[Validation législative de décisions de préemption prises dans les zones créées par les préfets au titre de la législation sur les périmètres sensibles]
Date de rendu de la décision : 24 novembre 2023
Date de rendu de la décision : 24 novembre 2023
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00:00 -Alors, nous allons passer, pour terminer cette audience, à tout à
00:04 fait autre chose, ce qui montre la variété des questions qui nous sont
00:09 posées. C'est la question prioritaire
00:13 numéro 2023/2071. Elle porte sur certaines
00:17 dispositions de l'article 233 de la loi 1104 du 22 août 2021, qui
00:24 porte "lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la
00:30 résilience face à ses effets". Donc, nous allons libérer les
00:36 personnes qui ne sont pas directement concernées par cette
00:40 affaire.
00:51 -Et madame la référé, vous allez nous retracer les étapes de la
00:55 procédure d'instruction. -Merci, monsieur le président.
00:58 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 26 septembre 2023 par une
01:01 décision du Conseil d'Etat d'une question prioritaire de
01:05 constitutionnalité posée par le groupe Manfonci agricole Jourdain
01:08 Pujibé, madame Sophie Pujibé et monsieur Vincent Pujibé, portant sur
01:12 la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du
01:16 début de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021, portant "lutte contre le
01:22 dérèglement climatique et renforcement de la résilience face
01:25 à ses effets". Cette question relative à la validation
01:28 législative de décision de préemption prise dans le cadre de
01:31 la législation sur les périmètres sensibles a été enregistrée au
01:34 secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n°2023-1071
01:39 QPC. Maître Camille Mialot et Thomas Poulard ont produit des
01:44 observations dans l'intérêt des parties requérantes le 11 octobre
01:47 2023. L'ASCP Gachingar-Loiseau-Massignon a produit des
01:51 observations dans l'intérêt de la commune de Sauvillant, partie en
01:54 instance le 25 octobre 2023. La première ministre a produit des
01:58 observations le 11 octobre 2023. Seront entendues aujourd'hui l'avocat
02:02 de la partie requérante, l'avocat de la partie en instance et le
02:04 représentant de la première ministre.
02:06 Merci, madame. Donc, maître Poulard, vous êtes avocat
02:09 par haut de pari, vous représentez les parties requérantes.
02:12 Nous vous écoutons pour 10 minutes au maximum.
02:15 Merci beaucoup.
02:16 Je vous remercie, monsieur le président.
02:18 Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Conseil
02:23 constitutionnel, vous l'évoquiez à l'instant, nous changeons
02:26 effectivement d'univers, mais je voudrais quand même m'attacher à
02:29 démontrer que la question qui est soulevée n'en est pas moins
02:31 fondamentale en ce qui concerne la portée des droits et libertés
02:34 garanties par notre Constitution et singulièrement en l'espèce par la
02:37 déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
02:39 Alors, quel est l'objet des dispositions dont vous avez à
02:42 connaître dans le cadre de cette instance ?
02:43 Il s'agit des dispositions de l'article 233 de la loi 2021-11-04
02:48 du 22 août 2021, qui indique que la loi climat et résilience.
02:51 Il s'agit de mesures de validation législative.
02:54 Vous le savez, ce sont les dispositions par lesquelles le
02:56 législateur intervient en cours d'instance pour changer la règle
03:00 du jeu, valider un acte ou une série d'actes, en l'occurrence des
03:05 décisions de préemption, et les soustraire dans cette mesure au
03:08 contrôle du juge, singulièrement en espèce, donc du juge
03:12 administratif.
03:13 Permettez-moi peut-être brièvement de vous rappeler l'instance en
03:16 cours et l'objet des dispositions dont vous avez à connaître.
03:20 Le contentieux prend racine dans une décision de préemption prise
03:24 par la Commune de Sauvion le 18 avril 2018.
03:27 Les conservateurs Pujibé et le GFA Pujibé souhaitaient se porter
03:30 acquéreurs d'un domaine viticole dans le Biterroi, dans le
03:33 département de l'Hérault.
03:34 Donc, cette session a été présentée par la Commune de
03:37 Sauvion au bénéfice du droit de préemption dans les espaces
03:39 naturels sensibles, droit qui est ouvert au département, mais qui
03:43 peut être exercé subsidiairement par le conservateur du littoral et
03:45 encore subsidiairement par les communes.
03:46 Pour comprendre l'objet des dispositions dont vous avez à
03:50 connaître, il nous faut remonter un petit peu dans le temps et plus
03:52 exactement aux lois de décentralisation et,
03:54 singulièrement, l'espèce, à la loi du 18 juillet 1985,
03:57 qui confie au département le soin de mettre en oeuvre une politique
04:03 de gestion d'ouverture au public et de conservation des espaces
04:06 naturels sensibles et qui, au fin de mise en oeuvre de cette
04:09 politique, permet au département de définir des zones de préemption
04:13 dans lesquelles ils peuvent exercer un droit de préemption.
04:15 Ces zones de préemption sont donc nécessaires pour la mise en oeuvre
04:18 d'une politique publique de protection des espaces
04:20 naturels sensibles.
04:21 À titre transitoire, cette loi du 18 juillet 1985 avait permis au
04:25 département de continuer d'exercer leur droit de préemption
04:28 dans les anciens périmètres sensibles qui, avant la
04:31 décentralisation de cette compétence, étaient définis par
04:34 les services de l'État et, plus précisément,
04:36 par les périmètres sensibles par arrêté préfectoral.
04:38 Ça se comprend très bien puisqu'il s'agissait pour les départements
04:41 de mettre en place une politique de préservation des espaces
04:43 naturels sensibles et délimiter de zones de préemption.
04:45 On pouvait comprendre qu'à titre transitoire, on leur permettait
04:47 de continuer d'exercer leur droit de préemption dans les anciens
04:50 périmètres sensibles.
