Le Nouveau Passé-Présent avec Reynald Secher et Jacques Villemain - Vendée : pourquoi est-ce un génocide ?

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Vendée, pourquoi est-ce un génocide ? Les réponses sont présentées par les spécialistes de la guerre de Vendée, les historiens Reynald Secher et Jacques Villemain. Mars 1793, la Vendée se soulève pour défendre ses "bons prêtres" et se bat pour le retour du roi. Au cours de cette guerre, un quart de la population vendéenne est exterminée. Pourquoi a-t-on tant de mal en France à regarder ces faits en face ? Pourquoi ne pas reconnaître la nature des crimes commis ? Eléments de réponse dans ce nouveau numéro de "Passé-Présent".
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00:00:35 Chers amis de TVL, bonjour et bienvenue dans "Passer présent", votre émission historique présentée en partenariat avec la revue d'Histoire Européenne.
00:00:44 Ce trimestre, la revue qui vient de sortir ce 14 novembre vous propose un numéro consacré à la terreur.
00:00:50 La terreur, cet épisode sanglant de notre histoire,
00:00:53 dix mois d'une sauvagerie extrême sous la férule des éléments les plus fanatiques de la Révolution,
00:00:58 qui ne s'achèvera qu'avec la chute de Robespierre et ses amis.
00:01:01 Cette terreur institutionnalisée, totalitaire, fut pensée comme un moyen de gouvernement pour éradiquer les contestataires de l'ordre nouveau.
00:01:09 Et au premier rang des contestataires, on retrouve les Vendéens qui furent victimes d'un véritable génocide,
00:01:14 ainsi que vont nous l'expliquer nos invités, Rénald Secher et Jacques Villemin.
00:01:19 Rénald Secher, Jacques Villemin, bonjour.
00:01:21 Rénald, vous êtes bien connu des téléspectateurs de TVL, vous êtes en effet un spécialiste reconnu des guerres de Vendée,
00:01:28 vous avez été l'un des premiers à reprendre le terme de "génocide vendéen".
00:01:32 Vous avez soutenu deux thèses sur le sujet, l'une en 1983,
00:01:36 "Anatomie d'un village vendéen, la chapelle Basse-Mer essaie sur les notions de légitimité et de l'égalité",
00:01:42 et l'autre en 1985, "Contribution à l'étude du génocide franco-français, la Vendée vengée".
00:01:49 Cette dernière thèse a d'ailleurs été publiée dans les presses universitaires de France, puis rééditée par Perrin en 2006.
00:01:55 Vous avez également publié "Vendée, du génocide au mémoricide" en 2011 aux éditions Le Serre.
00:02:02 Notre autre invité, Jacques Villemin, vous êtes diplomate, juriste, diplômé de Sciences Po et de l'ENA,
00:02:09 vous avez travaillé sur les questions de justice et de droit pénal international et sur la guerre de Vendée.
00:02:15 Vous avez publié deux ouvrages déjà, chez Le Serre, en 2017 "Vendée 1793-1794", vous abordez plus les questions de droit.
00:02:23 En 2020, "Génocide en Vendée", et dans un mois, va paraître "Une histoire politique des colonnes infernales", toujours aux éditions Le Serre.
00:02:32 Alors, il y a un an, Rénal Sécher, vous étiez mon invité à l'occasion de la sortie du film "Vaincre ou mourir",
00:02:38 qui présentait l'épopée de Charette, un des principaux chefs vendéens.
00:02:43 Alors, ce film a connu un franc succès, un peu inattendu, et on peut dire que son principal allié a même été
00:02:49 le batage médiatique très défavorable et bruyant de la gauche.
00:02:54 – On peut remercier Libération pour le nerf, autant qu'on peut s'y faire.
00:02:57 – Libération et L'Obs qui furent aux premières loges.
00:02:59 Alors, nous n'allons pas refaire le film, mais pouvez-vous, rétrospectivement, revenir sur cet épisode,
00:03:06 comment vous l'analysez, cette période ?
00:03:09 – Alors, vous savez, je vais revenir à votre présentation initiale,
00:03:14 quand on vous parlait d'abord de la monographie que j'ai faite sur la chapelle Basse-Mer,
00:03:18 puis le travail macro-historique que j'ai fait sur la globalité de la Vendée.
00:03:24 En fait, jusqu'en 1980-82, à l'université, la Vendée était un non-sujet.
00:03:33 Et on justifiait cela, c'est l'école marxiste dominante au sein de l'université,
00:03:39 par le fait qu'il n'y avait pas de matériaux, de toute nature d'ailleurs,
00:03:44 et qu'on avait réduit ça à une simple guerre civile, avec des atrocités de part et d'autre.
00:03:51 Et Jean Meillère, qui était mon professeur, était un peu perturbé par ce raisonnement universitaire,
00:03:58 et c'est pour ça qu'il m'a demandé de faire un carottage,
00:04:01 dont la finalité première et exclusive était de vérifier si, effectivement,
00:04:08 il y avait du matériel pour essayer de comprendre cette Vendée.
00:04:15 Et c'est pour ça qu'on a fait une monographie, ce qui est un cas unique au sein de l'université.
00:04:20 Et à partir de là, on s'est rendu compte qu'il y avait effectivement un objet,
00:04:25 qu'il y avait un véritable sujet, le sujet qui pouvait être traité différemment,
00:04:31 c'est-à-dire qu'on s'apercevait que les bourreaux comme les victimes,
00:04:36 à l'époque on ne parlait pas du tout comme ça, on parlait des royalistes et des républicains,
00:04:42 et au-delà de la guerre civile, il y avait autre chose.
00:04:47 Et donc c'est cette première thèse qui a permis de discerner cela,
00:04:53 et je vais faire la démonstration par la suite avec le génocide franco-français, la Vendée Vengée.
00:05:00 Et après les juristes vont s'emparer du sujet, notamment et surtout Jacques.
00:05:06 – Alors pour revenir à ce que je vous disais sur le film,
00:05:09 comment donc à notre époque le sujet est toujours très sensible ?
00:05:14 – Alors justement parce que les universitaires de gauche,
00:05:18 qui maîtrisent toujours l'université française,
00:05:22 et les journalistes sont toujours dans cette logique du non-sujet.
00:05:28 Et c'est pour ça qu'on ne veut pas parler de la Vendée, et surtout au niveau du cinéma,
00:05:35 et surtout lorsque c'est le pu du fou qui réalise un tel sujet.
00:05:39 – Le film, oui.
00:05:40 – Et j'étais surpris par la médiocrité de l'addition d'articles qu'il y a eu sur ce film,
00:05:48 médiocrité de la critique du film, mais aussi médiocrité de la connaissance de l'histoire de Vendée.
00:05:57 Et ce qui nous a beaucoup servi, c'est que l'Ibé a fait tout de même 5 pages, dont une première,
00:06:04 et la presse a repris cela sans même essayer de retoucher, de vérifier,
00:06:12 ou de nous faire simplement appel, que ce soit Nicolas Devilliers qui est le réalisateur,
00:06:18 ou nous tous les deux en tant que techniciens de la Vendée.
00:06:23 – Donc c'était effectivement la meilleure publicité alors.
00:06:26 Ce qu'on nous dit aussi très souvent, c'est que la guerre de Vendée,
00:06:29 ça a d'abord été, comme vous dites, le soulèvement d'un peuple.
00:06:32 – La guerre de Vendée est dans un premier temps une guerre civile.
00:06:37 Il y en a eu d'autres avant, il y en aura d'autres après.
00:06:39 Elle n'est pas unique d'ailleurs en France, on peut considérer en 1793,
00:06:44 et les historiens sont unanimes à ce sujet,
00:06:47 qu'entre 60 et 70% du territoire national est insurgé face à Paris.
00:06:55 Donc c'est quelque chose de tout à fait banal.
00:06:59 Ce qui devient extraordinaire, pour des raisons de contexte,
00:07:04 mais on ne va pas en reparler, c'est que faute de répression immédiate,
00:07:09 il va y avoir création d'un énorme territoire,
00:07:15 avec une population qui va se fédérer autour à la fois de sa foi,
00:07:24 et bien entendu de la défense du système politique,
00:07:29 qu'elle voit comme la meilleure garantie de son identité.
00:07:35 En fait la monarchie lui garantit d'être, tout simplement.
00:07:40 – Donc on peut dire qu'il s'agit avant tout d'une guerre politique.
00:07:43 – C'est une guerre religieuse et politique.
00:07:47 – Pour reprendre ce que vous disiez sur le film,
00:07:50 ce qui m'a beaucoup frappé c'est le manque d'analyse des guerres de Vendée
00:07:55 par l'école dominante qu'on peut appeler néo-robespierriste.
00:08:00 Moi je suis venu à la Vendée de manière tout à fait incidente,
00:08:04 parce qu'à l'époque je travaillais, comme vous l'avez rappelé,
00:08:07 sur les questions de droit pénal international,
00:08:09 puisque les tribunaux pénals internationaux se trouvent à La Haye,
00:08:13 où là j'ai vraiment beaucoup mangé de droit et de jurisprudence
00:08:17 sur les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité,
00:08:19 et le génocide.
00:08:20 Et en rentrant en France, en prenant le TGV de Rotterdam à Paris,
00:08:26 je tombe sur une revue d'histoire, qui est la grande revue d'histoire
00:08:30 qu'on trouve dans tous les kiosques,
00:08:32 qui parlait de la guerre de Vendée en expliquant que c'est juste des crimes de guerre.
00:08:35 Et en lisant l'article, je me disais là quand même,
00:08:38 on est certainement très très au-delà du crime de guerre,
00:08:41 et ça m'a donné envie de creuser le sujet,
00:08:44 pour voir comment ça se qualifierait juridiquement,
00:08:47 et ça a été mon premier ouvrage, où il y a bien des crimes de guerre,
00:08:50 mais il y a eu aussi attaques généralisées ou systématiques
00:08:53 contre une population civile,
00:08:54 ce qui est le contexte qui caractérise le crime contre l'humanité,
00:08:57 et sur la fin, les colonnes infernales,
00:09:00 du moins à l'époque je pensais que c'était seulement sur la fin,
00:09:02 aujourd'hui je suis en train de réviser un peu ma position,
00:09:04 c'est le génocide, c'est-à-dire destruction totale ou partielle
00:09:08 d'un groupe humain visé en tant que tel.
