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Tous les vendredis soir de 19h30 à 20h, Pierre de Vilno reçoit ses invités dans Panorama, votre rendez-vous société sur vos habitudes, vos craintes et vos envies.
Retrouvez "Ça fait débat" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-grandes-voix-du-weekend

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00:00 - Europe 1 soir Week-end, Pierre de Villeneuve.
00:03 - Les grands témoins de l'actualité,
00:05 le débrief de la semaine politique en première heure a été une bonne entrée en matière pour que notre grand témoin de l'actualité nous présente
00:12 justement ses travaux dans quelques instants, la chasse à l'homme au rassemblement national, devenu sport national en politique
00:19 et qui notre invité va nous le démontrer, en réalité est totalement contre-productif. Bonsoir Mathieu Bockcôté. - Bonsoir.
00:26 - "Le totalitarisme sans le goulag", c'est le titre de votre livre aux presses de la cité.
00:30 À première vue, je dis bien à première vue, c'est un peu fort l'idée d'une France totalitaire.
00:35 - Pas seulement, je ne réserve pas mon commentaire à la France. Je serai partout dans le monde occidental
00:40 aujourd'hui, ce qu'on appelait, je reprends la formule de Jean-François Revel, la tentation totalitaire
00:46 s'est réactivée. Donc quand j'entends tentation, je parle de processus, je ne dis pas une société aboutie, achevée, donc on se comprenne bien.
00:54 Quelle est cette tentation totalitaire dont je parle ? Je la crois consubstantielle à la modernité.
00:58 Comment s'exprime-t-elle ? Avec la prétention qu'ont certains d'avoir le monopole du juste, du vrai et du bien.
01:05 On appelait ça au 20e siècle les religions séculières. - Ce qu'on appelle aujourd'hui la bien-pensance.
01:09 - Mais ça va un peu plus loin que ça, parce que la bien-pensance, on pourrait dire que c'est le snobisme médiatique.
01:14 Alors là, ça va un peu plus loin. Il y a cette idée que, vous savez, les religions politiques,
01:18 autrefois, le propre du paradis c'était dans l'autre monde, et la modernité a dit non, la société
01:23 parfaite est possible en ce monde. Une société délivrée du mal, délivrée de ses contradictions,
01:29 une société où l'homme serait en pure harmonie avec la société, une société utopique en quelque sorte.
01:34 Et ça, c'est ce qu'on...
01:36 Cette utopie a pris plusieurs visages, le communisme en est un visage, le fascisme à sa manière en est un visage.
01:42 Or, au 20e siècle, on a les deux expériences totalitaires, le nazisme et le communisme, qui les deux
01:48 ont... on va dire des catastrophes épouvantables. On a retenu, je crois, la leçon du nazisme, on l'a retenue véritablement.
01:55 Je ne suis pas certain qu'on ait retenu la leçon du communisme,
01:57 mais sur le fond des choses, ce qui me semble essentiel, c'est que nos sociétés, aujourd'hui, réactivent cette tentation utopique, cette tentation totalitaire.
02:04 Comment ? Aujourd'hui, le nouveau paradis promis, c'est la société inclusive, la société de la diversité,
02:09 la société de l'accomplissement de toutes les identités. Mais évidemment, si vous n'êtes pas partisan de ce modèle de société,
02:15 on vous accuse d'être au mieux un réactionnaire infréquentable, au pire, probablement, un retour du fascisme dans nos sociétés.
02:22 Et dès lors, si vous incarnez le mal en politique, si vous n'êtes pas simplement celui avec qui je suis en désaccord, mais vous incarnez vraiment le mal,
02:29 et le mal, aujourd'hui, on le nomme extrême droite, et bien dès lors, il est légitime, au mieux, de vous censurer,
02:34 au pire, de vous congédier aux marches sociales, de vous déchoir de vos droits civiques, qu'on le voit aujourd'hui de plus en plus.
02:40 Et bon, on n'est pas dans ce scénario où on condamne les gens à mort, évidemment.
02:43 Mais l'idée de mettre en prison ceux qui sont en désaccord avec l'idéologie dominante, elle circule de plus en plus en Occident.
02:48 Mais qu'est-ce que c'est que l'extrême droite aujourd'hui par rapport à l'extrême droite dans les années 80 ?
02:52 Alors moi, je pose la question, c'est le concept même d'extrême droite qui me semble causer problème.
