• il y a 8 mois
L'écrivain est mort le 5 mai 2023 à 86 ans. Gallimard vient de publier son dernier ouvrage, "La deuxième vie".

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Transcription
00:00 Je sais bien qu'Arnaud Vivian a déjà fait une chronique ici sur le livre de Philippe
00:05 Solaire, La deuxième vie, mais je ne peux pas ne pas en parler.
00:08 C'est un livre qui ne ressemble à aucun autre et qui m'a bouleversée.
00:13 Solaire l'écrit quelques mois avant de mourir.
00:16 Il est sur son lit de mort, il l'écrit ou il le dicte.
00:21 C'est la fin de sa vie, il le sait.
00:24 Il est allongé sur un lit, dans une unité de soins palliatifs du 15ème arrondissement.
00:30 Sa vie est finie, question de mois, de semaines, mais il écrit.
00:34 Il se dit « Je suis encore là, j'écris, la deuxième vie, je la vois, elle est là,
00:42 je l'aperçois déjà, l'au-delà, je suis aux avant-postes, j'ai écrit de mon vivant,
00:49 je continue.
00:50 La première vie, la deuxième, on verra si on a une troisième.
00:54 La deuxième vie, c'est aussi la vie écrite, bien sûr.
01:00 Le fait d'avoir toujours écrit, donc d'avoir toujours eu deux vies, une vie réelle et
01:05 une autre sur la page.
01:07 La vie méritant toujours d'être écrite et d'être publiée, même celle d'un pédophile
01:13 comme Mads Neff, comme ça on sait ce qu'il a dans la tête, c'est concret.
01:17 La passion de Sollers pour la littérature était une passion de la vérité qui allait
01:22 jusque là.
01:23 La littérature comme révélateur du réel, la deuxième vie comme révélant la première,
01:30 montrant noir sur blanc qui sont les gens, de quoi le monde est fait.
01:34 Ce texte, la deuxième vie, je l'ai découvert bien avant sa publication, dans des conditions
01:42 très particulières.
01:43 Je n'avais pas vu Philippe Sollers depuis un an et demi.
01:47 Je savais qu'il était malade et ne voyait plus que très peu de personnes.
01:51 Même ses auteurs n'avaient plus de contact avec lui.
01:54 Il n'avait jamais été mon éditeur mais m'avait défendu et avait compté pour moi.
01:59 Je pensais souvent, un jour je vais apprendre sa mort et je ne lui aurais pas dit au revoir.
02:05 Les journaux l'ont annoncé un vendredi.
02:08 Le mardi suivant, quelques personnes dont je faisais partie ont été autorisées par
02:14 la famille à se rendre dans l'unité de soins palliatifs où il a fini sa vie pour
02:19 lui dire au revoir.
02:20 Antoine Gallimard, des gens de la maison, Thérésa Crémisy, des auteurs, Yannick
02:25 Henel, Méronis, Jean-Jacques Schoulle.
02:28 On était une petite vingtaine dans un couloir au sous-sol, près d'une pièce dont la
02:33 porte était entre-ouverte.
02:34 Solaire s'était allongé sur un catafalque, costume sombre, chemise blanche, cravate,
02:41 visage sec, amaigri.
02:42 Plus le sourire, ni les gestes, ni rien.
02:45 A ses pieds, une photo de lui, telle qu'on le connaissait, l'œil rieur, le fume-cigarette.
02:52 Il y avait des chaises le long du mur, on pouvait s'asseoir ou se lever et s'approcher.
02:58 Je lui ai dit en silence « merci ».
03:01 Pour m'avoir lu, pour m'avoir défendu.
03:04 On faisait des allers-retours entre cette pièce et le couloir.
03:08 Puis Julia Kristeva, sa femme, a proposé qu'on se recueille autour de lui.
03:13 Yannick Henel, debout, à la tête du catafalque, a dit quelques mots, personnels.
03:21 Puis il a lu le début de « La deuxième vie ».
03:25 Le narrateur est au cimetière, il vient de sortir de la tombe, on le prend pour un jardinier,
03:33 il marche dans les allées.
03:34 Et il y avait une telle vie, une telle puissance de vie, qui sortait du texte.
03:42 Une sorte d'éclair incroyable, un élan du cœur absolu, qui s'animait juste à
03:50 côté du corps inerte.
03:51 Un tel contraste dans cet endroit plombé, à côté du corps sec, que oui, il y avait
04:00 une deuxième vie.
04:01 Et elle était là.
04:03 Il aurait fallu être aveugle pour ne pas la voir.
04:05 Et il y a cette phrase « Dans la deuxième vie, chaque jour est octroyé comme un jour
04:15 de plus, ce qui change la couleur de chaque minute ».
04:20 (Pause) Merci Christine Angot.

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