Pitié, considéré encore aujourd'hui
00:19 comme étant le film de toute une génération, avec une jeunesse perdue
00:23 et compétitive et qui vous a offert votre premier rôle principal.
00:27 Vous venez de publier un film Disparais aux éditions du Seuil.
00:30 Après avoir dédié ce livre à vos enfants et cité Oscar Wilde,
00:34 vous démarrez par un chapitre intitulé Les Ricochets.
00:36 Et cette question, de quoi se souvient-on quand on se souvient ?
00:40 Vos premiers souvenirs, ce sont les Ricochets, comme une photo de partage
00:43 entre un père et un fils, ce même père qui semble vous avoir
00:46 invité à écrire ce livre.
00:47 Ce livre vous montre pour la première fois nu, à vif, les yeux parfois embués.
00:53 Qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire ce livre ?
00:56 - Ah ! Ce qui m'a donné envie d'écrire le livre, en fait,
01:01 c'était une suggestion d'une jeune éditrice qui, quand je lui ai raconté
01:05 un peu comment j'étais devenu acteur, etc., le truc un peu classique
01:08 qui arrive entre un acteur et un éditeur.
01:10 Quand j'ai raconté la petite histoire qui se passe au cœur du livre,
01:15 qui est la disparition de ce film, elle m'a dit "Voilà, c'est là-dessus
01:18 que tu dois écrire parce que ça, c'est une histoire qu'on ne connaît pas.
01:20 C'est assez étonnant, on ne sait pas." Et pour écrire cette histoire,
01:24 j'ai été obligé de, comme on dit, contextualiser.
01:26 Et donc, en remontant dans les différents chemins,
01:28 je me retrouve effectivement avec ce souvenir, avec mon père
01:34 qui m'apprend à faire des ricochets et qui, en même temps,
01:39 parle de ça, du fait de raconter ce qui nous arrive, que c'est important,
01:45 peut-être pas d'en faire un livre, mais en tout cas de transmettre
01:48 notre expérience.
01:52 - Aussi loin qu'on remonte vos souvenirs, vous avez toujours dessiné.
01:54 Encore un lien qui vous rattache à votre père, qui dessinait
01:59 quand il était envoyé à la guerre, juste après avoir accouché,
02:02 aidé, en tout cas votre mère, à accoucher de vous.
02:04 C'est un souvenir qui est assez compliqué parce que du coup,
02:08 vous vous êtes retrouvé une petite période sans ce père, finalement.
02:11 Et les dessins étaient vraiment ce qui vous attachait et vous raccrochait
02:15 à lui.
02:16 Il envoyait un courrier avec une lettre pour votre mère et un dessin
02:19 pour vous.
02:20 C'était sa prise de parole.
02:22 - Pour moi, en tout cas, c'était de l'imitation, en fait.
02:25 C'est-à-dire, c'est comme qu'on apprend à parler.
02:27 On imite les gens qui nous parlent.
02:28 Et de la même manière, je crois que j'ai aimé dessiner parce que
02:31 j'imitais mon père en train de le faire.
02:32 Et avec beaucoup d'effort, beaucoup plus que lui.
02:36 Et donc, je ne suis pas du tout un grand dessinateur, mais j'adore ça.
02:42 Il y a quelque chose qui se passe dans l'acte, qui est quelque chose
02:45 de très intime et qui m'est très important encore aujourd'hui.
02:48 - Vous dites que la photo, elle saisit l'instant, que le dessin, lui,
02:51 raconte l'histoire.
02:52 - Oui, c'est-à-dire qu'il y a quelque chose du temps.
02:54 Le temps de faire un dessin, c'est aussi un temps d'appréhension
02:58 du réel qui est très différent de celui que la photo saisit.
03:04 C'est très, très différent.
03:04 Ça prend du temps, en fait, de dessiner.
03:06 Et ce temps qu'on prend à dessiner nous apprend ce qu'on voit,
03:11 en fait, alors que la photo ne nous apprend pas ce qu'on voit.
