Les petites annonces et autres histoires extraordinaires _ Pierre Bellemare

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Les petites annonces et autres histoires extraordinaires _ Pierre Bellemare

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Personnes
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00:00:00 Toutes nos histoires sont tirées de faits réels.
00:00:03 Et pour préserver l'anonymat des protagonistes, des comédiens interprètent leur rôle.
00:00:26 Je me demande souvent comment certains couples se retrouvent dans leur intimité
00:00:30 une fois la porte de leur maison fermée.
00:00:33 L'image heureuse que les époux affichent en public
00:00:36 dissimule-t-elle malentendus, disputes, combats, rancœurs ?
00:00:40 Mon respect pour la vie privée d'autrui m'interdit bien sûr d'assouvir pleinement ma curiosité.
00:00:46 D'autres, moins scrupuleux sans doute,
00:00:49 parviennent-ils à percer les secrets de leurs voisins si jalousement gardés ?
00:00:54 Il me semble que ce soit le cas et cette histoire le prouve.
00:00:58 Embusqués derrière leurs fenêtres, à l'abri des regards,
00:01:01 Paul et Annie-Jeanbin observent depuis des années avec délectation
00:01:05 les moindres allées et venues de leurs voisins Josépha et Jean Brisset.
00:01:09 Et l'heure qu'ils préfèrent est celle du coucher,
00:01:13 quand après avoir vu un film à la télévision, les Brisset se mettent au lit
00:01:16 en respectant un rituel tout à fait surprenant.
00:01:20 En poussant son indiscrétion jusqu'à la manie,
00:01:23 Annie-Jeanbin va se trouver mêlée à l'un des faits divers les plus étranges de ces dernières années.
00:01:29 Vers 9h15, une femme qui avait entendu trois coups de feu dans la maison de ses voisins,
00:01:44 M. et Mme Brisset, m'a téléphoné.
00:01:46 Je me suis immédiatement rendu sur les yeux avec un collègue
00:01:49 et je me rappelle que durant le trajet, je me suis demandé si ce M. Brisset
00:01:53 était le même que l'un des adjoints au maire de la ville.
00:01:55 J'ai vite été fixé parce que Mme Jeanbin, la voisine, la femme qui m'avait appelée,
00:02:00 était une véritable pipelette.
00:02:03 C'est moi qui ai appelé la police.
00:02:09 J'étais en train de faire un brin de ménage,
00:02:11 parce que comme tous les matins je fais les carreaux, j'aime bien que ça brille.
00:02:14 Puis là, tout d'un coup, j'ai vu un taxi qui s'arrêtait.
00:02:16 Il y a un gars qui est descendu. Bon, je me fais trop attention parce que je vois pas bien de toute manière.
00:02:20 Mais alors, pas longtemps après, j'ai entendu des coups de feu.
00:02:23 Trois. Ça venait de chez les Brisset, ça j'en suis sûre.
00:02:26 Je suis entré dans la maison. Personne au rez-de-chaussée, alors j'ai gagné l'étage.
00:02:36 Là, j'ai inspecté une salle de bain, un bureau. Rien.
00:02:41 Je me rappelle m'être dit que la maison des Brisset n'était pas très gaie.
00:02:45 Pas de lumière, pas de tableau au mur, des meubles austères, aucune fioriture, vraiment rien.
00:02:50 À ce moment-là, je suis entré dans la chambre à coucher et c'est là que j'ai découvert le corps.
00:02:54 Une femme était allongée sur le lit. La robe de chambre trouée de trois impacts.
00:03:00 Il y avait du sang partout. Mme Brisset avait été tuée dans son lit.
00:03:04 Antoine Gauthier et son adjoint procèdent à une fouille en règle de la maison.
00:03:09 Un médecin légiste les rejoint bientôt et constate officiellement le décès.
00:03:13 Gauthier prévient le mari de la défeinte sur son lieu de travail et le convoque aussitôt.
00:03:17 Quelques minutes plus tard, en explorant la chambre à coucher dans ses moindres recoins,
00:03:21 le policier fait une découverte qui va orienter toute son enquête.
00:03:25 Dans un tiroir de la table de nuit de la défeinte, j'ai trouvé une photo.
00:03:31 La photo d'un homme nu, mais alors nu, comme un verre.
00:03:34 D'abord, ça m'a fait sourire. Vous savez, on fait quand même un drôle de métier.
00:03:40 Rentrer comme ça dans l'intimité des gens, c'est pas...
00:03:44 L'homme sur la photo avait les mains sur les hanches.
00:03:47 Il avait rien d'un apollon. Il tenait pas une forme particulière, si vous voyez ce que je veux dire.
00:03:52 Environ une demi-heure plus tard, M. Brisset m'a rejoint dans sa chambre.
00:03:57 J'ai immédiatement remis la photo à sa place.
00:04:00 Parce que vous comprenez bien, je me devais d'annoncer à ce monsieur le décès de sa femme.
00:04:04 J'allais pas en plus l'accueillir avec cette photo dans la main. C'est un petit peu délicat.
00:04:08 J'ai vu M. Brisset qui rentrait en courant. Il avait une sale tête.
00:04:12 Alors, j'ai pensé qu'il lui était arrivé un truc à sa dame.
00:04:15 Puis je me suis dit, si elle est morte, le pauvre homme va être tout seul.
00:04:19 Non, parce que franchement, ces gens-là, ils reçoivent jamais personne. Ils sont toujours tout seuls.
00:04:23 Bon, à part elle qui a sa copine qui vient prendre le thé, vous savez, une espèce de grande...
00:04:27 Enfin, on m'est compris.
00:04:29 Bon, juste après, j'ai appelé mon mari pour lui raconter.
00:04:32 M. Brisset s'est effondré en voyant le corps sans vie de sa femme.
00:04:36 Il pleurait au pied du lit. Il arrêtait pas de répéter.
00:04:39 Mais qui a fait ça ? Qui a pu faire ça ?
00:04:42 Mais en fait, moi, il y avait... Je pensais qu'à une seule chose.
00:04:46 Qui était cet homme nu sur la photo ?
00:04:49 Je me demandais si M. Brisset connaissait l'existence de cette photo.
00:04:53 Et si Mme Brisset avait un amant, est-ce qu'il était au courant de la photo ?
00:04:57 Je voulais en avoir le cœur net, absolument.
00:04:59 Alors, tout de suite, sans ménagement, je l'avoue même avec une certaine brutalité,
00:05:04 j'ai sorti la photo du tiroir de la table de nuit et je lui ai montré.
00:05:08 Brisset a eu l'air stupéfait.
00:05:11 Il m'a dit, très embarrassé, qu'il avait jamais vu cet homme.
00:05:15 Faut imaginer ce qui se passe dans la tête d'un homme qui vient d'apprendre que sa femme a été assassinée
00:05:19 et qui peut-être, en plus, sans doute cocu,
00:05:22 il était là, tremblant, il tenait la photo et il m'a bafouillé.
00:05:27 Est-ce que c'est lui ? Est-ce que vous pensez que c'est lui qui a tué ma femme ?
00:05:31 Et puis il m'a rendu la photo.
00:05:33 C'était un drôle de couple, les Brisset, vous savez.
00:05:40 Nous, on est un couple discret.
00:05:43 Mais quand même, on voyait tout ce qui se passe chez eux.
00:05:46 Enfin, par hasard. Mais bon.
00:05:48 Le soir, par exemple, quand ils se couchaient,
00:05:51 ils se déshabillaient chacun dans une pièce différente.
00:05:53 Lui dans la salle de bain, puis elles dans la chambre.
00:05:55 C'est bizarre quand même, parce que quand on est mariés, on se regarde quand même un peu.
00:06:00 Enfin, eux, non, ils se rejoignaient dans le noir.
00:06:03 Bon, après, ce qui se passait dans leur lit, ça, je ne sais pas, ça ne nous regarde pas, comme on dit.
00:06:07 Mais quand même, vous ne me montrez pas de l'idée que c'est eux qui se rejoignent dans le noir.
00:06:12 Ça ne nous regarde pas, comme on dit.
00:06:14 Mais quand même, vous ne montrez pas de l'idée que des gens comme ça, c'est bizarre comme couple.
00:06:19 Le commissaire Gouthier convoque au commissariat Julie Dassault, la meilleure amie de la défunte,
00:06:24 avec laquelle elle avait rendez-vous le matin même du crime.
00:06:27 Le policier espère la faire réagir en lui montrant la photo du mystérieux homme nu.
00:06:32 [Musique]
00:06:44 Je venais de perdre ma meilleure amie et le commissaire, il voulait que je lui déballe tous nos petits secrets.
00:06:49 Au début, j'étais plutôt réticente, mais finalement, je me suis dit que j'avais peut-être tout intérêt à lui parler
00:06:54 et à lui dire un petit peu tout ce que je savais, surtout par rapport à l'enquête.
00:06:58 Alors, j'ai vidé mon sac. Finalement, j'ai vidé mon sac.
00:07:01 Alors, l'homme sur la photo, je ne le connaissais pas.
00:07:05 Mais par contre, je savais pourquoi la photo se trouvait dans le tiroir de ma meilleure amie.
00:07:10 Donc, quand je repense à toute cette histoire, finalement, j'en ai encore le cœur qui bat.
00:07:15 C'est vraiment toute une histoire au Cambol-Est.
00:07:18 Josépha, elle m'avait dit quelques jours auparavant qu'elle avait donc passé d'une petite annonce dans des journaux spécialisés.
00:07:24 Mais qu'on se comprenne bien, ce n'était pas le genre de journaux pour vendre son canapé, pas du tout.
00:07:29 C'était une petite annonce qui la concernait, elle voyait ce que je veux dire.
00:07:34 D'ailleurs, j'étais un petit peu au début surprise.
00:07:37 Ce n'était pas du tout son genre, ça ne lui ressemblait pas.
00:07:40 Parce que Josépha, c'était loin d'être une audacieuse, loin de là.
00:07:44 Il faut dire qu'avec Jean, son mari, lui, il était plutôt du genre coincé.
00:07:48 D'ailleurs, entre nous, il refusait même de se montrer nu devant elle au bout de toutes ses années de mariage.
00:07:55 Moi, je comprenais qu'elle avait besoin de voir un petit peu ailleurs.
00:07:58 Mais elle, elle n'en pouvait plus. Elle en avait marre.
00:08:01 C'était hallucinant quand même, cette histoire.
00:08:03 Et puis, elle voulait divorcer. A plusieurs reprises, elle avait voulu divorcer.
00:08:07 Mais lui, il était obstiné. Il refusait complètement, catégoriquement.
00:08:11 Peur du scandale, peur du "quand dira-t-on". Des idiocies, quoi.
00:08:16 J'ai conservé le texte de la petite annonce envoyée par Josépha Brisset. Je vais vous la lire.
00:08:21 Je vous préviens, c'est tout à fait explicite.
00:08:24 Alors, "petite chatte, disposition tendre, recherche partenaire douée,
00:08:30 pour organisation loisir, etc."
00:08:36 Stupéfiant, non ? Pour une bourgeoise de province.
00:08:40 J'avoue que quand Josépha m'a fait lire le texte de l'annonce, j'étais morte de rire.
00:08:45 Ça ressemblait si peu à sa façon d'être, son mode de vie.
00:08:48 Mais en même temps, je ne l'ai pas jugée. Elle faisait ce qu'elle voulait.
00:08:52 Puis si elle rencontrait quelqu'un comme ça, finalement,
00:08:55 ça pouvait juste mettre un peu de sel, un peu de piment dans sa vie.
00:08:58 Moi, j'avais rien à redire. Je pouvais lui faire que du bien.
00:09:00 En tout cas, le texte, il était assez clair pour abattre les hommes.
00:09:04 En quelques jours, 6 réponses, 6 photos à l'appui.
00:09:08 D'ailleurs, le jour du meurtre, j'avais rendez-vous, moi, avec Josépha.
00:09:11 On devait regarder ses fameuses photos.
00:09:13 Parmi les hommes qui avaient répondu aux petites annonces de Josépha Brisset,
00:09:20 l'un d'eux était peut-être le meurtrier.
00:09:22 Mais moi, il y avait quelque chose qui me chiffonnait dans cette histoire.
00:09:25 Comment un de ses correspondants avait-il pu avoir sa véritable adresse ?
00:09:29 Les Brisset étaient sur liste rouge dans tous les adverts téléphoniques.
00:09:33 Et Mme Brisset n'avait communiqué que son adresse par poste restante.
00:09:36 Et bien sûr, ça vous le comprenez bien, par discrétion,
00:09:40 Mme Brisset n'avait jamais donné à quiconque sa véritable adresse.
00:09:43 Ça, c'est une chose.
00:09:45 D'autre part, Mme Brisset n'avait subi aucune violence sexuelle.
00:09:47 En général, un détraqué sexuel ne tue pas sa victime à l'aide d'un révolver.
00:09:50 Ça, ça ne collait pas.
00:09:52 Et en plus, Julie Dassault m'avait parlé de plusieurs photos.
00:09:57 Et moi, je n'en avais trouvé qu'une.
00:09:59 Alors, où étaient passées les autres ?
00:10:01 Le commissaire Gauthier ordonne aussitôt qu'on procède à une nouvelle fouille dans la maison des Brisset.
00:10:05 Et elle s'avère fructueuse.
00:10:07 Les enquêteurs découvrent en effet quatre nouvelles photos cachées entre les pages d'un livre.
00:10:12 Quatre photos d'hommes intégralement nus.
00:10:15 Au même moment, le laboratoire de la police révèle que les empreintes digitales retrouvées sur la première photo appartiennent à Brisset.
00:10:22 Elle prouve qu'il a menti.
00:10:24 Non seulement il connaissait l'existence du cliché, mais il l'avait tenue entre les mains.
00:10:28 Les policiers retrouvent ensuite le chauffeur de taxi qui a déposé l'homme mystérieux devant la maison,
00:10:32 quelques minutes avant le meurtre.
00:10:34 Le chauffeur est catégorique.
00:10:36 Son passager ressemble à Jean Brisset à s'y méprendre.
00:10:41 Avec ces nouveaux éléments, j'ai à nouveau convoqué M. Brisset.
00:10:45 Normal, je lui ai évoqué les empreintes digitales sur la première photo.
00:10:49 Je lui ai dit également que j'étais au courant de la petite annonce érotique que son épouse avait fait publier et son désir de divorcer.
00:10:57 Brisset est resté figé un long moment.
00:11:00 Je lui ai également appris que Julie Dassault partageait le secret.
00:11:05 Et là, Brisset m'a avoué avoir perdu la tête.
00:11:09 Il est allé dans sa chambre chercher une arme et la suite, nous la connaissons.
00:11:15 Quand le commissaire m'a dit que Jean avait avoué le meurtre, j'étais sidérée, complètement atterrée.
00:11:21 Mon lors couple, ils battaient de l'aile, mais on arrivait jusque là.
00:11:26 Là, j'avoue que j'étais...
00:11:28 Le commissaire m'a demandé aussi si je connaissais le nombre exact de photos que Josepha avait en sa possession.
00:11:35 Là-dessus, j'ai aucun doute. Ça, j'en suis certaine.
00:11:38 Josepha m'avait parlé de six photos.
00:11:40 Et nous, nous n'en avions trouvé que cinq.
00:11:42 Nous étions près du but.
00:11:44 Une photo près.
00:11:46 J'avais demandé qu'on passe l'emploi du temps de M. Brisset au peigne fin.
00:11:50 Ça, c'est la routine.
00:11:51 Et alors que j'avais M. Brisset, ici même, face à moi, dans mon bureau,
00:11:56 un collègue inspecteur m'a téléphoné et m'a dit avoir découvert que le suspect
00:12:01 avait acheté un appareil photo à développement instantané une dizaine de jours avant le meurtre.