00:09:11 Et ce qui est frappant dans le discours universitaire dominant,
00:09:16 c'est au fond l'absence d'analyse, c'est-à-dire de décomposition des faits.
00:09:20 On a une vision purement idéologique,
00:09:23 avec cette idée qu'il y avait au fond le progrès
00:09:26 qui aurait été le gouvernement révolutionnaire parisien,
00:09:29 et la réaction qui aurait été la vendée.
00:09:35 Et vraiment, Anna Arendt a raison,
00:09:38 l'idéologie c'est ce qui permet d'abolir le réel.
00:09:41 Et on voit ça avec des yeux, avec des lunettes totalement orientées.
00:09:47 Mais quand on décompose les faits, c'est-à-dire d'un côté
00:09:50 les massacres et la manière dont ils ont été perpétrés,
00:09:52 d'autre part l'organisation qu'il y a derrière,
00:09:55 car il y a une organisation, on ne massacre pas
00:09:58 entre 22 et 23% de la population de toute une région quand même,
00:10:03 170 000 morts, mais on peut aller certainement jusqu'à 250 000,
00:10:07 peut-être même jusqu'aux 300 000 qui ont été longtemps évoqués,
00:10:10 ça ne peut pas être la faute à pas de chance.
00:10:13 Il faut quand même une sacrée organisation pour réaliser ça.
00:10:15 Et ça, ça a été le sujet de mon deuxième ouvrage
00:10:19 sur le génocide en Vendée, et celui que je fais paraître
00:10:23 dans un mois, qui est une histoire politique des colonnes infernales.
00:10:28 Là je démontre, mais d'un point de vue politico-administratif,
00:10:31 comment cette expédition qui mobilise quand même l'équivalent
00:10:35 de 40 régiments, ce qui n'est pas rien, pendant 4 mois,
00:10:38 n'a pas pu être organisée sans un soutien administratif
00:10:41 et logistique absolument solide.
00:10:44 – Nous allons y revenir.
00:10:46 – Si je peux me permettre, quand je dis que pour la gauche
00:10:49 la Vendée est un non-sujet, il y a une revue qui vient de faire,
00:10:54 la revue de l'histoire pour ne pas la citer, un spécial aussi sur la terreur,
00:10:58 ils ne parlent pas de la Vendée.
00:11:00 Et ils ont réduit ça à quelques phrases, parce que c'est un non-sujet,
00:11:05 c'est toujours un non-sujet, et le mettre en avant,
00:11:08 c'est un crime contre la République, et c'est toujours vu et dénoncé comme tel.
00:11:13 – Là-dessus c'est François Furet.
00:11:14 – C'est toujours une guerre politique pour vous.
00:11:16 – François Furet, comme on dirait, avait trouvé ce mot pour dire
00:11:21 que la révolution est au fond la déesse mère d'une certaine gauche,
00:11:25 notamment de la gauche radicale, et effectivement ce sujet de la Vendée
00:11:29 qui ne passe pas, du coup doit être passé sous le tapis,
00:11:33 moyennant quoi on le réduit effectivement à un conflit purement idéologique,
00:11:38 ce qui permet d'éviter de rentrer dans l'analyse de la réalité.
00:11:42 Et l'analyse de la réalité qu'avait faite Reynald dans sa thèse
00:11:47 sur le génocide franco-français, moi je fais plutôt une analyse juridique
00:11:52 et politico-administrative, pour dire, ce genre de choses n'est pas arrivée par hasard.
00:11:58 C'est effectivement une guerre extrêmement politique.
00:12:01 – François Furet, il faut le citer, son évolution est très très intéressante.
00:12:07 Il est issu de la gauche, lorsqu'il commence à raisonner hors idéologie
00:12:15 et qu'il arrive sur le terrain concret de l'histoire, il va évoluer,
00:12:20 on connaît les conséquences qu'il a subies, il a dû s'exiler etc.
00:12:26 Sur la Vendée, jusqu'à l'apparition de ma thèse, il avait le discours de la gauche
00:12:33 qu'il n'avait pas du tout critiqué.
00:12:35 Et moi je me souviens, la première fois que je l'ai rencontré,
00:12:38 il n'avait pas lu mes travaux.
00:12:40 Il m'avait vraiment tensé en disant "vous n'avez pas le droit de dire cela".
00:12:46 Vous voyez, moi-même qui suis un critique de la Révolution, c'est impossible de dire cela.
00:12:52 Quelques mois avant sa mort, et je peux le dire,
00:12:54 puisque un auteur de gauche l'a dit, parce que Furet lui avait dit justement,
00:13:02 qu'il reconnaissait en Vendée effectivement un génocide.
00:13:06 Il n'a pas écrit sur cette question, malheureusement, faute de temps.
00:13:11 – Alors on parlait de crime de guerre,
00:13:14 j'ai l'impression que le crime de guerre on le met un peu à toutes les sauces.
00:13:19 Est-ce qu'on, par exemple, ce qu'on a vu en Vendée,
00:13:23 est-ce qu'on peut le comparer à ce qu'on voit actuellement au Moyen-Orient,
00:13:27 où on a parlé là aussi de crime de guerre d'un côté comme de l'autre ?
00:13:31 – Oui c'est vrai que le discours sur le crime de guerre
00:13:33 est un discours bien commode parce qu'il permet au fond
00:13:36 de jeter sur le dos des militaires,
00:13:38 les militaires sont évidemment de très vilaines personnes,
00:13:41 l'ensemble des atrocités qui sont commises.
00:13:44 Alors, et évidemment d'en exonérer les politiques.
00:13:47 C'est ça qui différencie essentiellement le crime de guerre
00:13:50 qui est au fond un dérapage commis par des militaires,
00:13:53 le viol d'une femme, le pillage d'une maison,
00:13:55 éventuellement le massacre d'un village,
00:13:58 du crime contre l'humanité et du génocide qui sont des crimes politiques
00:14:02 dans la mesure où le crime contre l'humanité suppose
00:14:05 une attaque généralisée ou systématique contre une population civile.
00:14:08 Et ça c'est pas une armée qui décide de le faire,
00:14:11 surtout quand il y a une chaîne de commandement extrêmement stricte
00:14:15 qui l'unit au pouvoir politique.
00:14:17 Or, sous la révolution, la chaîne de commandement, on peut dire,
00:14:20 elle a peut-être été plus stricte que jamais
00:14:22 puisqu'il y a eu au total une cinquantaine de généraux de guillotinée
00:14:25 et la Vendée, les généraux bleus,
00:14:28 les généraux des armées de la convention en Vendée
00:14:30 ont payé leur écho, des gens comme Quétinot, comme Biron,
00:14:34 Marseille, enfin il y a un certain nombre
00:14:37 qui sont passés sous le coup près.
00:14:39 La chaîne de commandement de Carnot,
00:14:41 qui est chargé des affaires politiques,
00:14:43 déjà des affaires militaires aux communautés de salut public,
00:14:46 jusqu'au dernier lieutenant sur le terrain,
00:14:48 la chaîne militaire est parfaitement tenue.
00:14:51 Donc dire "c'est des crimes de guerre",
00:14:54 d'abord c'est faux juridiquement,
00:14:56 parce que ce ne sont pas des dérapages.
00:14:58 Quand on tue, encore une fois, pas loin du quart de la population
00:15:01 d'une région, ça ne peut pas être un dérapage.
00:15:05 170 000 personnes à 250 000, voire plus,
00:15:08 ça ne peut pas être un dérapage.
00:15:10 C'est vraiment l'expression d'une politique.
00:15:12 Et à partir du moment où c'est l'expression d'une politique,
00:15:14 c'est bien un crime politique.
00:15:16 Donc le discours sur le crime de guerre
00:15:18 est un discours qui est de fait négationniste.
00:15:22 Et effectivement, aujourd'hui, on a un petit peu la même tendance,
00:15:25 pour dire qu'on attaque toute une population
00:15:28 en tuant tout ce qu'on trouve sur son passage,
00:15:30 et ensuite on vous dit "c'est des crimes de guerre".
00:15:32 Ben non, ça ne peut pas être des crimes de guerre,
00:15:34 dans la mesure où le but de l'opération
00:15:36 était bien de s'attaquer de manière indistincte
00:15:38 à tous les civils qu'on trouverait sur le chemin.
00:15:42 Ce qui est notamment le cas des colonnes infernales,
00:15:45 dont le modus operandi est exactement celui
00:15:48 d'un crime contre l'humanité, voire d'un génocide,
00:15:50 ce que je démontre dans mes ouvrages.
00:15:52 On fait avancer 12 colonnes,
00:15:54 on a une espèce de ratissage,
00:15:56 et on brûle et on tue tout ce qu'on trouve sur le passage.
00:15:59 Le modus operandi est clairement celui
00:16:02 d'un crime contre l'humanité, voire d'un génocide.
00:16:06 – Alors je pose la question aux juristes que tu es,
00:16:10 je rappelle tout de même ce qui s'est passé,
00:16:13 un commando contrôlé par le Hamas
00:16:17 franchit la frontière israélienne
00:16:20 et va tuer tout ce qu'il rencontre sur son passage,
00:16:24 et il tue le juif parce qu'il est juif.
00:16:26 Avec une addition d'horreur,
00:16:29 qui sont d'ailleurs les mêmes que nous retrouvons en Vendée,
00:16:32 décapitations, on a brûlé des gens apparemment dans des vaux
00:16:38 comme on a pu le faire en Vendée, etc.
00:16:42 Comment, à l'heure actuelle,
00:16:45 on peut qualifier les événements qui se sont passés ?
00:16:49 – Je suis tenu par mon devoir de réserve
00:16:51 puisque je suis toujours diplomate en activité,
00:16:53 je rappellerai simplement que la ministre des Affaires étrangères
00:16:56 elle-même a dit que ces crimes s'apparentaient
00:16:58 à des crimes contre l'humanité.
00:17:00 – On peut pas dire que ça manque de recul,
00:17:02 il ne faut pas un peu de recul pour faire le délai ?
00:17:04 – Une ministre des Affaires étrangères étant une diplomate
00:17:07 est forcément nécessairement très prudente.
00:17:09 Donc je ne peux pas être moins prudent
00:17:12 et je ne peux pas aller au-delà de cette déclaration.