03:14 Elle nous montre ce qu'on voit.
03:15 - Ce qui est fort avec le dessin, pour terminer là-dessus,
03:17 c'est que vraiment, vous nous dites que c'est votre maison.
03:19 - Oui, c'est ça.
03:21 Je pense que là, vous prenez n'importe quel dessinateur,
03:24 le meilleur moment de sa vie, c'est quand il est comme ça,
03:27 avec son petit crayon, puis les portes commencent à se fermer,
03:30 les murs à monter de partout, etc.
03:32 L'herbe à pousser autour de la colline dans laquelle ils sont enfouis.
03:35 Ils sont dans leur maison, ils sont dans leur caverne.
03:37 Et c'est complètement magique, c'est complètement magique de faire ça.
03:41 - Il y a cette histoire d'âne bleue, parce que les dessins qui vous envoyaient,
03:46 effectivement, étaient faits au stylo bleu.
03:49 Ça, on le découvre notamment à la fin du livre,
03:52 parce que ce sont les dernières paroles que vous aviez envie de lui dire
03:56 quand il a disparu ou terminé, justement, sur l'enterrement de votre père.
04:00 Est-ce que ce n'est pas aussi une façon de lui permettre de continuer à vivre, ce livre ?
04:04 - Ce qui est vrai, c'est que le souvenir des personnes,
04:07 nous les rend souvent
04:09 presque plus vivants qu'ils n'étaient.
04:13 C'est-à-dire qu'il y a quelque chose de mythologique qui commence à se créer.
04:17 C'est un peu des statues qui commencent à bouger.
04:21 Et puis, petit à petit, je pense que les statues elles-mêmes se figent
04:25 et disparaissent, là, pour le coup, complètement.
04:27 Et c'est très bien comme ça, il faut que les morts disparaissent.
04:30 Mais avant ça, ils grandissent.
04:33 En fait, c'est comme si d'un seul coup, on était sur l'île de Pâques
04:37 et on était entouré de fantômes vivants de nos anciens,
04:44 qui sont là et qui en nous regardent.
04:46 Et je pense que ça, c'est très fort.
04:47 Et le fait d'en parler, effectivement, ça crée ça.
04:51 Ça crée ces espèces de statues mythologiques autour de nous
04:55 et qui nous regardent, puis à un moment donné, elles se figent
04:57 et puis, elles disparaissent.
04:59 Pour de vrai.
05:01 - Le Chênais, c'est l'endroit où vous avez grandi.
05:03 Et c'est l'endroit aussi où vous avez commencé à vous inventer vos premières
05:07 histoires, finalement, pas loin du château de Versailles.
05:10 Vous avez commencé, effectivement, à imaginer des histoires,
05:15 à vous en inventer. Est-ce que c'est à ce moment-là que vous avez eu envie
05:17 d'en raconter ou de faire partie des histoires que vous alliez raconter ?
05:20 - Je crois que quand j'étais môme, j'étais ce qu'on appelle un peu un rêveur,
05:26 comme ça, un peu dans mon coin.
05:27 Je n'étais pas très...
05:28 J'étais plutôt réservé, plutôt.
05:32 Et le dessin, ça pousse là-dedans, vachement.
05:35 Et je crois que le fait de vouloir raconter une histoire
05:39 ou même des petites BD que je faisais quand j'étais petit, etc.
05:42 Je pense que c'est une façon de dire voilà, je dis rien, peut-être,
05:45 je ne dis pas grand-chose, mais j'ai en fait des choses dans la tête.
05:48 Et petit à petit, c'est venu, cette espèce de confiance.
05:52 Et je pense que cette confiance dans la parole que j'ai encore aujourd'hui,
05:56 et je pense que ça, c'est vachement lié à ma mère.
05:58 C'est quelqu'un qui était, elle aussi, elle a disparu.
06:02 Et c'était quelqu'un qui était extrêmement babar,
06:05 qui racontait beaucoup d'histoires et qui était d'ailleurs aussi
06:07 une grande menteuse, mais très sympathique, il n'y a pas de problème.