04:51 Mais de l'eau a coulé sous les ponts et le second chapitre de
04:56 notre affaire nous emmène à l'ordonnance du 23 septembre
04:59 2015, l'ordonnance de recodification du livre premier
05:02 du Code de l'urbanisme.
05:03 On vous expliquera probablement, je pense, dans quelques minutes,
05:06 que cette ordonnance de codification est intervenue à droit constant
05:09 et n'avait pas vocation à changer l'état du droit tel qu'il était
05:12 codifié au livre premier du Code de l'urbanisme.
05:14 Cela n'est pas exact puisque cette loi d'habilitation permettait
05:19 aux auteurs de l'ordonnance de toiletter les dispositions du Code
05:21 de l'urbanisme à recodifier et notamment d'abroger les
05:24 dispositions jugées obsolètes.
05:27 Et c'est précisément ce qui a conduit les auteurs de l'ordonnance
05:29 à abroger les dispositions de l'article 142-12,
05:33 celles qui, depuis 30 ans, permettaient aux départements de
05:35 continuer d'exercer leur droit de péremption dans les
05:38 périmètres sensibles.
05:39 On pouvait espérer en effet que les départements,
05:41 se saisissant de cette compétence qui leur avait été confiée par le
05:44 législateur plus de 30 ans auparavant,
05:46 l'avaient pleinement exercée.
05:48 Abrogation de l'article 142-12 et ratification de cette ordonnance
05:53 par la loi 2016/1087 du 8 août 2016.
05:57 La conséquence de cette abrogation de l'article 142-12,
06:01 qui est extrêmement simple, c'est que depuis le 1er janvier 2016,
06:03 il n'était plus possible d'exercer le droit de préemption au titre
06:05 des espèces naturelles sensibles dans ses anciens périmètres
06:07 sensibles.
06:08 C'est ce qu'a confirmé sans grande surprise le Conseil d'État,
06:10 par un avis sur une question de droit renvoyé par le Tribunal
06:14 administratif de Montpellier, précisément dans notre affaire,
06:16 avis n° 439-801, qui concluait que depuis le 1er janvier 2016,
06:21 les décisions de préemption prises dans les anciens périmètres
06:23 sensibles non repris dans les zones de préemption délimitées
06:26 par les départements étaient nécessairement illégales pour
06:28 l'économie de connaissance du champ d'application de la loi.
06:31 Et c'est là, vous le comprenez, que le législateur intervient à
06:34 l'occasion de la loi Climat Résilience pour non seulement
06:37 rétablir la possibilité de préempter dans les anciens
06:40 périmètres sensibles, mais également pour valider
06:43 rétroactivement les décisions de préemption prises depuis le 1er
06:46 janvier 2016, en tant qu'elles seraient contestées sur ce motif.
06:48 Alors, vous le savez, depuis votre décision du 14
06:52 février 2014, numéro 2013-366, les conditions fixées par la
06:56 jurisprudence constitutionnelle pour que le législateur puisse
06:58 intervenir et valider rétroactivement les actes
07:01 administratifs, ces conditions sont convergentes avec celles qui
07:04 sont fixées par la jurisprudence de la Cour européenne des droits
07:07 de l'homme par rapport à l'article 6, paragraphe 1 de la CESDH.
07:10 Et parmi ces conditions cumulatives, une pose
07:14 difficulté en l'espèce, et c'est le cœur de cette affaire,
07:16 la mesure de validation législative doit être justifiée
07:19 par un motif impérieux d'intérêt général et non par un simple
07:23 motif d'intérêt général, par un motif impérieux
07:25 d'intérêt général.
07:26 Et si on veut prendre cette exigence constitutionnelle
07:29 pour se caler, et si l'on veut que cette jurisprudence ne soit
07:34 pas en décalage par rapport à celle de la Cour européenne
07:37 des droits de l'homme, il est important, encore une fois,
07:39 de prendre cette condition du motif impérieux pour se caler.
07:42 Alors, quels étaient les motifs du législateur à l'occasion
07:46 de l'adoption de la loi de climat et résilience ?
07:47 Quels étaient en tout cas les motifs allégués ?
07:49 Il était prétendu que ces dispositions devaient permettre
07:51 de faire face aux conséquences foncières et financières de
07:54 l'égalité affectant potentiellement des décisions de préemption
07:57 qui avaient permis ou qui auraient permis l'acquisition du foncier
08:00 nécessaire à la mise en oeuvre de la politique des espaces
08:02 naturels sensibles.
08:03 Alors, en réalité, les travaux parlementaires sont
08:05 extrêmement taiseux sur cette question.
08:07 Les seuls chiffres qui sont donnés dans l'étude d'impact
08:10 concernent le volume de préemption réalisé par le
08:13 conservateur du littoral, et on y apprend qu'entre 2016 et
08:15 2020, le conservatoire du littoral aurait préempté
08:18 290 hectares de foncier pour un coût d'acquisition
08:21 total de 4,5 millions d'euros.
08:24 On ne sait absolument pas quel est le volume d'acquisition qui a eu
08:26 lieu, à proprement parler, dans les périmètres sensibles.
08:30 Et d'emblée, cela doit nous interpeller, car si on réfléchit
08:35 à la configuration du contentieux sur ce droit particulier de
08:38 préemption, qui est le droit de préemption anti-espèces naturelles
08:39 sensibles, il faut avoir en tête d'abord qu'en pratique,
08:41 ces décisions de préemption sont extrêmement peu contestées,
08:43 et surtout que lorsqu'elles le sont,
08:44 et que le juge administratif conclut l'illégalité de la
08:49 décision de préemption et décide de l'annuler,
08:51 cela n'ouvre pas droit automatiquement à rétrocession
08:54 du foncier au vendeur ou à l'acquéreur évincé.