00:12:08 Ça, c'était un achat qui ne manquait pas d'intérêt compte tenu du contexte.
00:12:12 J'ai demandé à M. Brisset quelles photos il avait fait avec ce nouvel appareil.
00:12:18 Là, ma question a fait l'effet d'une bombe.
00:12:21 Brisset s'est effondré sur mon bureau.
00:12:24 Il s'est mis à pleurer comme un moum.
00:12:27 C'est là que j'ai compris qu'il devait être l'auteur de la sixième photo
00:12:30 et que vraisemblablement, elle le représentait.
00:12:33 L'intuition du commissaire Gauthier s'avère fondée.
00:12:36 En effet, Jean Brisset avoue avoir fait l'acquisition d'un appareil à développement instantané
00:12:42 avec lequel il s'est photographié.
00:12:44 Puis, en réponse à l'annonce érotique "petite chatte, disposition tendre, etc.",
00:12:49 il expédie sa photo au journal.
00:12:52 Comment aurait-il pu se douter que l'auteur de l'annonce était sa propre femme ?
00:12:57 Quand Josépha récupère la photo post-restante, elle n'en croit pas ses yeux.
00:13:01 Son mari, nu sur une photo, son mari répondant à des annonces érotiques,
00:13:06 son mari le pudibond se livrant à la concupiscence de lectrices inconnues.
00:13:10 Son sang ne fait qu'un tour.
00:13:12 Elle se précipite chez son avocat et entame sur le champ une procédure de divorce.
00:13:17 Puis, elle informe son mari de sa décision par téléphone.
00:13:21 Brisset regagne son domicile précipitamment.
00:13:23 Une violente dispute éclate aussitôt entre les époux.
00:13:27 Josépha jette la photo compromettante au visage de son mari.
00:13:30 Jean jette la petite annonce acquichante au visage de sa femme.
00:13:34 La suite, vous la connaissez.
00:13:37 Je vais aujourd'hui vous raconter l'histoire d'une femme.
00:13:46 Une femme qui a été l'innocente victime de l'un des plus grands scandales
00:13:50 qui a secoué le monde de la santé en France.
00:13:53 Retenez bien la date. Nous sommes en 1985.
00:13:58 Simone Louvier, 30 ans, a épousé André, ingénieur chimiste, 8 ans auparavant.
00:14:03 Et elle a donné le jour à deux beaux enfants, Pierre, 5 ans, et Marguerite, 7 ans.
00:14:08 Le couple, heureux, équilibré, habite un charmant pavillon à Versailles, en banlieue parisienne.
00:14:14 À peine les enfants scolarisés, Simone a repris une petite activité professionnelle
00:14:18 dans une agence immobilière. Un jour, elle se sent mal.
00:14:22 Une atroce douleur lui déchire le ventre.
00:14:25 Mais Simone ne s'en alarme pas et endure courageusement sa souffrance, qu'elle espère passagère.
00:14:30 Elle a tort. Car ces douleurs abdominales vont peu à peu détruire sa vie.
00:14:36 Et d'une manière totalement imprévisible.
00:14:40 Écoutons le témoignage de Simone, qui a 50 ans aujourd'hui, et celui d'André, son mari.
00:14:45 Pour des raisons que vous comprendrez dans un instant,
00:14:48 il a accepté d'être filmé, à condition que nous dissimulions son visage.
00:14:53 Tout a commencé au mois de mai 1985.
00:15:07 J'avais un peu mal au ventre, mais je n'y ai pas prêté attention.
00:15:10 Et puis vous savez, j'étais une jeune maman, alors à l'époque,
00:15:13 on prend sur soi les enfants d'abord.
00:15:16 J'étais surtout soucieuse d'arriver à l'heure à l'école.
00:15:19 C'est bien simple, Simone ne se plaignait jamais.
00:15:23 Alors quand elle a eu ces douleurs au ventre, je pensais qu'elle en faisait trop. Beaucoup trop.
00:15:28 Il faut dire aussi que moi, je n'étais pas chaud pour qu'elle reprenne son travail.
00:15:34 Les enfants...
00:15:40 C'est mon mari qui m'a conseillé d'aller voir le médecin.
00:15:43 Il pensait à du surmenage.
00:15:45 Pourtant, même si les enfants étaient jeunes, j'aimais mon métier, ça me changeait les idées.
00:15:51 Je ne me sentais pas fatiguée.
00:15:54 Finalement, elle est rentrée en disant que c'était la panicite.
00:15:58 Il fallait opérer.
00:16:01 Deux ou trois jours d'hôpital, je crois.
00:16:03 Et le plus embêtant, c'était pour les enfants, parce que, avec mon travail, je ne suis pas très disponible.
00:16:09 Donc...
00:16:10 C'est la première fois que je l'ai laissée seule le soir.
00:16:13 Mon petit Pierre, il avait cinq ans.
00:16:17 Qu'est-ce qu'il a pleuré quand je suis partie.
00:16:20 Marguerite, du haut de ses sept ans, elle m'a fait un petit geste comme ça pour me dire au revoir.
00:16:26 Elle tenait la main de son père.
00:16:28 Simone est bouleversée de quitter ses enfants.
00:16:31 Pour atténuer sa peine, elle se convainc que la séparation sera l'affaire de quelques jours.
00:16:35 Quoi de plus banal, en effet, qu'une crise d'appendicite.
00:16:38 Mais l'opération s'avère plus compliquée que prévue.
00:16:42 Une petite hémorragie se déclare et, par précaution, le chirurgien ordonne de pratiquer une transfusion sanguine.
00:16:48 Il s'agit, une nouvelle fois, d'un geste médical d'une grande banalité.
00:16:52 C'est naturellement ce dont est persuadé le chirurgien.
00:16:55 Mais ne l'oubliez pas, l'intervention a lieu en 1985.
00:17:00 Deux jours plus tard, Simone rentre chez elle et retrouve avec bonheur et soulagement son mari et ses enfants.
00:17:07 À cet instant, comment pourrait-elle se douter que ces jours d'insouciance en famille lui sont dès lors comptés ?
00:17:16 Je me souviens très bien le soir où maman est rentrée de la clinique.
00:17:26 On avait tout préparé.
00:17:29 C'est le jour de fête, hein.
00:17:31 Papa avait fait la cuisine.
00:17:33 Bon, il avait un peu tout brûlé parce qu'il est pas très bon cuisinier.
00:17:37 Maman était si heureuse.
00:17:39 Elle était radieuse.
00:17:41 On avait mis des petites bougies sur la table.
00:17:44 C'est même moi qui les ai soufflées à la fin de la soirée.
00:17:47 Tout allait bien. J'étais heureuse de rentrer.
00:17:53 J'étais juste un peu fatiguée.
00:17:56 André avait fait la cuisine.
00:17:59 Quand ils m'ont convoquée pour les résultats, ben j'ai pas compris.
00:18:03 Ils auraient aussi bien pu m'envoyer les résultats par la poste, ça aurait été plus simple.
00:18:07 Mais bon, le médecin assistait pour me voir.
00:18:10 Le médecin m'a fait asseoir avec des yeux graves.
00:18:19 J'ai tout de suite vu que quelque chose tournait pas rond.
00:18:22 Il est pas allé par quatre chemins.
00:18:26 Il m'a dit que j'étais séropositive.
00:18:28 Il m'a posé des questions sur ma vie sexuelle, mes relations.
00:18:33 Je suis tombée des nues.
00:18:35 Je n'ai jamais connu d'autre homme que mon mari.
00:18:38 Et la drogue, je sais même pas ce que c'est.
00:18:40 Alors, comme il voyait que j'étais bonne foi, il a voulu refaire un deuxième test.
00:18:48 Alors, on a attendu deux jours.
00:18:50 J'étais dans une tension incroyable.
00:18:52 J'étais tellement persuadée que c'était un malentendu, une erreur.
00:18:57 Le deuxième test n'a fait que confirmer le premier.
00:19:00 Du jour au lendemain, ma mère a perdu sa joie de vivre.
00:19:04 Un soir, elle est plus venue me raconter mon histoire, comme elle faisait tous les soirs, pour que je m'endorme.
00:19:09 Mais du coup, j'ai pas réussi à m'endormir.
00:19:11 En plus, j'ai entendu des cris au salon.
00:19:14 J'étais dans le canapé, elle est venue s'asseoir près de moi, après avoir couché les enfants.
00:19:18 Et puis là, elle m'a annoncé la nouvelle.
00:19:21 Alors là, je m'attendais à tout, sauf à ça.
00:19:24 On avait vaguement entendu parler d'une épidémie aux Etats-Unis, quelques cas en France, mais...
00:19:30 La seule chose qui m'a inquiété, c'est que cette maladie était contagieuse, et contagieuse sexuellement.
00:19:39 Et là, j'ai tout de suite compris, j'ai pensé qu'elle me trompait.
00:19:43 Moi qui ne voulais pas qu'elle aille travailler, vous pensez ?
00:19:47 Imaginer dans les bras d'un autre.
00:19:52 Il a réagi avec une grande violence.
00:19:54 Il a tout de suite pensé que j'avais un âme.
00:19:57 J'étais meurtrie, je me demandais même comment il avait pu douter de ma confiance.
00:20:02 J'avais beau lui donner ma parole, il était furieux.
00:20:05 On était côte à côte, assis sur le canapé.
00:20:08 Je pleurais.
00:20:09 Et à un moment donné, il a reculé.
00:20:12 Et il m'a regardée avec des yeux, comme si j'étais pestiférée.
00:20:20 Moi, je ne savais plus quoi dire, quoi croire, quoi penser.
00:20:25 Mais c'est vrai que j'ai complètement perdu les pédales, mais...
00:20:29 Ce qui m'est venu à l'esprit tout de suite, c'est que ma femme avait le sida.
00:20:33 Comme une vulgaire prostituée.
00:20:36 C'était comme une obsession en moi, j'étais sous le choc, j'en voulais terriblement,
00:20:43 et puis j'ai pensé à la maladie, à ses conséquences.
00:20:47 J'ai été envahi par une peur.
00:20:50 Terrible.
00:20:51 J'avais peur, peur, peur pour ma vie, pour la vie de mes enfants.
00:20:54 Et si elle les contaminait ? Et moi ?
00:20:57 On était en 1985, on ne savait rien.
00:21:02 Rien de rien.
00:21:03 André ne supporte pas l'annonce de la séropositivité de sa femme.
00:21:08 Mal informé, comme la plupart des gens à cette époque.
00:21:11 Il redoute que Simone contamine les enfants.
00:21:15 Et pour la sécurité de ces derniers, il décide, le coeur brisé, de se séparer de sa femme.
00:21:19 Il demande et obtient le divorce, et la garde des enfants.
00:21:23 Et avec un courage hors du commun, Simone comprend l'argument de son mari,
00:21:28 et accepte de se sacrifier.
00:21:31 Un jour, en fait, c'est une jeune fille qui est venue me chercher à la sortie de l'école.
00:21:35 Elle nous a dit que maman était partie pour quelques jours.
00:21:38 Donc quand on est rentré de l'école, on a attendu que papa rentre le soir,
00:21:41 et il nous a expliqué qu'elle était tombée malade, et puis qu'elle était partie en cure.
00:21:45 Alors nous, évidemment, on voulait la voir.
00:21:48 Il fait pire qu'il pleurait.
00:21:50 J'ai fait un test, moi. Je suis négatif.
00:21:53 Nous sommes assez vite tombés d'accord sur le fait qu'elle ne pouvait plus rester à la maison.
00:21:58 C'était terrible, mais je ressentais la nécessité de sauver ma peau et celle de mes enfants.
00:22:05 Nous agissions uniquement poussées par l'instinct de survie.
00:22:09 Ça restera la pire décision de ma vie.
00:22:14 Le plus dur, c'est que j'étais en pleine forme.
00:22:18 Sans les résultats d'analyses, je ne me serais jamais crue malade.
00:22:22 Seulement, voilà, j'étais en sursis. J'avais un virus mortel dans mon corps.
00:22:28 J'étais un danger public pour ma famille, pour ceux que j'aimais le plus au monde.
00:22:32 Je me suis installée ici, dans ce petit appartement.
00:22:38 Je peux vous dire que ça n'allait pas fort.
00:22:41 Qu'est-ce que j'ai pu pleurer.
00:22:44 Je faisais des cauchemars.
00:22:47 Heureusement que j'avais mon boulot et les clients qui m'aimaient beaucoup.
00:22:53 Je le leur rendais bien.
00:22:56 C'est le médecin de ma clinique qui m'a dit d'aller consulter un bénévole de l'association L.A.
00:23:07 L'association L.A. est l'association L.A.
00:23:09 Simone hésite à entrer au siège de l'association qui vient d'ouvrir ses portes car elle pense que celle-ci est réservée aux drogués et aux homosexuels.
00:23:16 Je me souviens qu'elle m'a montré les photos de ses enfants.
00:23:20 J'ai essayé de lui expliquer qu'elle pouvait continuer à s'occuper d'eux sans risque,
00:23:24 qu'en dehors du sang et du sperme, il n'y avait pas de transmission possible.
00:23:29 Je n'ai pas réussi à la convaincre.
00:23:36 Je me souviens qu'à l'époque, même certains médecins avaient peur de tout et craignaient un mode de contamination inconnu.
00:23:43 A la clinique, ils me disaient qu'ils avaient compris, mais ils continuaient à semer la terreur parmi les patients en disant que, par précaution, il fallait éviter les contacts.
00:23:53 On était encore si mal informés.
00:23:57 Alors, dans le cas de Simone, j'ai surtout essayé de lui remonter le moral.
00:24:06 Je lui ai demandé si elle avait des amis.
00:24:08 Alors, j'ai tout de suite pensé à Odette. C'était ma meilleure amie. En plus, c'était une collègue de l'agence.
00:24:13 Alors, évidemment, on était très copines. Puis, un jour, elle m'avait confié qu'elle avait trompé son mari.
00:24:18 Évidemment, je n'en ai parlé à personne.
00:24:20 Alors, un jour, je lui ai demandé si je pouvais compter sur sa discrétion. Elle a juré.
00:24:24 Alors, je lui ai tout raconté.
00:24:26 Quand Simone m'a décrit la réaction d'Odette, je m'en suis voulu.
00:24:34 J'aurais dû lui dire de se méfier.
00:24:36 Devant la réaction d'Odette, je me suis retrouvée trois semaines plus tôt.
00:24:41 La même réaction qu'André, mon ex-mari.
00:24:45 Dans ses yeux, j'ai lu la peur. Peur que je sois contagieuse.
00:24:49 Elle s'est reculée et elle m'a dit « Comment tu as pu attraper ça ? »
00:24:55 J'avais forcément fait des choses.
00:25:01 Je lui en voulais.
00:25:02 Elle me connaissait, elle savait que c'était impossible.
00:25:05 De victime, je suis passée accusée.
00:25:09 J'aurais eu la peur dans les yeux de ma meilleure amie.
00:25:13 En accordant sa confiance à son amie Odette,
00:25:16 Simone ignore qu'elle est en train de couper le dernier lien qui la rattache encore à l'univers des bienportants.
00:25:23 Quand le patron de l'agence m'a convoquée, je n'ai pas compris.
00:25:26 Il m'a dit qu'il ne pouvait pas me garder.
00:25:29 Alors que l'agence était florissante et...
00:25:32 il avait de bons résultats.
00:25:37 J'ai tout de suite compris que c'était Odette la responsable.
00:25:43 Elle avait raconté mon histoire.
00:25:46 Il m'a raconté qu'il avait des difficultés économiques, que j'étais bien, mais que...
