Dans son livre "Le grand feu" paru aux éditions Grasset, Léonor de Récondo aborde frontalement la musique, et notamment le violon, son autre vocation. L'auteur nous emmène dans le Venise du XVIIIème siècle, celle du baroque, de Vivaldi... C'est dans cette Venise que naît la petite Ilaria dans une famille de commerçants. Sa mère cherche dès sa naissance, à l'éloigner d'un destin des femmes de son milieu et de son époque. Elle décide de la placer à la Pietà, une institution publique qui a ouvert ses portes au XIVème siècle, pour accueillir des petites filles abandonnées, afin de leur épargner infanticide ou prostitution, et leur apprendre la musique. C'est dans la musique que la petite Ilaria trouvera sa voie.
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00:00 C'est dans cette Venise-là que naît une héroïne, la petite Hilaria, petite dernière d'une famille de commerçants.
00:05 Avant même qu'elle voit le jour, sa mère veut pour elle un autre destin que celle des femmes de son milieu,
00:10 que celle des femmes de son époque, que celle des femmes tout court.
00:14 Hilaria apprendra la musique, elle y trouvera sa voix, mais surtout, vous l'écrivez, elle s'élèvera.
00:20 Alors la mère s'arrange pour confier le nourrisson, à peine âgée de trois mois, à une célèbre institution qui s'appelle la Pietà.
00:26 Peut-être qu'il faut expliquer ce que c'est que cette Pietà dans la Venise de cette époque. Léonore de Reycondo.
00:31 Alors la Pietà, c'est une institution très extraordinaire. Il y en avait quatre à Venise à l'époque.
00:38 Une exclusivement pour filles, la Pietà. Je rappelle qu'à l'époque, Venise est une république.
00:45 Donc c'est vraiment une œuvre sociale de la ville de Venise d'ouvrir ses hospédales.
00:50 Et dans ces institutions, la Pietà existe depuis le XIVe siècle. Elle existe encore aujourd'hui.
00:55 Donc aujourd'hui encore, c'est un centre d'accueil pour femmes isolées et pour mineurs.
01:00 Et donc à l'époque, déjà, on accueillait des petites filles et on leur apprenait à jouer de la musique.
01:06 Et ça, je trouve que... Alors évidemment, une des grandes raisons pour lesquelles j'ai écrit ce livre,
01:12 c'était de me passionner pour cet endroit si extraordinaire où à l'époque, en 1700, elles sont à peu près 800, 900 petites filles.
01:20 Donc imaginons le bruit dans cet endroit avec tous ces violons et tous ces instruments.
01:26 - Le bruit magnifique parce qu'en fait, la musique et le sacré sont absolument indissociables.
01:29 Et on vient dans cette Pietà pour écouter de la bonne musique.
01:33 - Oui, de l'excellente musique. Parce que Venise, à ce moment-là, vous avez parlé du carnaval, c'est six mois de carnaval, six mois de carême.
01:41 Donc imaginons les six mois de carnaval, la grande fête, et les six mois de carême.
01:46 Donc pendant la grande fête, les Vénitiens peuvent aller dans tous les théâtres, dans tous les opéras, et vraiment sortir et écouter de la musique de leur époque aussi.
01:54 Rappelons qu'à cette époque-là, on n'écoute que de la musique contemporaine.
01:58 On ne va pas écouter les compositeurs précédents comme aujourd'hui on va écouter Wagner ou Mozart.
02:05 Non, à l'époque, on n'écoute que de la musique contemporaine.
02:07 - Alors précisez-moi.
02:08 - Donc Vivaldi et tous les autres compositeurs de l'époque écrivent à tour de bras de la musique pour la période de carnaval, les opéras, mais en période de carême.
02:19 Ils écrivent pour les églises la musique sacrée. C'est le seul lieu où les Vénitiens peuvent écouter de la musique. Ce sont les églises.
02:25 - Vous l'avez entendu, là ?
02:26 - De quoi ?
02:27 - Vivaldi.
02:28 - Ah oui, là, oui.
02:29 [Musique]
02:32 - Antonio Vivaldi, surnommé le prêtre Roux, Léonor de Reycondo, dont vous nous apprenez qu'il enseignait le violon à la pieta à cette époque.
02:40 Quel maître, quel maestro est-ce qu'il était ?
02:42 - Alors forcément extraordinaire parce qu'il avait aussi besoin de la pieta puisque tous les opéras étaient fermés.
02:49 Il fallait qu'il travaille et qu'il compose et que sa musique soit jouée.
02:53 Et donc, ces institutions étaient là pour porter très très haut l'excellence de la musique et la beauté de la musique.
03:00 Et donc, inviter de tels professeurs et de tels compositeurs à venir enseigner là.
03:05 Et il avait donc moult jeunes femmes qui jouaient sa musique, qui l'aidaient, qui copiaient sa musique aussi.
03:13 Et lui enseignait aux plus âgées et les plus âgées enseignaient aux plus petites.
03:18 Et donc, c'est pour ça que j'imagine le destin initiatique un peu de cet enfant qui entre là et qui va apprendre le violon avec Vivaldi.
03:27 - Alors justement, moi je pense à vous tout de suite. On l'entend cette musique de Vivaldi.
03:32 Qu'est-ce qu'elle représente cette musique pour vous musicienne, Léonore ?
03:36 - Alors déjà, c'est quand même le langage du violon.
03:40 Vivaldi c'était un grand violoniste. D'abord, il a énormément composé pour son propre instrument.
03:46 Et donc, il vient développer non seulement la musique mais aussi toute la technique instrumentale grâce à sa musique
03:53 et grâce évidemment à l'enseignement qu'il va donner.
03:57 Donc c'est aussi le développement de l'instrument en lien aussi avec la lutherie
04:03 parce que non seulement il y a de très très grands compositeurs qui sont là
04:07 mais aussi pour pouvoir fournir tous les instruments à toutes ces musiciennes et à tous les musiciens qui étaient à Venise,
04:12 de grands luthiers s'installent, notamment Matteo Goffriller que je cite dans le livre
04:18 et qui va faire les petits instruments pour les petites filles
04:21 parce que quand on démarre, là on voit ce violon qui est un violon entier
04:24 mais quand j'ai démarré à 5 ans, j'avais un tout petit violon.
04:28 Il était comme ça mon violon et puis petit à petit, le bras grandissant, le violon grandit.