08:57 Cela ne remet donc pas en cause automatiquement l'acquisition
09:01 de ce foncier par l'autorité qui a exercé le droit de préemption.
09:04 Et ça, c'est extrêmement important.
09:07 Il y a donc une réserve d'intérêt général qui est faite par le
09:10 Conseil d'État. La jurisprudence est extrêmement
09:13 claire sur ce sujet. Il n'est donc pas très surprenant,
09:15 en réalité, qu'à la faveur d'une mesure d'instruction ordonnée
09:18 par le Conseil d'État, et dont le rapporteur public
09:19 s'est fait l'écho dans ses conclusions sous la décision
09:21 de renvoi, il n'est pas très étonnant,
09:23 pour reprendre la formule du rapporteur public,
09:25 que finalement les litiges concernées par cette mesure
09:28 de validation législative se compteraient sur les doigts
09:31 d'une main. Et il n'est pas très étonnant,
09:33 dans le fond, que les écritures du gouvernement,
09:35 de mon point de vue, le confirment,
09:37 le gouvernement considérant pour sa part que ces litiges
09:41 se comptent sur les doigts des deux mains,
09:42 puisqu'il est fait état de neuf décisions qui seraient concernées
09:46 par ces mesures de validation législative.
09:49 Il nous semble donc que pour prendre au pied de la lettre
09:51 cette condition du motif impérieux d'intérêt général,
09:54 et au regard du motif invoqué par le législateur,
09:56 à savoir les conséquences financières,
09:58 il n'est pas possible de considérer qu'en l'espèce,
09:59 un motif impérieux d'intérêt général justifiait
10:03 l'intervention du législateur.
10:05 Alors, on vous exposera probablement,
10:08 là encore, dans quelques minutes, comme ça a été fait
10:09 dans les écritures, que dans le fond,
10:11 le volume de contention, le volume de décisions
10:14 concernées ne serait...
10:16 Le législateur ne pouvait pas le savoir à la date où il a
10:19 élaboré ces dispositions.
10:21 C'est ce que l'on retrouve dans les observations,
10:22 notamment de la Covine de Sauvignon.
10:24 Cela ne me paraît pas très sérieux.
10:25 Il est notamment habituel, en contentieux administratif,
10:28 tout en se plaçant à la date de la décision prise,
10:31 pour en apprécier la légalité, de prendre en considération
10:33 des éléments de fait qui peuvent être postérieurs,
10:35 mais qui éclairent la situation de fait à la date de la décision.
10:38 En l'occurrence, la logique est tout à fait la même,
10:40 même si le volume de contentieux,
10:42 dont il apparaît qu'il est effectivement extrêmement réduit,
10:47 ces statistiques sont postérieurs à la mesure de validation
10:49 législative, on doit évidemment les prendre en considération pour
10:52 apprécier la constitutionnalité de cette mesure de validation législative.
10:58 Je voudrais rajouter une deuxième série de considérations,
11:02 et j'en arriverai au bout, Monsieur le Président.
11:05 La deuxième série de considérations vous expliquera
11:07 probablement aussi qu'il s'agit, à travers cette mesure de
11:10 validation législative, de rattraper une malfaçon
11:13 législative, une erreur du législateur.
11:16 J'insiste et j'ai exposé d'entrée de jeu l'abrogation de l'article
11:18 142-12, elle était permise par la loi d'habilitation,
11:22 elle a été délibérée par les auteurs de l'ordonnance,
11:24 elle a été ratifiée par le législateur,
11:25 et il paraît un peu facile de revenir sur ce point-là.
11:31 Une dernière phrase, Monsieur le Président,
11:32 les gens n'auraient fini.
11:33 Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du
11:36 Conseil constitutionnel, vous pourriez être tenté d'absoudre
11:38 le législateur en considérant qu'après tout,
11:40 ces mesures de validation législative vont dans le sens de
11:42 la protection de l'environnement.
11:45 Je crois en réalité qu'au vu des décisions qui sont concernées,
11:48 au vu des éléments qui sont dans le dossier,
11:49 en réalité, vous ne parviendrez pas à protéger
11:53 l'environnement et je crois que vous prendriez un risque au regard
11:55 de cette exigence d'un motif impériel de l'intérêt général.
11:58 Pour le surplus, je m'en rapporte.
11:59 Merci, Maître.
12:02 Maître Gachiniard, vous êtes avocat au Conseil,
12:06 vous représentez la commune de Sauvion,
12:07 parti à l'instant.
12:08 Nous vous écoutons.
12:10 Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les
12:13 membres du Conseil, je suis effectivement obligé de faire un
12:14 très bref rappel de l'historique de cette affaire qui,
12:18 certes, intéresse la constitutionnalité,
12:20 présente des questions d'intérêt général,
12:21 mais quand même un intérêt infiniment moindre que celle que
12:24 nous avons examinée précédemment.
12:26 Cette affaire se résume à un couac.
12:29 On vous l'a expliqué, dans les années 50-60,
12:34 on avait créé des périmètres sensibles qui étaient créés par
12:37 les préfets, ça a été étendu dans tous les départements,
12:39 toujours à l'initiative des préfets.
12:41 Une loi de 1985 a souhaité rebaptiser ces périmètres sensibles
12:46 "espace naturel sensible".
12:47 Évidemment, il s'agissait d'assurer la jointure,
12:50 donc on a dit que les pouvoirs qui s'exercent dans les nouveaux
12:53 espaces naturels sensibles continuent à s'exercer dans les
12:56 périmètres sensibles anciens.
12:57 Cette fois-ci, c'est juste le président du Conseil
12:58 général à la place du préfet.
13:00 Voilà.
13:01 Et donc, c'était un article 442.12 qui faisait cette coordination,
13:04 qui disait que l'article 441.11 et plus s'applique également dans
13:08 les périmètres sensibles.