02:58 Et je m'explique. Si vous cherchez une définition rigoureuse de l'extrême droite, qui permettrait globalement de faire tous s'entendre autour de cette définition,
03:04 quitte ensuite à diverger sur que faire devant cette mouvance politique, cette définition n'existe pas.
03:09 L'extrême droite comme concept, me semble-t-il, ça apparaît effectivement dans les années...
03:14 Ça réapparaît vraiment dans les années 70, 80.
03:16 Et qu'est-ce que ça sert à quoi ?
03:18 Ça sert globalement à désigner la part de la droite qui ne se soumet pas aux dictates moraux de la gauche.
03:25 Je m'explique. Il y a donc une droite républicaine qui n'est jamais si heureuse que d'être bien traitée dans Télérama.
03:30 Disons ça comme ça. Qui rêve de faire la une de l'Obs.
03:32 Donc vous diriez qu'en France, Jacques Chirac, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Chabond d'Helmas, Raymond Barr, etc.
03:38 Ils ont basculé.
03:39 Ils ont obéissé d'une certaine manière aux dictates de la gauche.
03:42 Je pense que certainement ils ont fini par faire leur politique.
03:44 Jusqu'aux années 90, il y a eu un moment d'hésitation.
03:47 Rappelez-vous, ville peinte pour la droite en 90, les réflexions sur l'identité française,
03:51 sur le rapport à l'islam, sur l'immigration, c'est assez vite cette pensée.
03:55 Donc c'est arrivé un peu après. On va dire que c'est arrivé un peu après.
03:57 Mais ce qui me frappe véritablement...
03:59 Je crois pas qu'il y ait un homme de droite dans les années 70, je vais pas vous contredire,
04:02 mais qui soit en accord avec ce que proposait François Mitterrand.
04:05 Non mais la question n'est pas là. La question est de savoir que la droite au pouvoir ensuite
04:08 laisse faire ce que la gauche a fait chaque fois.
04:11 Et j'y reviens, le concept d'extrême droite en fait sert à désigner ce que j'appelle le méchant du moment.
04:15 Donc chercher un contenu significatif, efficace, descriptif à la notion d'extrême droite.
04:21 La définition ne mord jamais.
04:23 Ces derniers temps, prenez l'exemple du RN.
04:25 On nous disait que c'était à cause des propos de Jean-Marie Le Pen sur la deuxième guerre mondiale.
04:30 Propos effectivement absolument condamnables.
04:32 Sa fille en 2012 dit "c'est le summum de la barbarie, l'Holocauste".
04:36 Rupture très nette.
04:38 Sa fille condamne Le Pen en disant au point même de l'exclure de son parti.
04:42 Et pourtant on continue de l'assimiler à l'extrême droite.
04:45 Alors là on pose la question...
04:46 - Et on a beaucoup eu de tes questions cette semaine.
04:47 - Absolument, c'est frappant. De ce point de vue, mon livre rencontre la conjoncture.
04:50 Or, on pose la question, mais qu'entendez-vous par extrême droite pour Marine Le Pen,
04:54 à la dernière présidentielle.
04:56 Les arguments utilisés, il y a par exemple "elle veut sortir de l'Europe".
04:59 Je m'excuse, mais la sortie de l'Europe, si c'est un critère pour marquer à l'extrême droite,
05:02 ça commence à être assez large.
05:04 On nous dit "elle est favorable à la rupture avec l'État de droit, ce qu'on appelle le gouvernement des juges".
05:09 Mais je m'excuse, mais le général de Gaulle lui-même disait "la souveraineté populaire et l'État
05:13 vont au-delà des préférences des juges".
05:15 On nous dit "elle mise sur le référendum qui sera un instrument populiste,
05:19 favorisant la tyrannie de la majorité, et dès lors nous conduisons au seuil du fascisme".
05:23 Si l'usage du référendum est un marqueur d'extrême droite,
05:25 alors là encore une fois, j'essaie de comprendre cette définition.
05:28 Traversons l'Atlantique un instant.
05:30 Querelle toute récente au Québec autour de la question des drag queens dans les bibliothèques scolaires.
05:35 - D'accord. - Des drag queens, donc des hommes qui se déguisent.
05:37 Vous allez voir, c'en est un.
05:38 Des hommes qui se déguisent en femmes hypersexualisées pour aller lire des contes aux enfants de 5 à 6 ans.