06:11 Je pense qu'il faut mentir dans la vie.
06:12 Mais c'était donc quelqu'un qui a inventé un monde.
06:15 Et je pense qu'elle l'inventait dans la parole.
06:17 Et c'est quelque chose que j'ai vraiment hérité d'elle.
06:21 Et je pense qu'on est comédien, c'est ça qu'on fait.
06:23 - Votre mère, elle travaillait justement dans une agence de pumes.
06:27 Votre père, lui, il travaillait au Beaux-Arts de Paris.
06:30 - Il était architecte.
06:31 - Voilà. Et ce n'est pas un hasard, finalement,
06:34 que vous ayez eu envie de choisir les arts déco.
06:37 Notamment, vous avez fait, vous êtes sorti diplômé
06:39 de l'École nationale supérieure d'arts décoratifs.
06:41 - Ah oui.
06:42 - Au départ, votre souhait, c'était vraiment d'étudier ça,
06:46 mais surtout de faire un métier de l'ombre.
06:48 Et c'est vraiment totalement un accident que vous vous retrouviez comédien.
06:53 - C'est ce que je crois, c'est ce que je me raconte.
06:55 Après, un jour, je vais au Festival de Ghane,
07:00 je reviens de Nice, je suis à l'aéroport
07:02 et puis je m'assois comme ça, parce qu'il faut toujours attendre à Nice.
07:05 C'est comme ça.
07:06 Et il y a une femme à côté de moi, mais qui a en fait exactement mon âge,
07:11 qu'elle considère vraiment comme une dame.
07:12 Et alors, elle me dit, pour une fois que je peux vous parler à Hippolyte,
07:16 là, d'ailleurs, que je peux te parler d'ailleurs à Hippolyte.
07:20 Je me dis, qu'est-ce qu'elle veut me dire, cette dame ?
07:21 Et en fait, cette femme qui a exactement mon âge,
07:24 était en classe avec moi en terminale,
07:26 ou juste avant la terminale, en première, au moment du bac français,
07:30 et m'a dit que j'étais insupportable, parce que je parlais tout le temps.
07:34 J'avais une très bonne relation avec la prof.
07:37 Je voulais la séduire par ma parole, par mes interprétations d'Arthur Rimbaud
07:41 dans tous les sens. Et donc, j'étais quelqu'un de bavard.
07:43 Donc, après, je me raconte que ça vient par hasard.
07:46 Tiens, je deviens comédien.
07:47 Mais cette femme charmante à l'aéroport de Nice,
07:51 m'a dit pas du tout.
07:52 Ça ne m'a pas du tout étonné quand je t'ai vu devant une caméra.
07:55 Donc, vous voyez, on se raconte des histoires.
07:56 On se raconte sa propre légende quand même.
07:58 - Même Charlie, qui intervient dans le livre, qui est un ami d'enfance aussi,
08:01 avec qui vous étiez sur les bancs, justement, de ces arts décoratifs,
08:04 se rappelait de vous comme ça, en ces termes-là, en disant,
08:08 mais tu avais déjà du bagout.
08:11 On savait qu'il allait se passer quelque chose en quelque sorte.
08:13 - Pour moi, pas du tout.
08:14 C'était vraiment quelque chose qui n'existait pas.
08:16 - Ce livre, il vous a permis aussi de rencontrer,
08:22 de retrouver une partie de votre vie en ouvrant des cartons,
08:26 des caisses, des boîtes, en dépoussiérant ce que vous aviez rangé soigneusement.
08:31 Vous dites une phrase assez forte.
08:33 Vous dites "on peut passer sa vie à rechercher l'enfant qu'on a été
08:35 et ne jamais y arriver".
08:37 Ça veut dire quoi ?
08:38 - Ça veut dire qu'on est guidé, même adulte, même vous,
08:43 par l'enfant que vous étiez, parce que c'est lui qui a emmagasiné
08:48 toutes les émotions profondes face au monde.
08:53 On est extrêmement lié à l'enfant qu'on était.