00:17:16 Mais sur la Vendée, là-dessus,
00:17:19 le sujet est suffisamment ancien pour que je puisse en parler librement,
00:17:24 c'était que quand vous organisez un ratissage sur 80 km à peu près,
00:17:30 donc 20 lieues avec 12 colonnes
00:17:33 et qui effectivement massacre et brûle tout ce qu'ils peuvent
00:17:37 et pille également, parce que ça fait partie de la stratégie,
00:17:42 il s'agit de retirer toutes les subsistances du pays
00:17:45 de manière à ce que ceux qu'on n'aura pas tués crèvent de faim.
00:17:47 Et d'ailleurs tout ça est dit de manière,
00:17:50 c'est dit noir sur blanc,
00:17:52 par la correspondance des représentants en mission
00:17:55 qui sont des députés de la convention,
00:17:57 qui sont au fond les commissaires politiques
00:17:59 qui sont chargés de surveiller les généraux
00:18:01 et de s'assurer qu'ils respectent bien la politique du Comité de salut public,
00:18:05 mais ils mourront de misère
00:18:07 puisque nous retirons systématiquement toutes les subsistances.
00:18:11 Donc il y avait au fond à la fois ce but
00:18:14 de tuer tous ceux qu'on pouvait par le fer et le feu
00:18:16 et ceux qu'on ne pouvait pas tuer par le fer et le feu,
00:18:18 de les tuer par la famine.
00:18:20 Donc là-dessus les intentions sont tout à fait claires.
00:18:23 Ce sera dans le deuxième volume que je fais paraître
00:18:25 qui sont les papiers et les rapports
00:18:27 où je republie, parce qu'ils ont déjà été publiés
00:18:29 mais au XIXe siècle et ces ouvrages-là ne sont plus tellement accessibles,
00:18:33 la correspondance de gens comme Ens, Garraud, Franck-Castel
00:18:37 et puis pour le début Carrier d'ailleurs.
00:18:39 Le but est bien de faire de la Vendée une page blanche.
00:18:44 Ce peuple est considéré comme en quelque sorte,
00:18:48 alors le terme ne serait pas convenable pour l'époque,
00:18:50 génétiquement irrécupérable, mais enfin en tout cas,
00:18:52 ils sont considérés comme étant tellement abrutis
00:18:54 par des siècles de domination cléricalo-nobilière
00:18:56 qu'ils sont perdus pour la cause de la République
00:18:58 et que par conséquent il faut éliminer toute cette population.
00:19:02 Il y a d'ailleurs une loi en novembre.
00:19:05 – Je voulais préciser quelque chose.
00:19:08 La réaction politique par rapport à ce qui s'est passé en Israël
00:19:12 est très intéressante parce que les démocrates,
00:19:16 bien entendu, ont dénoncé ce crime et à l'inverse,
00:19:21 ceux qui sont dans cette vieille tradition
00:19:23 Robespierreiste, extrême-gauche, etc. sont plus qu'ambigus.
00:19:28 Et d'ailleurs ce sont les mêmes qui dénoncent
00:19:30 le travail que nous faisons sur la Vendée.
00:19:33 Il y a une similitude politique. Comment vous jugez ça d'ailleurs ?
00:19:37 – Je pense qu'il y a toujours cette idée qu'au fond,
00:19:40 la radicalité politique justifie les pires crimes,
00:19:45 y compris contre la population, mais qu'on ne peut pas l'avouer.
00:19:49 Il y a un côté complètement schizophrène.
00:19:54 On commet des massacres de masse, mais on ne peut pas l'avouer.
00:19:59 Et c'est d'ailleurs tout le crime de la Vendée.
00:20:01 Le crime de la Vendée, c'est le peuple qui se soulève contre la Révolution.
00:20:04 Si le peuple se soulève contre la Révolution, ça ne peut pas être le peuple.
00:20:07 Et par conséquent, il faut l'effacer.
00:20:09 – Là, il y a une évolution politique.
00:20:11 On la voit, on la constate.
00:20:13 Cela va se traduire à plus ou moins brève échéance
00:20:16 par une évolution, à mon avis, intellectuelle,
00:20:20 et notamment par rapport à la Vendée.
00:20:22 – Alors, on va revenir justement à la Vendée.
00:20:24 René Secher, vous signez un article dans la Revue d'Histoire Européenne
00:20:28 sur la terreur en Vendée.
00:20:31 Et dans votre introduction de votre article,
00:20:33 vous affirmez que la terreur, elle, commence
00:20:35 dès la déclaration des droits de l'homme, le 4 août 1780.
00:20:40 – Oui, parce qu'on veut créer un monde nouveau
00:20:43 et à tout jamais, on va créer le avant et le après.
00:20:46 Voilà, ça me paraît clair.
00:20:49 Et après, on rentre dans une mécanique.
00:20:52 Et on arrive à la Vendée.
00:20:55 Je disais tout à l'heure, la Vendée est avant tout
00:20:58 un soulèvement populaire, spontané à la nuance…
00:21:02 – Spontané, à l'image de tout ce qui se passe dans le pays d'ailleurs.
00:21:04 – Absolument. – En mars 93.
00:21:06 – Non, avec des nuances.
00:21:07 – On va expliquer ces nuances.
00:21:08 – On le verra avec la Chouinerie, où là, il y a une préparation
00:21:12 et les moteurs ne sont pas les mêmes.
00:21:14 En Vendée, c'est vraiment un mouvement populaire,
00:21:17 spontané, qui se fait hors clergé et hors noblesse.
00:21:22 Alors, il y a des nobles, bien entendu, à la tête de l'insurrection.
00:21:26 Et le film "Vaint-il mourir" l'exprime parfaitement.
00:21:29 Parce qu'on va les chercher, on leur impose.
00:21:31 Le cas de Charrette est un cas emblématique.
00:21:35 Et ce qui va faire évoluer les choses,
00:21:41 on a un léger désaccord là-dessus, on va s'expliquer,
00:21:46 c'est que moi je pense que la politique de terreur
00:21:49 va se traduire très rapidement en Vendée,
00:21:53 et pour moi la date est très précise,
00:21:55 va se traduire par une réunion qui se tient dans le pavillon de Flore
00:22:01 et qui réunit les membres du comité de salut public
00:22:03 et qui se tient le 26 juillet 1793.
00:22:06 – Oui, c'est la date que vous mettez comme bascule
00:22:07 où on rentre dans le champ génocidaire.
00:22:09 – Absolument, parce que là, on décide en conscience partagée
00:22:15 d'exterminer l'insurrection vendéenne
00:22:19 en se donnant des moyens spécifiques,
00:22:22 en arrachant les femmes, les enfants et les vières que l'on déporte
00:22:25 et en massacrant tout le reste,
00:22:28 en nationalisant les terres de la Vendée,
00:22:31 en envoyant l'armée française avec une échéance.
00:22:35 Deuxième phase, on est dans une phase légale
00:22:38 qui est unique dans l'histoire de l'humanité,
00:22:40 il n'y a pas eu d'autres exemples…
00:22:43 – Sur la loi des proscrits dans la Rome antique, ceci là ?
00:22:48 – Je parle dans l'histoire contemporaine,
00:22:51 c'est un cas absolument unique que le peuple souverain
00:22:54 décide en conscience partagée l'extermination d'une partie de lui-même,
00:22:59 non pas pour ce qu'il a fait, mais pour ce qu'il est.
00:23:03 Et on aura d'autres exemples un peu plus tard,
00:23:06 en Russie, en Union soviétique, en Allemagne, etc.
00:23:10 Mais aucun régime n'a voté, la France est un cas unique en la matière.
00:23:17 Avec cette deuxième loi, qui est la loi du 1er août,
00:23:20 qui était un avenir en fait, où on va décider d'exterminer tout le monde,
00:23:24 avec la fameuse loi du 7, 8… comment dire… novembre 1793,
00:23:32 qui débaptise officiellement la Vendée pour lui donner un nouveau nom,
00:23:36 Département Vengé, et qui s'appuie aussi sur un repeuplement de la Vendée,
00:23:41 on n'insiste pas suffisamment là-dessus, c'est-à-dire que l'on considère
00:23:45 que la population vendéenne est éradiquée, ou elle est hors la loi,
00:23:53 et donc on va repeupler la Vendée, on va la régénérer par une population nouvelle.
00:23:58 – C'est intéressant, c'est intéressant.
00:24:00 – Vous êtes d'accord ou vous n'êtes pas d'accord ?
00:24:01 – Alors en fait, nous sommes beaucoup plus d'accord que vous ne l'avez laissé entendre,
00:24:05 mais quand vous avez parlé de l'antiquité, des lois de proscription, ceci, là,
00:24:09 il y a quand même une grosse différence, c'est que les lois de proscription
00:24:12 de cette époque-là, sont des lois de proscription nominatives,
00:24:15 c'est-à-dire qu'on dresse des listes assez longues,
00:24:17 il y a je crois 500 noms sur la loi de proscription,
00:24:21 là, il ne s'agit pas de 500 noms, il s'agit d'une population,
00:24:24 et il est d'ailleurs très intéressant de constater que Carrier, par exemple,
00:24:27 dans ses correspondances, parle d'un pays de proscription,
00:24:31 et évidemment, tous ces gens-là sont nourris d'histoire antique,
00:24:35 ils connaissent ça par cœur, et donc quand ils parlent de proscription,
00:24:38 il faut bien comprendre pour nos téléspectateurs,
00:24:40 la proscription, ce sont des gens qui sont scriptés,
00:24:43 ils sont inscrits sur une liste de gens que n'importe qui peut tuer,
00:24:47 et le premier qui le rencontre, et ça ne sera pas considéré comme un meurtre,
00:24:51 c'est ça le principe de la proscription à la romaine,
00:24:53 et là, la Vendée tout entière est considérée,
00:24:57 Carrier l'écrit, comme un pays de proscription,
00:24:59 c'est-à-dire que tous les habitants du pays sont en quelque sorte sur la liste,
00:25:03 donc on n'est pas du tout dans le même cas de figure,
00:25:06 c'est beaucoup plus large, on est vraiment dans le crime de masse,
00:25:09 alors, mon désaccord avec Reynald est en fait beaucoup plus réduit que ça,
00:25:15 d'ailleurs, je le réduis encore dans le dernier ouvrage que j'ai produit sur les colonnes infernales,
00:25:23 – Je l'ai fait évoluer !