13:09 On a voulu recodifier.
13:11 On a confié cette recodification à des fonctionnaires certainement
13:14 très brillants et qui ont cru que cette disposition de coordination
13:18 était obsolète.
13:19 Et donc, ils ont cru que vous pouvez l'abroger tranquillement
13:22 sans y faire attention.
13:23 Pas plus que ça.
13:23 Ils ne voulaient pas.
13:24 Personne n'avait voulu changer quoi que ce soit.
13:26 On s'est rendu compte très vite qu'il y avait une trentaine de
13:28 départements qui avaient en fait reposé sur les anciens périmètres
13:30 sensibles.
13:31 Et si je peux m'exprimer ainsi dans cette cour,
13:33 j'ai quand même le sentiment que les auteurs de l'ordonnance
13:37 n'ont pas été eux très doués.
13:41 Donc, un couac.
13:42 Un couac reconnu par tout le monde.
13:43 Un couac sur lequel se sont engouffrées ces requérancies.
13:48 Quelques autres avec eux qui ont dit "Ah mais finalement,
13:50 attention à une décision qui a été prise par la commune de Sauvion
13:52 sur le fondement d'un ancien périmètre sensible.
13:54 Vous ne pouviez pas, vous ne pouviez pas, c'était abrogé,
13:55 c'était abrogé".
13:56 Mais abrogé alors que personne ne l'avait voulu.
13:57 Nous sommes donc dans une question d'effet Taubaine.
14:00 Et c'est important de noter cette considération qui est importante
14:04 de l'effet Taubaine pour le justiciable.
14:05 C'est-à-dire qu'il profite d'une abrogation.
14:07 Qui n'était pas voulu.
14:08 Cet effet Taubaine, d'ailleurs, il était parfaitement reconnu
14:12 par le Conseil d'État dans son avis qui a précédé à la loi de validation.
14:16 Il l'a dit extrêmement clairement que ce n'était pas voulu,
14:22 que ça ne pouvait produire que des effets délétères.
14:26 Une loi de validation, vous le savez, vous connaissez bien,
14:30 c'est une loi qui est très très très très très très très très
14:33 Une loi de validation, vous le savez, je ne vais pas vous rappeler votre jurisprudence,
14:38 qui est effectivement calquée sur celle de la Cour européenne de Droit de l'Homme.
14:41 Il vous faut un motif impérieux d'intérêt général.
14:43 C'est la règle générale.
14:45 Ce qui amenait à se poser deux questions.
14:48 A quelle date on doit apprécier ces motifs ?
14:51 C'est quand même dans l'esprit du législateur que je me place.
14:54 Que voulait le législateur ?
14:56 Avait-il un motif sérieux, un motif d'intérêt général
14:58 qui lui permettait ou non de prendre une loi de validation ?
15:01 Premier point, à quelle date on l'apprécie ?
15:04 À la date à laquelle la loi est votée et pas parce que trois ans après, on le sait.
15:08 Je fais juste observer ceci.
15:10 Le Conseil d'État, en 2022, nous dit, c'est vraiment important.
15:16 Je me trompe, excusez-moi, en 2000,
15:21 c'est pas grave, au moment de l'adoption de la loi,
15:25 il nous dit effectivement que c'est un couac.
15:28 Il y a beaucoup de décisions de préemption qui risquent d'être fragilisées.
15:31 Je reviendrai après, pas seulement des décisions de préemption,
15:34 mais des mesures de protection de ces périmètres sensibles.
15:36 Il y a urgence à valider toutes les décisions qui ont pu être prises jusque-là
15:39 pour éviter qu'on profite d'un effet d'aubaine.
15:42 Pourquoi le Conseil d'État change d'avis deux ans après ?
15:45 Il dit, on a fait des études statistiques, on a creusé, on a interrogé,
15:49 à gauche, à droite, on a fait des mesures d'instruction.
15:52 Et puis, on nous a dit, le Conservatoire du littoral,
15:54 finalement, il n'a pris que 105 décisions dans ces périmètres-là.
15:57 J'insiste bien, dans son rapport, c'est bien 106 décisions
16:00 dans ces ex-périmètres sensibles.
16:03 Et puis, finalement, au jour d'aujourd'hui, il n'y en a que 9
16:05 qui ne sont pas définitives, qui sont encore contestées.
16:07 Donc, c'est peut-être pas tant que ça.
16:08 Quand on y réfléchit, on a peut-être eu plus de peur que de mal.
16:11 Et voilà où on en est.
16:13 Parce que, maintenant, nous savons, en 2023, qu'il y aurait,
16:15 je dis bien, à conditionnelle, peu de décisions, pas trop.
16:18 D'ailleurs, je ne sais pas lesquelles, je ne sais pas de quelle importance.
16:21 On a assez peu d'indications.
16:22 Je ne connais que les décisions du Conservatoire du littoral,
16:24 qui sont prises dans 18 départements au total en France.
16:27 Donc, une petite fraction des départements concernés.
16:29 Je ne connais pas les décisions prises par les départements.
16:31 Je ne connais pas les décisions prises par les communes,
16:33 par délégation des départements.
16:36 Grâce à Dieu, il n'y a pas de statisticien, d'ailleurs,
16:38 toute activité humaine dans ce pays.
16:40 Je ne sais pas ce qu'il y a derrière comme décision contestée,
16:42 susceptible d'être contestée, susceptible d'être mise en cause.
16:45 Et la question que se posait le législateur, c'est,
16:47 est-ce qu'on ne prend pas un risque de fragiliser toutes ces décisions
16:50 qui avaient été prises, qui étaient justifiées,
16:52 qui avaient un fondement légal parfaitement certain,
16:55 et uniquement pour permettre à ses requérants
16:58 de se profiter de ce qui n'est qu'un effet d'aubaine ?