08:58 C'est lui qui a eu pour la première fois mal, peur,
09:01 qui a rigolé pour la première fois, qui a joui pour la première fois,
09:04 qui a complètement inventé des choses pour la première fois,
09:06 qui a découvert le monde pour la première fois.
09:08 Et toutes ces premières fois, c'est ce qui s'accumule en vous
09:11 et qui fait que vous vous êtes constitutif,
09:13 enfin vous vous êtes constitué de ça et ensuite vous devenez un adulte.
09:16 Mais l'adulte, il est obligé de se protéger des autres adultes,
09:20 du monde, etc.
09:21 Et donc, il y a des choses qu'il oublie.
09:24 Il se blinde parce qu'il n'a pas envie de pleurer pour un oui, pour un non.
09:27 Il n'a pas envie de rigoler même pour un oui, pour un non.
09:29 Ce n'est pas vrai.
09:30 Il ne faut pas croire ça.
09:31 Et donc, finalement, je ne sais pas, c'est comme s'il cloîtrait un peu
09:37 l'enfant qui est en lui.
09:38 - C'est ce que vous avez fait ?
09:40 - Non, mais je pense qu'on fait tous ça.
09:42 Moi aussi, j'ai fait ça.
09:43 Moi, j'ai la chance d'avoir un métier qui m'oblige à aller chercher
09:47 l'enfant, à aller chercher même l'innocence, qui m'oblige à retrouver
09:52 quelque chose où je suis fragile.
09:54 Ce métier-là aide à ça.
09:56 - Les souvenirs que l'on garde ici ou là, dans des boîtes ou dans des
10:00 cartons, sont donc partie de nous.
10:03 Vous dites même "ces encombrants sont des petits cailloux que j'ai semés
10:06 pour un jour retrouver justement mon chez-moi".
10:08 C'est nécessaire ça ?
10:09 - Oui, parce que je crois qu'on sème, en fait, on avance comme ça,
10:14 mais on sème toujours derrière un petit truc au cas où, bon,
10:17 on ne sait jamais, il faut peut-être retourner.
10:19 Comment on va faire exactement ?
10:20 Je pense qu'on fait ça dans la vie avec les gens, avec les rencontres,
10:25 avec les lieux, avec des tas d'objets culturels, alimentaires.
10:33 J'en sais rien.
10:33 On fonctionne comme ça, j'ai l'impression.
10:35 - Alors pourquoi ce titre ?
10:37 Pourquoi un film disparaît ?
10:38 On va en venir aux faits, c'est très important.
10:41 L'un des supports qui raconte aussi votre parcours,
10:43 ce sont les bandes Super 8, parce qu'elles sont liées au fait
10:47 que vous ayez été professeur, vous avez mené...
10:50 - Animateur culturel.
10:51 - Vous avez animé des ateliers avec des ados trois fois par semaine.
10:55 Ça vous a fait grandir, réfléchir.
10:58 Ça vous a permis aussi, j'ai l'impression, de définitivement
11:01 comprendre que cette voie-là était aussi la vôtre.
11:04 Et avec ces ados, pour lesquels vous avez totalement craqué,
11:10 parce qu'il y a vraiment plein de choses qui se sont passées,
11:12 vous avez construit des films, et notamment un, le A+,
11:15 qui a disparu le jour où il devait être projeté.
11:19 - Quasiment, oui.
11:20 - Il a vraiment...
11:21 Et vous n'avez jamais réussi à comprendre ce qui s'était passé.
11:24 Et c'est ça, ce film, en fait.
11:25 Ce sont des rencontres, des moments de vie, des moments de partage.
11:29 - Oui.
11:31 - C'était tout à fait...
11:32 C'est à la fois...
11:34 Moi, j'étais aux Arts Déco, j'ai terminé mes études.
11:37 Le cinéma, d'un coup, était quelque chose que je découvrais.
11:40 Je n'étais pas spécialement fan au départ,
11:42 mais d'un coup, j'ai commencé à découvrir le cinéma aux Arts Déco.