00:25:25 – Non mais c'est parce que la logique juridique qui est la mienne,
00:25:27 n'est pas sa logique d'historien,
00:25:29 – Il faut expliquer, il y a des lois.
00:25:31 – C'est-à-dire que pour qu'il y ait un crime, n'est-ce pas,
00:25:33 légalement, il vous faut un acte, qui est l'acte que réprime la loi,
00:25:36 et il vous faut l'intention, mais il vous faut les deux,
00:25:39 si vous avez l'intention sans l'acte, vous n'avez pas le crime,
00:25:42 – C'est la reléguer entre les deux.
00:25:44 – Et là, je suis tout à fait d'accord avec Reynald pour dire que la loi d'août 93
00:25:51 contient, en tout cas potentiellement, l'intention,
00:25:54 mais l'acte n'y est pas, il ne peut pas y être,
00:25:57 parce qu'à ce moment-là, il y a encore une armée catholique et royale,
00:26:01 une armée vendéenne, qui empêche en fait la commission du massacre de masse.
00:26:07 Donc, il y a bien l'intention, mais l'acte n'y est pas,
00:26:10 et donc le crime n'y est pas.
00:26:12 – Mais il y a tentative de l'acte.
00:26:14 – Alors, il n'est même pas certain qu'il puisse y avoir tentative de l'acte,
00:26:18 dans la mesure où l'armée catholique et royale l'empêche.
00:26:23 Donc, même la tentative n'est pas possible.
00:26:26 – Cette armée, est-ce qu'elle a une, comment dire, une existence légale ?
00:26:29 – Il faudrait qu'il y ait un début d'exécution,
00:26:31 or il n'y a même pas ce début d'exécution.
00:26:33 Alors, là où j'ai voulu, c'est qu'effectivement, avant je limitais…
00:26:37 – Si tu me permets, je vais préciser quelque chose d'important,
00:26:40 parce qu'il va rebondir là-dessus,
00:26:42 parce que le spectateur ne pourra pas comprendre.
00:26:45 Moi, je dis, il y a une planification de l'extermination évolutive.
00:26:50 Il y a un premier plan d'extermination qui date du 26 septembre,
00:26:54 puis qui concerne la Vendée militaire.
00:26:57 Puis, il y a un deuxième plan d'extermination
00:26:59 qui concerne exclusivement les Vendéens qui ont franchi la loi
00:27:03 le 17, 18, 19 octobre 1793, et la décision, elle est prise le 10, 12 novembre.
00:27:10 Puis, il y a un troisième plan d'extermination et d'anéantissement,
00:27:14 celui de Thurot, datons-le, du 21 janvier,
00:27:17 puis un quatrième plan qui date du 11 mai 1794.
00:27:23 Et moi, je dis, en tant qu'historien, c'est que le jour même,
00:27:28 c'est-à-dire le 26 juillet, où le comité de salut public
00:27:32 ensemble, en conscience partagée, décide de mettre en place
00:27:37 un système d'anéantissement de la Vendée,
00:27:40 le génocide commence là, parce qu'il est conçu.
00:27:47 – J'aurais une vision un peu différente.
00:27:50 Ce qui me semble clair, c'est que dès le début,
00:27:52 et là, c'est vraiment la thèse de l'ouvrage qui va sortir en décembre,
00:27:55 dès le début, c'est la population qui est considérée comme l'objectif militaire.
00:27:59 Donc là-dessus, je serais d'accord, simplement,
00:28:02 considérer la population comme l'objectif militaire,
00:28:05 ça crée un crime contre l'humanité, attaque généralisée ou systématique
00:28:08 contre une population civile.
00:28:09 Mais ça ne veut pas dire qu'on veut exterminer la population.
00:28:12 Ça veut dire qu'on veut la réduire par la terreur,
00:28:15 et concrètement, les actes sont des actes qui sont dirigés
00:28:19 pour partie contre la population, mais en fait, essentiellement,
00:28:22 contre l'armée vendéenne.
00:28:24 Le but de la stratégie à ce moment-là, c'est l'écrasement
00:28:27 de l'armée catholique et royale, qui sera effectivement consommée
00:28:31 une première fois à Cholet, en octobre,
00:28:34 et à ce moment-là, les Vendéens franchissent la Loire,
00:28:37 et là, pour le coup, et c'est là que j'évolue,
00:28:40 par rapport à mon tout premier ouvrage,
00:28:42 là, pour le coup, il est question de tuer absolument tout le monde,
00:28:44 parce qu'on ne sait pas exactement combien de Vendéens ont franchi la Loire.
00:28:47 Les chiffres varient de 20 000 à 60 000,
00:28:49 mais ce qui est certain, c'est qu'il y avait une majorité de non-combattants,
00:28:52 et que les armées au nord de la Loire, les armées de la Convention,
00:28:55 ont massacré absolument tout le monde, absolument tous ceux qu'elles ont pu.
00:28:59 Et l'histoire des colonnes infernales, c'est au fond la transposition
00:29:02 de ce massacre général, qui pour le coup a une dimension génocidaire,
00:29:06 parce que c'est vraiment la destruction aussi complète que possible
00:29:09 du groupe humain visé, et on essaie de répéter cette même stratégie
00:29:14 au sud de la Loire. Ça a tellement bien marché au nord,
00:29:17 ils sont partis 20 000, 60 000, on ne sait pas,
00:29:20 mais enfin, combien en ont réchappé ?
00:29:22 Sans doute pas plus de 3 000 à 5 000, et encore,
00:29:26 ce n'était peut-être pas ceux du début, c'était peut-être aussi des gens
00:29:29 qui s'étaient ralliés à l'insurrection au nord de la Loire,
00:29:31 et qui ont réussi à la re-franchir au sud.
00:29:34 Mais là, je pense qu'effectivement, le génocide,
00:29:37 moi je le fais commencer plutôt avec la virée de Gjelerne,
00:29:41 c'est-à-dire après la bataille de Cholet, en octobre.
00:29:44 – Et dans les textes, on ne sait pas si on déshumanise également ce groupe humain,
00:29:50 on déshumanise les Vendée.
00:29:52 – Oui, on les met hors la loi.
00:29:54 – Ça va même plus loin parfois.
00:29:58 – On les animalise aussi, ce qui d'ailleurs explique beaucoup d'horreur,
00:30:04 parce que les soldats vont les traiter comme des animaux,
00:30:08 d'où les tanneries de peau humaine, la fronte des Grèces, etc.
00:30:11 – Là aussi, c'est là que le droit est utile, hors la loi,
00:30:15 puisque vous y allusions à l'Antiquité,
00:30:17 vous savez que c'est une catégorie de la loi des 12 tables,
00:30:19 c'est-à-dire que le hors la loi, théoriquement,
00:30:22 c'est l'individu qui a commis un crime contre les dieux de la cité,
00:30:26 et il faut absolument le tuer,
00:30:27 parce que sinon les dieux ne protégeront plus la cité,
00:30:29 et donc vous retrouvez, on en verra la peste sur la cité.
00:30:34 Donc le hors la loi cesse d'avoir une existence légale,
00:30:39 il n'a tout simplement plus le droit de vivre.
00:30:41 Et donc, le premier qu'il rencontre a non seulement le droit,
00:30:44 mais le devoir de le tuer, il devient, dans le droit romain,
00:30:48 ce qu'on appelle un homo sacer, l'homme sacré,
00:30:51 mais sacré au sens qui doit être sacrifié.
00:30:53 Il y a le sacré négatif qui est le tabou,
00:30:56 et le sacré positif qui est le totem,
00:30:58 le sacré négatif, c'est l'homme qui doit être sacrifié
00:31:01 pour que la cité vive.
00:31:02 Et c'est exactement cette logique-là,
00:31:04 parce qu'encore une fois, tous ces gens-là sont pétris
00:31:06 de droit romain et d'histoire romaine,
00:31:09 il faut que la Vendée soit sacrifiée,
00:31:13 parce que sinon, la régénération,
00:31:15 qui est un thème absolument essentiel de la Révolution française,
00:31:17 ne pourra pas s'accomplir.
00:31:19 Les Vendéens sont tellement dégénérés
00:31:22 qu'on ne peut pas espérer les régénérer.
00:31:25 Alors qu'on peut l'espérer peut-être dans d'autres régions de la France,
00:31:28 on vous explique que les Vendéens sont en quelque sorte
00:31:30 une sorte de sous-humanité.
00:31:32 Et effectivement, ça passe par l'animalisation.
00:31:36 La métaphore animale est constamment utilisée
00:31:38 dans la correspondance des représentants en mission.
00:31:43 Alors parfois, ce sont des bêtes féroces,
00:31:46 quand ils se battent bien, ce sont des bêtes féroces
00:31:48 qu'il faut éliminer,
00:31:50 sinon c'est un troupeau de cochons,
00:31:52 ce sont des visibles,
00:31:54 ce sont des animaux,
00:31:56 que ce soit des animaux de boucherie
00:31:58 ou des animaux féroces,
00:31:59 dans un cas comme dans l'autre,
00:32:00 ils doivent disparaître pour que la patrie vive.
00:32:03 – Alors, ce n'est pas seulement un vocabulaire
00:32:05 aussi au plus haut niveau de l'État,
00:32:07 des représentants en mission aussi,
00:32:09 mais nous retrouvons à l'heure actuelle
00:32:11 des lettres de simples soldats
00:32:14 qui ont fait leur ce vocabulaire
00:32:17 et qui traitent le Vendéen comme un animal.
00:32:20 Violer une femme est tout à fait naturel
00:32:23 parce que c'est une bête.
00:32:25 Et d'ailleurs, on peut aller encore beaucoup plus loin.
00:32:28 Il n'y a pas de problème.
00:32:30 On tue un enfant, mais ce n'est pas un enfant,
00:32:32 c'est une vipère.
00:32:33 – Il n'y a jamais, même sur le terrain,
00:32:36 de la part des soldats ou des officiers,
00:32:38 de compassion ?
00:32:40 – Alors, il y a des cas rarissimes.
00:32:44 J'ai eu un cas, je faisais une conférence
00:32:46 il y a quelques jours,
00:32:48 et on m'a raconté une histoire,
00:32:51 bien entendu j'ai gardé le nom de la personne,
00:32:55 d'un groupe de bleus
00:32:58 qui sont entrés dans une maison
00:33:02 et il y avait un prêtre réfractaire dans une pièce
00:33:06 qui n'avait pas eu le temps de se cacher.