00:25:51 il ne pouvait pas me garder parce que j'étais la petite nouvelle.
00:25:57 J'ai perdu...
00:25:59 mon boulot.
00:26:01 Je n'avais plus rien.
00:26:04 Jamais j'aurais pu imaginer ça.
00:26:09 Je survivais en faisant des ménages...
00:26:13 dans des maisons...
00:26:15 qui ressemblaient à la mienne.
00:26:17 Reléguée au banc de la société pour une faute qu'elle est sûre de n'avoir pas commise,
00:26:22 Simone endure un calvaire quotidien.
00:26:26 La maladie mortelle qui sommeille dans son corps...
00:26:28 ne tardera pas à se manifester et à l'emporter irrémédiablement.
00:26:32 J'étais là.
00:26:34 Je faisais du repassage pour une cliente...
00:26:37 quand j'ai entendu les grands titres dans le journal de 20 heures.
00:26:42 L'instauration officielle du dépistage systématique du virus du sida dans les dons de sang...
00:26:50 date du 1er août 1985.
00:26:53 Et c'est seulement ce soir-là, en août 1986,
00:26:56 que le scandale du sang contaminé a éclaté au grand jour.
00:26:59 J'ai découvert l'origine de la maladie de Simone devant la télévision.
00:27:18 Nous étions avec ma nouvelle compagne et les enfants...
00:27:23 quand le téléphone a sonné.
00:27:25 J'ai compris tout de suite que c'était à cause de la transfusion.
00:27:28 J'ai eu qu'une envie, c'est d'appeler André...
00:27:31 pour retrouver sa confiance, son estime, lui raconter ce qui était arrivé.
00:27:36 Et je savais bien qu'on ne pouvait pas reprendre une vie commune.
00:27:41 A cette époque-là, on pensait que la maladie était toujours très contagieuse.
00:27:44 On vivait à une autre époque.
00:27:46 Mais j'avais vraiment envie de lui parler.
00:27:51 Alors j'ai pris le téléphone.
00:27:53 C'est moi qui ai décroché.
00:27:55 J'ai tout de suite reconnu la voix de maman.
00:27:58 Mais je n'ai pas osé lui dire à quel point...
00:28:01 j'étais heureuse de l'entendre.
00:28:03 J'ai fait comme si de rien n'était, puis j'ai passé le téléphone à papa.
00:28:07 Quand j'ai entendu la voix de Marguerite...
00:28:10 j'étais bouleversée.
00:28:12 Je n'ai rien dit.
00:28:14 J'ai simplement demandé à parler à André.
00:28:19 Il m'a dit qu'il avait vu l'émission.
00:28:21 Il avait une voix bizarre.
00:28:24 Ça a été très dur ce soir-là.
00:28:26 Je m'en souviendrai toute ma vie.
00:28:29 J'étais convaincu que Simone m'avait menti sur l'origine de sa maladie, mais...
00:28:34 je pensais que notre amour était mort puisqu'elle m'avait trompé.
00:28:37 Savoir qu'elle avait contracté le virus lors d'une transfusion...
00:28:42 J'étais soulagé, bien sûr.
00:28:45 Évidemment.
00:28:48 Comment lui dire ça ?
00:28:49 J'avais honte de moi, honte de ce que j'ai pensé d'elle.
00:28:52 Les mots... ne sortaient plus.
00:28:57 Ce qui est encore plus terrible pour moi aujourd'hui, c'est d'avoir cru dur comme fer à l'époque...
00:29:04 qu'avec la maladie de Simone, elle ne pouvait plus s'occuper des enfants au quotidien.
00:29:09 Et cette peur déraisonnable, je le sais aujourd'hui...
00:29:13 a privé mes enfants...
00:29:15 de leur mère.
00:29:18 Alors...
00:29:19 c'est vrai que j'ai décidé de refaire ma vie.
00:29:22 J'ai rencontré Brigitte, elle est douce, elle est généreuse...
00:29:26 maternelle avec Pierre et Marguerite.
00:29:29 Si j'avais su...
00:29:35 Cette dernière désillusion a raison de la résistance psychique de Simone Louvier.
00:29:42 D'autant qu'elle sait maintenant qu'en dépit de son affaire,
00:29:46 elle aurait pu continuer à s'occuper de ses enfants sans leur faire prendre le moindre risque.
00:29:49 Alors cette fois, elle s'effondre pour deux mots.
00:29:53 Son ressort est brisé.
00:29:55 Terrassée par une dépression qui s'éternise,
00:29:58 elle est désormais incapable de travailler, elle est vivote d'aide sociale.
00:30:02 Mais pour quoi vivre ?
00:30:04 Pour qui vivre ?
00:30:06 Alors à plusieurs reprises,
00:30:08 elle songe à commettre l'irréparable.
00:30:11 Quand on m'a proposé de refaire le test, j'ai souri.
00:30:15 J'avais déjà fait deux fois.
00:30:17 Alors je voyais vraiment pas l'intérêt de le recommencer.
00:30:20 Et puis ils m'ont dit qu'à l'époque, le test n'était pas très fiable.
00:30:24 Et comme j'avais pas déclaré la maladie,
00:30:26 moi j'étais pas contre.
00:30:28 Les premiers tests sont arrivés sur le marché fin 84, début 85.
00:30:34 A l'époque, tout ça était tellement nouveau.
00:30:37 Alors, il y a eu des ratés.
00:30:41 Mais en 1990, la recherche a progressé, en particulier grâce à l'Institut Pasteur.
00:30:46 Et les tests ont considérablement gagné en fiabilité.
00:30:50 C'est comme ça que Simone a su qu'en fait, elle n'était pas contaminée.
00:30:55 Je sortais du collège quand je l'ai aperçue.
00:30:57 Elle s'était cachée dans un petit coin.
00:31:00 Au début, j'ai pris ce pour un inconnu, mais j'ai reconnu ses yeux.
00:31:04 Ça m'a dit qu'elle était plus malade.
00:31:08 Et puis, bah...
00:31:10 Qu'elle nous aimait toujours.
00:31:13 Puis qu'on lui avait manqué.
00:31:16 Et qu'elle pensait toujours à nous, même si c'était trop tard pour qu'elle revienne à la maison.
00:31:22 En France, dans les années 80,
00:31:25 la méconnaissance du mode de transmission du virus HIV
00:31:28 a brisé la vie amoureuse, familiale, sociale et professionnelle de Simone,
00:31:33 comme celle de toute une autre personne.
00:31:37 Comme celle de tant d'autres victimes.
00:31:39 Simone a attaqué en justice la clinique et son ancien patron.
00:31:42 Oh, certes, elle a obtenu des dommages d'intérêt.
00:31:45 Mais l'argent est une piètre consolation.
00:31:48 Elle a conservé le petit appartement où elle se sent chez elle.
00:31:51 Elle n'a jamais revu André.
00:31:53 Mais elle a renoué des contacts étroits avec ses deux enfants.
00:31:56 Ainsi, une fois par semaine,
00:31:58 retrouve-t-elle Marguerite, sa fille,
00:32:00 pour partager une promenade dans le parc de Versailles.
00:32:03 Marguerite est mariée.
00:32:06 Elle attend un heureux événement.
00:32:07 Dans quelques mois,
00:32:09 Simone sera grand-mère.
00:32:12 À côté de l'histoire avec un grand H,
00:32:23 les faits divers racontent les petites histoires du quotidien.
00:32:26 Tragiques ou comiques, absurdes ou fantastiques,
00:32:29 elles jalonnent nos vies et ne cessent de nous surprendre.
00:32:32 Ainsi, lorsqu'un ami m'a rapporté, il y a quelques années,
00:32:35 l'histoire que vous allez voir maintenant,
00:32:37 j'ai d'abord cru qu'il se payait ma tête.
00:32:40 Bonjour.
00:32:58 Bonjour madame.
00:33:00 Je voudrais une partie s'il vous plaît.
00:33:02 Avec location de chaussures.
00:33:04 Très bien.
00:33:05 Merci.
00:33:07 4 euros s'il vous plaît monsieur.
00:33:08 C'est l'histoire de Patrick Leclerc.
00:33:11 C'est un grand gaillard à l'allure sportive.
00:33:13 Il a 25 ans et il vient de décrocher
00:33:15 son premier emploi de prof de sport dans un collège de Liège en Belgique.
00:33:18 Alors pour fêter son succès, il sort à Paris,
00:33:21 accompagné d'un groupe d'amis.
00:33:23 Et après une journée passée dans les musées,
00:33:25 les jeunes gens veulent se distraire.
00:33:27 Ils se rendent à Pigalle et ils hésitent sur le choix d'un établissement.
00:33:30 Vous avez votre ticket.
00:33:31 Merci.
00:33:32 C'est le nom de Patrick.
00:33:33 Merci.
00:33:34 Merci beaucoup.
00:33:36 Je me souviens, il faisait très froid.
00:33:40 Il commençait à pleuvoir même.
00:33:41 Et ça faisait deux heures qu'on tournait en rond
00:33:44 pour essayer de trouver un bar et on n'arrivait pas à se décider.
00:33:47 C'est toujours comme ça quand on est plusieurs vous savez.
00:33:50 Bref, il y avait Yvan qui lui, il arrêtait pas de nous dire
00:33:54 "Ah je vais aller danser la salsa"
00:33:56 et Daniel qui voulait à tout prix nous offrir un coup à l'hôtel.
00:33:59 Moi ça me disait rien.
00:34:01 Je me disais "Mais attendez, maintenant on est là, autant en profiter".
00:34:04 On m'avait tellement parlé de Pigalle.
00:34:08 C'est connu dans le monde entier.
00:34:10 En plus ça m'aurait franchement embêté de rentrer en Belgique
00:34:14 sans avoir au moins testé une de ses boîtes.
00:34:16 Alors j'ai tellement insisté qu'on a fini par rentrer au Sexy Palace.
00:34:23 Le sexy palace
00:34:27 Je les revois comme si c'était hier.
00:34:33 Cinq grands gars qui arrivent.
00:34:35 Moi je me souviens surtout du Grand Viking,
00:34:37 on l'avait surnommé comme ça avec les copines parce que c'était un grand gars de 1990.
00:34:40 J'étais accoudée au comptoir et j'attendais les clients.
00:34:44 Il faut savoir qu'à l'époque on vendait la bouteille de champagne environ 3000 francs
00:34:47 et on était payé au bouchon.
00:34:49 Donc l'époque c'était une époque de crise au niveau du business.
00:34:52 Le patron arrêtait pas de nous courir après en nous disant qu'il fallait faire vraiment du business,
00:34:56 que c'était la crise.
00:34:57 Quand on a vu ces cinq grands gars arriver un jour de semaine,
00:35:00 on s'est dit avec les copines,
00:35:01 "Oh là là, ceux-là on va se les chouchouter, on va se les bichonner aux petits oignons".
00:35:05 C'était extraordinaire.
00:35:08 Merci monsieur.
00:35:10 Quand on est entré dans la boîte, il n'y avait pas grand monde.
00:35:13 À part une fille qui dansait sur le petit podium à moitié nue.
00:35:16 D'ailleurs je me suis demandé comment elle faisait pour tenir comme ça sur ses hauts talons.
00:35:20 Et il y avait trois filles aussi autour du bar,
00:35:23 plutôt mignonnes, qui nous souriaient.
00:35:25 J'étais sûr qu'elles travaillaient là.
00:35:27 Alors mes copains ont commandé de l'alcool
00:35:30 et moi comme je suis sportif, j'en bois jamais,
00:35:32 j'ai pris un jus d'orange.
00:35:34 Et j'ai profité du spectacle.
00:35:36 Ouais.
00:35:38 J'ai bien senti que l'ambiance, le lieu, plaisait pas à mes amis.
00:35:45 Au bout d'une heure, ils ont voulu partir.
00:35:47 Je trouve ça un peu dommage parce qu'ils annonçaient dix minutes plus tard le duo érotique.
00:35:52 Ils sont rentrés à l'hôtel.
00:35:55 Moi je suis resté.
00:35:57 Resté seul, Patrick compte bien profiter de toutes les ressources qu'offre le Sexy Palace.
00:36:11 Si elles ne sont pas les plus belles de Paris, les filles sont à qui chante
00:36:14 le spectacle d'ose, érotisme et humour.
00:36:17 Alors attiré sans doute par le portefeuille bien gardi du jeune homme,
00:36:20 deux entraîneuses prennent bientôt place à ses côtés
00:36:23 et en professionnel averti, minaudent pour obtenir un verre.
00:36:27 Patrick les repousse avec une certaine brusquerie.
00:36:30 Et vers 2h30 du matin, une fois le show terminé,
00:36:33 il s'en va, enchanté de sa soirée.
00:36:36 Ah non, il ne l'a pas laissé pourboire du tout, c'était le type même du mauvais client.
00:36:40 Non, non, il faut savoir qu'en plus, quand on faisait pas du chiffre d'affaires,
00:36:43 on était pas le patron. Et le patron était pas quelqu'un de facile, non.
00:36:47 En fait, quand une fille n'était pas assez rentable, elle se faisait virer en moins de deux.
00:36:52 Et alors pour retrouver du boulot à Pigalle...
00:36:55 En sortant du bar, la température était encore tombée.
00:36:59 Je me souviens, j'étais bien content d'avoir pris mon blouson chaud pour sortir.
00:37:04 Mais j'étais très étonné parce qu'il y avait pas grand monde dans la rue,
00:37:08 alors que pour moi c'était un quartier qui grouillait jusqu'au petit matin.
00:37:11 Alors bon bref, j'ai fait quelques pas, je me vois encore en train de refermer la fermeture éclair de mon blouson.
00:37:19 Et là c'est le trou noir.
00:37:21 Ce matin-là, je me suis réveillée, comme d'habitude vers 6 heures.
00:37:32 Vous savez, depuis que je suis veuve, je ne dors plus beaucoup.
00:37:36 J'ai tout de suite entendu un bruit bizarre.
00:37:40 C'est vrai que quand on habite un coin agité comme ici, on n'est pas à l'abri des nuisances sonores.
00:37:46 Mais là, ça me semblait comme un grognement.
00:37:51 Ça m'inquiétait.
00:37:53 Je suis allée me faire réchauffer du café, je le prépare toujours la veille.
00:37:58 Et quand le bruit est devenu plus insistant, mon chien s'est mis à aboyer.
00:38:03 Pourtant, Princess est d'une nature plutôt calme.
00:38:08 En tendant l'oreille, il m'a semblé qu'il s'agissait d'une voix.
00:38:12 C'était une drôle de sensation. J'ai tout de suite cru que j'étais mort.
00:38:35 C'était noir, il faisait nuit, pas un brin de lumière.
00:38:40 J'étais oppressé, le corps complètement coincé, je n'arrivais plus à respirer.
00:38:46 Il y avait une odeur, un peu acide, c'était horrible.
00:38:50 Au bout d'un moment, j'ai rassemblé mon courage et j'ai essayé de hurler, d'appeler au secours.
00:38:57 J'étais soulagé d'entendre le son de ma voix.
00:39:00 J'ai recommencé plusieurs reprises, mais c'était très difficile, ça me fatiguait énormément.
00:39:06 Le premier appel de Mme Cali a lieu à 7h20.
00:39:09 C'est un collègue de la nuit qui a pris l'appel.
00:39:12 Donc on se trouve avec une dame qui entend des bruits dans le mur, chez elle.
00:39:18 Ce genre d'appel, ça nous arrive à peu près 2-3 fois par jour.
00:39:21 Donc on a envoyé deux agents en uniforme pour la rassurer plutôt que pour autre chose.
00:39:25 Quand ils sont arrivés, comme un fait exprès, on n'entendait plus rien.