17:01 Je crois qu'on doit se mettre à la place du législateur
17:04 au moment où il a adopté la loi,
17:06 et pas deux, trois, quatre ou cinq ans après,
17:08 parce qu'on a des statistiques plus ou moins fines,
17:10 plus ou moins précises, plus ou moins exactes.
17:12 Imaginez que nos statistiques soient inexactes,
17:14 que je m'aperçois que, mon Dieu, j'avais oublié,
17:16 on avait préempté la moitié de la baie du Mont-Saint-Michel
17:18 sur le fondement de cette décision, on aurait l'air malin.
17:19 Donc on fait du droit, on ne fait pas de la statistique.
17:21 Est-ce qu'il y avait un motif susceptible d'intérêt général suffisant
17:24 pour justifier qu'on valide les décisions qui avaient été prises
17:28 et qui devenaient illégales, encore une fois,
17:30 à la faveur d'un simple couac ?
17:33 Deuxième observation, donc la date à laquelle on apprécie ces motifs,
17:37 et deuxièmement, la pertinence de ces motifs.
17:40 Alors, on vous a dit "motif impérieux d'intérêt général",
17:42 et effectivement, on fait référence à la jurisprudence
17:44 de la Cour européenne du droit de l'homme.
17:45 Sauf qu'en réalité, quand vous y réfléchissez,
17:46 vous vous apercevez, et vous êtes bien obligés d'en apercevoir,
17:48 que ce n'est pas la même chose de valider rétroactivement
17:51 des actes administratifs qui étaient illégaux,
17:53 dont on savait qu'ils étaient illégaux,
17:55 mais on les a pris parce que là-bas, comme je te pousse,
17:57 on a voulu forcer le passage,
17:59 ou bien parce que la loi, on l'avait voulu comme ça,
18:03 mais finalement, elle a des inconvénients,
18:05 alors on est embêté, on a plein de décisions qu'on voudrait valider.
18:07 Bon, c'est un peu gênant.
18:08 On vient déjouer les attentes légitimes de justiciables,
18:11 de citoyens qui s'appuyaient sur la loi.
18:13 Ce n'est pas la même chose que lorsqu'il s'agit de réparer,
18:17 encore une fois, un véritable effet d'aubaine, un petit couic.
18:20 Et justement, cette jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme,
18:23 lorsqu'elle accepte des validations,
18:26 c'est souvent justement pour réparer ce qu'on peut appeler des effets d'aubaine.
18:30 Elle a commencé avec cette décision Provincial Building de 1977,
18:34 qui nous parlait effectivement d'un motif impérieux d'intérêt général
18:37 consistant à corriger une malfaction législative.
18:40 Puis ce motif impérieux d'intérêt général,
18:43 on ne le voit pas forcément dans toutes les décisions.
18:45 Par exemple, je vous ai cité une décision qui intéresse,
18:49 c'est en Flamand, ça s'appelle EEG/TWIS et compagnie contre Belgique,
18:54 une décision de 2005.
18:56 La Cour européenne des droits de l'homme,
18:58 du but de législateur, avait un motif légitime
19:01 pour valider rétroactivement la loi.
19:03 Et puis vous regardez concrètement les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme,
19:06 et vous vous dites finalement, alors là on est en train de m'expliquer,
19:09 vous comprenez, il n'y a que 9 décisions, ce n'est pas beaucoup,
19:12 c'est trop petit.
19:14 Il n'y en a pas parce qu'il n'y en a que 9,
19:15 il n'y en a que 9 pour le conservatoire du littoral,
19:17 il y en a peut-être 25, il y en a peut-être 30, il y en a peut-être 45.
19:19 Il y a également les actions responsabilités susceptibles d'être engagées.
19:22 Je sais que sur la période considérée,
19:24 le conservatoire du littoral a préempté 106 décisions de préemption
19:28 qui pourraient être inégales puisque c'était des périmètres sensibles.
19:30 Si j'y ajoute les décisions des départements des communes,
19:32 il y en a peut-être 3, 400, 500 qui sont susceptibles de donner lieu à des contentions récurrentes.
19:36 Encore une fois, sur un pur effet d'aubaine.
19:38 Revenons donc à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.
19:40 Provincial building, on nous parle de 4 instances qui étaient en cours.
19:44 Alors certes, ça intéressait des assureurs, il y avait peut-être des enjeux financiers relativement importants.
19:48 Dans l'affaire Slash Twift contre Belgique,
19:51 on nous parle également de très très peu d'instances, je n'ai pas noté.
19:56 Il y a une affaire Hôpital de Léron contre France,
20:00 5 novembre 2008, où il s'agissait de valider des cotisations sociales
20:05 acquittées par des salariés dans des EHPAD, dans certains EHPAD.
20:09 Et la Cour européenne nous dit que cette affaire a donné lieu à quelques instances.
20:13 Elle n'exige pas des tombeaux d'instances, un sinistre généralisé, une catastrophe absolue.
20:18 Il faut qu'il y ait un motif d'intérêt général suffisant, sérieux, légitime, valable.
20:22 Et finalement, votre jurisprudence, elle est dans le même cadre.
20:26 Lorsque vous avez validé des lois sur le versement de transport,
20:32 c'était parce qu'il y avait également eu un petit couac,
20:36 on avait permis aux communes, aux communautés de communes,
20:39 aux établissements de coopération intercommunale, etc.
20:41 de continuer à percevoir le versement de transport.
20:43 On avait oublié qu'il y avait encore 7 ou 8 syndicats de communes
20:47 qui opéraient comme opérateurs de transport, pas 50.
20:50 On a validé pour qu'ils puissent continuer à percevoir ce versement de transport,
20:53 parce que c'était la volonté initiale du législateur.