00:33:10 Un soldat a ouvert la porte,
00:33:12 a vu le prêtre effrayé,
00:33:15 a fermé la porte en disant "il n'y a personne".
00:33:19 Lors des noyades de Nantes,
00:33:22 on a des exemples précis.
00:33:24 Alors, ce n'est pas au niveau militaire,
00:33:26 c'est au niveau de la population nantaise.
00:33:29 Les mères qui allaient être englouties
00:33:31 jetaient leur enfant aux femmes qui étaient sur les quais.
00:33:36 La plupart rejetaient l'enfant dans l'eau,
00:33:40 mais certaines cachaient l'enfant et les ont adoptés.
00:33:45 D'où d'ailleurs des noms de famille comme "Liberté"
00:33:48 qui viennent de là.
00:33:50 J'ai un exemple d'une famille "Liberté" au Mans,
00:33:53 et l'origine du nom était liée à l'acte justement.
00:33:58 – Alors, chez les officiers, chez les généraux,
00:34:00 on ne trouve pas de...
00:34:02 – Ce n'est pas...
00:34:03 Tous ces militaires sont quand même des gens
00:34:05 qui ont grandi dans un pays essentiellement chrétien,
00:34:07 et ils en ont quand même gardé quelque chose.
00:34:09 Donc qu'il y ait des gestes d'humanité,
00:34:11 ici ou là, n'est pas contestable,
00:34:14 mais ce qui est intéressant,
00:34:15 c'est que c'est plutôt l'exception qui confirme la règle.
00:34:17 Alors, ce qui est admirable,
00:34:18 effectivement quand on regarde la correspondance,
00:34:20 puisqu'on a un certain nombre de correspondances de ces soldats,
00:34:23 c'est que d'abord qu'ils expliquent qu'ils le font par ordre.
00:34:25 Alors, nous avons reçu un ordre bien triste de la Convention
00:34:28 qui est de tuer tout le monde.
00:34:30 En fait, la Convention n'a jamais donné cet ordre,
00:34:33 ce n'est pas la Convention qui l'a donné,
00:34:35 mais ce qui est intéressant, c'est que les soldats sont persuadés
00:34:37 que c'est un ordre de la Convention.
00:34:38 Ce qui veut dire qu'en fait, leur hiérarchie leur a expliqué...
00:34:40 – Mais qui a donné l'ordre ?
00:34:41 – Pardon ?
00:34:42 – Qui a donné l'ordre ?
00:34:43 – Ah ben, l'ordre, c'est Thurot.
00:34:45 Thurot donne cet ordre à ses généraux,
00:34:47 en général comme Grignion, au moment où on lance les collins,
00:34:50 au moment où il part avec sa colonne infernale,
00:34:52 il dit "écoutez, il se peut qu'il y ait quelques patriotes dans ce pays,
00:34:55 mais c'est égal, nous devons tous sacrifier".
00:34:57 Donc cet ordre-là, ce n'est pas lui qui l'a inventé,
00:35:00 c'est Thurot qui l'a donné.
00:35:02 – Thurot qui le transmet, c'est le politique.
00:35:05 – Oui, c'est le politique, parce que Thurot a avant écrit à Carnot
00:35:08 pour dire "mon intention est bien de faire ça".
00:35:12 – C'est Carnot qui est au sein du comité de salut public
00:35:14 qui a la charge de détruire la Vendée.
00:35:17 – Et donc Thurot lui dit "écoutez, mon intention est bien
00:35:20 de tout incendier et de tout tuer".
00:35:22 "Donnez-moi un arrêté", c'est-à-dire un texte qui couvre ma responsabilité.
00:35:28 On ne le lui enverra pas, mais on lui dit "tes mesures sont bonnes
00:35:31 et tes intentions sont pures, nous attendons les résultats".
00:35:33 Autrement dit, le politique ne se mouille pas,
00:35:36 le politique ne se mouille jamais.
00:35:38 De ce point de vue-là, je trouve que c'est exactement le mécanisme
00:35:41 que pour la torture en Algérie.
00:35:42 On a dit aux militaires "écoutez, on veut des résultats,
00:35:45 vous vous débrouillez comme vous voulez, on ne va pas le savoir".
00:35:47 Et c'est exactement la position de Carnot.
00:35:49 Mais sur le plan, alors là je reprends ma cascade de juristes,
00:35:52 dans la hiérarchie, celui qui sait ou aurait dû savoir
00:35:56 que des crimes vont se commettre et qui ne les a pas empêchés,
00:36:00 en endosse la responsabilité pénale.
00:36:02 Or Carnot a reçu le plan de Thurot et il n'a pas réagi.
00:36:08 Et donc du coup, il en est politiquement responsable.
00:36:12 Et on comprend pourquoi il n'a pas réagi.
00:36:14 Le politique ne se salit pas les mains.
00:36:17 Alors j'ai un désaccord avec Jacques à ce sujet-là.
00:36:21 Je trouve que la réponse de Carnot est une réponse claire.
00:36:26 Parce que la lettre de Thurot, elle est très précise.
00:36:29 C'est-à-dire que je remets en question le plan MAS
00:36:34 que le comité de salut public avait conçu
00:36:37 pour exterminer les Vendéens Outre-Noire.
00:36:40 Bien.
00:36:41 Et je mets en place un nouveau plan basé sur la colonne mobile.
00:36:47 Mais, bien entendu, cette remise en question
00:36:52 a comme finalité celle que vous me dites,
00:36:55 c'est-à-dire d'exterminer tous les habitants.
00:36:58 Et lorsque Carnot répond, il répond aux deux questions de Thurot.
00:37:07 C'est-à-dire, oui, nous acceptons la remise en question du plan MAS
00:37:13 pour exterminer, donc on accepte la création de colonne mobile.
00:37:18 D'autant plus que la finalité est bien la nôtre,
00:37:21 c'est-à-dire de l'extermination de tous les habitants qui peuplent la Vendée.
00:37:27 Pour moi c'est clair.
00:37:28 Là-dessus nous sommes d'accord, simplement il ne le dit pas de manière aussi explicite.
00:37:31 Il dit "tes mesures lui paraissent bonnes au comité
00:37:34 et tes intentions lui paraissent pures".
00:37:36 Mais il évite de répondre et il ne cite même pas la lettre.
00:37:41 Ce qui fait que nous, nous le savons parce que nous connaissons des documents
00:37:47 qui en fait ne figurent plus maintenant dans les archives
00:37:50 qu'on retrouve notamment chez Savary.
00:37:53 On retrouve juste aux archives ce qu'on appelle une analyse,
00:37:56 c'est-à-dire un résumé de la lettre.
00:37:58 A l'époque on n'a pas de photocopieur.
00:37:59 Donc quand on reçoit une correspondance qui doit être distribuée à plusieurs bureaux,
00:38:04 on demande à des commis soit d'en faire une copie intégrale, soit d'en faire un résumé.
00:38:08 Aux archives il ne nous reste que le résumé dans lequel Thurot demande la permission
00:38:12 de balayer tout le pays par douze colonnes.
00:38:14 On n'a que quelques lignes et c'est à ça que répond Carnot la lettre
00:38:20 et de huit jours après, c'est-à-dire le temps qu'il a fallu pour recevoir la première.
00:38:24 Et effectivement il l'approuve, mais il ne l'approuve que dans ses termes généraux.
00:38:28 "Tes mesures lui paraissent bonnes",
00:38:30 "Tu as demandé au comité d'approuver ton plan, tes mesures lui paraissent bonnes et tes intentions pures,
00:38:36 mais nous attendons les grands résultats pour nous prononcer."
00:38:40 Donc en fait il approuve, et là-dessus je suis totalement d'accord avec Reynal,
00:38:46 il approuve, mais il approuve en termes suffisamment généraux
00:38:50 pour qu'on ne puisse pas lui dire "Vous avez approuvé le massacre des femmes et des enfants."
00:38:54 Parce que ça, il ne le dit pas explicitement.
00:38:59 Parce qu'il faut comprendre qu'effectivement Jacques a raison,
00:39:03 Thurot a écrit un certain nombre de lettres qui ont disparu.
00:39:06 Mais il y en a une qui est intacte, c'est celle du 24 janvier,
00:39:11 qui est à Vincennes, qui est tout à fait explicite.
00:39:15 Et moi je pense que la réponse de Carnot est la réponse par rapport à la lettre du 24 janvier.
00:39:23 Qu'est-ce qu'il dit dans cette lettre ?
00:39:24 C'est très simple, c'est-à-dire que, elle est grosso modo en deux parties,
00:39:28 c'est-à-dire, c'est ce que j'ai dit tout à l'heure,
00:39:30 j'ai conçu un plan basé sur 12 colonnes, en fait c'est 23,
00:39:37 parce qu'ils vont diviser 11 colonnes en deux,
00:39:40 et si mes intentions sont bien secondées,
00:39:44 il n'existera plus en Vendée sous 15 jours,
00:39:47 ni maison, ni habitants, ni armes, etc.
00:39:50 C'est très explicite, et la lettre, elle est intacte.
00:39:53 C'est-à-dire, nous avons cette lettre du 24 janvier,
00:39:57 que j'ai publiée d'ailleurs dans mon livre du génocide au mémoricide,
00:40:01 et nous avons la réponse qui se retrouve aux archives nationales de Carnot.
00:40:07 Oui, à ceci près que Carnot ne cite pas la lettre.
00:40:10 Et il y a eu un certain nombre de lettres,
00:40:12 on ne sait pas à quelle lettre il répond.
00:40:15 La lettre ne dit pas "j'ai reçu ta lettre numéro temps du temps et je suis d'accord".
00:40:21 - L'ordre de la fonctionnaire.
00:40:23 - Non mais là aussi il faut être rigoureux,
00:40:26 je suis tout à fait d'accord pour dire que Carnot a approuvé cette lettre,
00:40:30 là-dessus il n'y a pas de différence,
00:40:32 je n'ai pas de différence avec Reynald,
00:40:34 mais il le fait dans des termes qui sont des termes très politiques,
00:40:37 c'est-à-dire, il s'agit toujours de faire en sorte que,
00:40:40 s'il y a un problème, on puisse dire "je suis responsable mais pas coupable",
00:40:44 "mes intentions ont été mal comprises".
00:40:47 - C'est bien ça qu'il faut comprendre,
00:40:49 ce qui s'est passé en Vendée est un acte politique.