05:44 - Bon. - Des parents s'opposent à la présence de ces drag queens à l'école.
05:48 Réponse des commentateurs politiques pour l'essentiel,
05:51 eh bien voici bien le nouveau visage de l'extrême droite
05:55 qui refuse l'expression de la diversité incarnée cette fois par les drag queens.
05:59 Alors qu'est-ce que le sens de mon propos ici,
06:01 c'est que dès lors que la gauche décide de me présenter une nouvelle revendication
06:06 comme un progrès sociétal abseux, irréversible,
06:09 qui s'y oppose sera extrême-droitisé.
06:12 Et j'en arrive à cette formule qui m'amuse un peu, mais c'est pour ça que je la reprends.
06:15 Malraux disait "tout le monde a été, est ou sera gaulliste",
06:19 mais je dirais qu'aujourd'hui tout le monde a été, est ou sera un jour accusé d'être d'extrême droite.
06:23 - Mais alors aujourd'hui l'extrême droite est devenue une sorte d'insulte,
06:26 une sorte de fagnon qu'on agite.
06:30 Aujourd'hui est-ce que vous diriez du Rassemblement National
06:33 qui voudrait participer à cette grande marche contre l'antisémitisme dimanche ?
06:38 On sait qu'il y a eu une faute de quart de Jordane Bardella
06:41 qui dans une interview a dit qu'il ne savait pas si Jean-Marie Le Pen était antisémite.
06:46 Bon, faute de quart effectivement puisque Jean-Marie Le Pen,
06:49 il suffit de regarder deux ou trois punchlines des années 70-80 pour voir que oui,
06:55 il était quand même antisémite et deuxièmement, il a été condamné pour ça.
06:59 Bon, mise à part ça, est-ce que l'ERN aujourd'hui est un parti d'extrême droite ?
07:05 - Permettez-moi de retourner la question un instant, vous allez voir en quel sens.
07:07 - Vous êtes jésuite en plus de tout ça ?
07:09 - Ah pas du tout, d'aucune manière.
07:10 Gérard Larcher et Mme Braun-Pivet disent qu'il faut faire la grande marche de l'union,
07:16 de l'union sacrée, l'unité de la France.
07:18 Donc on se donne appel à l'union du pays, c'est fondamental.
07:21 42% des Français ont voté pour Marine Le Pen.
07:24 Qu'on apprécie ou non Marine Le Pen est pour moi une question secondaire.
07:27 On peut être d'accord ou en désaccord avec elle, pour moi c'est une question secondaire.
07:30 Je note simplement que si on explique que la Nation rassemblée
07:33 présuppose l'exclusion de 42% des électeurs, ce n'est plus la Nation rassemblée.
07:39 À un moment donné, si on... et ça je pense que c'est une des tentations,
07:42 j'utilise la formule "parce que certains s'en réclament" de l'extrême centre,
07:45 c'est qu'on est aujourd'hui...
07:46 - Ça c'est Emmanuel Macron qui s'éclate de l'extrême centre.
07:48 - Mais il n'est pas le seul, il n'est pas le seul étonnamment.
07:50 On se retrouve aujourd'hui dans les sociétés occidentales
07:52 avec une élite, une forme de technocratie, mais pas seulement,
07:57 qui dit "nous sommes la démocratie, nous sommes l'état de droit
08:00 contre un peuple factieux travaillé par la tentation populiste".
08:05 Dès lors, on doit protéger la démocratie contre le peuple.
08:09 C'est assez étonnant et on l'a vu au moment de la présidentielle encore une fois.
08:12 Donc à la question qui est posée presque rituellement,
08:16 est-ce un parti d'extrême droite ?
08:17 Je retourne la question, qu'est-ce que l'extrême droite ?
08:19 Et je vous dirai si c'est un parti d'extrême droite ou non.
08:21 - Du coup, j'entends votre non-réponse,
08:24 mais d'une certaine manière,
08:26 aujourd'hui, l'ERN ne serait ni d'extrême droite, ni d'extrême droite.
08:32 - Alors, je dirais que pour que je vous réponde sérieusement,
08:37 ça impliquerait, parce que je vais vous raconter une anecdote.
08:39 Au fil de la présidentielle, au cours de la campagne présidentielle,
08:41 j'ai eu l'occasion quelquefois, souvent, d'interviewer des politiques
08:45 qui nous mettaient en garde contre l'extrême droite.