20:55 Dans l'affaire de la TASCOM, où le législateur malheureusement avait dit
20:58 que les communes reverseraient à l'Etat une participation en 2011,
21:02 alors qu'on voulait dire à compter du 1er janvier 2011,
21:04 puisque c'était par compensation d'une charge qu'on leur éliminait.
21:06 Je ne crois pas que les finances de l'Etat auraient été effondrées
21:10 si pendant 3 ou 4 ans, il n'avait pas reçu des communes
21:12 la participation au titre de la TASCOM.
21:14 Et puis l'exemple le plus fort, finalement, quand j'y pense,
21:16 il est tout récent, c'est pour ça que je n'ai même pas la peine de vous le rappeler.
21:19 Il y a quelques mois seulement, dans votre décision du 20 juillet 2023,
21:22 qu'est-ce qu'il s'agissait de valider ?
21:24 Une et une seule décision.
21:25 Un projet autoroutier et un plus de la communauté de communes du Bachablet,
21:29 parce qu'on avait oublié de rendre compatible avec le projet de DUP
21:34 qui était connu de tout le monde, etc.
21:36 Voilà, ce n'était pas le contentieux du siècle.
21:38 En plus, on aurait pu tout simplement proroger la DUP,
21:41 reporter d'un an ou deux, etc.
21:43 Donc, simplement, je pense que vous avez bien perçu que lorsque ça procède
21:45 d'un quoid, d'une erreur, d'une malfaçon, de bien,
21:48 il n'y a vraiment pas de drame à venir valider
21:51 pour remettre les choses dans leur chemin
21:54 et éviter que des requérants profitent, encore une fois,
21:57 j'assiste bien à cela, d'un effet d'aubaine.
22:00 Je voudrais dire un dernier mot, c'est qu'il ne s'agit pas seulement des QPC,
22:03 mais il s'agit bien de toutes les mesures de protection.
22:05 Puis l'article L142.12 nous disait que les mesures de protection
22:11 prises en application de l'article L142.3 dans la rédaction antérieure
22:14 continuent de produire un effet.
22:16 Si on considère que ça a été abrogé, ça veut dire que pendant une période de 5 ou 6 ans,
22:19 tous les classements dans tous les espaces sensibles,
22:21 sous ces périmètres sensibles, qui, grosso modo, classaient des espaces naturels
22:24 en espaces boisés classés, qui permettaient des interdictions de construire extra,
22:27 tout ça était illégal pendant 5 ans, je ne sais pas quelles conséquences en tirer,
22:30 mais c'est tout cela qu'il faut valider, tout cela qu'il faut corriger.
22:33 Et le faire, non seulement dans l'intérêt général,
22:38 pour un vrai motif d'intérêt général, pour éviter des bugs,
22:43 des condamnations inutiles, opportunistes,
22:46 et finalement, en vous mettant dans le sillage d'Alfons Car,
22:49 parce que vous le savez avec lui, c'est de malheurs évitées que le bonheur se compose,
22:53 et voilà pourquoi vous déclarer ces dispositions conformes à la Constitution.
22:56 Merci, monsieur Ganguilhem, pour la Première Ministre.
23:00 Merci, monsieur le Président, mesdames et messieurs les membres du Conseil Constitutionnel.
23:05 Les périmètres sensibles ont été créés par un décret du 26 juin 1959
23:10 qui permettait au département d'appliquer, au sein de ces périmètres,
23:12 des dispositions particulières tendant à la préservation de l'environnement
23:15 et d'y exercer un droit de préemption.
23:17 Ces périmètres sensibles, cela vous a été dit, ont été supprimés
23:21 par la loi du 18 juillet 1985 qui y a substitué les espaces naturels sensibles.
23:26 Mais cette substitution n'a été opérée que pour l'avenir,
23:30 et le dernier alinéa de l'article L142-12 du Code de l'urbanisme
23:35 prévoyait alors que les actes et conventions conclues avant l'entrée en vigueur de la loi
23:39 le 1er juin 1987 demeuraient valables.
23:42 Autrement dit, en application de cette disposition,
23:45 les périmètres sensibles existant à cette date étaient maintenus
23:49 et le droit de préemption pouvait continuer à s'y exercer.
23:53 Mais à l'occasion de la recodification du Code de l'urbanisme
23:56 par l'ordonnance du 23 septembre 2015, cet article L142-12
24:01 qui effectivement assurait l'articulation entre les deux régimes
24:06 a été abrogé sans que les dispositions n'en aient été reprises.
24:10 Et ainsi que l'a effectivement dit le Conseil d'Etat, dans son avis,
24:15 G.A. Jourdin-Pugibé du 29 juillet 2020, en conséquence de cette abrogation,
24:19 le droit de préemption prévu aux articles L215-1 et suivant du Code de l'urbanisme
24:23 n'était plus applicable dans les zones de préemption créées
24:27 antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 18 juillet 1985,
24:31 sauf si bien sûr ces zones initialement comprises dans le périmètre sensible
24:36 avaient été reprises et incluses par les départements dans les zones de préemption
24:40 déterminées au titre des espaces naturels sensibles.
24:43 Il a été remédié à cette suppression par l'article 233 de la loi du 22 août 2021.
24:50 Le grand un de cet article, qui n'est pas l'objet de la présente question,
24:55 réintroduit un article L215-4-1 du Code du l'urbanisme
24:59 permettant le maintien du droit de préemption dans les anciens périmètres sensibles
25:03 antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi du 18 juillet 1985.
25:07 Le grand deux de cet article, qui est l'objet de la présente question,
25:11 valide les décisions de préemption au titre des périmètres naturels sensibles
25:16 prises depuis le 1er janvier 2016,
25:18 en tant qu'elles seraient contestées pour méconnaissance du champ d'application de la loi.
25:22 Vous êtes donc invité par cette question prioritaire de constitutionnalité
25:25 à exercer le contrôle que vous opérez habituellement sur les lois de validation
25:29 au regard de l'article 16 de la déclaration de 1789.