00:39:29 Je leur ai dit, même princesse a aboyé.
00:39:32 Ils ont fait le tour de l'appartement, puis ils sont partis en faisant la morale, comme quoi il ne fallait pas les déranger.
00:39:39 Pour rien qu'ils avaient du travail ailleurs.
00:39:42 Enfin, j'ai bien compris qu'ils ne me prenaient pas au sérieux.
00:39:45 Les certitudes de Jadine Galli faiblissent.
00:39:55 Est-elle certaine d'avoir entendu du bruit ?
00:39:59 Elle n'est plus toute jeune, et ça ne serait pas la première fois que son imagination lui jouerait des tours.
00:40:04 Pour se changer les idées, elle décide de faire son marché, puis d'aller déjeuner chez une amie.
00:40:09 Au même moment, les camarades de Patrick Leclerc commencent à s'inquiéter.
00:40:13 Leur copain aurait dû rentrer au milieu de la nuit, ou plus tard au matin.
00:40:16 Or, il est 13h et Patrick n'a toujours pas donné signe de vie.
00:40:20 Cela ne lui ressemble guère.
00:40:22 D'autant que la petite bande a prévu de visiter le château de Versailles.
00:40:25 Alors à 14h, Carl décide de se rendre au commissariat le plus proche pour signaler sa disparition.
00:40:31 C'est un ami de la victime qui nous a signalé la disparition de Patrick Leclerc.
00:40:36 Ça s'est passé à 1h du matin dans une boîte à Pigalle.
00:40:39 Plusieurs touristes ont été attaqués dans le quartier, donc on a pris tout de suite sa déposition au sérieux.
00:40:45 Et on a commencé l'enquête auprès du personnel du Sexy Palace.
00:40:49 Un flic m'a appelé à 15h, j'étais encore au lit.
00:40:52 Alors il faut dire qu'à l'époque, j'émergeais pas avant 16h-17h.
00:40:56 Et je lui ai parlé du viking. Je lui ai parlé du viking.
00:40:59 Je lui ai dit qu'un radin pareil, ça s'oubliait pas, vraiment.
00:41:02 Et à ce moment-là, je lui ai dit qu'il était parti à 3h du matin.
00:41:06 Il m'a demandé s'il était ivre.
00:41:08 Je lui ai dit qu'avec un verre de jus d'orange, ça risquait vraiment pas.
00:41:11 Viens, viens ma petite. Qu'est-ce que tu veux ?
00:41:14 Je suis rentrée chez moi vers 16h.
00:41:17 J'avoue, j'avais complètement oublié cette histoire de voix.
00:41:21 Il faisait froid, j'ai allumé le poêle.
00:41:25 Et je me suis installée avec Princesse devant la télé.
00:41:28 C'était l'heure de mon feuilleton préféré.
00:41:31 Et là, au bout de 5 minutes, ça a recommencé.
00:41:36 Et là, j'ai clairement entendu une voix qui appelait au secours.
00:41:40 J'ai attendu un bon moment pour être bien sûre de moi avant de rappeler la police.
00:41:47 Allez, grosse goutte !
00:41:50 J'avais perdu toute notion de temps et d'espace.
00:41:53 La seule chose qui me soutenait, c'était que je pensais à ma famille.
00:41:56 Surtout à ma soeur, ma petite soeur dont je suis très proche.
00:42:00 Je me suis demandé ce qu'elle avait pensé quand elle allait apprendre que j'étais mort.
00:42:04 Parce que j'étais sûr d'être mort.
00:42:06 Et à un moment donné, j'ai senti une brûlure intense.
00:42:11 Et l'air est devenu fufoquant et désespéré, je me suis mis à hurler.
00:42:18 J'avais convoqué le directeur du Sexy Palace.
00:42:29 J'étais en train de l'interroger quand le collègue qui partage mon bureau a reçu un nouvel appel.
00:42:34 Madame Galli entendait cette fois-ci des appels au secours et n'arrivait pas à savoir d'où ça venait.
00:42:39 Le dit collègue était assez énervé, ça faisait deux fois qu'il se déplaçait.
00:42:43 Et il avait peur de faire chou blanc une deuxième fois.
00:42:47 Donc, je ne sais pas pourquoi, mais j'ai eu une espèce d'intuition.
00:42:51 Je me suis dit, où habite cette dame ?
00:42:54 Effectivement, on était à une dizaine de mètres du Sexy Palace.
00:42:58 J'ai tout de suite pensé, et si cette affaire avait quelque chose à voir avec la disparition de ce jeune Belge.
00:43:04 Vous ne pouvez pas savoir comme j'étais soulagée quand j'ai compris que cette fois, il me prenait au sérieux.
00:43:09 Et qu'ils m'ont dit qu'ils arrivaient tout de suite.
00:43:12 Je priais le ciel pour que cette voix ne se taise pas quand il serait là.
00:43:16 On n'a pas traîné, on est arrivé très vite chez Madame Galli.
00:43:18 Effectivement, il y avait quelqu'un de coincé quelque part.
00:43:21 On entendait au secours, et petit à petit, la voix commençait à s'affaiblir.
00:43:25 De toute évidence, le gars devait souffrir terriblement.
00:43:28 Donc, très vite, on a téléphoné et on a demandé l'aide des pompiers.
00:43:33 Ceux-ci sont arrivés et sont montés sur le toit.
00:43:36 [Musique]
00:43:50 [Bruits de tirs]
00:44:09 Je me suis senti happé, quelqu'un me tirait par les pieds.
00:44:12 J'ai eu tellement mal que je me suis évanoui.
00:44:15 [Bruits de tirs]
00:44:24 La première chose que les pompiers ont distingué arrivé sur le toit,
00:44:27 c'est les chaussures de sport.
00:44:29 Avec une corde, ils ont dégagé Patrick Leclerc de la cheminée où il était prisonnier.
00:44:34 Le type était en très mauvais état.
00:44:36 Il avait une sale plaie à la tête, couvert de suie et les cheveux étaient brûlés.
00:44:40 Un véritable miracle qu'il soit encore vivant.
00:44:43 Un mois après, on va arrêter les deux coupables.
00:44:46 Ce sont deux frères qui travaillent au Sexy Palace.
00:44:49 Un des deux était celui qui alpaguait les clients à l'entrée du bar.
00:44:53 Les entraîneuses renseignaient nos deux individus
00:44:56 et ceux-ci attendaient les victimes à la sortie pour les dépouiller.
00:44:59 Après cette histoire, j'ai tout arrêté.
00:45:01 J'ai démissionné, j'ai arrêté de travailler la nuit.
00:45:04 Je savais qu'en fait, dans cette boîte, dans cet établissement,
00:45:07 il y avait des choses louches qui se passaient, que ça traficotait pas mal.
00:45:10 Et tout d'un coup, il y a eu une tentative de meurtre.
00:45:13 Sérieusement, j'ai pas pu supporter. J'ai changé de vie.
00:45:16 Du jour au lendemain.
00:45:36 C'était terrible, parce que j'ai appris ce qui m'était arrivé cette nuit-là.
00:45:39 Il y a un des gars du bar qui m'a attendu avec une batte de baseball.
00:45:43 Enfin, ils étaient deux.
00:45:45 Et ils m'ont frappé tellement fort pour me voler mon portefeuille
00:45:49 qu'ils m'ont laissé par terre. Ils ont cru que j'étais mort.
00:45:52 Donc là, ils m'ont tiré dans une petite ruelle.
00:45:55 Ils ont trouvé un échafaudage sur un immeuble.
00:45:57 Ils sont montés dessus et ils m'ont hissé jusqu'au toit.
00:46:00 Et ils m'ont jeté dans un trou de cheminée.
00:46:03 J'étais coincé, la tête la première,
00:46:06 dans un trou de 50 cm de diamètre,
00:46:11 à deux mètres au-dessus du poil de Madame Galli.
00:46:14 J'ai fait des cauchemars pendant des années.
00:46:18 Je suis complètement claustrophobe, maintenant.
00:46:22 Alors, je fais une analyse. J'essaie de m'en sortir comme ça.
00:46:26 Et le sport m'aide beaucoup.
00:46:28 Je suis jamais retourné sur Paris.
00:46:30 Non, jamais eu l'occasion.
00:46:32 J'espère bien y retourner. J'ai pas dit mon dernier mot.
00:46:35 Faudrait aller voir le château de Versailles.
00:46:37 Allez.
00:46:39 Au cours de l'enquête, les policiers découvrent
00:46:45 que les agresseurs de Patrick Leclerc n'en sont pas à leur galop d'essai.
00:46:49 Ainsi, lorsqu'un client du Sexy Palace
00:46:51 ne se montre pas assez généreux avec les hôtesses,
00:46:53 ont-ils pris l'habitude de le dépouiller à la sortie du cabaret.
00:46:57 Les égrephins sont arrêtés, placés en garde à vue
00:47:00 et la boîte fermée sur décision de justice.
00:47:03 Quant à Patrick Leclerc, il a eu, comme on dit,
00:47:06 beaucoup de chance dans son malheur.
00:47:08 En effet, Madame Galli avait utilisé sa dernière bûche
00:47:13 et avait, ce jour-là, oublié de racheter du bois.
00:47:16 Un oubli providentiel qui a permis à Patrick Leclerc
00:47:20 de ne séjourner qu'une seule nuit en enfer.
00:47:24 [Générique]
00:47:30 Il y a quelques mois, je me trouvais en tournée
00:47:33 dans une petite ville balnéaire du nord de la France.
00:47:36 Et c'est en parlant à bâton rompu avec le maire
00:47:39 que j'ai découvert une histoire digne de marquer d'une pierre blanche
00:47:43 la chronique pourtant mouvementée des casinos.
00:47:46 Alors l'histoire se déroule dans cette commune
00:47:49 qui offre peu de distraction.
00:47:50 Les restaurants sont déjà fermés
00:47:52 et seul le petit casino est encore ouvert.
00:47:55 Quelques hommes et femmes sont venus s'y étourdir
00:47:58 et connaître pour quelques heures le grand frisson du jeu.
00:48:02 Derrière la roulette, Joël Leclerc, le croupier,
00:48:05 sait que pour les joueurs, il n'est qu'une silhouette en costume noir,
00:48:08 une ombre qui porte bonheur ou malheur
00:48:11 selon que la bille finit sa course sur le rouge ou le noir.
00:48:15 Il ne peut en aucun cas imaginer que l'homme, assis à sa table,
00:48:20 venu connaître l'enfer du jeu,
00:48:22 va bientôt réaliser la martingale du siècle.
00:48:26 J'ai eu la peur de ma vie.
00:48:35 Vraiment la peur de ma vie.
00:48:37 Pourtant au début c'était une soirée, comme les autres,
00:48:40 et un particulier.
00:48:42 Croyez-moi, il y a des soirs où même moi je suis sur-excité
00:48:44 rien qu'en regardant les gens à ma table.
00:48:46 Des soirs où les belles femmes viennent, se succèdent,
00:48:50 les flancs de rue viennent s'éclater.
00:48:52 Puis je peux vous dire que ça y va, il y a de l'électricité dans l'air.
00:48:56 Ah mais ce soir-là, rien.
00:48:59 Non, il n'y avait que des gens tristes,
00:49:01 des petits joueurs sans intérêt.
00:49:03 Enfin, c'est ce que je croyais.
00:49:06 À chaque fois que je raconte cette histoire, j'en tremble.
00:49:12 J'avais eu une journée un peu stressante
00:49:14 et j'avais envie de me faire un petit plaisir, de rêver un peu.
00:49:18 Alors je suis entrée au casino.
00:49:20 Vous savez, moi ce que j'aime par-dessus tout, c'est la roulette.
00:49:22 Ça c'est vraiment mon truc.
00:49:24 À chaque fois que j'entends le croupier crier "Rien ne va plus",
00:49:28 ça me donne la chair de poule.
00:49:32 Alors évidemment, je suis allée m'installer à une table,
00:49:34 on jouait à la roulette.
00:49:36 Mais j'étais tellement dans mes pensées,
00:49:38 j'avais tellement envie de gagner, que sur le coup,
00:49:41 j'ai rien remarqué.
00:49:43 [Musique]
00:50:01 Pour la centième fois, au moins ce jour-là,
00:50:04 j'ai lancé la bille.
00:50:06 J'ai dit que les jeux étaient faits,
00:50:07 puis j'ai annoncé le chiffre gagnant.
00:50:10 Vous pensez, si je m'en souviens,
00:50:12 que je me suis rejoué à la scène des dizaines de fois.
00:50:14 C'était le 32, rouge.
00:50:16 Alors, j'ai regardé sur le tapis.
00:50:19 Aucun des joueurs n'avait joué le 32.
00:50:21 Pas de carré non plus, ni de jetons à cheval
00:50:23 avec les six numéros autour.
00:50:25 Enfin bon, bref, aucun gros gain.
00:50:27 Juste quelques jetons sur le paire.
00:50:31 Pas grand-chose.
00:50:33 Mais il y avait juste là, à côté de moi,
00:50:36 un homme qui avait joué 2000 euros sur le rouge.
00:50:39 Alors j'ai jeté un oeil comme ça, par curiosité,
00:50:41 pour voir de quoi il avait l'air.
00:50:44 Et puis, ça m'a fait rire,
00:50:46 parce qu'il m'a fait penser à mon ex-mari
00:50:48 avec son petit sourire et ses petites lunettes dorées.
00:50:51 Lui, par contre, il ne m'a même pas regardé.
00:50:55 Alors, je suis retournée à ma partie, finalement.
00:50:57 Après tout, à la roulette, c'est chacun pour soi.
00:51:00 Ah, ben ça, je l'avais à peine remarqué.
00:51:02 Oui, il était plutôt discret.
00:51:05 Assez petit, dégarni,
00:51:07 avec un costume noir qui avait l'air un peu étriqué.
00:51:11 Enfin, le genre passe partout.
00:51:14 Même sa façon de jouer, d'ailleurs, n'était pas très originale.
00:51:18 Il avait choisi la première case devant lui,
00:51:21 la plus près.
00:51:23 Un joueur du dimanche, quoi.
00:51:25 Enfin bon, malgré tout, il doublait sa mise.
00:51:28 Et donc, ça faisait 4000 euros.
00:51:31 Alors j'ai laissé glisser les jetons gagnés
00:51:34 à côté des autres, sur la case rouge, comme le veut la règle.
00:51:38 Et lui, il est resté là, sans bouger,
00:51:40 en laissant tous ses jetons sur la table.
00:51:42 Moi, comme un imbécile, j'ai rien vu, alors j'ai relancé les jeux.
00:51:47 Et le rouge est ressorti.
00:51:50 Il avait encore doublé sa mise, 8000 euros.
00:52:00 Vous vous rendez compte, il y a de quoi être content, non ?
00:52:02 Ça fait une sacrée somme, non ?
00:52:04 D'autant plus qu'entre vous et moi, ce monsieur, il avait pas l'air très riche.
00:52:09 Enfin, il a même pas sourcié, rien.
00:52:12 J'ai commencé à penser qu'il avait de la veine, lui, avec son air de ne pas y toucher.
00:52:17 Et à nouveau, il a laissé tous ses jetons sur le rouge.
00:52:23 Il a pas bougé.
00:52:25 Il ne quittait pas la roulette des yeux, avec un petit sourire.
00:52:29 J'ai commencé à me poser des questions, mais bon, il y avait d'autres jours,
00:52:32 il fallait que la roulette tourne, alors j'ai lancé la bille.
00:52:35 Même s'il n'est pas né de la dernière pluie, Joël Eclarc est intrigué.
00:52:47 Certes, le joueur assis à sa table bénéficie d'une chance exceptionnelle.