08:47 Ils disaient, c'était, il faut se mettre, l'extrême droite c'est dangereux,
08:50 il faut se mobiliser contre elle.
08:51 Alors j'avais le privilège de leur poser la question,
08:54 pourriez-vous me donner une description de l'extrême droite ?
08:56 Parce que ça a l'air terrifiant ce dont vous me parlez,
08:58 et j'aimerais moi aussi avoir peur avec vous.
09:00 J'aimerais participer au barrage contre la bête immonde,
09:03 mais puis-je avoir quelques-ci critères pour être capable de la reconnaître ?
09:08 Et là, je ne mens pas, les politiques eux-mêmes, au moment d'y répondre,
09:12 je me rappelle l'un d'entre eux qui me dit,
09:13 vous me posez une question digne de science pour...
09:15 - Qui vous dit ça ?
09:15 - La politesse m'interdira de dire de qui je parle,
09:17 mais c'est une figure importante de la vie politique française.
09:19 - De gauche ou de droite ?
09:20 - De droite.
09:21 Une autre va me dire, c'est s'opposer à la 5ème République.
09:25 Ah, je réponds, alors ça veut dire, c'est Jean-Luc Mélenchon qui veut la 6ème République.
09:29 On me dit, vous êtes de mauvaise foi.
09:31 Mais de quelle manière ?
09:32 Vous nous expliquez que le diable est devant nous.
09:34 Vous nous expliquez qu'il représente la plus grande menace pour la démocratie.
09:37 J'aimerais moi aussi lutter contre ça, je suis démocrate.
09:39 Mais pour être capable de lutter avec vous,
09:41 encore, dois-je être capable de reconnaître l'ennemi ?
09:43 Or, ce qu'on constate aujourd'hui,
09:45 c'est que la formule extrême droite est utilisée toujours...
09:47 - À tout bout de champ.
09:48 - Oui, à tout bout de champ, exactement.
09:49 Pour être capable de marquer du signe de l'infréquentabilité à quelqu'un,
09:52 c'est l'argument olfactif, vous êtes nauséabond,
09:55 c'est toujours la pence du nez, comme j'aime dire.
09:58 Or, mais lorsque vient le temps de la définir aujourd'hui,
10:00 parce que par exemple, Marine Le Pen,
10:02 on nous dirait l'antisémitisme.
10:03 Je pense que même ses pires adversaires conviennent
10:05 que la question de l'antisémitisme ne se pose pas pour elle.
10:07 On nous dirait la question de l'Europe.
10:09 Je vous excuse, mais si le fait d'être favorable
10:12 au primat du droit national sur les traités européens,
10:15 c'est d'extrême droite ?
10:16 Eh bien, Michel Barnier...
10:17 - Non, parce qu'elle a eu d'autres propos avant.
10:19 - Lesquels ?
10:20 - Il y a eu des questions, des questionnements de Marine Le Pen,
10:23 notamment, ça faisait partie de ses campagnes présidentielles précédentes,
10:26 où elle disait qu'il serait peut-être bon de sortir de l'Europe.
10:29 - C'est parfait, sortir de l'Europe en tant que telle zone...
10:31 Est-ce que les Britanniques en sont globalement d'extrême droite
10:33 pour avoir fait le Brexit ?
10:34 - D'accord, là-dessus, je vous suis.
10:35 - Très bien.
10:36 - On peut poursuivre les autres exemples.
10:36 Le référendum, c'est au cœur de la conception gaulliste de la démocratie.
10:40 Et qu'on se comprenne bien, mon propos ici n'est pas de défendre
10:42 Marine Le Pen ou Rexembourg ou qui que ce soit.
10:44 - Si on parle de Marine Le Pen, pendant des années,
10:47 là, c'est assez récent, ce phénomène des gens du RN
10:52 de se dire "attention, on n'est pas d'extrême droite".
10:54 Mais ils ne l'ont pas dit depuis...
10:56 - Ah si, 2012, je cite dans l'ouvrage un échange
10:58 entre Marine Le Pen et Ruth Elkrief,
11:01 qui dit "vous êtes d'extrême droite" et elle conteste la chose.
11:03 Et Ruth Elkrief, elle dit "alors quoi, suis-je d'extrême droite ?"