00:40:53 - Alors justement, je vais y venir,
00:40:55 on va parler de deux choses sur les colonnes infernales,
00:40:57 donc vous expliquez bien, c'est ce que vous allez expliquer dans votre liste,
00:41:00 c'est que les colonnes, enfin ce qu'on a appelé par la suite les colonnes infernales,
00:41:03 donc les colonnes de Thuraud à la base,
00:41:05 nécessitent quand même toute une infrastructure derrière.
00:41:08 - Oui, la thèse néo-robespierriste c'est grosso modo,
00:41:11 un général fou et sadique s'est mis à massacrer tout le monde en Vendée,
00:41:15 et après le 9 Termidor, les yeux agrandis d'horreur,
00:41:18 la convention a découvert, et comment, quoi, qu'est-ce,
00:41:22 à l'insu de notre plein gré, enfin bon,
00:41:24 mais exactement ce que, au fond, ce que Carnot avait en tête,
00:41:28 on fait faire le sale boulot, mais on s'en lave les mains,
00:41:31 c'est-à-dire on essaye de mettre en place notre propre irresponsabilité.
00:41:35 A ceci près que quand on rentre dans les dossiers,
00:41:38 les colonnes infernales c'est sur le papier 100 000 hommes,
00:41:41 en pratique 40 000,
00:41:43 pour les colonnes infernales à peu près 12 000,
00:41:46 parce qu'il faut d'abord cerner tout le pays de garnison,
00:41:50 donc il faut mettre une bonne moitié des troupes égarnisonnées
00:41:53 pour bien boucler le périmètre qui ne puisse pas s'échapper
00:41:56 comme ils l'ont fait lors de la Vérité.
00:41:58 - Le territoire est immense, c'est 10 000 km².
00:42:00 - Et à l'intérieur de ce cercle bien garnisonné,
00:42:03 on fait ratisser par 12 colonnes,
00:42:06 qui tuent, incendient, épillent tout ce qui s'y trouve.
00:42:10 - Avec les métalliques et les barbares.
00:42:12 - Et ça dure 4 mois, et ça dure 4 mois.
00:42:14 Vous ne pouvez pas manœuvrer 40 000 hommes pendant 4 mois
00:42:17 sans un soutien logistique, sans un soutien administratif également,
00:42:21 car les autorités locales doivent être impliquées.
00:42:24 Un des textes les plus parlants sur le thème du génocide
00:42:28 que j'ai trouvé, mais là l'administration est merveilleuse,
00:42:31 parce que vraiment c'est souvent les actes administratifs
00:42:34 les plus insignifiants qui sont les plus parlants.
00:42:37 Vous avez un arrêté de réquisition des charrettes,
00:42:41 il faut enlever toutes les subsistances du pays.
00:42:44 Et donc on dit à tous les paysans,
00:42:46 il faut que vous livriez vos charrettes
00:42:48 de manière à ce qu'on puisse enlever les subsistances.
00:42:50 Et cet arrêté dit quoi ?
00:42:51 Citoyens, le pays révolté va être traversé
00:42:54 par 12 formidables colonnes républicains
00:42:57 qui vont en exterminer les infâmes habitants,
00:43:00 en retirer les subsistances,
00:43:01 et nous avons besoin de vos charrettes pour ça.
00:43:04 Donc là pour le coup, on est vraiment dans l'administration,
00:43:08 dans toute sa froideur.
00:43:11 On a besoin de vos charrettes parce qu'on va exterminer tout le monde.
00:43:13 Et là c'est vraiment écrit noir sur blanc.
00:43:15 Ce que Carnot ne dit pas,
00:43:17 le type qui fait la réquisition des charrettes,
00:43:20 dit "on en a besoin parce que comme on va tuer tout le monde
00:43:22 et qu'il faut retirer tout ce qu'il y a du pays,
00:43:24 on a besoin des charrettes".
00:43:25 – Et il faut préciser qu'il y a une erreur d'analyse sur Thurot,
00:43:30 parce que pour les historiens, on a choisi Thurot
00:43:34 parce que c'est un politique soumis et un médiocre.
00:43:38 On se trompe totalement.
00:43:40 Thurot est un grand général.
00:43:43 Il va sur le terrain, fin novembre, dès sa nomination,
00:43:47 pour essayer de comprendre l'échelle de la première armée au monde,
00:43:50 tout de même, face à un peuple de gueux.
00:43:52 Et il va en tirer deux conclusions.
00:43:54 Un, et d'ailleurs c'est très bien vu dans le film "Vainque ou Mourir",
00:43:57 l'armée française qui est une armée classique,
00:43:59 formée de manière classique,
00:44:01 c'est une armée de plaines, de batailles rangées.
00:44:07 Or, en Vendée, il n'y a pas de plaines, il n'y a que des chemins creux.
00:44:10 Donc, à la suite de ce constat, il s'est dit,
00:44:13 il faut adapter les mouvements des troupes
00:44:16 par rapport à la fois à la géographie,
00:44:20 mais aussi au comportement des gens.
00:44:22 "Vainque ou Mourir" a parfaitement bien vu cela.
00:44:25 Et c'est en conséquence qu'il va à Paris.
00:44:27 Il faut bien le noter ça.
00:44:30 Échanger avec les politiques,
00:44:33 on n'a pas le contenu de cet échange,
00:44:35 mais lui-même en fait, un rapport,
00:44:38 il parle notamment des petits papiers à travers ses mémoires,
00:44:42 mémoires qu'il a écrites, pour justifier son politique
00:44:45 en disant "je n'ai fait qu'obéir".
00:44:47 Et effectivement, il n'a fait qu'obéir.
00:44:49 Et c'est sur cette base là d'ailleurs qu'il sera acquitté.
00:44:51 Quand on lui fera un procès, il dira "je n'ai fait qu'obéir aux ordres"
00:44:54 et le tribunal l'acquittera en lui disant "effectivement,
00:44:56 il n'a fait qu'obéir aux ordres".
00:44:58 Je ne crois pas que Thurot soit un si grand général que ça.
00:45:00 Par contre, c'est un excellent technicien militaire,
00:45:02 c'est un tâche qu'on s'en scrupule,
00:45:04 et en plus, il est sincèrement acquis à la politique qu'il mène.
00:45:07 - Et bien, tu viens de donner la définition d'un bon général.
00:45:10 - Nous arrivons au terme de cette émission.
00:45:13 Je voudrais juste maintenant que l'on parle de la mémoire,
00:45:16 donc on a parlé du génocide,
00:45:18 très rapidement que l'on parle maintenant du mémoricide
00:45:21 et des lieux de mémoire,
00:45:23 parce que là, vous ne le savez pas encore,
00:45:25 mais nos téléspectateurs voient tout au long de l'émission
00:45:27 des incrustations d'illustrations
00:45:29 qui proviennent d'une fresque
00:45:31 qui a été réalisée à la chapelle Basse-Mer,
00:45:33 dont vous allez nous parler.
00:45:35 Mais d'abord, le mémoricide.
00:45:37 - Le mémoricide, c'est un concept qui est dû à Reynald,
00:45:41 et auquel j'adhère, pour le coup, absolument.
00:45:44 - Et la regrette, c'est qu'il ne l'a pas conçu.
00:45:46 - Ah bah oui, mais c'était en 2011.
00:45:48 - On a pas besoin pour les chameleurs.
00:45:50 - En 2011, mais je ne suis pas encore tombé dans la Vendée.
00:45:52 Je suis tombé dans la Vendée en 2017.
00:45:54 Je réclame le bénéfice.
00:45:56 Oui, alors, je crois que, par mémoricide,
00:46:00 on va laisser Reynald préciser son concept,
00:46:03 il parle surtout du 19ème siècle,
00:46:05 qui a essayé, effectivement, d'effacer la Vendée
00:46:07 et d'en faire un non-sujet.
00:46:09 Dans l'ouvrage que je viens de publier,
00:46:11 ce que j'essaie d'expliquer, c'est que ce mémoricide,
00:46:13 au fond, c'est quelque chose qui commence, en fait,
00:46:16 dès le 9 Termidor,
00:46:18 c'est-à-dire que le 9 Termidor, Robespierre tombe,
00:46:21 et à ce moment-là, on découvre, ou on fait semblant
00:46:23 de découvrir les horreurs, notamment en Vendée,
00:46:27 il va y avoir le procès de Carrier à la fin de l'année,
00:46:32 et la Convention est évidemment extrêmement gênée,
00:46:35 parce que, mois après mois, les pouvoirs du Comité de salut public
00:46:37 étaient renouvelés tous les mois,
00:46:39 mois après mois, elle a renouvelé les pouvoirs
00:46:41 de ce Comité de salut public qui a mené cette politique.
00:46:43 Donc, du coup, ils sont mouillés jusqu'au cou dans cette histoire-là.
00:46:46 Et donc, ils vont commencer à essayer de développer un discours
00:46:50 qui est, au fond, le discours néo-robespierriste actuel.
00:46:52 Ça peut paraître bizarre, parce que les Termidoriens
00:46:54 sont, en principe, ceux qui ont envoyé les Robespierres
00:46:56 et ses partisans sous le coup près de la guillotine.
00:46:58 Mais s'il y a un sujet sur lequel toute la Convention était d'accord,
00:47:01 c'est-à-dire qu'il fallait exterminer la Vendée.
00:47:03 Et donc, l'argumentaire à l'égard de la Vendée va être le même.
00:47:05 C'est-à-dire, on ne savait pas, on ne s'est pas rendu compte,
00:47:08 on a fait les choses dans notre dos,
00:47:10 les Vendéens étaient de toute façon de féroces contre-révolutionnaires,
00:47:13 bref, on commence à développer ce discours,
00:47:16 qui va devenir ensuite le discours mémoricidaire
00:47:18 qu'on aura tout au long du 19ème siècle,
00:47:20 et qu'aujourd'hui, on essaye de recycler de manière un peu différente.
00:47:24 C'est-à-dire que, jusqu'en 1989, grosso modo,
00:47:27 la violence révolutionnaire était de soi une violence sainte.
00:47:31 Il s'agissait de faire advenir le monde nouveau.
00:47:33 On ne fait pas d'omelette sans casser d'oeufs,
00:47:35 la révolution n'est pas un dîner de galard, enfin bon.
00:47:37 La violence rédemptrice, la violence accoucheuse de l'Histoire
00:47:41 était un discours parfaitement accepté.