00:52:52 Mais surtout, il est parfaitement impassible.
00:52:55 Il n'esquisse pas le moindre geste en direction de la pile de jetons qui augmente sous ses yeux.
00:53:01 Clarke a-t-il affaire à un tricheur ?
00:53:04 À un professionnel aguerri, prêt à faire sauter la banque ?
00:53:07 Inquié, le croupier cherche du regard le directeur du casino, monsieur Duvernes,
00:53:12 car c'est la règle ici, chaque fois que les paris risquent de dépasser la somme de 10 000 euros,
00:53:17 il doit l'en avertir.
00:53:19 Et en attendant qu'il vienne, il lance la bille, qui s'arrête sur une case rouge.
00:53:27 Ah, j'ai commencé à être vraiment nerveux, parce que maintenant, il y avait 16 000 euros sur le rouge.
00:53:31 Cette fois, il fallait vraiment que le directeur vienne.
00:53:34 Alors j'ai envoyé le garçon de salle le chercher, je savais que lui saurait quoi faire.
00:53:39 Il se trouve que dans mon casino, comme dans tous les casinos,
00:53:46 le directeur peut fermer une table de jeu n'importe quand sans avoir à expliquer quoi que ce soit.
00:53:51 C'est la règle, les joueurs le savent,
00:53:55 et ils savent aussi qu'une fois une table fermée,
00:53:58 ils ont encore la possibilité de jouer trois fois.
00:54:01 Trois chances de gagner ou de perdre.
00:54:04 Je n'ai pas eu besoin de parler, j'ai jeté un regard au croupier,
00:54:09 et il a fait ce qu'il avait à faire.
00:54:12 J'ai annoncé aux joueurs que nous fermions la table, et puis j'ai lancé la bille.
00:54:17 Pour tout vous dire, je pensais qu'il avait tort, ce type, de jouer le rouge comme ça, sans arrêt.
00:54:22 J'espérais que le rouge allait sortir encore une fois.
00:54:25 C'était quand même un peu énorme.
00:54:27 Bien sûr, au casino, entre nous, on raconte des histoires de 7, 8, voire 10 fois la même couleur.
00:54:32 Mais bon, ça arrive une fois tous les 10 ans.
00:54:35 Et puis, ce qui devait arriver, arriva.
00:54:38 C'est le 36 rouge qui est sorti.
00:54:42 Et toujours aucune réaction de l'homme en noir, avec son petit sourire.
00:54:46 Pendant ce temps, la nouvelle fait le tour de la salle.
00:54:49 Les autres tables se vident, le cliquetis des machines à sous s'interrompt.
00:54:53 Des joueurs s'assemblent autour de l'homme en noir, dont la chance est insolente.
00:54:57 Utilisera-t-il un subterfuge capable de commander à la bille,
00:55:02 de s'arrêter uniquement sur les cases rouges ?
00:55:05 Il ne reste que deux tours à jouer avant la fermeture de la table.
00:55:09 - Quand la bille s'est immobilisée sur le rouge, tout le monde retenait son souffle.
00:55:14 A force de doubler sa mise, ça faisait quand même 64 000 euros.
00:55:18 Et lui, il n'a même pas esquissé un geste pour aller récupérer ses jetons.
00:55:22 Pas dit un mot. Rien.
00:55:25 J'en revenais pas.
00:55:27 - J'arrivais pas à comprendre comment un type qui a une telle baraka
00:55:30 puisse rester comme ça, impassible.
00:55:34 Et en plus, je me demandais quand est-ce qu'il allait s'arrêter de gagner.
00:55:38 Je voyais bien qu'il y avait des regards entre le croupier et le directeur.
00:55:43 Je savais qu'il se passait quelque chose.
00:55:45 Si j'avais su, j'aurais joué comme lui.
00:55:48 - Alors on arrivait au dernier tour.
00:55:50 Et là, j'avais compris qu'il n'allait pas jouer sur une autre couleur.
00:55:55 J'ai cru qu'il était devenu fou.
00:55:57 Car il fallait être fou pour jouer 64 000 euros
00:56:00 sur une couleur qui était déjà sortie 5 fois de suite.
00:56:04 Car tout de même, il pouvait tout perdre d'un coup.
00:56:08 Par superstition, je suis allé chercher le chéquier du casino
00:56:12 pour conjurer le sort.
00:56:15 J'ai entendu la bille rouler,
00:56:18 la voix du croupier qui disait "les jeux sont faits".
00:56:22 J'ai arrêté ma respiration.
00:56:26 Puis on entendait une mouche voler dans la salle.
00:56:31 Et il a gagné.
00:56:34 - J'en aurais pleuré.
00:56:41 Franchement, ce type quelconque avec son pauvre costume
00:56:44 qui avait joué 2000 euros sur la case devant lui
00:56:47 et qui gagne finalement 128 000 euros.
00:56:50 Je sais que c'est pas sympa de dire ça, mais franchement, j'étais écuré.
00:56:54 Surtout qu'il m'avait même pas donné un seul jeton.
00:56:57 On peut pas dire que ça a aidé à le rendre sympathique.
00:57:00 - Comme chaque fois qu'un gagnant fait sauter la banque, comme on dit,
00:57:04 je suis allé le féliciter.
00:57:07 C'est important pour la réputation du casino.
00:57:10 Je suis allé vers lui et je lui ai tapé sur l'épaule, comme ça, sympa.
00:57:15 Et puis il a basculé en avant.
00:57:18 J'ai senti son dos se dérober sous ma main.
00:57:21 Et puis sa tête est tombée sur le tas de jetons.
00:57:25 Comme ça. Il s'est écroulé sur ses 128 000 euros.
00:57:29 - J'ai hurlé, hurlé.
00:57:32 Jamais j'aurais imaginé une chose pareille
00:57:34 quand je pense qu'il était juste à côté de moi.
00:57:37 - Il était mort. Mort.
00:57:40 Les gens ont crié, on n'en revenait pas.
00:57:47 - Je pensais même pas que c'était possible de mourir comme ça.
00:57:51 Elle s'est ouverte en souriant.
00:57:54 - Le mystérieux homme en noir que des envieux soupçonnaient de tricher
00:57:58 dirige en fait un modeste salon de coiffure au centre de la ville.
00:58:02 Le soir de sa mort, il n'a pas triché, car on ne triche pas avec la mort.
00:58:06 La fille du défunt, Amélie, est bouleversée par la nouvelle.
00:58:09 Elle remplit tant bien que mal les formalités de décès
00:58:12 et se rend au casino pour s'entretenir avec son directeur.
00:58:15 Pour solde de tout compte,
00:58:18 M. Duverne lui remet une enveloppe.
00:58:21 - C'est sûr, au départ, c'était pas une consolation.
00:58:31 A cette époque-là, j'étais encore étudiante.
00:58:34 Je me disais que les gains de mon père allaient m'aider à tenir le coup
00:58:38 et surtout à poursuivre mes études.
00:58:41 Il s'était sacrifié toute sa vie pour que j'aie la chance qu'il n'avait pas eu.
00:58:45 Il aurait été fier que je sois diplômée.
00:58:48 Quand j'ai ouvert l'enveloppe, je l'ai fait un peu machinalement.
00:58:52 Je me doutais un peu de ce qu'il y avait dedans,
00:58:55 mais quand j'ai vu, j'ai cru que j'allais tomber à la renverse.
00:58:59 - J'ai interrogé toutes les personnes qui jouaient à la table de son père,
00:59:03 y compris mon croupier, et toutes m'ont raconté la même chose.
00:59:07 A savoir ce que je vous ai raconté tout à l'heure.
00:59:10 Un homme immobile, sans aucune réaction, avec un sourire rigide.
00:59:14 J'en ai déduit les conclusions qui s'imposaient.
00:59:18 - Elle était pas bien grande, cette enveloppe,
00:59:25 mais j'avais envie de la retourner dans tous les sens
00:59:28 pour être sûre que je passais pas à côté de quelque chose.
00:59:31 Il fallait bien que je me rende à l'évidente.
00:59:34 Y avait pas d'erreur, le directeur du casino m'avait donné une enveloppe
00:59:38 avec en tout et pour tout 4000 euros.
00:59:41 - Vous savez, j'étais bien désolé pour la petite,
00:59:44 mais je suis pas la bébière non plus.
00:59:47 Puis les règles sont les règles, il faut les appliquer.
00:59:50 Et à la lettre, en plus.
00:59:52 Et les règles, c'est qu'on ne peut gagner que si on est vivant.
00:59:56 C'est logique, non ?
00:59:58 - En tout honnêteté, au départ, j'ai pas du tout compris ce qui se passait.
01:00:02 Mon père avait gagné 128 000 euros au casino,
01:00:05 et lui, il me donnait une enveloppe avec 4000 euros.
01:00:08 C'était incompréhensible.
01:00:10 Alors, calmement, je lui ai dit, "Donnez-moi des explications."
01:00:14 - Son père n'avait pas bougé après sa première mise de 2000 euros.
01:00:18 Le seul placement qu'il avait fait de son vivant,
01:00:21 c'était donc ce premier jeu, sur le rouge.
01:00:25 Il n'avait donc à gagner que 2 fois 2000 euros, 4000 euros.
01:00:30 Pour moi, c'est clair.
01:00:32 - J'en revenais pas d'entendre un truc pareil.
01:00:35 Déjà, la situation, elle était assez difficile pour moi,
01:00:38 et lui, en plus, il en profite pour m'escroquer.
01:00:41 J'étais vraiment scandalisée.
01:00:43 - Mais la jeune Amélie n'est pas du genre à s'en laisser compter.
01:00:46 Son père lui a appris à se défendre.
01:00:48 Alors, elle n'en démore pas.
01:00:50 Elle exige du casino qu'il lui restitue les sommes que son père a gagnées.
01:00:54 Le directeur argue que son père n'a pas gagné cet argent
01:00:57 puisqu'il est mort au début de la partie.
01:00:59 Il explique que si c'était le cas,
01:01:01 le croupier et les autres joueurs s'en seraient aperçus.
01:01:04 Le ton s'envenime.
01:01:06 Ne trouvant pas d'accord,
01:01:08 les 2 parties décident de s'en remettre à une décision de justice.
01:01:12 - J'étais sûre qu'il s'était passé quelque chose.
01:01:19 Mon père pouvait pas être mort comme ça,
01:01:21 juste en s'installant à la table de jeu.
01:01:23 C'était un peu gros, quand même.
01:01:25 Donc, moi, j'avais déjà ma petite idée sur la question.
01:01:28 - Quand elle me lançait, je n'étais pas vraiment inquiet.
01:01:31 On était nombreux à avoir assisté à cette scène
01:01:34 et intrigués par l'immobilité de son père.
01:01:37 C'est vrai que c'est vraiment absurde
01:01:40 de rester aussi immobile et inerte quand on gagne autant d'argent.
01:01:44 À moins d'être milliardaire.
01:01:47 J'étais sûr que le juge allait arriver à la même conclusion que moi.
01:01:52 - Mon père, moi, je le connaissais mieux que n'importe qui.
01:01:55 Et en réalité, je savais très bien ce qui l'avait tué.
01:01:58 Mon père, il a travaillé depuis qu'il a 16 ans pour gagner sa vie.
01:02:01 Et après ma naissance, c'était pour m'offrir une belle vie à moi
01:02:04 qu'il se donnait du mal.
01:02:05 Mais bon, c'est pas en étant coiffeur dans une petite ville de province,
01:02:08 même en coupant des cheveux 10 heures par jour, qu'on devient millionnaire.
01:02:11 Aussi, ce soir-là, quand il va au casino,
01:02:13 et que tout à coup, en jouant le rouge, comme il jouait toujours,
01:02:16 il se retrouve avec une véritable fortune,
01:02:18 moi, j'en suis persuadée, c'est ça qui l'a tué.
01:02:21 C'est de gagner une grosse somme d'un coup, comme ça.
01:02:24 Donc, quand j'ai raconté ça au juge, j'ai bien vu qu'elle me comprenait.
01:02:27 Est-ce l'émotion d'avoir gagné plus en une heure qu'en une vie
01:02:30 qui a terrassé le petit coiffeur ?
01:02:33 Le tribunal en a décidé ainsi.
01:02:36 Et grâce au gain de son père, Amélie a terminé ses études.
01:02:40 Elle est aujourd'hui infirmière dans un hôpital voisin.
01:02:43 Quant au directeur du casino, il redouble maintenant de vigilance
01:02:47 quand il repère un petit homme vêtu de noir
01:02:51 s'approcher timidement d'une table de jeu.
01:02:55 Nous sommes au début de l'été 1995,
01:03:06 dans une banlieue cossue des environs de Paris.
01:03:10 Sébastien, jeune blondiné âgé d'une dizaine d'années,
01:03:13 joue avec son ballon en cuir rouge dans le jardin de la maison familiale.
01:03:17 L'enjeu est très très simple,
01:03:19 il consiste à shooter le plus fort possible.
01:03:22 Et Sébastien a réussi si bien son premier tir
01:03:25 que son ballon s'envole au-dessus du mur mitoyen
01:03:28 et atterrit dans le jardin de la voisine.
01:03:31 Jusque-là, rien de très grave, me direz-vous.
01:03:34 Et pourtant, croyez-moi, ce coup de pied anodin
01:03:37 va déclencher une aventure assez extraordinaire
01:03:40 qui, dix ans après les faits, hante encore les nuits du garçon
01:03:43 devenu aujourd'hui étudiant en médecine.
01:03:46 (musique)
01:03:49 -Mon père m'avait pourtant prévenu.
01:03:56 "Ne tire pas n'importe où, je t'aiderai pas à récupérer le ballon si tu le perds."
01:04:00 J'ai dû lui répondre quelque chose comme "Bien sûr, papa, bien sûr."
01:04:04 Mais c'est sur mon dernier pénalty que j'ai envoyé le ballon de l'autre côté du mur.
01:04:08 Je me voyais déjà me faire engueuler par mes parents,
01:04:11 mais je me demandais comment passer chez la voisine.
01:04:14 (musique)
01:04:17 Cette voisine, c'est Geneviève V.
01:04:22 Les grandes personnes disent d'elle qu'elle a mauvais caractère,
01:04:25 qu'elle est riche comme Crésus et avare comme une pie.
01:04:28 Alors forcément, Sébastien n'a pas le courage d'aller frapper à sa porte
01:04:31 pour réclamer son bien. Seulement, il aime son ballon.
01:04:34 Comment pourrait-il l'abandonner derrière un mur ?
01:04:37 -J'ai donc plongé le mur pour trouver un passage.
01:04:41 Le mur a été refait maintenant,
01:04:44 mais c'était ici, tout en bas, que j'ai vu un bout de mur un peu plus friable.
01:04:47 Par contre, il fallait creuser ou faire un trou pour pouvoir se filer chez la voisine.
01:04:52 C'est ce que j'ai commencé à faire quand la nuit s'est mise à tomber.
01:04:55 Je suis rentré à la maison en disant que j'allais reprendre tout ça dès demain,
01:04:58 mais bien sûr, sans rien dire à mes parents.
01:05:00 -Maintenant, quand j'y pense, je me dis, j'aurais dû voir que quelque chose clochait,
01:05:04 parce que Sébastien ne voulait jamais aller se coucher.
01:05:06 Et ce soir-là, il est monté rapidement dans sa chambre.
01:05:09 ...
01:05:14 -Je me souviens que j'ai très mal dormi,
01:05:20 mais dès que je me suis réveillé, je suis retourné à mon mur.
01:05:23 Vous savez, j'ai pris une fourchette pour creuser,
01:05:25 comme les prisonniers le font dans les films.