11:06 Et Ruth Elkrief donne sa définition, globalement, en feuille en échange,
11:08 puis sortie de l'Europe, préférence pour le cadre national
11:12 plutôt que pour le cadre européen, je l'ai dit,
11:13 méfiance envers le gouvernement des juges,
11:15 et on a aussi la définition de l'extrême droite.
11:17 Très bien, mais si c'est ça la définition de l'extrême droite, on saura.
11:20 Mais pour l'instant, je constate que le terme est lancé,
11:22 jamais revendiqué.
11:23 Notez, la plupart des familles politiques en France,
11:25 lorsqu'on dit "socialiste", "conservateur", "libéral", "gauche",
11:28 ce sont des termes qui sont revendiqués.
11:31 Les gens se définissent par cela.
11:32 "Extrême droite", c'est un des seuls termes par lequel les gens,
11:36 on le lance aux gens, mais ils disent "non, mais c'est pas nous,
11:38 c'est pas nous, c'est un terme qui sert non pas à décrire,
11:40 mais à décrier".
11:40 Et j'irai plus loin, c'est ce que j'appelle la théorie du masque.
11:43 C'est-à-dire, on nous dira toujours "mais elle se cache, l'extrême droite,
11:47 elle se dissimule, elle est rusée",
11:49 c'est finalement l'argument du diable.
11:50 Sa plus grande ruse consiste à nous faire croire qu'il n'existe pas,
11:53 ce qu'ils appellent l'extrême droite, c'est la même chose.
11:55 Alors moi, j'ai pas de passion particulière pour ce concept,
11:57 je constate simplement qu'il dérègle complètement la vie politique
12:01 et empêche les débats intelligents au nom de cordons sanitaires
12:03 et d'autres pratiques un peu étranges.
12:05 - Oui, et puis avec des exemples que vous citez dans votre livre,
12:09 comme Jean-Luc Mélenchon qui a associé le "crif" à l'extrême droite,
12:12 ou encore Fabien Roussel qui fut assimilé à l'extrême droite
12:14 parce qu'il avait chanté la gastronomie française.
12:17 - Oui, assimilé à Dorio.
12:18 - Exactement, à Dorio.
12:20 - Qui est un ancien communiste.
12:21 - Par Madame Chikirou.
12:22 On va se retrouver dans un instant, Mathieu Boquecôté, pour votre livre
12:26 "Le totalitarisme sans le goulag", c'est aux presses de la Cité.
12:28 A tout de suite sur Europe 1.
12:29 Et notre grand témoin de l'actualité sur Europe 1 de ce vendredi,
12:35 c'est Mathieu Boquecôté, sociologue et séiste, vous le suivez bien sûr.
12:39 Je suis en train de m'emmêler les pinceaux avec mes oreillettes
12:41 et je vais bientôt m'étrangler.
12:42 Et vous le suivez bien sûr sur CNews.
12:44 Mathieu Boquecôté, vous signez le totalitarisme sans le goulag
12:48 aux éditions des presses de la Cité.
12:50 Vous avez la gentillesse de citer mon compatriote Cheswaf Milosz
12:55 qui dit une phrase assez intéressante, qui dit que dans les démocraties populaires,
12:58 l'enjeu de la lutte, c'est le ring sur les esprits.
13:00 Il faut mettre l'homme en état de comprendre.
13:03 C'est un grand problème, c'est qu'aujourd'hui les gens ne comprennent pas grand-chose.
13:06 - Milosz, qui est pour moi un auteur absolument exceptionnel,
13:09 si on faisait une anthologie des grands écrivains, des grands penseurs
13:14 de l'antinotalitarisme, il y aurait Milosz, Orwell, Kestler, Huxley,
13:19 quelques autres, mais d'abord Milosz.
13:21 - Parce qu'il l'a vécu. Il a vécu le totalitarisme de très près.
13:24 - Mais lisez ou relisez la pensée captive, et ce qui est frappant,
13:28 c'est que moi j'ai l'impression de voir une description très fine
13:30 des milieux intellectuels occidentaux contemporains.
13:32 On parle d'Europe de l'Est et pourtant on parle de nous aujourd'hui.
13:37 Ce que dit Milosz avec cette idée qu'il faut mettre la population en état de comprendre,
13:41 c'est que le propre de ce qu'il appelle des régimes idéocratiques,
13:44 régimes idéocratiques donc fondés sur une forme de vérité révélée,
13:46 c'est que tous doivent communier à cette vérité révélée.