25:32 Très rapidement, il résulte de votre jurisprudence que 5 conditions cumulatives
25:38 sont nécessaires pour qu'une loi de validation soit conforme à ces exigences de l'article 16.
25:43 Cette loi doit respecter les décisions de justice ayant force de choses jugées,
25:47 ce que le législateur en l'espèce prend le soin de préciser.
25:50 Le principe de non rétroactivité des peines et des sanctions doit être respecté,
25:53 condition qui est ici sans objet.
25:55 L'acte validé ne doit méconnaître aucune règle ou principe de valeur constitutionnelle.
26:00 En l'espèce, l'illégalité des actes de préemption validés tient alors défaut de base légale
26:04 et non à leur inconstitutionnalité. Cette condition ne pose donc pas de difficulté.
26:08 Quatrième condition, la portée de la validation doit être strictement définie,
26:12 ce que le législateur ici a également pris le soin de faire en précisant le moyen d'illégalité visée
26:16 ainsi que le champ temporel des actes validés.
26:19 Enfin, et c'est le cœur du sujet, cette validation doit être justifiée
26:23 par un motif impérieux d'intérêt général, seule condition qui est discutée ici.
26:28 Vous avez pu considérer comme constitutif d'un motif impérieux d'intérêt général
26:32 un certain nombre de considérations, le fait par exemple de prévenir une rupture d'égalité devant les charges publiques,
26:37 la poursuite de l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre l'évasion et la fraude fiscale
26:41 ou encore le fait d'éviter une perte de ressources.
26:44 Vous jugez également que la validation législative qui vise à corriger une malfaçon législative
26:50 contraire à l'intention du législateur est justifiée par un impérieux motif d'intérêt général.
26:56 Vous voyez votre décision 644 QPC, Communauté de communes du pays roussillonnais, paragraphes 5 et 6.
27:02 Le motif impérieux d'intérêt général est donc constitué lorsqu'il ne s'agit pour le législateur
27:07 que d'assurer le respect de sa volonté initiale.
27:11 Et en l'espèce, l'abrogation de l'article L140-2-12 du Code de l'urbanisme,
27:16 contrairement à ce qui est soutenu et ce qui vous a été dit dans les observations orales,
27:20 constitue bien une malfaçon que la loi de validation est venue corriger
27:25 dans le respect de la volonté initiale des rédacteurs de l'ordonnance du 23 septembre 2015.
27:31 En effet, la recodification était autorisée à droit constant sous réserve d'un projet de la disposition devenu sans objet.
27:39 Mais l'article L142-12 du Code de l'urbanisme n'était pas du tout devenu sans objet et n'avait absolument pas perdu son utilité.
27:46 Il constituait en effet toujours la base légale d'arrêter de création de zones de préhension encore en vigueur
27:54 et qui n'avaient pas été intégrées dans les zones instituées par le département au titre des espaces naturels sensibles.
28:00 Contrairement également à ce que soutiennent les requérants,
28:04 le guide publié par la direction de l'Habitat, l'urbanisme et des paysages lors de la publication de cette ordonnance
28:09 ne contredit absolument pas, il est pris, appuie sur ce guide pour, soit disant,
28:16 démontrer que le législateur avait bien voulu expressément supprimer cet article L142-12,
28:22 il ne ressort absolument pas une telle volonté de la lecture de ce guide.
28:27 Le Conseil d'État, d'ailleurs, dans son avis du 4 février 2021 sur le projet de loi
28:31 portant lutte contre le dérèglement climatique et ses effets, relève, nous citons,
28:36 "les effets de la brogation prononcée par l'ordonnance de 2015 ne répondent pas à la volonté de ces auteurs".
28:41 On ne saurait être plus clair.
28:43 La validation législative a donc bien pour objet de remettre l'état du droit en cohérence avec l'intention de ces auteurs
28:50 en rétablissant le droit de préemption, en tout cas en rétablissant la base légale du droit de préemption
28:55 qui avait été supprimée par erreur dans les anciens périmètres sensibles.
28:59 Cette considération de la rectification d'une malfaçon législative suffit à elle seule
29:04 à caractériser l'impérieux motif d'intérêt général.
29:08 Mais cette validation législative permet également de remédier à des difficultés foncières et financières
29:16 et il résulte de votre jurisprudence que, combiné à d'autres motifs, en l'espèce la correction d'une malfaçon législative,
29:22 le motif financier caractérise une raison impérieuse d'intérêt général.
29:26 Voyez votre décision 366 QPC précitée considérant numéro 3.
29:32 L'exposé des motifs de la loi qui a déjà été évoqué devant vous souligne ainsi que de nombreuses opérations
29:39 pour plusieurs millions d'euros ont été menées sur cette base légale devenue inexistante.
29:44 La mesure de validation permet donc de donner un fondement légal à plus d'avantages qu'un très petit nombre de décisions de préemption,
29:51 comme le retenait l'arrêt de renvoi.
29:53 Ce risque contentieux substantiel fragilise la politique de protection de l'environnement mise en oeuvre par les départements.
30:01 Le Conseil d'État l'avait d'ailleurs relevé dans son avis précité sur le projet de loi de 2021.
30:07 Rappelons de nouveau, la brogation fragilisait de manière parfois importante les politiques de préservation de la biodiversité menées par les départements.
30:14 La lutte pour la protection de la biodiversité constitue un motif impérieux d'intérêt général
30:19 et le Conseil d'État estime en conséquence que ces dispositions de validation répondent aux exigences tant constitutionnelles que conventionnelles.
30:25 Les dispositions contestées sont ainsi justifiées par plusieurs motifs impérieux d'intérêt général
30:32 et permettent avant tout de corriger une malfaçon législative ayant conduit à méconnaître l'intention réelle du législateur.