01:05:27 Je me souviens que mon père était parti au travail
01:05:29 et que ma mère devait faire les courses, mais en tout cas, j'étais tout seul.
01:05:32 Au bout de quelques heures, une partie du mur a commencé à céder,
01:05:35 et maintenant, il me restait plus qu'à traverser le jardin de la voisine.
01:05:38 -Dans sa tête de petit garçon, Sébastien imagine sa vieille voisine
01:05:41 sous les traits d'une sorcière.
01:05:43 Sans mari, sans enfant, sans domestique, sans jardinier,
01:05:46 elle doit errer dans ses 10 pièces comme un triste fantôme.
01:05:49 C'est donc en tremblant qu'il pénètre, par effraction,
01:05:53 dans le jardin de la voisine.
01:05:55 ...
01:06:05 -Quand une fois passé le muret, j'ai jeté un coup d'œil
01:06:08 pour voir si j'apercevais du rouge quelque part.
01:06:10 J'ai regardé à gauche, rien. À droite, rien.
01:06:13 Je me suis avancé dans le jardin, toujours rien.
01:06:15 D'un coup, j'ai entendu une voix sortir de là-haut, de la maison.
01:06:18 Ça pouvait être que la voisine.
01:06:20 De peur de me faire repérer, j'ai couru vers le bungalow pour m'y abriter.
01:06:25 ...
01:06:34 Et... coup de chance !
01:06:36 Derrière cette fenêtre de jardinier, j'ai retrouvé mon ballon rouge.
01:06:41 -A cet instant, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes.
01:06:44 Sébastien s'empare de son ballon et s'apprête à rebrousser chemin.
01:06:48 Mais un bruit étrange en provenance du bungalow retient son attention.
01:06:53 Une sorte de ronflement, le grognement d'un chien assoupi,
01:06:56 un japement plaintif qui l'attire irrésistiblement vers le cabanon.
01:07:00 -C'était étrange, il n'y avait aucune fenêtre.
01:07:02 Juste des bouts de tôle rouillat attachés les uns aux autres.
01:07:05 En bougeant un bout de tôle, j'ai réussi à voir à l'intérieur.
01:07:08 Au bout de quelques secondes, mon regard a croisé une forme à peine éclairée par la lumière du soleil.
01:07:14 Et je me suis rendu compte, et franchement, j'en tremble encore aujourd'hui,
01:07:18 que c'était un homme, un homme, un vieillard avec une barbe blanche.
01:07:22 Imaginez ce que ça m'a fait.
01:07:24 (bruit de vent)
01:07:34 Je crois que je n'oublierai jamais jusqu'à ma mort.
01:07:38 C'est la première fois que j'entendais une autre voix que celle de la vieille Mégère depuis plusieurs années, des années, des années.
01:07:47 Partir ? Oh bah non.
01:07:50 J'y pensais même plus. Je suis bien sûr de crever dans cette remise, hein.
01:07:56 Ouais, j'étais sûr que j'allais crever là-dedans.
01:07:59 (bruit de vent)
01:08:01 -La première chose à faire, ça a été d'écarter la tôle pour y voir mieux.
01:08:04 -Je le voyais à peine, ce gamin.
01:08:07 Et j'entendais qu'il tirait sur les tôles, la tôle partout, puis tout d'un coup, j'ai touché sa main.
01:08:14 Oh, c'était la vie que je touchais pour la première fois depuis des années. C'était la vie. La vie, ce gosse.
01:08:21 (bruit de vent)
01:08:25 Ah oui, c'était la vie.
01:08:28 -Il avait une main froide et toute fripée, mais elle me faisait pas peur. C'est la main d'un grand-père, c'est tout.
01:08:32 En fait, c'est comme si j'avais une mission. Il fallait l'aider.
01:08:35 Je lui ai posé des questions du style...
01:08:38 "Eh, vous pouvez pas sortir, c'est défendu."
01:08:41 Il a baragouiné quelque chose que j'ai pas compris. En plus, la tôle, elle résistait.
01:08:45 Et là, j'ai dû lui dire oui, quelque chose comme "Ne vous inquiétez pas, je reviens tout de suite."
01:08:49 Cinq minutes après avoir traversé le jardin de ma voisine,
01:08:52 j'étais dans le garage de mon père en train de chercher un outil pour faire céder la tôle.
01:08:55 (bruit de vent)
01:09:03 (sanglots)
01:09:06 (toux)
01:09:10 -Quand j'ai entendu du bruit, j'ai cru que c'était la vieille qui revenait
01:09:14 pour m'apporter mon eau et mon pain sec.
01:09:17 Mais non, c'était bien le gamin.
01:09:20 Il était revenu et puis il tripatouillait la tôle, je l'entendais là-haut.
01:09:24 Et puis tout d'un coup, il y a eu un trou.
01:09:27 Alors j'ai vu sa tête, son regard, ses grands yeux.
01:09:31 Oh, ce regard. J'oublierai jamais ce regard.
01:09:35 (sanglots)
01:09:38 Il ressemblait au rescapé d'un naufrage,
01:09:40 comme dans les histoires que mon grand-père me racontait.
01:09:43 Ses cheveux blancs pendaient dans son dos,
01:09:45 sa barbe, elle semblait pas avoir été coupée depuis des années.
01:09:48 Il avait un vieux bleu de travail.
01:09:50 Mais surtout, il avait une corde qui lui serrait les chevilles.
01:09:53 Je le retenais pas. Je lui ai demandé "Vous êtes attaché ?"
01:09:56 Il m'a dit "Attaché, attaché."
01:09:58 Je lui ai aussi demandé s'il avait faim,
01:10:00 il m'a fait un signe de la tête en me disant "Oui" et il s'est mis à pleurer.
01:10:04 J'en étais trop de...
01:10:07 Je pensais que je ne pourrais jamais revoir la lumière.
01:10:11 Et puis cette figure, ce bruit de gamin qui me disait
01:10:16 qu'il allait venir me sauver et me donner à bouffer.
01:10:22 Je savais que c'était Manouilh, alors j'ai chialé.
01:10:28 J'ai chialé, j'ai chialé comme un mou.
01:10:31 J'avais pas honte, hein, Renaud.
01:10:34 Et pourtant, pour un gamin, j'avais pas honte.
01:10:38 Pas honte du tout. Pas du tout.
01:10:42 Je m'en souviendrai toujours.
01:10:53 C'est à ce moment-là que je lui ai promis de revenir le lendemain.
01:10:56 Je sais pas comment ça m'est venu, mais je lui ai demandé aussi s'il aimait les crêpes.
01:10:59 J'ai dit comme ça, et je lui ai promis de lui en ramener.
01:11:02 J'avais envie de rester avec lui, j'avais pas envie de l'abandonner.
01:11:05 Mais je savais que si je rentrais pas, ça risquait de chauffer pour moi.
01:11:09 Il commençait à se faire tard et je me demandais où il avait encore trouvé à se cacher
01:11:14 alors qu'on allait passer à table.
01:11:16 Et à ce moment-là, je le vois surgir tout essoufflé dans la cuisine
01:11:20 en me disant "Maman, j'ai trouvé un grand-père enfermé dans une cabane, il a faim.
01:11:24 Tu peux me préparer des crêpes pour lui demain ?"
01:11:27 Évidemment, j'ai pas cru une seconde à ce qu'il me disait.
01:11:30 J'ai même pensé qu'il était prêt à inventer n'importe quoi pour justifier son retard.
01:11:34 Pour les crêpes, ça m'a plutôt fait rire qu'autre chose, j'ai même pensé qu'il était culotté.
01:11:38 En fait, je crois que je commençais à être vraiment inquiète
01:11:42 et à ce moment-là, c'était tout ce qui comptait, c'était qu'il soit revenu.
01:11:46 Cette nuit-là, je l'ai pas dormi de la nuit.
01:11:49 Dès que je fermais les yeux, c'était son regard que je voyais.
01:11:53 Je savais que j'avais confiance dans ce gamin, j'étais sûr qu'il allait revenir.
01:11:57 Sûr.
01:11:59 Le matin, j'étais excité comme une puce.
01:12:02 Je suis directement descendu dans la cuisine pour prendre les crêpes.
01:12:05 Ma mère se préparait, elle devait aller chez le médecin.
01:12:07 Mais mon grand-père, elle est arrivé dans une demi-heure pour pas que je reste seul.
01:12:10 Donc j'ai attendu qu'elle parte pour retourner au magasin et apporter les crêpes.
01:12:14 Je peux vous dire que ces crêpes, je les ai bouffées.
01:12:17 J'avais tellement faim, affamé comme j'étais, j'aurais dévoré le diable.
01:12:22 Pendant qu'il les dévorait, j'ai bougé un bout de tôle qui a commencé à se tordre.
01:12:26 Ça puait là-dedans.
01:12:28 Et c'est là, pour la première fois que j'ai vu, qu'il était attaché au cou par une chaîne scellée au plafond.
01:12:33 Et là, je lui ai demandé, "Tu veux sortir ? Tu peux pas, mais tu veux sortir ?"
01:12:37 Sortir, sortir, bien sûr que je voulais sortir.
01:12:40 Mais je l'entendais tripatouiller la tôle et puis y'avait pas moyen.
01:12:44 Moi, j'avais pas de force et puis le petit, avec ses petits bras, on y arrivait pas.
01:12:49 On y arrivait pas.
01:12:51 Je voulais pas qu'il parte, ce gamin.
01:12:53 Pourtant, j'avais pas le choix.
01:12:54 Et puis, surtout, j'avais confiance en lui.
01:12:56 Alors, j'ai dit, "Appelle la police, m'appelle la police, bon au sort."
01:13:00 Pourtant, moi, la police, je cours pas après.
01:13:03 Désormais, le sort du vieil homme est entre les mains de ce petit garçon de 10 ans.
01:13:16 Avant même de m'embrasser, il a commencé à me raconter son invraisemblable histoire.
01:13:21 Il parlait très vite, je ne comprenais rien.
01:13:25 Le ballon, le mur, le bungalow, les crêpes et le vieillard enchaîné.
01:13:30 Un vrai délire d'enfant.
01:13:32 Mais quand je lui ai décrit le jardin de la voisine, là, il a commencé à me prendre un peu plus au sérieux.
01:13:37 Mais il fallait encore parlementer quelques bonnes minutes pour qu'il se décide enfin de me suivre au moins jusqu'au mur.
01:13:43 Je me souviens, il disait sur le chemin, "Mais qu'est-ce que tu me fais faire ?"
01:13:47 Et je me trouve là à escalader un amas de pierres, à ramper entre les sapins.
01:13:52 Il ne me croyait toujours pas. Enfin, jusqu'à ce qu'il voit le bungalow.
01:14:03 Là, j'ai eu un choc. Il existait bien ce bungalow. Il ne m'avait pas menti.
01:14:08 Et comme un gamin, je me suis mis à courir avec Sébastien jusqu'au bungalow.
01:14:13 Et après l'avoir aidé à soulever la tôle, je me suis trouvé nez à nez avec cet ermite qui me regardait l'air perdu et apeuré.
01:14:22 Je n'en croyais pas mes yeux.
01:14:25 J'avais beau lui dire, "Ne t'inquiète pas, on est là pour te sauver, on va te sortir de là."
01:14:28 Il s'est blotti contre un mur. Après quelques minutes de discussion, il a enfin décidé de s'approcher.
01:14:33 Et comme la première fois que je l'ai vu, je lui ai touché la main. Et là, c'était gagné.
01:14:38 C'est de cette manière que Sébastien et son grand-père Ernest ont pu libérer Georges, reclus depuis 25 ans,
01:14:45 dans le sordide bungalow de Geneviève V, dans le fond de son luxueux jardin.
01:14:50 Mais enfin, quelle faute cet ancien jardinier un peu simple d'esprit a-t-il commise pour mériter un jâtiment pareil ?
01:14:57 Quel crime crapuleux a-t-il perpétré pour être puni aussi durement ?
01:15:01 Aucun.
01:15:02 Sa tortionnaire l'avait séquestré dans le but de lui soutirer sa pension mensuelle,
01:15:07 3 000 francs que le facteur remettait à la riche et perverse vieille dame,
01:15:11 persuadée bien sûr qu'il serait remis en main propre à leur destinataire.
01:15:15 Aujourd'hui, Geneviève V est décédée après avoir passé 5 ans en prison.
01:15:21 Et Georges finit ses jours dans l'inquiétude d'une maison de retraite.
01:15:25 Quant au ballon rouge, il trône comme un trophée dans la chambre de Sébastien,
01:15:30 l'étudiant d'aujourd'hui ne s'en est plus jamais servi.
01:15:34 Il se contente de le regarder de temps en temps, d'un petit air songeur.
01:15:39 L'héroïne de cette histoire s'appelle Sylvie Roulet.
01:15:48 C'est une jolie jeune femme qui a grandi dans une banlieue fleurie.
01:15:52 Habituée à un certain luxe, Sylvie rêve d'une vie bourgeoise,
01:15:56 dans une maison agréable, entourée d'un beau jardin.
01:16:00 Elle rêve surtout d'un mari grand et fort qui la protégerait
01:16:03 et lui ferait découvrir le monde car elle a la passion des voyages,
01:16:06 mais seule, elle n'ose pas.
01:16:08 Et oui, c'est ainsi, Sylvie Roulet a besoin qu'on la dirige, qu'on lui prenne la main.
01:16:13 Pour elle, l'égalité de l'homme et de la femme n'a aucun sens dans un ménage,
01:16:16 tout du moins, elle n'a pas envie de travailler, elle veut rester au foyer,
01:16:19 faire la cuisine, s'occuper de ses enfants,
01:16:22 tandis que son mari se chargera de faire vivre la famille.
01:16:26 Sur le plan intellectuel, elle est loin d'être sainte et elle ne manque pas de culture,
01:16:30 mais elle est, comment dire, un peu fantasque, imprévisible.
01:16:34 C'est une femme enfant pour employer l'expression consacrée.
01:16:38 Il lui arrive de faire preuve de légèreté, de commettre des bourdes,
01:16:41 qu'elle regrette aussitôt après et elle est si charmante qu'on lui pardonne à chaque fois.
01:16:47 C'est âgé de 25 ans que Sylvie, qui s'était jusque-là laissée porter par les événements,
01:16:53 prend pour la première fois de sa vie une grande initiative.
01:16:57 Les rares rencontres qu'elle fait dans le milieu qu'elle fréquente,
01:17:00 ne lui convenant pas et estimant qu'il est grand temps de se marier,
01:17:03 elle s'adresse à une agence matrimoniale.
01:17:06 L'homme avec lequel on la met en relation s'appelle Émir Ladozzi.
01:17:11 Il est entrepreneur dans une carrière en région parisienne.
01:17:14 Il les échange des lettres, puis il multiplie les rencontres.
01:17:18 Le charme opère et très vite, il décide de vivre ensemble.
01:17:22 Émir lui propose de s'installer dans sa grande maison.
01:17:25 Voici donc Sylvie qui quitte tout pour le rejoindre.
01:17:28 Pour elle, c'est la vie qui commence avec ses découvertes, ses imprévus et peut-être aussi ses dangers.
01:17:34 Je vous propose de retrouver Nicolas, mon enquêteur,
01:17:36 qui est allé à la rencontre des témoins de cette étonnante histoire.
01:17:40 [Musique]
01:17:50 Ce jour-là est très important dans la vie de Sylvie Roulet.
01:17:53 Sur cette route ensoleillée, la jeune femme marche au devant de son nouveau destin.
01:17:57 En effet, c'est aujourd'hui, avec pour toute richesse une simple valise,
01:18:01 que Sylvie vient s'installer et vivre dans cette belle maison avec Émir Ladozzi.