13:50 Et si quelqu'un est en désaccord avec le dogme imposé à l'ensemble de la population,
13:53 il est traité comme un hérétique.
13:55 Dès lors, la société est transformée en camp de rééducation,
13:58 camp de rééducation permanent, camp de rééducation doux aujourd'hui,
14:01 mais avec des messages qui tournent en boucle aujourd'hui
14:04 sur la question du discours diversitaire, et notamment,
14:08 et notamment sur les points les plus, je dirais, sensibles du discours diversitaire,
14:12 la question de la théorie du genre est aujourd'hui une des plus importantes qui soit.
14:14 Parce que vous, moi, la plupart des êtres humains depuis les origines de l'humanité
14:18 jusqu'à il y a 5-6 ans,
14:19 on pensait pouvoir distinguer assez spontanément ce qu'était un homme et une femme.
14:22 - Oui.
14:22 - Or, aujourd'hui, on nous répète, rappelez-vous 2022 en France, au mois d'août,
14:26 on nous dit, c'est le planning familial,
14:28 un homme, nous le savons, peut être enceinte.
14:32 Bon. Et, il y a une polémique,
14:34 et Isabelle Rhum, qui est ministre de l'égalité des sexes,
14:37 se porte à la défense du planning familial
14:39 en s'inquiétant de la transphobie de ceux qui ne sont pas d'accord avec cela.
14:43 - C'est l'ancienne ministre.
14:44 - Bien sûr, elle est la seule ministre à ce moment.
14:45 - Oui.
14:45 - Or, on comprend donc qu'une ministre importante de la République française
14:49 assimile à la transphobie
14:50 cette idée qu'un homme ne puisse pas être enceinte ou enceinte,
14:53 je ne sais pas exactement comment dire.
14:55 Or, qu'est-ce qu'il y a à travers ça ?
14:55 Donc, il y a un conditionnement médiatique généralisé,
14:58 un conditionnement politique.
15:00 Les grandes entreprises, quoi qu'on en dise,
15:01 se sont ralliées globalement à ce discours.
15:03 C'est le capitalisme "woke",
15:04 dont parlait Anne de Guigny, je crois,
15:06 dans un livre d'ailleurs, aux presses de la Cité, il y a un an ou deux.
15:09 Donc, qu'est-ce que...
15:09 Autrement dit, il y a une idéologie dominante.
15:11 Et ce qui me frappe, c'est que ceux qui sont en désaccord,
15:13 qui ne répètent pas la formule du jour,
15:15 sont traités comme des hérétiques,
15:17 sont traités comme des réfractaires
15:19 et sont condamnés, souvent, à une vie de dissident.
15:21 Je donne des exemples dans le livre, dans le dernier chapitre.
15:25 Nigel Farage.
15:25 Nigel Farage, qui est une figure importante dans le combat pour le Brexit.
15:29 Peu aimé ou non, la question n'est pas là.
15:31 Nigel Farage était dans une banque privée,
15:32 bon, un homme qui avait fait un peu fortune.
15:35 Et là, il est chassé de sa banque.
15:37 On lui dit « parce que vous êtes un mauvais client »,
15:39 et on répète publiquement, pour marquer le marqué publiquement,
15:42 « vous êtes un mauvais client, il n'y a plus sa place ici ».
15:44 Mais il y a une fuite.
15:45 Et on apprend qu'il a été chassé de sa banque
15:48 à cause de ses préférences politiques et idéologiques.
15:51 Donc là, ça crée une controverse au Royaume-Uni.
15:53 Mais des querelles comme ça, on les voit en France aussi,
15:56 on les voit partout dans le monde occidental.
15:57 Je donne un exemple aussi qui me semble assez important.
16:00 Dans une petite ville française,
16:02 un jeune est embauché comme policier municipal l'été.
16:05 Et là, la presse locale dit « vous savez, c'est un militant en conquête ».
16:08 Et là, scandale !
16:09 Mais qu'est-ce que...
16:10 Et là, celui qui a embauché dit « je ne peux pas le virer juridiquement,
16:14 j'ai oublié de le googler, mais sachez qu'on ne m'y reprendra plus.
16:17 La prochaine fois, je vais le passer sur Google
16:19 pour filtrer finalement les employés municipaux
16:21 selon leurs préférences idéologiques ou non ».