11:44 En même temps, on m'a proposé ce job d'animateur culturel
11:46 dans une banlieue parisienne qui était une banlieue vraiment...
11:50 Pas spécialement...
11:51 De toute façon, la banlieue, à l'époque, en 77-78,
11:55 ce n'est pas du tout comme maintenant.
11:56 Donc je ne sais même pas si ça évoque quoi que ce soit
11:58 aux gens qui ne l'ont pas connue.
11:59 Mais c'était des endroits où, effectivement,
12:01 il y avait déjà des populations qui étaient repoussées là-bas.
12:04 C'est vrai.
12:05 Mais il n'y avait pas autant de...
12:06 En gros, ce n'est pas compliqué, il n'y a pas autant de cams.
12:09 Donc, évidemment, les rapports étaient beaucoup moins violents.
12:11 Déjà, c'est quand même fondamental.
12:13 Et on m'a envoyé là-bas comme animateur culturel.
12:16 Moi, j'étais très content de faire ça.
12:17 Je m'amusais beaucoup.
12:21 Je travaillais avec des écoles, des tout-petits, etc.
12:23 Mais j'ai surtout rencontré une bande de jeunes cabiles
12:26 qui se connaissaient depuis l'enfance,
12:28 qui étaient tous...
12:29 C'était une seule famille quasiment,
12:30 puisqu'ils venaient tous plus ou moins du même village de Kabylie,
12:33 et qui m'ont d'une certaine façon adopté.
12:37 Moi, j'étais bien avec eux.
12:39 C'était vraiment des frères.
12:40 Et je n'étais pas très loin au niveau de l'âge.
12:43 J'avais peut-être maximum 5 ans, 4 ans plutôt, de différence avec eux.
12:48 Et je les aimais beaucoup.
12:49 Bon, je ne vais pas raconter tout le bouquin,
12:51 mais bon, il y a des gens à l'intérieur que moi, j'aimais beaucoup,
12:53 avec qui j'avais un bon rapport.
12:55 - Farid Ali.
12:56 - Oui, Farid, qui un jour m'a dit "on va faire un vrai film".
13:00 Il en a marre de faire des petits films en super 8.
13:02 Et il a eu l'idée, vraiment, il a eu l'idée de servir un peu
13:06 du moment particulier qui était l'arrivée de la gauche au pouvoir, etc.
13:10 Il y avait un état d'esprit qui était quand même très nouveau,
13:13 pour dire "on va raconter avec toi, Hippolyte, la chronique de nos vies".
13:19 Voilà, de ce qu'on fait.
13:20 Parce que c'est vrai que c'est très aventureux.
13:22 Et moi, bien sûr, très naïvement, j'y suis allé.
13:24 Et on a fait un film, un long métrage, quasiment, en super 8.
13:30 Et on n'a jamais eu l'argent, évidemment, pour faire une copie.
13:32 Et j'ai fait le montage.
13:33 Et un jour, ce film a disparu.
13:36 - OK, sur la table de montage, vraiment, vous êtes venu le récupérer et là, plus rien.
13:40 - Le film a été volé, etc.
13:41 On n'a jamais su par qui, etc.
13:43 C'est resté une espèce de trou noir comme ça.
13:45 Et à partir de ce trou noir,
13:47 d'espèces d'explosions atomiques qui avaient détruit toute une...
13:51 Je ne sais pas, tout un parcours de vie.
13:53 C'est là où, effectivement, j'ai commencé à devenir un comédien.
13:57 Enfin, c'est-à-dire que oui, j'avais des propositions, j'ai tout accepté.
14:01 J'y suis allé alors que je n'avais pas spécialement l'intention.
14:03 Donc, ça a quand même changé l'axe dans lequel je travaillais.
14:07 Alors après, le titre "Un film disparaît", c'est parce que je pense que...
14:10 Qu'est-ce qui disparaît ?
14:12 Un film disparaît.
14:14 En fait, aujourd'hui, je me dis, mais oui, moi aussi,
14:18 il y a quelque chose qui a disparu.