01:18:07 Émir est un chef d'entreprise dynamique qui possède et dirige une carrière non loin de là,
01:18:11 une affaire qui marche bien.
01:18:13 Émir s'est bâti tout seul à la force de son travail et à l'aide d'un solide bon sens.
01:18:19 Ce matin, Émir et Sylvie ont rendez-vous devant la maison
01:18:24 qui va abriter leur toute nouvelle histoire d'amour.
01:18:28 [Musique]
01:18:50 Le grand jour est enfin arrivé.
01:18:53 Après quelques rendez-vous où ils se sont plus,
01:18:56 Sylvie s'est enfin décidée à quitter sa mère pour la première fois de sa vie
01:19:00 pour venir s'installer avec Émir, cet homme qu'elle ne connaît pas, peu.
01:19:04 [Musique]
01:19:13 La maison semble agréable.
01:19:15 Émir a préparé un déjeuner aux chandelles
01:19:20 qui est certes un peu brouillon mais tout de même très touchant.
01:19:23 Sylvie est sous le charme.
01:19:25 [Musique]
01:19:33 Mais la vision du salon qui porte les traces du quotidien d'un célibataire endurci
01:19:37 laisse présager d'une vie moins luxueuse que ne l'avait imaginée Sylvie.
01:19:42 Mais qu'à cela ne tienne,
01:19:44 elle ne va tout de même pas se laisser démoraliser par de si petits détails.
01:19:49 [Musique]
01:19:54 Sylvie, merci beaucoup d'avoir accepté cette interview.
01:19:57 Je crois que vous avez beaucoup hésité, n'est-ce pas ?
01:19:59 Oui, c'est vrai.
01:20:00 Alors, avant que vous nous parliez du couple assez étonnant que vous formiez avec votre mari,
01:20:05 je croyais que vous me parliez de votre enfance.
01:20:07 Mon père est mort quand j'avais trois ans
01:20:10 et maman m'a beaucoup couvée parce que j'étais une enfant assez chétive.
01:20:14 En fait, j'avais eu un problème à la colonne
01:20:17 et j'ai dû subir quatre opérations avant l'âge de 14 ans.
01:20:21 Donc, j'ai eu une scolarité assez chaotique, du coup, on va dire.
01:20:26 Donc, en épousant Émir, vous cherchiez quelqu'un de stable, de solide,
01:20:30 qui vous materne, en quelque sorte.
01:20:32 Oui, et qui me fasse voyager.
01:20:35 Moi, j'en rêvais.
01:20:36 Et en fait, j'étais quelqu'un qui avait peur de tout.
01:20:40 Et en même temps, j'avais une idée très précise du profil d'homme que je cherchais.
01:20:46 Vous faites appel à une agence spécialisée.
01:20:48 Oui, une agence matrimoniale.
01:20:50 En fait, moi, je vivais dans un coin où il n'y avait pas beaucoup de monde,
01:20:53 donc c'était plus facile.
01:20:55 Et ils m'ont trouvé la perle rare.
01:20:57 98 % de concordance selon leur logiciel.
01:21:01 En quelques semaines, Sylvie a pris possession de la maison.
01:21:08 Elle l'a rangée, nettoyée et même transformée.
01:21:11 Et maintenant, elle s'y sent chez elle.
01:21:13 Émir, lui, est comblé. Sylvie est cette femme simple qu'il recherchait.
01:21:17 Lâche ton balai, ferme les yeux. J'ai une surprise pour toi.
01:21:20 C'est quoi ?
01:21:22 Si je te le dis, ça fait une journée.
01:21:24 Mets tes mains devant tes yeux.
01:21:26 C'est quelque chose à manger ?
01:21:31 Non, pas d'ingrédients.
01:21:33 [Musique]
01:21:57 Émir mène sa vie comme il mène ses affaires, rondement.
01:22:01 Sylvie est aux anges. Elle aime qu'on décide pour elle.
01:22:05 Et donc, vous avez fait un beau mariage ?
01:22:10 Enfin, c'est l'agence qui a tout organisé.
01:22:14 Vous savez, Émir n'avait pas beaucoup de famille, donc on n'était pas très nombreux.
01:22:18 Enfin, on a quand même dansé.
01:22:23 C'est quoi ?
01:22:24 Je t'aime.
01:22:26 Et la vie reprend, simple et tranquille.
01:22:29 Émir part tôt le matin avec la voiture et travaille beaucoup.
01:22:33 Il rentre tard tous les soirs et Sylvie se retrouve seule dans sa grande maison
01:22:37 pendant de longues et interminables journées.
01:22:41 Ça attend pas, le beau.
01:22:44 Je suis passée à l'agence de voyage tout à l'heure.
01:22:47 Et vous êtes partie en voyage de noces ?
01:22:50 Non.
01:22:52 Moi, j'aurais vraiment aimé partir, mais avec le travail d'Émir, c'était pas possible.
01:22:57 Sylvie n'est pas vraiment malheureuse.
01:23:04 Sa vie est même plutôt agréable, mais les vacances au soleil qu'elle avait imaginées,
01:23:08 la vie sociale dont elle rêve, lui font cruellement défaut.
01:23:12 Émir et elle ne sortent jamais, parlent peu et ne reçoivent jamais personne.
01:23:17 Tu sais quoi ?
01:23:20 Moi, je trouve que tu travailles un peu trop en ce moment.
01:23:24 Alors, je m'étais dit que peut-être ce soir, on pourrait aller boire un verre.
01:23:30 Et quand elle organise toujours de son initiative une simple sortie pour aller au restaurant,
01:23:35 eh bien le téléphone se met à sonner et le travail vient lui voler Émir.
01:23:41 Ah, c'est pas ce que je voulais.
01:23:44 Oui, allô ?
01:23:48 Ah oui, je suis à la maison.
01:23:50 Ok, j'arrive tout de suite. J'arrive, j'arrive, c'est bon.
01:23:57 Excuse-moi.
01:24:00 Je suis désolé, il faut vraiment que j'y aille.
01:24:03 À tout à l'heure.
01:24:06 À tout à l'heure.
01:24:07 Vous faisiez quoi de vos journées ?
01:24:10 Moi, je travaillais pas, donc honnêtement, je trouvais le temps très long parfois.
01:24:17 C'est un coin où y'a pas grand monde avec qui parler.
01:24:20 On peut dire que c'est un trou, quoi.
01:24:23 Émir a essayé de me présenter à des gens.
01:24:26 Mathieu Rivière ?
01:24:28 Chérie !
01:24:31 Émir ne connaît que ses collègues de travail.
01:24:35 Il amène souvent Mathieu Rivière à la maison, un garçon simple et timide,
01:24:39 qui sert à Émir d'homme à tout faire.
01:24:42 Sylvie rêvée de rencontres en société, de dîners en ville, de sorties entre amis.
01:24:47 Elle doit se contenter de déjeuners peu excitants avec un homme de chantier
01:24:51 qui parle encore moins que son mari.
01:24:53 On se doute bien qu'Émir ne choisit pas ses ouvriers pour leur conversation.
01:24:58 Vous voulez de la salade ?
01:25:00 Ouais.
01:25:01 C'est qui le petit jeune qui est ce matin sur le chantier avec toi ?
01:25:05 C'est les gens d'intérim qui l'ont envoyé ?
01:25:08 Ouais.
01:25:09 Il est pas très vif.
01:25:11 Mathieu Rivière, c'est tout l'inverse.
01:25:13 On peut dire qu'il est littéralement en admiration devant la jolie Sylvie.
01:25:19 Mais c'était pas des rencontres comme ça dont j'avais envie.
01:25:33 C'est à ce moment-là que je me suis rendu compte qu'il fallait que je change de tactique.
01:25:37 De tactique ?
01:25:39 Ouais.
01:25:41 Vous savez, si je voulais être satisfaite on va dire.
01:25:43 En épousant Émir, Sylvie avait une idée en tête.
01:25:49 Celle de faire des voyages avec son mari.
01:25:51 Émir en a largement les moyens.
01:25:54 Il ne s'agit alors que de le convaincre de lâcher pour une petite escapade son entreprise adorait.
01:25:59 Mais obstiné, Émir ne veut pas comprendre.
01:26:03 Les mois passent, identiques.
01:26:16 Mais Sylvie ne lâche pas son rêve de voyage, de palmiers.
01:26:20 Elle veut coûte que coûte entraîner Émir dans des vacances au soleil qui la sortiront enfin de cette vie qu'elle commence à trouver grise, étriquée, morne et pour tout dire, déprimante.
01:26:32 Il faut que j'y aille.
01:26:33 Bon, je vais au chantier, je suis déjà en retard.
01:26:38 A ce soir ma chérie.
01:27:00 Dans le décor de son petit village isolé, Sylvie se sent seule et abandonnée.
01:27:06 Quand elle se promène en voiture, les rues semblent désertes.
01:27:09 On n'y rencontre jamais personne.
01:27:11 Personne à qui parler, personne à qui se plaindre, personne avec qui échanger, personne d'intéressant.
01:27:18 La seule connaissance que Sylvie a une chance de croiser, c'est Mathieu Rivière.
01:27:40 Ce garçon tellement naïf qu'il en paraît presque s'impliquer.
01:27:44 Prochain garage, s'il vous plaît.
01:27:48 Oui, allez, monte.
01:27:49 Merci.
01:27:50 Ça va bien ?
01:28:08 Oui, sauf que là du coup je suis en retard.
01:28:13 Et comment va ta maman ?
01:28:14 Ma maman va très bien, elle aussi.
01:28:16 Tu habites toujours chez elle ?
01:28:21 Oui.
01:28:23 Pas de petit ami ?
01:28:28 Non.
01:28:31 Personne qui te plaît au village ?
01:28:34 Il sentait un mélange de cambouis et de savon de Marseille.
01:28:42 C'est là que j'ai compris qu'il était puceau.
01:28:44 Puceau à 25 ans, ça existe encore ça ?
01:28:47 Au village, oui.
01:28:49 Pour nous éclairer sur la personnalité d'Émir, nous avons voulu rencontrer M. Chauvet qui longtemps a été l'un des contre-maîtres de la carrière.
01:28:59 Eh bien c'est entendu madame, demain à 8h si vous voulez.
01:29:02 Très bien, au revoir madame.
01:29:04 Bonjour.
01:29:08 Je vous ai apporté des petites douceurs.
01:29:10 Je crois que vous aimez ça.
01:29:11 C'est ma femme qui vous a renseigné.
01:29:13 Merci bien.
01:29:15 Pouvez-vous me parler un peu d'Émir Ladozi ? J'aimerais savoir quel genre d'homme c'était.
01:29:27 C'est à dire qu'à l'époque j'étais encore contre-maître à la carrière.
01:29:31 Ladozi venait de racheter l'affaire.
01:29:33 Émir c'était surtout un gros bosseur.
01:29:37 Et un pro.
01:29:38 Super pro.
01:29:40 Quand on l'avait arrivé on était content avec les gars.
01:29:42 Il était efficace, précis, vous voyez.
01:29:45 Avec un gars comme ça, il fallait que ça marche.
01:29:48 Vous avez assisté à son mariage ?
01:29:51 Oui, ça a été très simple.
01:29:53 Sa femme, c'était autre chose.
01:29:57 On sentait bien qu'elle n'était pas heureuse ici.
01:30:00 On voyait que le couple allait se disloquer.
01:30:05 Le problème, Ladozi,
01:30:09 il ne savait pas parler aux femmes.
01:30:11 C'était une jolie femme.
01:30:13 Elle devait attirer les regards des hommes, non ?
01:30:15 Oui. Objectivement, la patronne était une très belle femme.
01:30:19 Tous les gars la regardaient.
01:30:20 Surtout, surtout le petit Mathieu.
01:30:24 Pauvre gars.
01:30:26 En effet, Mathieu Rivière, jeune homme qui habite toujours chez sa mère,
01:30:31 s'est entiché de Sylvie.
01:30:33 Dès qu'il a un moment, il la suit, l'épie, l'observe.
01:30:38 Elle est devenue son obsession.
01:30:41 L'ÉPISODE 5 L'ÉPISODE 5 "LA BOULE DE CHOCOLAT"
01:30:45 "La boule de chocolat"
01:31:13 A votre avis, il s'est passé quelque chose entre Mathieu Rivière et Sylvie Ladozi ?
01:31:17 Est-ce qu'on m'a dit ?
01:31:20 Mais moi, vous savez, les ragots...
01:31:22 Moi, je préfère ce genre de gourmandises.
01:31:25 Ça crée moins d'histoire.
01:31:27 Et puis un jour, sans raison particulière,
01:31:32 Sylvie craque.
01:31:33 Toutes ces années de frustration, de déception, de privation
01:31:37 remontent brutalement à la surface.
01:31:39 Elle se rend compte tout à coup que son avenir ne sera jamais tel qu'elle l'a imaginé.
01:31:44 Son rêve d'une vie un peu brillante s'écroule.
01:31:47 Et celui qui l'empêche d'être heureux, c'est Émir et sa maudite carrière.
01:31:51 Émir !
01:31:56 Mais t'es démobilisée.
01:31:58 Fiche mon amour !
01:32:10 Mais tu comprends rien, je veux qu'il disparaisse !
01:32:22 Ce jour-là, en entendant Sylvie souhaiter la disparition de son mari,
01:32:27 Mathieu Rivière est bouleversé.
01:32:29 Il suit la femme qu'il admire, la femme qu'il aime plus que tout.
01:32:33 Il veut la secourir, la protéger, lui venir en aide.
01:32:37 Il trouve Sylvie en pleine crise.
01:32:47 Une crise impressionnante.
01:32:50 Je n'en peux plus Mathieu.
01:32:52 Je veux qu'il disparaisse de ma vie, je...
01:32:55 Je ne supporte plus de le voir, tu comprends ?
01:32:58 Je ne supporte plus de le voir !
01:33:02 Je voudrais qu'il meurt, je voudrais qu'il disparaisse de ma vie.
01:33:08 Je ferais n'importe quoi.
01:33:17 Je ferais n'importe quoi.
01:33:19 Vous vous souvenez d'avoir vu Mathieu Rivière ce jour-là ?
01:33:24 Je sais pas.
01:33:25 C'était l'heure de midi, moi j'étais parti déjeuner comme tout le monde.
01:33:28 Lui il avait déjà dû partir parce que sa mère l'attendait tous les jours à midi pétante.
01:33:32 Ce jour-là, Mathieu s'en va d'un pas déterminé.
01:33:39 Sylvie ne sait pas encore que sans le vouloir,
01:33:43 elle vient de mettre en péril la vie de son mari.
01:33:47 Mathieu Rivière
01:33:51 Émire ne travaille jamais le samedi.
01:33:55 Mais bouleversé par la dispute avec sa femme,
01:33:58 il est retourné à l'endroit où il se sent le mieux, c'est-à-dire...
01:34:01 sa carrière.
01:34:03 Mathieu, obsédé par Sylvie, se sent investi d'une mission qu'il dépasse.
01:34:08 Il doit exaucer le vœu de la femme qui l'a serré dans ses bras.
01:34:15 Il doit tuer Émire.
01:34:17 Sans réfléchir, il pousse son patron dans le vide.
01:34:23 Sylvie s'est calmée, elle rentre chez elle,
01:34:39 décidée à se réconcilier avec Émire.
01:34:41 Mais Émire a disparu.
01:34:44 Sylvie s'inquiète.
01:34:46 Maintenant, elle craint d'avoir perdu son mari.
01:34:49 Mais au fond, c'est pas ce que vous vouliez, vous ?
01:34:53 Ben non. Non.
01:34:56 Non, mais pour vous dire la vérité, en même temps, je me disais...