16:23 Donc, il y a des conséquences à cette diabolisation.
16:26 Et vous le noterez, moi, je pose la question dans le livre,
16:28 parce que ça m'amuse un peu.
16:29 On nous dit « un homme d'extrême droite ».
16:31 Moi, j'aimerais savoir, à partir de quel seuil,
16:34 on arrive à l'extrême droite ?
16:36 Est-ce que c'est une idée d'extrême droite,
16:38 deux idées d'extrême droite,
16:39 une majorité d'idées d'extrême droite,
16:41 certaines idées d'extrême droite ?
16:42 - Et on en revient à ce qu'on disait tout à l'heure,
16:43 qu'est-ce que l'extrême droite ?
16:44 - Et on arrive à ce point d'interrogation majusculaire.
16:46 - Une citation importante,
16:49 et qui m'a fait un peu froid dans le dos,
16:51 vous citez François Héran,
16:52 qui est un chercheur...
16:54 - Un démographe au Collège de France.
16:56 - Et qui dit « le peuple français n'a eu droit à aucune continuité historique ».
17:02 - Ah bah oui !
17:03 Alors ça, vous savez, devant l'immigration massive aujourd'hui,
17:06 plusieurs ont le souci de la continuité historique.
17:08 C'est-à-dire que globalement, il y a un peuple historique français,
17:10 et les gens venus d'ailleurs s'y assimilent,
17:13 et la continuité est assurée par le fait qu'il y a une majorité historique
17:16 pesante de ce peuple, et on s'y assimile.
17:18 Il nous dit que c'est une illusion,
17:19 il n'y a pas de continuité historique.
17:21 Donc, s'il n'y a pas de continuité historique,
17:23 et qu'il n'y a pas d'identité substantielle,
17:24 vous ne risquez pas de disparaître,
17:26 vous ne risquez pas la mise en minorité dans votre pays,
17:28 puisque vous n'existez pas.
17:29 Et ça, c'est l'argument nouveau en matière d'immigration massive,
17:32 qui est un de mes arguments préférés.
17:34 On dit que vous ne risquez pas la mise en minorité,
17:36 vous ne risquez pas la submersion migratoire,
17:38 parce que vous n'existez pas.
17:39 Donc, si vous n'existez pas, vous ne risquez pas de disparaître.
17:41 C'est du génie.
17:42 - Juste une petite constatation,
17:43 la Une de Paris Match, Mathieu Bocoté,
17:46 c'est le cardinal français dont tout le monde parle,
17:49 François Bustillot.
17:50 Est-ce que cette Une, c'est un parti pris aussi pour dire,
17:53 voilà, Paris Match, c'est un journal français ?
17:56 Est-ce que vous n'entendez pas déjà certaines critiques
17:59 en disant, tiens, il y a un cardinal en Une d'un journal français ?
18:02 - Je pense que la presse, en général,
18:04 on est encore dans un milieu...
18:05 - La fameuse bien-pensance dont vous parliez ?
18:07 - Alors, il faut comprendre, quand on parle de bien-pensance,
18:09 quand on parle d'idéologie dominante,
18:10 on ne parle pas d'idéologie obligatoire, formellement.
18:13 On est dans un moment de tension historique.
18:16 Un moment de tension historique, pourquoi ?
18:17 Parce qu'on a encore les institutions de la démocratie libérale,
18:20 parce qu'on a encore les libertés publiques,
18:22 mais on a une idéologie qui les vide de l'intérieur,
18:25 qui les dévore de l'intérieur.
18:27 Donc, il y a encore des résidus...
18:28 Je dirais qu'on a des libertés résiduelles.
18:31 On a une souveraineté résiduelle.
18:32 La souveraineté du Parlement, par exemple.
18:34 Le Parlement a des pouvoirs,
18:35 mais de moins en moins par rapport aux juges, à l'administration et tout ça.
18:38 Donc, nous avons les libertés résiduelles
18:39 d'une démocratie libérale agonisante.
18:41 - En tout cas, voilà, moi, je trouve que c'est bien
18:44 qu'on ait ce genre de couverture en France.
18:47 Vous aimez la France, vous ?
18:48 - Impassionnément.
18:48 - Ben voilà.
18:49 Merci Mathieu Bock-Côté, le totalitarisme sent le goulag !

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