00:47:43 Avec 89, je veux dire 1989, l'écroulement de l'Union soviétique,
00:47:47 cette idée que la révolution et que la violence politique
00:47:50 accouche d'un monde nouveau et meilleur
00:47:53 est un discours qui n'est plus tenable.
00:47:55 Donc on essaye de renouveler le discours termidorien.
00:47:59 On ne savait pas, ça s'est fait dans notre dos.
00:48:03 Tout le discours qui était au fond déjà le discours termidorien.
00:48:07 – Reynald ?
00:48:08 – La mémoire, je pense qu'il y a deux types de mémoire.
00:48:12 Il y a la mémoire locale, quand j'ai fait, on en parlait en introduction,
00:48:16 le travail sur la chapelle de la Vasse-mer,
00:48:19 j'étais estomaqué de voir que les descendants à 4, 5, 6 générations
00:48:25 connaissaient parfaitement les événements.
00:48:28 Et d'ailleurs ces héritiers qui m'ont attiré l'attention
00:48:32 sur le fait que c'était l'armée française qui était venue localement,
00:48:36 qui avait tué principalement les femmes, les enfants et les veillards,
00:48:39 ça c'est un souvenir ancré.
00:48:41 Et deuxièmement qu'on avait détruit principalement les regroupements de maisons,
00:48:46 c'est-à-dire les hameaux et les gros bourgs,
00:48:50 parce qu'à la chapelle de la Vasse-mer il y avait deux bourgs.
00:48:52 Donc une mémoire populaire intacte.
00:48:57 Et je rappelle toujours que le grand criminel de la disparition de la mémoire populaire,
00:49:02 c'est le chauffage central.
00:49:04 C'est le jour où on met le chauffage central dans une maison
00:49:06 que le noyau familial éclate.
00:49:09 Puis après c'est l'écran chacun dans sa chambre, etc.
00:49:12 Au niveau national, dans mon livre "Du génocide au mémoricide",
00:49:18 j'ai précisé, parce qu'on a cette date,
00:49:22 quand l'acte mémoricidaire commence.
00:49:25 Et ce qui avait surpris Courtois,
00:49:30 et après il a fait un travail là-dessus par rapport à la Russie et l'Union Soviétique,
00:49:34 c'est que l'acte mémoricidaire s'inscrit dans l'acte génocidaire.
00:49:38 Et en l'occurrence, ça s'inscrit le 17, 18, 19 octobre 1793,
00:49:44 lorsque les Vendéens traversent la Loire,
00:49:47 puisque les représentants du peuple expliquent que
00:49:50 les Vendéens n'ont pas le temps de faire des journaux,
00:49:52 ceux-là s'oublieront avec le temps.
00:49:54 Et donc, ça c'est l'acte majeur.
00:49:57 Puis après les historiens, notamment Michelet,
00:50:00 vont fabriquer une histoire avec tous les éléments qu'on a cités,
00:50:07 de la justesse, de la répression, etc.,
00:50:09 au nom de l'idéal révolutionnaire, etc.,
00:50:12 qui s'accompagne d'une destruction systématique,
00:50:16 dans le cadre de la monarchie juillet,
00:50:19 de tous les éléments de mémoire que les Vendéens,
00:50:21 malgré leur pauvreté absolue, avaient érigés.
00:50:24 Je parle par exemple des statues, celle de Charette allogée,
00:50:27 celle de Catalino aux pas en mauche,
00:50:30 détruit aussi les vitraux, les documents, etc.
00:50:35 Il va falloir attendre l'entre-deux-guerres
00:50:38 pour que les Vendéens de nouveau reprennent possession
00:50:40 de leur mémoire, qu'ils l'illustrent,
00:50:43 à travers le vitrail, par exemple,
00:50:45 à travers un certain nombre de manifestations.
00:50:47 Et puis je crois qu'il y a une troisième étape,
00:50:49 avec Philippe de Villiers, il explique très bien ça,
00:50:51 cette convergence qu'il y a eu entre mon travail universitaire
00:50:56 et lui, sa démarche d'artiste,
00:50:59 qui fait que, à travers le Puy-du-Fou,
00:51:03 on a eu, par exemple, un certain nombre d'éléments du spectacle,
00:51:07 la scénographie,
00:51:10 et à l'intérieur du parc,
00:51:15 et la ciné-scénie,
00:51:17 l'expression de ce qui ne s'était pas sans Vendée,
00:51:21 et je ne peux que conseiller de regarder
00:51:24 "Le dernier panache", qui traite l'histoire de Charette à travers l'huître.
00:51:31 Et à l'heure actuelle, grâce à des travaux
00:51:34 comme ceux de Jacques ou à cette revue,
00:51:37 il y a une vulgarisation qui se fait,
00:51:40 et à l'heure actuelle, la Vendée s'est déjà appropriée
00:51:44 ce concept de génocide.
00:51:46 Je me rappelle d'une histoire très précise,
00:51:49 lorsque j'avais fait ma première conférence à Molivrier,
00:51:53 en pleine Vendée, j'avais vu des gens sortir et pleurer,
00:51:56 parce qu'ils venaient de comprendre.
00:51:57 Et puis le grand public, maintenant, est en train d'intégrer ce concept.
00:52:01 – Donc la mémoire, effectivement, est très vivante.
00:52:04 – Tout dernier mot très très vite.
00:52:05 – La mémoire, effectivement, est très vivante,
00:52:06 et on ne pourrait pas expliquer que le Puy-du-Fou est connu
00:52:08 à pareil succès sans elle,
00:52:10 mais l'histoire a aussi sa part,
00:52:12 mais il faut aller chercher dans l'histoire politico-administrative,
00:52:15 l'administration ne perd rien,
00:52:18 et donc quand on va chercher dans le fond des dossiers,
00:52:21 on trouve effectivement les éléments qui corroborent la mémoire.
00:52:24 – La dernière, il faut aller à la chapelle Basse-mer,
00:52:26 voir le mémorial du génocide dont la revue a reproduit les fresques.
00:52:31 – Et qui sont en incrustation dans cette émission.
00:52:33 Merci messieurs pour ce débat absolument passionnant,
00:52:36 c'est bien, vous ne soyez pas d'accord sur tout,
00:52:38 au moins ça donne un peu d'animation.
00:52:40 Donc vous pouvez retrouver un dossier complet sur la terreur,
00:52:43 l'autre visage de la révolution,
00:52:45 dans le numéro 17 de la revue d'histoire européenne,
00:52:48 qui est maintenant dans les kiosques.
00:52:50 Vous allez retrouver maintenant Christopher Lanne et la petite histoire,
00:52:53 mais avant toute chose, n'oubliez pas de cliquer sur le pouce levé sous la vidéo,
00:52:57 et de vous abonner à notre chaîne YouTube.
00:52:59 Merci et à bientôt.
00:53:01 [Générique]
00:53:08 [Musique]
00:53:12 Quel destin tragique que celui du fils cadet du roi Louis XVI,
00:53:15 le futur Louis XVII.
00:53:17 Pour moi, sérieusement, c'est l'un des crimes les plus abjects commis
00:53:20 pendant la période révolutionnaire, et pourtant il y en a un tas.
00:53:22 Devenu héritier à la mort de son frère en 1789,
00:53:25 la révolution plongera sa courte vie dans le chaos.
00:53:28 Enfermé, malmené, forcé de témoigner contre sa mère,
00:53:32 il sera par la suite, après la mort de ses parents,
00:53:35 détenu dans la prison du temple, dans des conditions épouvantables.
00:53:39 Le cordonnier Simon et sa femme se chargeront de son "éducation républicaine".
00:53:43 Tu parles, ils vont surtout se charger de le torturer, ce pauvre gamin,
00:53:46 et de le briser mentalement, comme physiquement.
00:53:49 Il mourra à 10 ans seulement, en 1795, victime de la cruauté de ses bourreaux,
00:53:54 tout comme de la folie de cette époque de dégénérer.
00:53:57 Oui, je m'en porte un peu, mais en même temps, qu'est-ce que voulait que je dise d'autre ?
00:54:00 Retour sur la fin tragique de l'enfant martyr de la révolution.
00:54:03 [Musique]
00:54:18 La semaine dernière, on a parlé ici même du destin tragique de l'aiglon Napoléon II.
00:54:22 Eh bien, aujourd'hui, on va enchaîner avec un destin encore plus tragique,
00:54:26 encore plus épouvantable, celui de Louis XVII.
00:54:29 Et croyez-moi, c'est un autre niveau.
00:54:31 La semaine prochaine, peut-être même qu'on continuera sur cette lancée
00:54:34 avec la vie tragique également du prince impérial,
00:54:37 le fils hérissier de Napoléon III.
00:54:40 Dites-moi si ça vous branche dans les commentaires, même si au fond, votre avis...
00:54:44 Louis Charles est né à Versailles le 27 mars 1785.
00:54:48 Il est le deuxième fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette.
00:54:51 Et donc, à la base, il n'est pas destiné à régner.
00:54:54 Et déjà, dès la naissance, des rumeurs commencent à agiter le petit monde de la cour et de la noblesse
00:54:59 à propos du fait qu'il serait le fils non pas de Louis XVI, mais d'Axel de Fersen,
00:55:04 le supposé amant de la reine, ce qui est entièrement faux, donc je passe là-dessus.
00:55:08 Il est élevé par la gouvernante des enfants de France, Gabrielle de Polignac,
00:55:12 qui lui donne son surnom de "Chou d'Amour".
00:55:15 Je ne vais pas m'étendre sur son enfance, son éducation, tout ça.
00:55:18 Elle est tout à fait classique pour un fils de roi à la cour.
00:55:22 Il ne devient dauphin de France, c'est-à-dire héritier de la couronne,
00:55:25 qu'à la mort de son frère aîné, Louis-Joseph, le 4 juin 1789,
00:55:30 frère décédé de la tuberculose.
00:55:33 Le voilà donc, premier héritier légitime du trône de France.
00:55:36 Jusqu'ici, tout va bien, sauf que je l'ai dit, on est en juin 1789,
00:55:41 et sa vie ne va pas tarder à basculer.
00:55:44 La révolution éclate, Louis-Charles a alors 4 ans,
00:55:47 et son premier traumatisme, si l'on peut dire, ce sera cette fameuse journée
00:55:51 où les femmes de Paris vont venir réclamer du pain sous les fenêtres de Versailles.