01:35:11 peut-être enfin, je suis libre.
01:35:14 L'après-midi et une partie de la soirée sont passées.
01:35:22 Sylvie a attendu, attendu, mais Émire n'est pas rentré.
01:35:26 Mais bon, j'ai fini par appeler la police.
01:35:29 J'ai eu un inspecteur au bout du fil, l'inspecteur Marty.
01:35:36 Il m'a dit "Vous inquiétez pas, ma petite dame, il va rentrer, votre mari, vous inquiétez pas."
01:35:41 Du coup, moi, je me suis dit, peut-être que j'avais tout rêvé.
01:35:44 Peut-être que, effectivement, Émire allait rentrer,
01:35:46 il allait déposer ses bottes dans l'entrée,
01:35:48 s'affaler sur le canapé, allumer sa petite télé,
01:35:51 comme d'habitude.
01:35:53 Il est 21h, coup de téléphone, c'est madame la dosie.
01:35:58 Ben bon, d'accord, il n'était pas rentré de l'après-midi.
01:36:00 Mais bon, c'est un chef d'entreprise.
01:36:02 Alors, entre les clients et les fournisseurs, il y a toujours quelque chose.
01:36:06 Magalie ?
01:36:09 Et puis, entre nous, avec sa femme, à cette époque-là, c'était pas le grand amour, je suppose que vous le savez.
01:36:15 Merci.
01:36:18 Si on devait s'énerver à chaque fois qu'un type avait trois heures d'absence,
01:36:28 il faudrait multiplier nos effectifs par 20.
01:36:30 Mais cela fait près de 24h qu'Émire a disparu.
01:36:36 [Musique]
01:36:59 Lorsque Mathieu s'ouvre la porte, vous réagissez comment ?
01:37:02 J'étais très surprise de voir Mathieu, là.
01:37:06 Il m'annonce qu'il a tué Émire et qu'Émire est bel et bien mort.
01:37:09 J'étais glacée.
01:37:12 Mais vous lui avez quand même parlé de votre désir de voir disparaître votre mari.
01:37:15 Je me demande vraiment ce qui lui a pris de me prendre au mot.
01:37:18 Attendez, d'accord, j'étais pas très heureuse dans cette maison, mais...
01:37:21 On a quand même le droit de péter un câble sans que ça vire au drame.
01:37:24 Mathieu, s'il te plaît.
01:37:25 Émire est mort. Il ne nous emmènera plus à devoir faire notre vie ensemble.
01:37:28 Mathieu Rivière est devenu un homme dangereux.
01:37:31 Un meurtrier dépassé par ses pulsions.
01:37:34 C'est ce que tu voulais !
01:37:36 Qu'est-ce que tu racontes ?
01:37:37 Mathieu, je vais appeler la police !
01:37:39 Oui, il est incroyable, vous aurez dû le voir.
01:37:42 Il voulait me prendre dans ses bras.
01:37:45 Il me regardait d'un air hébété en me disant qu'on allait partir faire une vie ensemble.
01:37:50 Je ne comprenais rien, rien du tout.
01:37:54 Et physiquement, il ne vous plaisait pas du tout ?
01:37:56 Mathieu ?
01:37:58 Ah non, pas du tout.
01:38:02 Ecoutez, moi je ne le considérais même pas comme un homme.
01:38:05 Non, pour moi c'était quelqu'un, un gamin qui travaillait pour mon mari, c'est tout.
01:38:10 Je veux dire, je n'avais quand même pas épousé un entrepreneur pour partir avec un puceau qui sent le savant.
01:38:15 J'ai reçu un deuxième coup de fil pour me signaler une deuxième disparition.
01:38:23 C'était Mme Rivière qui appelait pour dire qu'elle avait retrouvé la chambre de son fils complètement vidée.
01:38:27 D'accord, qu'est-ce que vous voulez que je lui dise à cette pauvre dame ?
01:38:31 Mathieu, il avait 25 ans, il était majeur.
01:38:33 Vous avez pensé qu'il avait fait une fumée ?
01:38:34 Oui, je n'étais pas inquiet.
01:38:35 Par contre, pour la dosille, il y a des collègues qui disaient qu'il tenait beaucoup trop à sa poupée, pour aller voir ailleurs.
01:38:46 En l'occurrence, ils n'avaient pas tort.
01:38:48 Et à aucun moment, vous avez pensé que ces deux disparitions pouvaient être liées ?
01:38:52 Non, on n'avait aucun indice pour penser à ça.
01:38:54 Et puis l'urgence, c'était la dosille.
01:38:57 Alors j'ai lancé des recherches, et on est venu sur place enquêter avec une équipe à la carrière.
01:39:01 Et pour Mathieu Rivière ?
01:39:03 Je me suis dit que pour une fois qu'il quittait les jupes de sa mère, ça ne pouvait lui faire que du bien.
01:39:07 Mais lâche-moi !
01:39:09 Si tu appelles la police, je vais te dire que je suis bien pour toi !
01:39:11 Mathieu !
01:39:14 Lâche-moi !
01:39:17 *Musique*
01:39:40 La vie si monotone de Sylvie vient de basculer.
01:39:46 Excusez-moi, je suis désolé de révéler ces souvenirs douloureux.
01:39:48 Il a essayé de me violer.
01:39:51 Ça s'est passé très vite.
01:39:55 Il m'a jetée par terre dans la cuisine.
01:39:58 Heureusement, j'ai réussi à attraper une planche qui traînait, et je lui ai donné un gros coup sur la tête.
01:40:04 Et ça m'a donné le temps après de prendre un couteau.
01:40:08 J'avais absolument pas l'intention de le tuer.
01:40:14 Mais il est revenu sur moi, et j'ai pensé à ce moment-là que c'est moi qui allais y passer.
01:40:18 Et...
01:40:24 Donc j'ai planté le couteau.
01:40:27 J'ai juste sauvé ma peau, c'est tout.
01:40:33 Après le premier choc, Sylvie se ressaisit.
01:40:41 On sonne la porte.
01:40:42 Elle décide de ne rien dire.
01:40:47 Inspecteur Marty.
01:40:55 Bonjour.
01:40:57 J'enquête sur la disparition de votre mari.
01:40:59 Quand je suis arrivé, je lui ai simplement dit que j'avais pris au sérieux la disparition de son mari.
01:41:03 Et que j'avais lancé des recherches dans la carrière pour essayer de trouver un moyen de le révéler.
01:41:09 Pour essayer de le retrouver.
01:41:11 Inspecteur Marty ne s'est douté de rien ? Il n'a rien vu ? Vous deviez être bouleversé quand même.
01:41:16 Oui, j'avais surtout peur qu'il aille chercher Mathieu un peu partout, et en fait, il m'a surtout parlé des mires.
01:41:22 Et Mme Ladozielle a réagi comment ?
01:41:25 Elle avait l'air inquiète.
01:41:27 Mais vous savez ce que je me suis dit à ce moment-là ?
01:41:31 Tout ce qu'on racontait sur cette femme-là, c'était des conneries.
01:41:34 Elle aimait vraiment son mari.
01:41:38 Au fait, vous n'auriez pas vu Mathieu Rivière ?
01:41:41 Mathieu Rivière ? Je fais l'étonné.
01:41:44 Et je dis pourquoi ?
01:41:47 Quand je lui ai appris que Mathieu Rivière avait disparu, elle m'a dit qu'ils étaient peut-être ensemble.
01:41:51 Et vous, vous en pensiez quoi ?
01:41:53 Ben, ils étaient souvent ensemble. Mathieu Rivière, c'était l'homme à tout faire du patron.
01:41:58 Sylvie ne perd pas une minute. Elle décide d'effacer toute trace du passage de Mathieu.
01:42:05 Plus tard dans la carrière, Émir se réveille après de longues heures d'inconscience.
01:42:27 Il ne sait pas ce qui s'est passé exactement.
01:42:30 Il ne sait pas encore qu'il est miraculé.
01:42:34 En effet, il est tombé sur une corniche rocheuse qui l'a sauvée d'une chute mortelle.
01:43:02 Sylvie s'apprête à partir quand la police sonne de nouveau à sa porte.
01:43:07 Mathieu Rivière, le mari de Sylvie Rivière, est tombé sur une corniche rocheuse.
01:43:10 Bonjour.
01:43:35 On a retrouvé votre mari.
01:43:36 Je ne m'attendais pas à lui annoncer une bonne nouvelle aussi vite.
01:43:41 Mais ça fait partie des joies de ce métier.
01:43:43 Il m'a dit qu'ils avaient trouvé Émir et qu'il était vivant.
01:43:46 En fait, il avait fait une chute et il était à l'hôpital.
01:43:49 Et il répétait "Émir est vivant, tout va bien. Émir est vivant."
01:43:54 Émir vivant. Il est vivant.
01:43:57 Madame Ladossi.
01:44:03 Madame Ladossi, il est vivant.
01:44:05 Il a juste fait une mauvaise chute mais il n'y a rien de grave.
01:44:08 Il était à l'hôpital mais ne vous inquiétez pas, il n'y a rien de grave.
01:44:11 Madame Ladossi.
01:44:16 Sylvie ne sait pas quoi penser.
01:44:19 Que va faire Émir ?
01:44:21 Elle ne disait rien.
01:44:25 Elle était...
01:44:28 Alors je lui répétais "Émir est vivant, Émir est vivant" puis elle ne bougeait pas, elle ne disait rien.
01:44:32 Elle ne disait rien, elle était...
01:44:34 Elle était impatiente de le retrouver.
01:44:36 C'est normal.
01:44:38 Pas tant que lui, j'ai su après qu'il avait quitté l'hôpital contre l'avis des médecins.
01:44:41 Pour la retrouver plus vite.
01:44:43 C'est beau l'amour.
01:44:44 On ne tire pas tous le gros lot mais il y en a qui ont de la chance.
01:44:47 Sylvie a décidé de s'enfuir.
01:44:53 Elle pense qu'Émir va se venger d'elle.
01:44:57 Il est où ?
01:44:58 Il est derrière le canapé.
01:45:02 Il est mort, je l'ai tué.
01:45:06 Il m'avait dit que tu étais mort, que c'était de ma faute.
01:45:11 Non, c'était pas moi, j'ai pas voulu ça.
01:45:15 Je peux me chercher.
01:45:17 S'il vous plaît.
01:45:21 S'il vous plaît.
01:45:24 S'il vous plaît.
01:45:25 Je suis ton parent.
01:45:27 Vous savez, j'ai eu très peur quand il est rentré.
01:45:47 J'ai eu peur qu'il m'enveille.
01:45:49 Donc j'étais plutôt soulagée.
01:45:52 Et finalement, Émir a tout pris en main.
01:45:54 Il a décidé qu'il fallait qu'on cache le corps.
01:45:56 Émir est redevenu l'homme protecteur que Sylvie aime tant.
01:46:15 Il prend tout en charge.
01:46:17 Je vais me mettre.
01:46:18 Allô ?
01:46:29 Émir !
01:46:46 Émir !
01:46:47 La police arrive.
01:46:49 Alors, qu'est-ce que vous avez fait ?
01:46:53 On a fait vite.
01:46:56 Et quand la police arrive, le corps de Mathieu est bien enseveli sous les gravats.
01:47:15 C'est incroyable.
01:47:16 Qu'Émir se soit sorti d'une telle chute.
01:47:18 Il est resté inconscient pendant une nuit, une nuit entière.
01:47:21 Il s'est réveillé, il a appelé à l'aide.
01:47:24 Il y a un ouvrier qui l'a entendu.
01:47:25 On l'a amené à l'hôpital.
01:47:26 Résultat, un trauma crânien, mais léger.
01:47:29 Et puis quelques bleus.
01:47:30 C'est tout.
01:47:31 Rien de cassé.
01:47:32 Ça veut dire qu'il a eu de la chance.
01:47:34 Allez, vous avez de la chance.
01:47:36 C'est une force de la nature, cet homme-là.
01:47:37 Oui.
01:47:38 Allez, ça va aller.
01:47:39 Merci beaucoup, inspecteur.
01:47:41 Allez, au revoir.
01:47:42 Bonne soirée.
01:47:43 Prenez-en bien soin.
01:47:44 Au revoir.
01:47:45 Faites attention la prochaine fois.
01:47:46 On fera attention.
01:47:47 Allez, au revoir.
01:47:48 Bon, c'est pas tout, mais il faut que j'y aille.
01:47:54 Attendez, et le petit Mathieu Rivière, vous l'avez retrouvé comment ?
01:47:58 Quelques mois plus tard, j'ai décidé de retourner voir les lads aussi.
01:48:01 J'avais une intuition.
01:48:03 Je n'arrivais pas à admettre que Mathieu ait disparu volontairement.
01:48:06 Alors, une après-midi, j'ai débarqué à l'improviste, et j'étais avec mon chien.
01:48:09 Et c'est là qu'il est devenu comme fou.
01:48:11 Il s'est mis à courir partout, à renifler partout, comme s'il avait effleuré du gilet.
01:48:15 Alors eux, ils étaient gênés.
01:48:16 Ils ont essayé de lui donner à manger pour le calmer, mais il n'y a rien à faire.
01:48:20 Moi, je voyais bien qu'il cherchait quelque chose.
01:48:22 Et c'est ça qui vous a intrigué ?
01:48:23 Oui, mon chien, il a un flair infaillible.
01:48:25 Alors, je l'ai suivi, et il m'a mené jusqu'à un tas de gravats
01:48:29 qui étaient vraiment à flambe-falaise, avec des buissons, des feuilles mortes.
01:48:33 Et là, j'ai compris.
01:48:35 Et les lads aussi, vous savez ce qu'ils sont devenus ?
01:48:39 Au procès, elle, elle a plaidé la légitime défense.
01:48:42 Elle a été acquittée.
01:48:44 Et Émire ?
01:48:45 Ben lui, il n'a pas été inquiété.
01:48:46 Et maintenant, c'est vous le gérant, alors ?
01:48:51 Émire Ladozzi m'a laissé ça.
01:48:53 Il m'a laissé la gestion de la carrière.
01:48:56 J'étais sacrément surpris.
01:49:00 Et un peu fier.
01:49:01 J'ai essayé de savoir où ils étaient passés, mais...
01:49:05 le notaire m'a dit que personne ne savait.
01:49:08 Merci.
01:49:09 Monsieur Chauvet, bonne journée.
01:49:11 Entre !
01:49:19 Bonjour, Émire Ladozzi.
01:49:25 Bonjour, je suis ravi de vous rencontrer.
01:49:27 Bonjour.
01:49:28 J'aimerais beaucoup avoir votre version des faits.
01:49:37 Vous avez dû traverser des moments difficiles avec Sylvie.
01:49:39 Vous savez, depuis, on a beaucoup parlé.
01:49:43 C'est important d'écouter les femmes dans un couple.
01:49:47 Oui.
01:49:49 Très important.
01:49:50 Très bien.
01:49:57 Merci.
01:50:05 Aujourd'hui, Sylvie a enfin trouvé le calme et le bonheur.
01:50:08 Mais, le moins qu'on puisse dire,
01:50:11 c'est que cela ne s'est pas fait tout seul.
01:50:14 Manquer de provoquer la mort de celui qu'on aime
01:50:17 en parlant imprudemment.
01:50:19 Tuer quelqu'un de ses mains,
01:50:21 ce qui même, en légitime défense,
01:50:23 ne s'oublie pas si facilement,
01:50:25 c'est loin d'être un début ordinaire
01:50:28 dans l'existence conjugale.
01:50:30 Et ce n'est pas un début.
01:50:33 C'est une première étoile.
01:50:34 Et cela fait beaucoup, vous ne trouvez pas,
01:50:37 pour une femme enfant.
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