14:20 Et je fais un peu partie de ce titre.
14:22 C'est un peu "Hippo disparaît" aussi, quelque part.
14:25 Il y a un truc comme ça que je trouve étonnant moi-même dans le titre quand je le lis.
14:30 - Pendant longtemps, vous dites que le cinéma vous a fait peur.
14:33 - Oui, bah oui, je ne connaissais rien au cinéma.
14:35 Vous savez, les gens qui aiment le cinéma,
14:39 qui en parlent, etc.
14:40 C'est...
14:42 Voilà, c'est des spécialistes, d'une certaine façon.
14:45 Il faut avoir vu beaucoup de films.
14:47 - Vous avez eu un déclic, c'est "Caisse" de Ken Loach.
14:49 - Oui, c'est un déclic, en fait,
14:51 c'est un déclic très émotionnel parce que j'ai réussi à m'identifier
14:55 à un petit Anglais du nord de l'Angleterre,
14:58 alors que je ne comprenais rien de ce qu'il disait.
14:59 L'accent était impossible.
15:00 Il était quand même très jeune, j'avais 14 ans ou 13 ans, un truc comme ça.
15:03 Et j'étais vraiment très...
15:06 J'étais complètement dans un film, quoi.
15:08 C'est-à-dire, qu'est-ce que ça fait, un film ?
15:12 Eh bien, ça nous emporte, quoi.
15:13 Il n'y a pas besoin de beaucoup de codes,
15:17 de traductions pour ressentir un film.
15:19 Comme si ce film-là vous parle vraiment personnellement.
15:22 Et donc, ça a vraiment été un déclic sur la force du cinéma.
15:27 - Vous nous racontez ce moment, effectivement, aussi,
15:31 où il y a cette envie de raconter ce parcours davantage
15:35 pour plus comprendre encore et mieux qui vous êtes.
15:38 Mais vous dites que les souvenirs sont lourds.
15:40 C'est-à-dire ?
15:42 - C'est-à-dire qu'une fois qu'on a commencé à ouvrir la boîte,
15:45 il y a beaucoup de choses qui arrivent.
15:47 Et ce qui est très étonnant, enfin, quand on écrit,
15:50 ce qui est très étonnant, c'est qu'il y a d'autres souvenirs
15:53 qui se bousculent.
15:54 On frappe à la porte comme ça, puis à un moment donné,
15:56 on est obligé d'ouvrir, dire "Ah oui, ça, quand même."
15:58 Et finalement, vous racontez cette histoire-là
16:00 beaucoup plus que "Le voyage en Irlande".
16:01 Ça, c'est quelque chose qui appartient au travail de l'écrivain.
16:05 Et moi, je ne connaissais rien de ça avant, quoi.
16:08 - Pour terminer, est-ce que ce livre vous a permis, donc,
16:10 de vous alléger, Hippolyte Gérardot, de vous faire du bien ?
16:13 - Vous savez quoi ? Je vais vous dire un truc.
16:15 Ce qui me permet de m'alléger, là, c'est parler avec vous.
16:18 D'un seul coup, parce que moi, j'ai sorti le bébé,
16:21 il était encore...
16:22 Voilà.
16:23 Mais d'un seul coup, il est nommé.
16:25 Il est...
16:26 Voilà, vous me le présentez.
16:28 Et d'un seul coup, il est beaucoup moins à moi seul.
16:30 Il est aussi à vous.
16:31 Et donc, c'est ce partage-là qui me permet, là, très honnêtement,
16:35 là, oui, je me sens beaucoup plus allégé
16:36 après cet entretien avec vous.
16:38 Merci.
16:39 - Merci infiniment, Hippolyte Gérardot, d'être passée
16:41 dans le monde des Lodis sur France Info.
16:42 Ça s'appelle "Un film disparaît".
16:44 Et ça raconte finalement aussi le film de la vie, tout simplement.
16:47 Merci beaucoup.
16:47 C'est sorti aux éditions du Seuil.

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