30:40 Enfin, et en un mot, vous pourrez écarter les deux autres griefs de la question comme étant inopérants,
30:47 s'il est soutenu que la mesure de validation législative aurait pour effet de priver le rétrocessionnaire de son droit de propriété sur le bien rétrocéder.
30:55 Le droit de préemption n'implique pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de la déclaration de 1789,
31:04 mais uniquement une limitation du droit de propriété en ce qu'il supprime le droit du propriétaire de choisir librement son acquéreur.
31:12 Aucun transfert forcé de propriété n'est opéré par les dispositions de la loi en cause,
31:18 et ont pour seul effet de valider des acquisitions résultant de l'exercice du droit de préemption exercé dans le cadre d'une vente
31:25 et de faire ainsi obstacle à la rétrocession du bien à l'acquéreur évincé.
31:28 Le grief tiré de la méconnaissance des exigences de l'article 17 est donc inopérant, et est également inopérant.
31:33 Le grief tiré de l'atteinte au principe de la liberté contractuelle des dispositions contestées,
31:37 ayant encore une fois pour ce sujet de valider des décisions administratives,
31:41 et ne porte par elle-même aucune atteinte aux conventions légalement formées, aucune exigence consécutive n'ayant été méconnue.
31:46 Je vous invite ainsi à déclarer les dispositions du grand 2 de l'article 233 de la loi du 22 août 2021, conforme à la constitution.
31:53 Merci, M. Kanguya. Alors, est-ce qu'il y a des questions ?
31:57 Oui, M. le conseiller Mézard.
31:59 Ça marche. On va faire 100. Ça marche. Oui, simplement deux questions à M. Kanguya.
32:09 La première, quand même, parce que par rapport à l'intérêt général, il est intéressant de savoir si ça a des conséquences concrètes sur le terrain.
32:17 On nous a dit qu'il y avait... qu'elle est contentieuse de compter sur les doigts d'une main, voire deux mains.
32:23 J'ai lu dans le dossier 8 ou 9 dossiers. Mais depuis l'avis du Conseil d'État de juillet 2020,
32:31 est-ce qu'il y a eu de nouveaux recours ou une multiplication des recours ? C'est ma première question.
32:36 La deuxième question, c'est que dans tous les cas de figure, est-ce qu'il n'est pas possible au juge administratif de...
32:47 Est-ce que le juge administratif est obligatoirement tenu de procéder à la rétrocession ?
32:53 Est-ce qu'il ne peut pas s'y opposer en cas d'atteinte excessive à l'intérêt général ?
32:58 Ce qui, quand même, a aussi un intérêt par rapport à ce type de dossier,
33:03 parce que le Conservatoire du littoral parle autour de 300 hectares sur l'ensemble du littoral.
33:10 Là aussi, si j'ai bien compris le dossier.
33:14 Merci, M. Gossier. M. Canguilhem.
33:18 Alors, sur la réponse à la première question, effectivement, le chiffre qui vous a été donné,
33:27 enfin, qui ressortait du dossier de neuf correspond à ce qui relève du Conservatoire du littoral.
33:34 Dans la préparation de la question, et même des observations écrites,
33:39 la recherche avait été menée d'essayer de déterminer s'il y avait d'autres recours en cours.
33:46 Il n'a pas été possible de le déterminer, ce qui ne veut pas dire qu'il n'existe pas.
33:50 En tout cas, la recherche menée a été infructueuse.
33:53 Mais je me permets d'insister sur ce point que le motif impériaux d'intérêt général essentiel
33:58 est relatif à la question de la correction de la malfaçon.
34:02 Sur votre question sur la réserve d'intérêt général, elle existe, effectivement.
34:08 Mais là, je m'en remets aux conclusions du rapporteur public Vincent Villette, au Conseil d'État,
34:13 sous un arrêt du 28 septembre 2020, qui, à mon sens, est le seul dans lequel il a été fait,
34:19 application de cette réserve d'intérêt général, et dans lequel le rapporteur public relève
34:25 que le juge administratif fait un usage très parcimonieux de cette réserve d'intérêt général.
34:30 Maitre, vous voulez dire quelque chose, rapidement ?
34:33 Juste deux observations. Ce n'est pas parce qu'on sait qu'il y a neuf décisions qui concernent le conservatoire littoral
34:37 qu'on sait quoi que ce soit des décisions prises par les communes et les départements.
34:40 Première observation. Deuxième observation.
34:43 Pour le conservatoire littoral, c'est 106 décisions qui ont été prises au cours de la période concernée.
34:47 Ça veut dire par extrapolation, 300, 400, 500, tout compris.
34:51 106 dans les périmètres sensibles. Dans tous les cas, j'ai des gens qui vont connaître votre décision,
34:56 le cas échéant, qui vont dire "Moi, je vais faire un recours indemnitaire, je vais me plaindre
35:00 parce qu'on m'a préhanté sur des conditions illégales". Ils ne sont pas fort clos.
35:04 Ce n'est pas une question de décision définitive. Ils ont l'auraie de prescription quadriennale pour agir.
35:09 Donc il y a un vrai intérêt à ne pas ressusciter toutes ces contentions, encore une fois, artificielles.
35:13 Et je suis encore le surprenant du gouvernement. Le vrai motif impérial de l'intérêt général,
35:17 c'est de restaurer la volonté des auteurs de la loi sans aucunement chercher à tricher.
35:24 Ce n'était pas ça le but du jeu.
35:26 Merci, Maître. Autre question ? Il n'y en a pas.
35:29 Donc, sur cette question qui est plus technique que la précédente,
35:34 mais ça c'est la variété des questions qui nous sont soumises,
35:37 nous allons également délibérer et j'apporterai notre décision dans 9 jours, le 24 novembre, à Douai.
35:46 Merci à tous et à toutes. L'audience est levée.
35:50 (...)
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