00:55:55 Vous savez, cette scène où la foule appelle son Autrichienne de mère au balcon,
00:55:59 en l'insultant de tous les noms, évidemment.
00:56:02 Elle vient d'abord avec ses enfants, donc lui et sa sœur,
00:56:04 et là la foule se met à crier "pas les enfants, pas les enfants".
00:56:07 Ensuite, finalement, elle se présente seule face à une foule armée
00:56:11 qui finit par crier "vive la reine".
00:56:13 Voilà le niveau de l'opinion publique de tout temps.
00:56:16 Donc, vous n'avez plus à me parler de démocratie.
00:56:18 D'ailleurs, petite parenthèse, cette scène est très joliment représentée
00:56:21 dans le film "La Révolution française" de Robert Henrico et Richard T. Efron,
00:56:26 que je vous recommande, car malgré tous ces défauts,
00:56:30 parce que c'est un film historique, mais pour un film historique, justement,
00:56:33 il est très correct et il montre les choses plus ou moins telles qu'elles sont,
00:56:37 avec les abus de chaque côté et sans exagération d'un camp comme de l'autre.
00:56:42 Enfin voilà, ce petit dauphin, la Révolution vient frapper à sa porte
00:56:45 et ce ne sera pas pour vendre des calendriers.
00:56:47 Le 10 août 1792, à la chute de la monarchie, il n'est plus prince royal.
00:56:53 Trois jours plus tard, il est emprisonné avec ses parents,
00:56:57 dans la même pièce que sa mère tout d'abord,
00:56:59 ensuite en compagnie de son père,
00:57:01 pour poursuivre son éducation malgré les circonstances.
00:57:04 A partir du 11 décembre 1992, le procès du roi,
00:57:07 qu'on nomme désormais avec mépris Louis Capet,
00:57:10 commence et l'enfant est donc remis à sa mère.
00:57:13 Il ne reverra son père que le 20 janvier, pour des derniers adieux,
00:57:17 puisque son père sera guillotiné le lendemain.
00:57:19 Lorsque Marie-Antoinette apprend que son mari vient d'être guillotiné,
00:57:22 elle s'agenouille devant son fils, qui est désormais devenu,
00:57:26 aux yeux de sa famille, aux yeux des royalistes,
00:57:29 et aux yeux de Dieu, Louis XVII, roi de France.
00:57:32 D'ailleurs à ce moment-là, toutes les puissances étrangères le reconnaissent ainsi,
00:57:35 et son oncle également, le comte de Provence, futur Louis XVIII,
00:57:39 et c'est aussi en son nom que les Vendéens, les Chouans,
00:57:42 et bien d'autres en province vont se révolter au cri de "Vive Louis XVII".
00:57:47 Malheureusement, vous en doutez bien, ce titre n'est sur le moment que théorique,
00:57:51 puisqu'il est toujours en prison, c'est la république qui a été proclamée.
00:57:55 Il reste avec sa mère jusqu'au 3 juillet 1793,
00:57:58 date à laquelle le comité de salut public décide de l'arracher à sa mère,
00:58:04 pour le confier au cordonnier Simon et à sa femme.
00:58:07 Ça nous donne une scène déchirante, celle d'un enfant qui veut sa maman,
00:58:11 mais la république en a décidé autrement, elle a d'autres projets pour lui.
00:58:15 Antoine Simon, le cordonnier, va être chargé de son éducation.
00:58:19 Vous me direz, c'est assez paradoxal, quand on sait qu'il sait à peine écrire.
00:58:23 Il a parlé des questions d'éducation républicaine, alors du coup, c'est cohérent.
00:58:27 Enfin bref, la mission de Simon, grossier personnage brutal et imbécile,
00:58:31 va être de faire oublier son origine à l'enfant, d'en faire le parfait petit républicain.
00:58:37 Le procureur de la commune, Chaumette, responsable de cette décision, dira, je cite,
00:58:42 "Je veux lui faire donner quelques éducations, je l'éloignerai de sa famille,
00:58:46 pour lui faire perdre l'idée de son rang."
00:58:49 Le petit Louis XVII est enfermé au deuxième étage de la tour du Temple,
00:58:52 et la première sale besogne qu'on va le contraindre à accomplir,
00:58:56 c'est de témoigner contre sa mère.
00:58:58 On va tout faire pour lui retourner le cerveau, et lui faire dire au procès de Marie-Antoinette,
00:59:03 à 9 ans, que sa maman a eu des actes incestueux à son égard.
00:59:07 Vous vous rendez compte à quel point c'est terrible, dégueulasse,
00:59:10 et en plus, d'être faux, évidemment.
00:59:12 Heureusement que cette charge sera abandonnée, avec le plaidoyer magnifique de Marie-Antoinette,
00:59:17 mais le mal est fait.
00:59:18 La suite, vous la connaissez, Marie-Antoinette est guillotinée à son tour,
00:59:21 Louis n'a plus ni père, ni mère,
00:59:24 et passe son enfance avec ses deux geôliers, sans respect, ni amour,
00:59:28 et le pire est encore à venir.
00:59:30 Le 19 janvier 1794, les Simons déménagent,
00:59:33 c'est là que le calvaire de l'enfant royal va prendre une tournure glauque et insupportable.
00:59:38 Suite au départ des Simons, on enferme secrètement le gamin dans une pièce obscure,
00:59:43 sans aucun confort, aucune hygiène, très peu de lumière,
00:59:46 beaucoup d'humidité, au point d'ailleurs qu'on a du mal à ouvrir la porte,
00:59:49 qui est toute gonflée, et aucun, je dis bien aucun contact avec l'extérieur.
00:59:54 Cela va durer six mois, jusqu'au 28 juillet 1794,
00:59:58 six mois dans ces conditions pour un enfant de 9 ans.
01:00:01 Le petit Louis XVII vit dans l'isolement total, accroupi comme un animal toute la journée.
01:00:07 Son gardien lui glisse son repas à travers le guichet de la porte,
01:00:11 un repas misérable bien entendu, je cite,
01:00:14 "quelques fruits avariés ou trop secs, un peu de lait qui s'agitait inutilement au fond d'un bol ébréché."
01:00:20 Ça c'est ce qu'écrit le docteur Pelletan.
01:00:23 Le seul et unique contact qu'avait l'enfant,
01:00:25 mis à part le repas glissé à travers le guichet de la porte,
01:00:28 c'est la visite d'une petite souris grise.
01:00:31 Tous les soirs, l'enfant l'avait plus ou moins apprivoisé,
01:00:34 il partageait son repas avec elle, il attendait sa venue toute la journée.
01:00:38 Cette souris, c'était le rayon de soleil de sa longue et triste journée.
01:00:43 Lorsque Barras, président de la convention termidorienne, rend visite à l'enfant dans sa cellule,
01:00:48 il le trouve dans un état de santé physique et mentale absolument déplorable.
01:00:53 Il est muet, l'enfant, et totalement déshumanisé.
01:00:56 Par conséquent, le comité de salut public décide, dans sa grande bonté humaniste et vertueuse,
01:01:02 de lui affecter un autre gardien et d'améliorer quelque peu ses conditions de vie.
01:01:06 On le change de cellule, de gardien aussi donc, mais il est déjà trop tard.
01:01:10 À cause de ses conditions de détention et du traitement inhumain qui lui a été infligé pendant des mois et des mois,
01:01:16 le petit Louis XVII est d'ores et déjà rongé par la gale, mais surtout par la tuberculose.
01:01:22 Au début du mois de mai 1795, le médecin Pierre-Joseph Desso,
01:01:27 le décrit ainsi, je cite,
01:01:30 "mourant, victime de la misère la plus abjecte, de l'abandon le plus complet,
01:01:35 un être abruti par les traitements les plus cruels."
01:01:38 Le 8 juin 1795, Louis XVII, roi de France, n'en déplaise à certains,
01:01:43 meurt en captivité d'un vice scrupuleux, dit le rapport.
01:01:47 En gros, la tuberculose, il avait à peine 10 ans.
01:01:50 L'autopsie est réalisée le lendemain par le chirurgien Philippe-Jean Pelletan,
01:01:55 puis le 12 juin, il est jeté secrètement dans l'anonymat, dans la fosse commune du cimetière Sainte-Marguerite.
01:02:02 C'est pas beau ça ?
01:02:03 Triste fin pour cet enfant royal, né au mauvais moment,
01:02:06 victime de la cruauté de tout un système et de la folie de son temps.
01:02:10 Fort heureusement, j'ai envie de dire, le chirurgien Pelletan a réussi à conserver son petit cœur,
01:02:15 qu'il avait camouflé dans un mouchoir, mis dans sa poche,
01:02:18 puis ramené chez lui et conservé dans un bocal d'alcool caché derrière sa bibliothèque.
01:02:23 Après être passé de main en main, ce petit cœur momifié repose désormais,
01:02:28 depuis 2004, dans la nécropole royale de Saint-Denis.
01:02:32 C'est grâce à ce cœur que des analyses ADN ont pu être faites en 2000,
01:02:36 considérant qu'il s'agissait bien du cœur de Louis XVII.
01:02:40 C'est pour ça que je n'ai pas souhaité entrer dans toutes les polémiques
01:02:42 où l'on nous dit tantôt qu'il s'est évadé, tantôt qu'il a été remplacé par un autre enfant.
01:02:46 J'ai pas voulu entrer dans les discussions sans fin, au sujet des fameux faux dauphins non plus.
01:02:51 Pour moi, l'ADN a parlé, il faut arrêter.
01:02:54 Puis surtout, ce n'est pas faire honneur à sa mémoire que de se livrer à ça.
01:02:58 Oui, Louis XVII est mort au temple, une mort due à ses conditions de détention inhumaines et révoltantes.
01:03:04 Oui, c'est la République qui a assassiné cet enfant,
01:03:08 comme elle a assassiné son père, sa mère et bien d'autres.
01:03:11 Les histoires à dormir debout n'effaceront pas ce crime,
01:03:14 qui, je le répète, est pour moi l'un des plus abjects de la période révolutionnaire.
01:03:18 Allez, merci à vous, n'oubliez pas les pouces bleus, commentez, partagez,
01:03:22 soutenez TV Liberté, c'est important, soutenez la réinformation historique,
01:03:26 et vive Louis XVII !
01:03:28 (Générique)

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